L’ouvrage Transformations et crise du capitalisme mondialisé. Quelle alternative ? de Paul Boccara, publié en septembre 2008 par Le Temps des Cerises, a été épuisé au bout de quelques mois. Il a été largement vérifié après sa publication, aussi bien dans son analyse de la gravité de la crise financière de 2007-2008, avec son amplification ultérieure et la récession mondiale de 2009, que dans ses propositions. Il s’agit, en particulier, de la proposition d’une monnaie commune mondiale autre que le dollar, avec la demande chinoise allant dans le même sens en 2009.
La deuxième édition actualisée comprend une série de compléments qui l’enrichissent considérablement. Cela concerne notamment l’analyse du tournant de 2007 à 2009 dans la crise systémique, avec l’éclatement des surendettements, la montée des endettements publics et des interventions étatiques pour le soutien de banques et pour les plans de relance, l’action du G20 ainsi que celle du FMI. Sont aussi analysés les nouveaux risques de l’excès des titres de dettes publiques et de l’inflation du dollar. Sont encore précisées les propositionscomme celles d’autres critères d’utilisation des fonds ou d’une autre monnaie internationale pour un nouveau crédit et pour l’expansion des services publics à l’échelle mondiale. L’ouvrage aide ainsi à mieux comprendre les perspectives, y compris celles de croissance molle et de rechute aggravée en cas de reprise. Il précise les exigences d’interventions nouvelles pour les luttes en cours.
Nous donnons ici quelques extraits des ajouts de la 2ème édition, concernant un point particulier de chacune des trois grandes parties du livre.
Extraits des additions au livre de Paul Boccara, 2ème édition actualisée, Transformations et crise du
capitalisme mondialisé. Quelle alternative ? Le Temps des Cerises, août 2009
Avec la crise financière très profonde de 2007-2008, puis la récession économique mondiale de 2009, on assiste à un tournant fondamental dans la crise systémique. On assiste aussi à une mutation dans les pratiques politiques, avec le retour d’interventions publiques très massives dans l’économie, au niveau national et au niveau international. Au plan des idées économiques, certains parlent du « grand retour » des idées de Keynes et de ses contemporains [Problèmes économiques 29 avril 2009 « Les économistes face à la crise. Keynes le grand retour »]. De même, on compare la gravité extrême de la crise économique planétaire de 2009 et ses perspectives, à la crise de 1929 et à la dépression des années 1930.
Sur ces questions, on peut faire deux ensembles de remarques.
On a, à la fois, une vision réductrice, par rapport à son audace, et aussi on ne voit pas ses profondes lacunes. Il s’agit, d’abord, d’une conception réductrice et superficielle, évoquant l’insuffisance de la demande et donc les besoins de dépenses budgétaires. Cela néglige la pointe avancée des propositions de Keynes, allant dans le sens des analyses néo-marxistes contemporaines sur la suraccumulation du capital et la régulation du système par le taux de profit. En effet, à propos de la dépression des années 1930, Keynes insistait tout particulièrement sur la baisse de « l’efficacité marginale du capital », allant de pair avec la croissance de l’investissement, c’est à dire la baisse du taux de profit des derniers investissements. Cela aurait réduit « l’incitation à investir » et entraîné la diminution de l’investissement, contribuant à déprimer la « demande globale » (demande d’investissement et de consommation), et donc la croissance de l’emploi et du revenu. Et cela a renvoyé à sa proposition de développer les investissements publics, ne réclamant pas, précisément, l’efficacité marginale du capital, afin de relances durablement la demande globale et l’emploi. Cette proposition de solution correspond à notre analyse de la réduction des exigences de rentabilité des entreprises publiques, pour leur accumulation de capital, et à leur développement systématique dans le capitalisme monopoliste d’Etat social, installé après la deuxième guerre mondiale. Cette solution aurait contribué, toutefois, à la relance de l’accumulation privée, tout particulièrement des groupes monopolistes, avec une longue phase d’expansion, jusqu’au retour de la suraccumulation durable et d’une nouvelle crise systémique, celle qui est en cours.
