Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Crise mondiale : références au marxisme et enseignements des expériences politiques actuelle

A crise mondiale, alternative  mondiale : le Parti des travailleurs (PT) et le Parti communiste  du Brésil (PCdoB) ont pris l’initiative d’inviter à São Paulo, finjuin, des sociologues, des politologues,  des économistes, des syndicalistes  et des représentants de partis communistes et progressistes du monde entier pour un séminaire à vocation scientifique mais surtout militante  (1).

Pour beaucoup d’intervenants se réclamant du marxisme, la crise du capitalisme  financiarisé,  dans ses multiples dimensions – économique, sociale, écologique, morale, politique – valide des thèses traditionnelles en faveur d’un combat pour le « socialisme ». De façon plus précise, J. Beinstein, professeur à l’université de Buenos Aires, observe que le dernier cycle Kondratieff est déformé, la longue phase de difficultés commencée à la fin des années soixante n’ayant pas débouché sur un nouvel essor dans les années quatrevingt-dix comme on aurait pu s’y attendre (2) et comme y avaient cru, il y a dix ans, les tenants de la « nouvelle économie ». Il en conclut au caractère de plus en plus parasitaire d’un capitalisme « sénile », sans  se référer – mais sans les exclure non plus – à des explications  plus élaborées mettant en évidence la profondeur du changement de civilisation exigé par la maturation  des contradictions engendrées par la révolution informationnelle, la révolution écologique, la révolution démographique et la révolution monétaire.

Les responsables politiques  latino-américains qui se sont exprimés lors de la rencontre sont particulièrement attentifs aux signes de plus en plus nombreux d’une possible mise en cause de l’hégémonie économique, financière, monétaire, militaire des Etats-Unis. Ils se trouvent par bien des aspects à la pointe de ce changement. Ils sont cependant lucides sur les tensions et les risques qui accompagnent nécessairement un tel réaménagement des rapports de forces internationaux. Pour beaucoup d’intervenants, ces risques se manifestent de façon particulièrement flagrante dans la vieille Europe, avec la tentation d’une fermeture à l’immigration, et avec l’affaiblissement global de la gauche, encore mis en évidence, à l’échelle de l’Union, par les dernières élections au Parlement européen.

A l’inverse,  la poussée électorale  de la gauche dans le continent sud-américain a donné à la conférence la tonalité d’un optimisme raisonné, nourri  des expériences gouvernementales auxquelles beaucoup de forces progressistes du Sud participent – à commencer par les deux partis organisateurs du séminaire.

La forme de la rencontre ne se prêtait pas à un échange de vues détaillé sur les grands enjeux mondiaux de la réponse à la crise, tels qu’ils se présentent avec le début de mise en œuvre des décisions du G20 d’avril  et au lendemain de la relative déception  suscitée par la rencontre des quatre puissances dites du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) à Yékatérinbourg. Du moins le représentant du ministère des Finances brésilien a-t-il laissé transparaître  le scepticisme poli  qu’inspirent à son pays la tentative  de constitutiond’une monnaie commune des pays latino-américains et la proposition de constitution d’une monnaie commune mondiale, pourtant  placée avec force sur le devant de la scène par la prise de position  chinoise en faveur d’un nouvel instrument  de réserve constitué à partir des droits de tirage spéciaux du FMI. Les questions qu’il a posées à ce propos mériteraient à elles seules une nouvelle rencontre : quelles seraient les contreparties de l’émission d’une telle monnaie mondiale  (on sait que le PCF, inspiré  par Paul Boccara, préconise qu’elle serve au développement  de crédits  à long terme finançant de façon sélective, à des taux inférieurs à ceux du marché international, des investissements porteurs  de développement de l’emploi, de la qualification des travailleurs et, par-là, de la capacité de création de richesses de tous les territoires) ? L’urgence n’est-elle pas de modifier  la composition  du « panier de monnaies » qui définit les DTS, corrélativement à un rééquilibrage des droits de vote au FMI ?

Si une impression  doit être retenue du séminaire de São Paulo, c’est assurément qu’un immense champ est ouvert pour la confrontation des idées et les échanges d’expériences entre forces progressistes.  Inutile  de souligner, pour  les lecteurs  d’Économie et  Politique,  quelles résonances les propos  du secrétaire général de la Centrale unique des travailleurs du Brésil peuvent éveiller lorsqu’il exige des contreparties en termes d’emplois  aux aides financières dispensées aux banques de son pays. Ou bien, lorsque le secrétaire général du PCdoB, rappelant que cette crise est la troisième grande crise structurelle dans l’histoire du capitalisme (après la « grande dépression » du dernier quart du XIXème siècle et la crise des années trente), inscrit la construction d’une alternative  dans la conjonction des dimensions sociale, nationale et démocratique en vue d’une nouvelle avancée de civilisation au Brésil. Ou encore, devant l’exposé des défis auxquels doit faire face la coalition  au pouvoir en Afrique du Sud, et devant l’appel du Parti communiste sud-africain à une mobilisation des travailleurs pour que la réponse à la récession ne se borne pas à des ajustements macroéconomiques mais s’inscrive dans une stratégie de développement capable de remédier aux faiblesses structurelles de l’économie.

En un mot, il faut souhaiter que les contacts noués à l’occasion de cette rencontre donnent l’occasion de nouvelles initiatives  pour approfondir les échanges amorcés à São Paulo.

(1) Le séminaire était organisé par le PT, le PCdoB, la fondation Perseu Abramo, la Fondation Mauricio Grabois et le réseau Correspondance internationale. Les participants – deux cents environ – étaient des militants des deux partis et des représentants de partis communistes ou de mouvements progressistes d’Amérique latine, d’Asie (Inde, Vietnam), d’Afrique (Afrique du Sud, Mauritanie) et d’Europe (Portugal, France, Italie, Grèce, Hongrie).

(2) Beinstein, Jorge, « La crisis en la era senil del capitalismo », El Viejo Topo, n° 235,janvier 2009.

 

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