Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Quelle est la portée du G20 d’avril ? Le débat international sur les mesures publiques et les insuffisances du G20, face aux défis du tournant de la crise systémique

La rencontre du G20 du 2 avril 2009 à Londres a été destinée à prendre  des mesures sur la crise financière et économique internationale. Elle a réuni les chefs d’État et de gouvernement des pays développés et aussi des principaux  pays émergents, ces vingt pays dont on dit qu’ils représentent 85% de l’économie mondiale.

I  Développements récents de la crise systémique  et  conditions  du  G20  du 2 avril :

Le développement de la situation  d’exacerbation de la crise systémique. Ce G20, pour répondre à l’aggravation  récente de la crise du système capitaliste, intervient après celui de novembre. Depuis, la crise systémique s’est encore approfondie et les difficultés ont augmenté. La récession est désormais mondiale dans les prévisions pour l’année 2009, ce qui est une première depuis l’entre-deux-guerres. On a d’abord estimé que le recul serait de 0,1 à 0,5% à l’échelle mondiale et ce, malgré la croissance des pays émergents, avec un recul plus important de la part des pays développés qui irait de – 3% à -2,5% ( -2,9% pour la France ). Pour La Banque Mondiale, le recul en 2009 serait même de -1,7%.

Pour les pays émergents, on prévoit une faible croissance allant de 1,5% à 2,5%. Elle ne compense donc pas la récession dans le reste du monde. La Chine, le plus important d’entre  eux, descend relativement bas, avec une estimation de l’ordre de 6,5%, alors que l’on considère qu’un chiffre inférieur à 8%, entraîne une progression  du chômage, tandis que la Chine faisait ces dernières années, 10%, 11%, 12%.

Tout cela, bien évidemment, provoque une montée du chômage à l’échelle mondiale. Le BIT (Bureau international du Travail)  annonce pour  fin janvier  2009 de 210 à 240 millions  de chômeurs  officiels.  Encore faut-il  ajouter  à ces chiffres, celui des travailleurs pauvres. Il y a ainsi, plus de 200 millions de travailleurs pauvres. Enfin, il faut souligner l’augmentation importante du chômage dans les pays développés. Les prévisions  sont de 7,2% de chômeurs,  en chiffres officiels,  pour  les États-Unis et plus de 50 millions  pour  l’ensemble des pays développés.  

En outre, le FMI déclarait  dans sont rapport du 28 janvier sur la stabilité financière dans le monde, que les circuits du crédit sont grippés. C'est-à-dire qu’en dépit  de toutes les mesures-énormes-de soutiens publics apportés aux banques, le crédit reste toujours en difficulté.  A cela vient  s’ajouter  un recul du commerce mondial sans précédent, avec une prévision de -10% en 2009. Il y a aussi les retraits de capitaux des pays émergents. Beaucoup de pays sont en très grande difficulté.  Le FMI a dû soutenir pour un montant de 50 milliards de dollars, les pays d’Europe orientale  comme la Hongrie, la Lettonie,  la Roumanie et des pays hors Union européenne comme l’Ukraine et jusqu’au Pakistan.

Certains disent certes qu’il y a des signes de sortie qui se dessinent et la prévision dominante prétend qu’en 2010,  « ça va repartir »… Mais pour la première fois, d’autres voix s’élèvent et prétendent, que rien n’est sûr et que cela peut être pour 2011, voire plus tard encore.

De toutes façons, avec la crise, des difficultés  très profondes  nouvelles ont été révélées et si jamais cela « repartait » en 2011, il subsisterait des risques très graves pour la rechute. On a désormais, ce que reconnaît le FMI, une tendance à un développement cumulatif de l’insuffisance de demande, avec selon notre analyse, la maturation  de la révolution informationnelle liée aux nouvelles technologies.

L’énorme croissance de la productivité et les très fortes économies, non seulement d’emplois et de salaires mais aussi d’investissements, par rapport à la production, sont responsables de cette insuffisance cumulative de la demande et de la gravité de la surproduction, avec la suraccumulation financière et les difficultés  du crédit.