On ne voit pas aussi les graves lacunes de Keynes, plus ou moins traitées par ses contemporains, et auxquelles tente de répondre notre analyse néomarxiste. Il s’agit d’abord des lacunes concernant les technologies, qu’évoquaient à leur façon Kondratieff ou Schumpeter. Et le traitement des questions technologiques se situe dans le cadre de l’analyse des fluctuations cycliques de longue période, dépassant celle de la seule dépression, avec une longue phase d’expansion à laquelle succède une longue phase de tendance aux difficultés laquelle serait indéfiniment allongée de nos jours.
Cela concerne la lourdeur grandissante des investissements, notamment en machines-outils par rapport aux travailleurs producteurs et consommateurs, dans le même type de technologie. Cette lourdeur entraîne finalement le surinvestissement et la suraccumulation durable, caractérisant la tendance à la dépression de la crise systémique, comme celle de l’entre-deux guerre mondiale.
Et cela concerne également les nouvelles technologies mises en place pendant la crise systémique. Ces dernières, économisant non seulement les travailleurs mais aussi les moyens matériels (et le travail contenu en eux) par rapport à la production, contribuent à déprimer la demande globale relativement à la production et à provoquer le chômage massif.
Cela renvoie encore à l’expansion possible ultérieure de ces nouvelles technologies, avec une transformation systémique et la relance durable de la demande globale. Et cela, grâce notamment à la réduction de l’exigence de rentabilité pour les accumulations de capitaux des entreprises publiques, considérablement développées après la deuxième guerre mondiale Il s’agit, tout particulièrement, des rationalisations à l’échelle nationale des industries de réseaux, comme dans l’énergie (électricité) ou les transports (chemins de fer). Cela concerne les entreprises nationalisées dans ces secteurs en Europe, où les « public utilities », subventionnées et encadrées publiquement aux Etats-Unis, à l’issue de la deuxième guerre mondiale. Cela concerne aussi l’expansion des services publics, comme ceux d’éducation et de santé, dans le capitalisme monopoliste d’État social. C’est encore tout le développement de la logistique et des chaînes de production des groupes monopolistes privés.
On ne voit pas non plus les lacunes de Keynes se rapportant à la relance de la création monétaire et du crédit, avec le recul de l’or, réservé aux banques centrales, par le cours forcé des monnaies, la nationalisation des banques centrales et de nombreuses banques, jusqu’à l’institution du FMI et de l’étalon monétaire double, or et devises. Cependant, ces nouvelles conditions technologiques et institutionnelles d’accumulation, ou encore de création monétaire et de financement, vont conduire à la longue, à la nouvelle suraccumulation durable et à la crise systémique en cours, ses nouvelles technologies, ses accumulations financières, son chômage massif.
Outre le rappel des idées de Keynes, on évoque aussi en 2009, les idées d’Irving Fisher de 1933, sur le surendettement de 1929 et la « debt deflation » consécutive. Il s’agit de la réduction cumulative des dettes, de façon durable, après l’éclatement du surendettement. Cette réduction est sensée entraîner la déflation des prix, la dépression de la demande et de la croissance de la production, relevant le poids relatif des dettes libellées en fonction des prix anciens et relançant donc encore le désendettement et la déflation[ Irving Fisher,
« The Debt Deflation Theory of the Great Depression », Econometrica, 1933]. D’où l’exigence d’une relance de la création monétaire, avec une émancipation accrue de l’or, afin de relancer la demande globale. On évoque ces analyses à propos des surendettements qui ont éclaté en 2007-2008, des réductions massives d’endettements privés et de la récession mondiale de 2009, ainsi que des créations monétaires et des relances budgétaires nouvelles contre le recul de la production à l’échelle mondiale.
Mais on sous-estime sans doute la profondeur des défis du tournant de 2007-2009 dans la crise systémique. Ce tournant serait, dans une certaine mesure, analogue à celui en partie théorisé par Irving Fisher pour 1929-32. Mais aussi, en se rapportant à la crise systémique radicale en cours et à son originalité, marquée notamment par son allongement, ce tournant mettrait bien plus profondément en cause que dans les années 1930, la régulation du système capitaliste et le système lui-même.
