Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Retraites en Europe, pistes pour des convergences de luttes

Points d’appui pour des mobilisations en Europe, en avançant des propositions alternatives pour promouvoir les retraites par répartition, contre la montée organisée de la capitalisa- tion qui ruine les retraités comme les économies européennes.

Les débats sur l’avenir  des retraites, en particulier sur la viabilité des systèmes de pensions et les réformes à accomplir, foisonnent en Europe. C’est ainsi notamment que le Comité de politique économique  (CPE) s’est livré à un certain nombre de simulations qui veulent démontrer le caractère « irréversible » du vieillissement démographique et son impact sur les finances publiques.

La CES, pour sa part, a souligné qu’il s’agit de projections, et non de prévisions, elles ont donc un caractère relatif et. sont très critiquables.  En effet, elles reflètent une situation – à partir de données statiques et discutables de l’emploi et de la croissance de la productivité – estompant, par exemple, le rôle que peuvent jouer les nouvelles technologies sur la productivité. En outre, une durée de 50 ans est une longue période et les projections  ne sont pas des données intangibles. Un autre comité européen, le comité de protection sociale (CPS), organe consultatif du Conseil «affaires sociales et emploi» doit étudier l’avenir à long terme de la protection sociale, en commençant par les pensions.(1)

2. Des objectifs pour des luttes convergentes dans l’Union européenne

1) Garantir la viabilité des systèmes de pensions publiques La CES, elle-même considère qu’assurer la viabilité et la qualité des pensions implique en priorité de garantir et d’améliorer les systèmes publics de retraite, dont le mode de financement est principalement fondé sur la technique dite de répartition et qui reposent sur les principes de solidarité intra et intergénérationnelle, auxquels elle réaffirme son attachement.

2) L’impact du vieillissement sur les systèmes de pensions : ne pas se laisser enfermer  dans cette seule approche.

Si on ne peut ignorer l’impact  que le vieillissement démographique aura sur le financement des systèmes de pension, quelque soit la technique utilisée, on ne doit pas se laisser enfermer  dans cette seule approche. Même la CES souligne qu’elle est forcément réductrice, en se branchant  uniquement sur les conséquences financières des évolutions  démographiques, on oublie les objectifs de politique sociale que doivent refléter les systèmes de pensions. D’autres facteurs tels que les changements du monde du travail et des modèles familiaux doivent également être pris en compte dans le débat et les réformes à mettre en œuvre.

3) Garantir un haut niveau d’emplois de qualité

Pour assurer la pérennité des pensions, la CES soutient l’objectif dit de plein emploi, tel qu’il a été défini au Conseil européen de Lisbonne, – c’est-à-dire 70 % de la population active et 60 % pour les femmes  – ainsi que l’augmentation de la croissance économique et celle de la productivité. Cette approche cependant n’est pas celle de la sécurisation de l’emploi et de la formation que nous préconisons, la conception dite du plein emploi, prévoit un taux de chômage minimum relativement important et conduit, à la lumière des politiques menées en Europe, et préconisées par les instances et les experts internationaux à lier l’augmentation de l’emploi à la précarité. Cependant la CES considère à juste titre que c’est l’emploi qui constitue un début de réponse au problème du financement des pensions futures.

Le haut niveau de l’emploi qui n’est toutefois pas garanti d’avance, supposera que plus de femmes travaillent. Les mesures liées aux politiques d’emploi doivent s’accompagner du développement de structures d’accueil de la petite enfance et des soins aux personnes dépendantes, la rémunération d’un congé parental, et les droits à la pension, durant les périodes de soins. De même, comme l’économie, fondée sur la connaissance, requiert une formation professionnelle tout au long de la vie, il faut pouvoir conserver les droits à la pension durant ces périodes.

À l’instar des périodes de chômage qui sont validées pour les droits à la pension, cette mesure de sauvegarde des droits, liée à des interruptions de carrière dans la vie professionnelle, fait partie du champ de la protection sociale, les réformes de progrès doivent en tenir compte.

4) Lutter contre l’exclusion des entreprises des travailleur(se)s les plus âgé(e)s

Garantir un haut niveau d’emplois de qualité suppose également que les travailleurs âgés (entre  50 ans et l’âge légal de la retraite) puissent poursuivre leur carrière professionnelle. Or, ils sont les premiers concernés par des mesures d’exclusion du marché du travail. Afin d’éviter l’exclusion systématique de ces salariés plus âgés, la CES revendique une autre gestion des ressources humaines, qui introduise des dispositifs de gestion de fin de carrière.

Cette gestion pourrait inclure  des formules de passage progressif à la retraite, telles que les formules de travail à troisquarts, à deux-tiers ou à mi-temps. La CES demande, qu'niveau européen, le principe de la retraite progressive, soit introduit, à travers une législation, voire accord entre partenaires sociaux, pour ensuite, le concrétiser au niveau national et sectoriel. Ces formules de retraite progressive doivent également être mises en place selon des modulations en ce qui concerne l’âge des bénéficiaires qui tiennent compte de la pénibilité des différentes  professions.  De même, il conviendrait de réfléchir aux modes de financement de ces mesures (dans certains pays elles sont financées par les allocations de chômage).

Toutefois, les coûts induits par ces mesures, du point de vue financier des pensions, seraient moindres que les pratiques d’exclusion. Cependant, pour la CES, les dispositifs de retraite anticipée (pré-retraite) resteront de mise, et pour certaines catégories de travailleurs, notamment en fonction des conditions de travail et dans certaines situations, comme suite à des licenciements et restructurations.