Il y a enfin la maturation  de la révolution monétaire de décrochement de la monnaie par rapport à l’or, favorisant l’amplification de l’émission de dollars et l’enflure spéculative du circuit  mondial dominé par le dollar. C’est tout le problème de la crise du supercapitalisme financier, avec la crise financière récente et l’excès des endettements des ménages, des entreprises et des États, qui soutenaient la demande. On s’efforce encore de réagir aux difficultés  par des financements et endettements publics énormément accrus. D’où la montée de risques nouveaux.

Les questions en  cause  à l’arrière plan  du G20. II s’agit de renforcer les mesures prises pour soutenir le crédit bancaire et la croissance. Il y a eu, outre les énormes soutiens aux banques, tous les plans de relance de l’économie. Chaque pays a son plan de relance, mais ils ne sont pas coordonnés. En outre, il s’agit de mesures nouvelles de régulation et de contrôle du système financier. Est encore en question l’action d’instances internationales, comme le FMI qui a déjà commencé à intervenir.

On a évoqué, à la veille du G20, des débats et des divisions États-Unis/Union européenne. A ce débat, s’articule le débat sur les oppositions États-Unis/Chine, et la montée des pays émergents.

Il reste encore la question des actifs « pourris  » ou « toxiques », dont l’importance est tout à fait considérable.

Après le plan Obama de 700 Mrds de dollars, il y a le nouveau plan de Timothy Geithner, secrétaire au trésor des USA, qui veut purger mille milliards  d’actifs toxiques ou pourris des banques, dans le cadre d’une action  «  privé/public », avec une mise aux enchères de pôles d’actifs toxiques pour qu’ils soient achetés par des capitalistes privés (fonds de pension, fonds spéculatifs, assureurs…). Pour les inciter  à  acheter, la dette sera garantie et 50% des capitaux requis seront soutenus par le financement public. Il reste cependant deux inconnues : que vont faire les capitaux privés ? Et cela suffira t-il à purger les actifs pourris ? Les Etats-Unis incitent les pays européens à en faire autant et François Fillon a déclaré que l’on devrait, en Europe, réfléchir à des dispositifs plus ou moins proches.

Autre question à l’arrière-plan du débat Europe/Etats-Unis. Ce sont les difficultés qui commencent à peser sur les financements publics  et sur les monnaies.

Cela touche  déjà des pays en difficultés  considérables d’Europe de l’est. On parle de « déroute » de  ces pays. La Hongrie a dû recevoir une aide du FMI  de 12,5 milliards d’Euros, plus toute une série d’aides de l’Union Européenne. Les besoins pour ces pays sont d’environ  100 milliards  d’Euro et la BERD les chiffre même à 200 milliards.  La BERD et la BEI ont déjà donné à ces pays 24,5 milliards  d’Euros.

Pour l’Afrique, le FMI estime le minimum, pour son sauvetage, à 25 milliards  d’Euros.

Mais comme menace, le risque des endettements publics énormes n’épargne aucun pays, et cela touche jusqu’aux plus forts, l’euro et le dollar.

Ainsi, malgré l’euro commun, les dettes publiques de divers  pays européens voient  leurs exigences de taux d’intérêts grandir. Pour les emprunts publics à 10 ans, ils atteignent 5,57% déjà pour les grecs, 5,39% pour les irlandais, 4,6% pour l’Italie, et 3,58% pour la France contre 3,03% pour l’Allemagne et moins pour les Etats-Unis.

L’offre accrue de titres publics rencontre une forte demande pour  des pays comme la France, l’Allemagne et encore plus les Etats-Unis. Il y a un risque de montée de la spéculation et d’ une immense bulle sur les titres publics  qui serait suivie d’un krach. Tandis qu’avec cette baisse ultérieure  des prix  de marché des titres, les taux d’intérêt  fixés sur le prix nominal  d’émission,  monteraient,  poussant à la hausse les taux d’intérêt longs, contre la croissance. Déjà l’importance des financements publics  et de leur soutien par la création monétaire de la Banque d’Angleterre  a entraîné une forte baisse de la livre sterling, de 28% en 18 mois. Et, alors qu’un emprunt public britannique n’ a pu être entièrement placé, à la fin mars, le gouvernement du Royaume-Uni a dû, en conséquence, renoncer à un deuxième plan de relance.