En effet, on peut faire l’hypothèse d’une première phase de la crise systémique de suraccumulation durable des capitaux, entraînant les changements techniques d’économie des capitaux matériels et la montée de l’accumulation financière, plus ou moins spéculative, déjà dans la crise systémique de l’entre-deux guerres et encore plus dans celle en cours.
On peut considérer que dans cette première phase, avec la croissance du capital financier, on assiste aussi à une tendance à l’endettement grandissant des entreprises, des ménages et des Etats, soutenant relativement la demande globale, contre la tendance nouvelle à l’insuf fisance de cette demande, en raison notamment des économies de facteurs de production, relativement à la production, des nouvelles technologies. Ensuite, on assisterait à un tournant vers une deuxième phase, avec le début de l’éclatement des surendettements et de la suraccumulation financière. Cela exprimerait la maturation de la crise systémique, en exacerbant les difficultés et les défis des solutions d’issues à cette crise.
Cela aurait été déjà le cas avec la crise de 1929-32 pour l’entre-deux-guerres. Et ce serait de nouveau le cas avec celle de 2007-2009 pour la crise systémique en cours. On assiste à l’éclatement des surendettements des entreprises industrielles et bancaires, ainsi que des ménages et aux pressions à la réduction de ces dettes aggravant considérablement l’insuffisance de la demande globale. Cela entraîne l’exigence d’inter ventions publiques massives nouvelles, y compris par le moyen de l’accroissement des endettements des Etats, avec cependant des différences très profondes entre l’entre-deux-guerres et nos jours.
Ainsi, dans l’entre-deux-guerres, ces interventions étatiques nouvelles concernent les dépenses militaires, ou encore les débuts d’interventions sur les réseaux nationaux (hydroélectricité, chemins de fer, autoroutes). Mais aussi on a assisté alors au freinage persistant de la croissance par les restrictions des banques centrales et la thésaurisation en or, ainsi que par les résistances des groupes monopolistes privés à la rationalisation des réseaux nationaux. Ce freinage a duré jusqu’à la guerre mondiale et ses dépenses extraordinaires, puis, à son issue, les transformations structurelles de développement de la production du financement et de la consommation publics.
Dans les conditions actuelles, nous avons affaire à la radicalité des défis technologiques et sociaux des révolutions informationnelles, monétaires et écologiques, accélérées autours de l’an 2000 en contribuant ainsi au tournant de la crise systémique. Ces accélérations s’effectuent dans le cadre du capitalisme mondialisé, caractérisé par la montée des services partout et de l’industrie dans les pays émergents. Aujourd’hui, face au défi de l’éclatement des surendettements et des désendettements consécutifs, les dépenses publiques, les endettements publics et les interventions étatiques ou pluri-étatiques sont poussés bien davantage. Toutefois, leurs critères de soutien fondamental des capitaux des banques, des fonds spéculatifs, des entreprises multinationales, favorisés par la domination du dollar et de l’action des banques centrales soutenant le capital financier, vont encore faire monter les difficultés sociales et les risques d’affrontements ou de guerres économiques. Cela concerne tout particulièrement les menaces d’effondrement des titres publics qui suivraient leur énorme montée spéculative, de relèvement des taux d’intérêt réel et d’effondrement des monnaies, y compris les risques pesant sur la monnaie universelle de fait qu’est le dollar.
Dans ces conditions, monteraient les défis de nouvelles coopérations internationales et d’une gouvernance économique mondiale, progressant déjà mais en étant refoulée avec les nouvelles technologies, exigeant des rationalisations à l’échelle mondiale, ainsi qu’une transformation systémique radicale. Cette transformation pourrait faire reculer massivement les exigences de rentabilité financière des capitaux et même faire avancer d’autres critères que ceux de cette rentabilité. Cela concerne d’autres critères pour les crédits et la création monétaire, du plan local, national, zonal, au mondial, avec une autre monnaie commune mondiale que le dollar, la progression de critères d’efficacité sociale, économisant les capitaux et développant les capacités des travailleurs avec les recherches, pour les entreprises industrielles et de service, ainsi que des critères d’efficience sociétale pour une expansion des services publics, coopérant au plan international, jusqu’à l’institution de services et biens communs publics de l’humanité.
