Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Déflation - Chronique de Pierre Ivorra

Le mot commence à prendre place dans les colonnes des journaux, la déflation, c’est comme le précise l’INSEE, une inflation  négative, cela désigne une évolution à la baisse du prix moyen des biens et des services, sur plusieurs mois. Des économistes,  des prix Nobel notamment – en économie ils sont presque tous Américains, allez savoir pourquoi ! – confrontent leurs opinions sur le sujet. J. Stiglitz, couronné en 2001, n’exclut pas que, parallèlement au recul de l’activité, l’on passe à une «situation de déflation », tandis que le lauréat de 1987, R. Solow, considère  qu’« il existe la possibilité d’une récession plus longue et plus dure que toutes celles que nous avons connues depuis la fin de la seconde guerre mondiale... »  mais « doute qu’il existe un risque majeur de déflation ».

Plusieurs indicateurs expliquent ce partage des opinions. Aux États-Unis, les prix à la production ont subi le plus important recul depuis 1947. En Chine, on constate un ralentissement des prix à la consommation : avec le tassement des exportations, les entreprises se tournent vers le marché intérieur, ce qui tire les prix vers le bas. En France, le prix des matières premières continue de baisser, de 26 % pour le pétrole en novembre, de 8,5 % pour les autres matières. Partout l’immobilier chute. Pour autant, il n’y a pas pour l’instant de mouvement général de baisse des prix.

La mécanique à l’œuvre est assez simple. Le renversement de la conjoncture, stimulé par la crise du crédit, affecte le commerce international,  réduit la demande de matières premières et de produits dont les prix baissent. Les pays producteurs, touchés à leur tour par ces reculs, sont tentés de réduire leurs importations et de diminuer leurs prix pour soutenir leur offre. Une spirale à la baisse risque de s’autoalimenter. Pour certains pays émergents cela a de graves conséquences, placés dans l’incapacité d’équilibrer leurs relations financières avec le reste du monde, ils sont la proie de désordres monétaires et soumis par le FMI à de nouvelles restrictions.

À cela il faut ajouter le repli de la spéculation. Les fonds qui ont fait de l’argent sur le pétrole, le blé ou le nickel, organisant une envolée des prix, se sont retirés en catastrophe, provoquant un effondrement des cours. C’est ainsi que le baril de pétrole qui cotait 150 dollars  en juillet dernier flirte aujourd’hui  avec les 50 dollars. Il y a eu une semblable conjonction de la baisse des prix et de l’activité lors de la crise de 1929. Entre  1929 et 1933, les prix aux États-Unis diminuent en moyenne de 27 %, la production dans le bâtiment, les secteurs des biens d’équipement  se contracte respectivement de 85, 50 et 75 % ! Certes, en 1934, il y a des soubresauts, mais l’activité à nouveau retombe.

Comment  chasser  ces spectres  ? Nombre  de spécialistes sont aujourd’hui convertis aux vertus de l’action publique et réclament une « action intelligente de l’État comme régulateur de marchés imparfaits »(1). Certains, traditionnellement  positionnés plus à gauche, constatent que dans la situation actuelle « seuls les États peuvent dépenser » et prônent « une augmentation coordonnée des dépenses budgétaires », afin que « la dette publique remplace la dette privée »(2). Mais les uns et les autres refusent d’aborder une question essentielle : quelle doit être le but de l’action de la collectivité et de cet endettement public,  à quoi cela doit-il servir, selon quels critères  ? S’agit-il de « durcir » les règles mais pour continuer à faire la même chose, ou de changer les règles du système et sa finalité ? On peut par ailleurs difficilement se désintéresser de l’argent des banques et de celui des entreprises.

---------

(1) Robert Solow, « Les Echos », 26 novembre 2008.

(2) Michel Aglietta, « La crise. Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? ». Michalon.

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.