II Mesures directement en discussion à la veille du G20 :

L’opposition  relative  Union Européenne/Etats-Unis en prévision du G20.

Dans sa déclaration du 24 mars sur le G20, Obama a dit : « Mon message est clair, les États-Unis sont prêts à  assumer  leur  leadership… Et nous  appelons nos partenaires à se  joindre  à nous,  conscients de  l’urgence et soucieux de l’objectif commun ».

Il reconnaît qu’il y a interaction États-Unis/monde. Mais cela signifie aussi : on ne peut pas sauver les États-Unis sans que le monde y participe et cela sera bon pour tous. Il évoque les mesures ambitieuses pour  la croissance et pour l’emploi aux États-Unis, mais pousse aussi l’Europe, qui selon lui ne va pas assez loin, à

faire plus. Et il est vrai que les plans de relance en Europe sont plus faibles que les plans de relance Américains.

Mais soutenir  la demande, selon Obama, consiste aussi à maintenir  le libre échange et la liberté d’entreprendre, et pour restaurer le crédit, soutenir les banques et les institutions financières. Pour les pays en graves difficultés, il évoque, le risque alimentaire Il évoque aussi le surendettement, mais il ne parle pas des fonds spéculatifs.

Donc, d’un côté les États-Unis disent : il faut plus pour les plans de relances, mais de l’autre, l’Union européenne dit : il faut plus de contrôle des institutions financières.

Pour les 27 de l’Union  européenne, celle-ci a déjà fait sa part de relance. Et ils mettent en avant le fait qu’elle a donné 50 Mrds d’Euros pour les pays de l’Europe de l’Est et qu’elle va donner 100 Mrds de dollars au FMI.

Les chefs d’Etats de l’Union européenne, et notamment Sarkozy et Merkel, s’appuient sur le rapport de la Rosière, sur «  la super vision  financière  »  qui propose la refonte des normes prudentielles,  mais aussi de contrôler les fonds d’investissement  et spéculatifs  et prévoit  un système européen de supervision.

Sur la relance et une nouvelle augmentation  de la demande, les pays de l’Union européenne disent, ce qui a été fait est suffisant, ajoutant si cela ne va pas, on pourra envisager de faire plus…

Fillon déclare qu’en plus de nos plans de relance, nous avons toute une dépense sociale qui n’existe pas aux États-Unis : le système d’indemnisation du chômage, des revenus minimums, etc.

Il faudrait  donc ajouter au plan français 30 Mds pour  comptabiliser  tous  ces  «  stabilisateurs  sociaux ».

Finalement, les Européens déclarent mettre au total 400 Mrds d’Euros, 3,3% de leur PIB. Les États-Unis répliquent en affirmant qu’ils mettent, quant à eux, 11% de leur PIB.

Pour ce qui concerne le débat sur la régulation financière, cela concerne évidemment les paradis fiscaux.

Ils représentent un flux financier de 10 000 Mrds de dollars d’actifs, soit 50% des flux financiers mondiaux. Mais ils sont eux même gérés par des fonds qui sont des fonds spéculatifs des banques (toutes les banques importantes,  soit 4 000 établissements), sans compter  les sociétés écran au nombre de 2 millions.

A propos des paradis fiscaux et réglementaires, les gouvernements  de l’Union  Européenne, ont déjà discuté notamment sur la question du secret avec la Suisse, le Luxembourg, Andorre… Mais les places de Londres et New-York sont elles-mêmes des paradis fiscaux de première importance, avec en outre les îles anglo-normandes pour Londres et les îles Caïmans ou les Bahamas pour les Etats-Unis, etc..