En faisant reculer la domination des groupes privés multinationaux, on ferait avancer la prédominance des dépenses de développement de tous les êtres humains, de leurs capacités productives et créatives, de leur consommation personnelle ou collective et de leur formation, au lieu de la prédominance des matériels. En même temps, au-delà des délégations de pouvoir des interventions pluriétatiques, aux niveaux zonaux et mondial, pourraient aussi être développés des pouvoirs d’ intervention directe, et concertés aux différents niveaux, des travailleurs et des citoyens, depuis les entreprises et les services publics. Tout cela contribuerait à établir des mixités institutionnelles radicales, viables, conflictuelles et évolutives, entre principes capitalistes et principes nouveaux. Il s’agirait de principes de prédominance de la sécurisation et de la promotion de tous les moments de la vie humaine, ainsi que de la créativité de tous les êtres humains, pour avancer vers une autre civilisation de toute l’humanité.
On a des efforts très importants de création monétaire des banques centrales, visant à soutenir les banques partout, et de plus aux Etats-Unis et en Angleterre, mais non dans la zone euro, à prendre des titres de dette publique.
En effet, contrairement aux analyses reprenant simplement les théories de la déflation des dettes poussant à la dépression des années 30, mais aussi à l’opposé des illusions sur les possibilités de sortir durablement des difficultés actuelles par les interventions publiques, il y a d’énormes différences dans la crise systémique en cours avec celles des années 30, même s’il y a certaines analogies.
De nos jours, les énormes différences, au plan des conditions systémiques, renvoient aux véritables révolutions informationnelle, monétaire, écologique, démographique et en liaison avec elles, à l’industrialisation et la salarisation massive des immenses populations des pays émergents, comme la Chine, l’Inde, le Brésil etc. De nos jours également montent les idées non seulement d’interventions publiques, mais de leur coordination internationale et de gouvernance mondiale, les idées de monnaie mondiale véritablement commune et autre que le dollar, de sécurisation des emplois et des formations pour chacun au-delà d’une « flexsécurité » où prédomine la flexibilité, de services et biens communs publics de l’humanité, depuis l’écologie jusqu’à l’alimentation, l’urbanisme, la santé, la culture ou la paix.
Les différences au plan des politiques nouvelles, renvoient à l’énormité des soutiens publics des capitaux et de la rentabilité capitaliste, par les dépenses et endettements publics. concertés, ainsi que par la création monétaire amplifiée, avec l’accélération de la révolution monétaire de décrochement de la monnaie par rapport à l’or.
Cependant, la question principale à propos de ces interventions massives nouvelles, concerne les buts et les critères de ces dépenses et endettements publics, ainsi que des créations monétaires des banques centrales et du FMI.
Pour le moment, il s’agit principalement de soutenir les capitaux et la rentabilité des banques, ou encore les investissements des entreprises et leur rentabilité, comme par exemple dans l’industrie automobile, de l’Union Européenne au reste du monde et aux Etats Unis, alors que pourtant General Motors doit passer sous le contrôle de l’Etat américain. En même temps, les pressions sont considérablement renforcées contre les emplois et les taux de salaires. Quant aux dépenses sociales, même si elles tendent à progresser, elles sont fortement limitées par rapport aux besoins grandissants.
D’où les risques et les enjeux nouveaux de la crise systémique. Il y aurait, à la fois, risques accrus d’insuffisance de la demande et de la croissance, et aussi menaces contre la montée des dettes publiques et de la création monétaire soutenant ces dettes. On le voit déjà avec les difficultés de la progression de la dette publique britannique et la forte baisse de la livre sterling. Il y aurait également des risques formidables de gonflements spéculatifs des titres de dettes publiques et de baisse ultérieure de ces titres, relevant les taux d’intérêt, fixés sur les valeurs d’émission plus élevées. Cela pousserait au relèvement des taux d’intérêts longs contre la croissance. Dans ce domaine aussi de premiers signes révèlent de nouvelles pressions possibles, fin mai 2009, avec certaines baisses des bons du Trésor des EtatsUnis entraînant un relèvement de leurs taux d’intérêt et des taux longs en général. En effet, la dette publique rapidement grandissante des EtatsUnis (passant de plus de 7500 milliards de dollars le 17 juin 2008 à 11403 milliards, le 17 juin 2009) ainsi que le dollar feraient tout particulièrement l’objet de ces menaces ,que l’on évoque déjà. Ainsi monte le terrible défi de la mise en cause du circuit financier mondial fondé sur le dollar.