Une politique d’emploi qui tienne compte des salariés plus âgés implique que l’on réfléchisse à de nouvelles formes d’organisation du travail dans l’entreprise, facilitant ces formules souples de passage progressif  à la retraite, réduisant le stress et améliorant les conditions de travail, et que l’on favorise des pratiques anti-discriminatoires à l’embauche et à la formation professionnelle. En aucune façon, le report de l’âge légal ne peut être considéré comme apportant une solution au problème du financement des pensions.

5) Coordonner et transfor mer les politiques macroéconomiques

La viabilité des systèmes de pensions pousserait selon la CES à une coordination et une réorientation des politiques macroéconomiques, d’emploi, de protection sociale et fiscales, au niveau européen et national. Les réformes des pensions s’inscrivent dans ce triangle, emploi, économie, fiscalité et protection sociale.  La CES propose une réflexion sur d’autres sources d’imposition que celles fondées sur les revenus du travail afin de financer les systèmes publics.

Ceci nécessiterait au niveau européen, une coordination fiscale freinant l’érosion. Elle avance aussi quelques points flous ou discutables : la réduction de la dette et de la charge d’intérêts, la réduction des allocations de chômage, certaines mesures d’allocations familiales, le glissement de droits dérivés vers l’utilisation de droits directs, mais aussi le maintien des droits à pension pour les périodes d’interruption de carrière (soins et formation professionnelle), le passage progressif à la retraite.

Elle s’interroge à juste titre sur l’impact des diverses mesures de réductions de cotisations sociales des employeurs ainsi que les exonérations fiscales liées aux retraites professionnelles et à l’individualisation de l’épargne. La création de fonds de réserve démographique est évoquée.

Afin de répondre aux objectifs d’équité et de solidarité, la CES propose, sans précision que les prestations de vieillesse soient liées à l’évolution des prix et des salaires. Elle juge indispensable de fixer, au niveau national, dans chaque État membre, une pension minimale, laquelle devra être réajustée, en fonction de l’indexation des prix et des salaires, régulièrement,en poussant pour la revalorisation la plus favorable aux retraités.

6) Des régimes de pension professionnelle  accessibles à toutes et à tous

La démocratisation,  c’est-à-dire l’accès de tous les travailleur(se)s est, une condition sine qua non pour l’introduction, le maintien et le développement des systèmes de retraite

professionnelle.  Un cadre régulateur, européen et national, devrait stipuler que ces systèmes seront le résultat d’accords négociés afin que les partenaires sociaux soient impliqués dans les choix, mais la CES parle aussi d’une gestion des Fonds de pensions constitués, et de leur contrôle ce qui est largement illusoire. Introduire  et maintenir des systèmes de retraite professionnelle n’a de sens que si dans le même temps existent des garanties pour les droits en cas de mobilité des travailleur(se)s ; un cadre régulateur est nécessaire.

Ceci signifie qu’il faut garantir l’acquisition, le maintien et la transférabilité des droits des travailleurs concernés, la possibilité de l’affiliation transfrontalière, l’abolition des périodes de stages requises avant l’acquisition définitive des droits à pension (vesting periods), la revalorisation des pensions versées et des rentes viagères.

Lors de l’exercice de coordination  ouverte, au niveau européen,  la CES propose d’ attacher une grande importance aux indicateurs concernant les écarts de revenus entre pensionnés, hommes et femmes, en distinguant  les différentes composantes du revenu (public, professionnel), le montant des prestations des travailleur(se)s a-typiques, le montant d’une pension minimale, ainsi que le pourcentage de travailleur(se)s ayant accès aux systèmes de retraite professionnelle et le maintien des droits durant les interruptions de carrière. Ces indicateurs pourraient contribuer à clarifier, au niveau européen, les objectifs de convergence sociale par le haut en matière de protection sociale.

Dans la mise en œuvre des réformes à entreprendre, la qualité des systèmes de pensions est assurée lorsque ceux-ci répondent aux objectifs de solidarité suivants : fournir aux retraités un revenu sûr qui remplace celui perçu durant la vie active, en tenant compte de leur niveau de vie, ainsi que du niveau de vie de la population, réduire les écarts de revenus, liés aux différentes prestations de retraite entre pensionnés, hommes et femmes garantir une couverture correcte du risque vieillesse aux travailleur(se)s occupé(e)s dans les emplois a-typiques, notamment ceux et celles à temps partiel maintenir les droits durant les interruptions  de carrière

3. L’Europe sociale ne peut être déconnectée d’une autre construction de l’Europe économique

Malheureusement le texte de la CES, et bien d’autres textes prétendant souhaiter une Europe sociale ne s’attaquent pas à des aspects essentiels de la construction européenne, ainsi le rôle de la BCE, n’est souvent pas remis en cause. Cela impliquerait des batailles sur son statut, ses missions, afin qu’elle vise non la seule stabilité des prix, en réalité, servir les marchés financiers, mais l’emploi, un nouveau type de croissance, le progrès social.

Le pacte de stabilité  devrait être non seulement assoupli, comme on le lit souvent, mais il faudrait aller vers sa suppression. Il s’agit de commencer à rompre avec les dogmes libéraux, notamment la réduction des déficits publics et sociaux, des prélèvements obligatoires et de la dette.

En liaison avec les luttes des peuples, il s’agirait d’imposer un pacte de nouvelle croissance, de sécurisation et de développement de l’emploi, de la formation, de la protection sociale. Un texte récent de la CES, elle même  critique à juste titre l’usage du mot et des politiques  dites de flexsécurité, lesquels, en réalité aggravent la précarité sous couvert de flexibilité

 

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.