Le problème  serait de détenir  l’information pour connaître les opérations  risquées, et que les fonds spéculatifs communiquent  leur stratégie, leur exposition aux risques. Le groupe de travail de l’Assemblée Nationale et du Sénat, en France, insiste, sur la base du rapport de la Rosière, sur la réglementation  prudentielle des banques, la supervision  du FMI, le besoin de donner à la BCE un pouvoir d’alerte sur des bulles en formation,  etc. La détection  des bulles financières conditionnerait la possibilité de les faire éclater de façon précoce. Ce serait, prétend-on, une véritable « révolution ». Mais si on arrivait  à le faire, ce qui n’est pas sûr avec les contre-feux du capital  financier,  cela entraînerait  un freinage du soutien  financier  de la croissance réelle et une faiblesse de la croissance, dans les conditions actuelles de l’économie.

Fondements de  l’opposition relative  Union  Européenne/États-Unis.

En ce qui concerne la faiblesse relative des plans de relance européens par rapport à celui des EtatsUnis et le refus de les augmenter, il y a certes les dépenses publiques  et sociales plus fortes dans le modèle social européen. Mais aussi, il y a la politique réactionnaire contre la progression des salaires et des dépenses sociales. Et surtout, il y a les craintes concernant  l’euro  et son inflation  possible par les dépenses publiques,  l’affaiblissant  par rapport au dollar. Les Etats de l’UE sont à la fois collaborateurs des Etats-Unis pour le soutien des capitaux financiers et rivaux pour leurs propres capitaux relativement concurrents. Ne pas soutenir les salaires et le pouvoir d’achat salarial renvoie aussi à la concurrence entre pays européens. Comme on ne peut pas dévaluer l’euro, pour tel pays en difficulté,  comme l’Espagne, on s’en prend aux salaires et la concurrence salariale dans l’UE se développe.

A l’inverse,  l’insistance  européenne sur la régulation et le contrôle du système financier, des paradis fiscaux et des fonds spéculatifs, renvoie au fait que les mouvements en question sont majoritairement en dollars. Tandis qu’au contraire les Etats-Unis comptent sur les fonds d’investissements,  y compris les fonds spéculatifs, pour  racheter  les actifs pourris avec un soutien public.

La Chine est également dans l’ambivalence.  C’est, d’une part, une « collaboratrice-rivale » des Etats-Unis, avec notamment sa prise de Bons du trésor américain et donc son soutien  au circuit  réel financier  en dollars. Et, d’autre part, elle recherche un soutien de ses réserves en devises et son développement indépendant. D’où sa tendance récente à se démarquer de la domination du dollar, comme l’ont fait également certains pays d’Amérique latine.

Crédit des  banques  et rôle des  Banques Centrales. En ce qui concerne les banques, nous avons évoqué le plan US récent sur les actifs pourris,  mais il y a aussi les discussions sur les exigences sur les fonds propres et les normes prudentielles.

Les fonds propres doivent être renforcés en quantité. Nous disons aussi en qualité. Les Banques centrales ont très fortement  abaissé les taux d’intérêt  directeurs de refinancement des banques. Elles ont été jusqu’à 0,25% pour  la Federal Reserve des EU et 0,50% pour La Banque d’ Angleterre ; Elles ont aussi développé leurs achats de Bons du Trésor, surtout la Federal Reserve. La BCE n’est descendue, le 2 avril, qu’à 1,25% et les traités existants lui interdisent toujours  de prendre  directement  des titres d’emprunt  public. En ce qui concerne le crédit, cela n’a pas encore permis  de sortir de ses limitations et difficultés, en raison notamment de la volonté pour les banques de relever leurs marges de profitabilité Enfin, au-delà du crédit bancaire et des fonds publics nationaux mis en place pour soutenir  les banques (fonds de participation, fonds de refinancement...), on annonçait  une initiative nouvelle,  un Fonds mondial de soutien du crédit à l’exportation.