Dans ces conditions, face au surgissement probable ultérieur de tensions économiques très graves dans les différents pays du monde et entre eux, pourraient progresser des enjeux radicaux d’une autre régulation systémique, permettant de faire prédominer la promotion des êtres humains partout avec l’emploi, la formation, les services publics.
Cela ne veut pas dire du tout nécessairement l’éclatement très proche de ces difficultés et de ces défis radicaux. Il peut y avoir, une certaine reprise mondiale, après 2010, y compris grâce à la progression de la production des populations des grands pays émergents. Mais cette reprise pourrait être faible, et surtout, de toute façon, elle développerait les nouveaux antagonismes et défis, y compris du fait de l’insuffisance des bas salaires dans les pays émergents, comme de leurs exigences de progrès social.
Cela renforcerait les potentiels de solutions radicales et viables, pour une issue à la crise systémique (...).
A la veille du G20 de Londres du 2 avril 2009, le 23 mars, le gouverneur de la Banque Centrale de Chine, Zhu Xiaochuan, a proposé de créer une « monnaie de réserve internationale » déconnectée des conditions économiques et des intérêts souverains (étatiques) d’un seul pays », c'est-à-dire, bien que le nom n’en soit pas prononcé, du dollar. (Zhu Xiaochuan, Reform the international monetar y system, http://www.pbc.gov.cn, site de la Banque centrale de Chine).
Il s’agirait d’éviter le fameux dilemme jadis pointé par l’économiste Robert Triffin, d’une monnaie de réserve internationale pourtant liée aux exigences internes d’un pays, éventuellement inflationnistes. Il s’agirait au contraire, de gérer une monnaie de réser ve véritablement internationale, en vue notamment de sa stabilité. Plus précisément, en se rapprochant de notre propre proposition avancée depuis au moins 1983 ( dans « La guerre du billet vert contre les peuples. La hausse du dollar, sa signification, que peut-on faire ? » in Economie et Politique septembre 1983 ou encore dans « End to dollar’s rule urged » Patriot, New-Delhi, 14 août 1983. ), le gouverneur chinois a indiqué qu’il fallait s’appuyer sur les Droits de Tirages Spéciaux (DTS) du FMI. Selon lui, les DTS représentent un potentiel pour être utilisés comme une monnaie de réserve super-souveraine ou super-étatique. Et, toujours dans le même sens il a indiqué, lui aussi, que le panier de monnaie formant la base des DTS serait élargie afin d’inclure les monnaies de toutes les grandes économies ; tandis qu’on tiendrait compte aussi du poids du PIB.
Il a été avancé, que cela répondrait aux problèmes des ressources du FMI, avec la création et le contrôle par une institution mondiale d’une liquidité mondiale. Il a été ajouté que cela se relierait aussi à la réforme de la représentation et des voix pour les votes au Fonds. Cela contribuerait à agir contre la spéculation et pour stabiliser les marchés financiers. Et l’accroissement des allocations de DTS permettrait, a t-il été souligné, de remplacer graduellement les monnaies de réserve existantes. Cette proposition, renvoie certes aux craintes sur la valeur des énormes réserves en dollars et en bons du Trésor des Etats-Unis libellés en dollars de la Chine, de près de 2.000 milliards de dollars. Mais aussi et bien plus, elle se rapporte, en relation avec le moyen de pression de ces réserves, à la construction d’un autre système monétaire international émancipé de la domination du dollar et des États-Unis, pour une autre croissance mondiale.
Dès le 25 mars, le secrétaire au Trésor des EtatsUnis, Timothy Geithner, a protesté en déclarant que le dollar resterait pour longtemps la monnaie de réserve mondiale, même si l’on pouvait discuter d’un usage accru des DTS. Et le président Obama est lui-même intervenu pour affirmer qu’il n’y avait pas besoin d’une monnaie de réserve autre que le dollar, fondamentalement fort. Toutefois, cette proposition a été soutenue par d’autres pays comme la Russie ou le Brésil.