La question de l’accroissement du rôle du FMI :

Il y a une volonté d’augmenter le rôle du FMI pour le contrôle  (prévention des risques…), mais aussi de procéder à une réforme des quote-parts des Etats, avec l’augmentation  de la représentation des pays émergents. Il n’est cependant pas question  de remettre en cause la minorité  de blocage des États-Unis pour les votes importants,  85% des voix nécessaires alors que les EU ont 16,77%. Il y a surtout, pour le FMI, le problème d’augmentation de ses ressources. Déjà il a été fait appel aux pays développés pour le soutenir. L’UE a ainsi donné 75 Mrds d’euros (100 Mrds de dollars), le Japon également 100 Mrds. De plus, les Etats-Unis ont accepté début mars, la vente de 430 tonnes d’or sur le stock de 3 217 tonnes du FMI, à laquelle ils s’étaient jusqu’à présent opposés. Le problème est que cela ne suffit pas. Il faut beaucoup plus. On en arrive à la proposition de la Chine. D’un côté, après un voyage d’Hillary Clinton en Chine, sa banque centrale a assuré qu’elle poursuivra  ses acquisitions  de Bons du trésor des EtatsUnis. Mais  le 23 mars, le gouverneur de la banque de Chine a déclaré qu’il fallait adopter une monnaie de réserve internationale,  fondée sur un panier de devises à partir des DTS (Droits de tirage spéciaux) du FMI, au lieu du dollar américain. Cela rejoint notre proposition d’une monnaie commune mondiale à partir de DTS, avec, grâce à la création  monétaire nouvelle internationale,  d’autres  critères  de refinancement  des Banques centrales, depuis le FMI, pour  des crédits  bancaires à taux abaissés, favorisant  les investissements matériels, l’emploi et la formation. Mais les États-Unis ont immédiatement refusé par la voix d’Obama et de Timothy Geithner (secrétaire d’Etat au trésor). Ce dernier  a déclaré que si l’on pouvait envisager plus de DTS, il n’était pas question d’une nouvelle monnaie de réserve mondiale autre que le dollar.

III Mesures décidées : insuffisances graves et contradictions fondamentales, face aux défis du tournant de la crise systémique.

Avec une unité affichée, en dépit  des oppositions sous-jacentes, les mesures décidées au G20 sont caractérisées par la confirmation et la poursuite des soutiens publics en cours, comme sur les relances, et par leur insuffisance foncière, notamment sur les contrôles  du système financier,  ainsi que par les contradictions fondamentales entre les efforts nouveaux et la conservation pour l'essentiel des règles existantes.

Ainsi, s'il y a une avancée suggestive sur les moyens du FMI, malgré son ampleur, elle reste modeste par rapport aux besoins. Et surtout, elle est contrecarrée, comme toutes les tentatives publiques récentes, par le maintien de la domination  de la rentabilité financière exacerbée du capitalisme mondialisé, au lieu de répondre aux exigences montantes de transformation radicale, avec de nouveaux critères des crédits et des financements publics.

En ce qui concerne les relances  de la croissance, les plans nationaux en cours sont confirmés, en considérant qu'ils seront efficaces. Tout en évoquant la nécessité d'aller  aussi loin qu'il  le faudra dans les efforts  budgétaires, on ne met pas en cause l'ampleur insuffisante des plans, en soulignant que, tous plans réunis dans le monde, on atteindra  5 000 milliards de dollars d'ici la fin de 2010. On ne met pas plus en question  leur contenu de soutien surtout aux capitaux, sans s'en prendre à la domination des critères  de rentabilité financière, à l'opposé  des soutiens faisant prédominer le progrès social (emploi, formation,  services publics),  à partir d'investissements réels,  matériels  ou de recherche et non à prédominance financière. On considère que les plans relèveront la croissance sensiblement (on table sur 4 %), l'emploi, l'économie « verte ».

En ce qui concerne le système bancaire, on souligne les mesures déjà prises de soutien  du système bancaire, d'apports  publics  de liquidités,  de capitaux, ou de liquidation des actifs « dépréciés ». Et on s'engage à soutenir le crédit, le secteur financier et le système monétaire international. On évoque l'augmentation  des fonds propres  des banques, la conservation dans les bilans d'une partie des crédits qu'elles titrisent, le besoin des fonds de réserve, la prévention  de l'endettement  excessif. Mais il n'y a aucune remise en cause des critères du crédit  bancaire et de son refinancement par les banques centrales.