Et au G20 d’avril, même si cette proposition n’a pas du tout été reprise, il a néanmoins été décidé, en rupture avec la politique de limitation antérieure, de créer 250 milliards de dollars en DTS. Comme nous l’avons déjà indiqué à propos du G20 de Londres, ces DTS seront alloués au 186 Etats membres du FMI, en fonction de leur quote-part au Fonds. Ce qui signifie que 44% de la somme seront alloués aux grandes puissances du G7, les pays en voie de développement se contentant de moins du tiers, dont seulement 7,6% (19 milliards) pour les 50 pays les plus pauvres.
Cependant, dès le 19 mars 2009, une commission d’experts, des Nations Unies, sur : « Les Réformes du système financier et monétaire international » ; présidée par Joseph E. Stiglitz, avait souligné les exigences d’une autre politique monétaire en réponse à la crise financière mondiale. Il s’agirait de s’opposer à l’insuffisance de la demande globale mondiale et d’engager des politiques contracycliques, par la stimulation des économies non seulement des pays développés mais encore plus des pays en développement. Dans ce contexte, la Commission avait évoqué un « nouveau système mondial de réserve », pouvant être conçu comme une grande expansion des DTS, avec des émissions calibrées sur l’importance des accumulations deréserves. Elle avait aussi évoqué d’autres modalités de vote au FMI, une réforme de la Banque Mondiale, l’institution d’un Conseil de Coordination Economique Mondiale, des réformes des Banques Centrales (http://www.un.org/ga/president/63/commission/financial commission.shtml). Toutefois, il y a besoin d’instituer une véritable monnaie commune mondiale autre que le dollar. Et cela à partir des DTS dont le panier de devises de références seraient élargies, avec aussi une relation à des monnaies communes zonales, comme l’euro ou la monnaie commune en constitution en Amérique Latine, et, aussi une relation à un panier de produits. Cette monnaie devrait avoir toutes les fonctions d’une monnaie universelle et non seulement le rôle d’une monnaie de réserve.
Et surtout, outre l’ampleur des créations de cette monnaie et la démocratisation internationale de sa gestion, il convient de souligner les deux questions décisives non-encore traitées, concernant, pour le co-développement :
1 les critères d’allocation, suivant l’importance de la population des divers pays et suivant leurs besoins, pour l’emploi-formation et pour les services publics ;
2 les critères d’utilisation, pour le refinancement des banques centrales, avec des taux d’intérêt très abaissés pour les investissements réels, matériels et de recherche, d’autant plus abaissés que l’on crée des emplois et des formations ; et aussi pour prendre des titres publics, afin de financer l’expansion des services publics, en coopération et démocratisés, jusqu’à constituer des services et biens communs publics de toute l’humanité.
Enfin, en ce qui concerne les réserves des Banques centrales en dollars dont surtout celles en bons du trésor, tout particulièrement dans les pays émergents comme en Chine, il faudrait pouvoir négocier la résorption graduelle des stocks existants, comme des flux de leur augmentation, en liaison avec une autre construction mondiale. Face aux pressions des retraits possibles de capitaux de pays occidentaux et notamment des Etats-Unis et à leur hégémonie, cela pourrait prendre, à partir des stocks de dollars, la forme de rachats par les pays émergents de portions décisives d’entreprises multinationales – comme l’ont déjà amorcé des Fonds souverains. Cela permettrait de développer des entreprises conjointes à dominante nationale des pays émergents. Cela se relierait contre la relance des excès des exportations, non seulement à une progression de la consommation intérieure, mais à une expansion des dépenses de sécurité et de promotion sociales dans les pays émergents. Cela pourrait s’articuler à de nouvelles coopérations. Ces coopérations viseraient à développer les services publics reliés en services et biens communs de l’humanité, partout. Cela contribuerait à faire progresser de nouvelles normes sociales des entreprises, en faisant reculer graduellement l’emprise des sociétés multinationales.
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