Sur la régulation  et la supervision du système financier international, on a de nombreuses mesures, mais toutes très insuffisantes. C'est d'abord  la sur veillance internationale des risques. C'est le remplacement du Forum de stabilité financière inefficace par un Conseil de stabilité finan-

cière, à la participation élargie et au pouvoir renforcé, pour une surveillance accrue des risques du système financier,  mais sans capacité d'imposer  d'autres orientations. Le FMI devra collaborer avec lui pour la surveillance et des indications  d'action.

C’est ensuite la question des fonds spéculatifs. On limite  les mesures aux fonds spéculatifs « d'importance systémique », c'est-à-dire si importants que leur faillite menace d'écroulement le système financier, mais dont  la limite  n'est pas précisée. Ces « hedge funds » devraient s'immatriculer auprès d'un superviseur et avoir une gestion plus transparente. Cela ne va pas loin, tandis que les États-Unis comptent sur ces Fonds pour placer les actifs pourris des banques et que les places financières française et allemande veulent toujours  rivaliser  avec les Fonds de la City de Londres.

C'est encore la question  des paradis fiscaux et réglementaires, ainsi que des pays dits « non coopératifs  ».

On proclame  que l'époque du secret bancaire est terminée et que l'on est prêt à mettre en place des sanctions. Il a été demandé à l'OCDE de ranger les pays en trois catégories : -blancs, qui ne posent pas de problème pour la coopération  fiscale internationale ; -gris, qui se sont engagés à faire évoluer leur réglementation ; -noirs, non coopératifs. Toutefois, la zone grise a été au dernier moment gonflée par des promesses (comme celles de la Suisse ou du Luxembourg ou du Guatemala, etc..), tandis que New York ou Londres sont aussi épargnés.

C'est enfin les décisions d'améliorer  les nor mes comptables, de valorisation des actifs et des provisions, et la surveillance de pratiques des agences de notation, qui elles aussi ne touchent à rien d'essentiel.

C’est le financement mondial de l'économie par les institutions internationales et  le  FMI qui constitue l'ensemble de mesures le plus important, malgré ses limites.  La déclaration  finale, qui le met en tête, évoque un montant  global de 1 100 milliards  de dollars  (829 milliards  d'euros).  Cela concerne un Fonds de soutien du commerce international, de 250 milliards, et l'autorisation donnée aux banques multilatérales de développement  d'accorder  au moins 100 milliards  de prêts supplémentaires,  tout  particulièrement pour les pays en développement. Cela se rapporte surtout au FMI, dont les fonds disponibles, outre 12 milliards des ventes d’or, doivent être triplés, avec 750 milliards.  Cela comporte  500 milliards  à partir d'apports, dont 100 milliards  de l'Union européenne, 100 des États-Unis et 100 du Japon, plus 50 de la Chine et d'autres apports  du Canada, de la Suisse, de la Nor vège, du Brésil, ainsi que des emprunts sur le marché éventuels.

La chose la plus remarquable est la décision d'une allocation  générale de 250 milliards  de Droits de Tirages Spéciaux, s'ajoutant aux 500 milliards.

Trois remarques à ce propos.

Premièrement, c'est un changement important, à l'opposé du rôle devenu négligeable des DTS et du refus des États-Unis de les augmenter, pour maintenir le rôle dominateur du dollar, comme monnaie universelle de fait. En effet, pour un pays, ces droits  de tirage de devises des banques centrales adhérentes au FMI, sont sans limitation par la quote-part en or du pays et non remboursables, contrairement aux droits de tirages normaux. Ils ont été créés en 1969 et mis en place au début des années 1970, pour une véritable  création  monétaire  mondiale, à côté du dollar. Mais c’est ce dernier  qui est devenu une monnaie universelle, émise par les États-Unis pour dominer  le circuit  monétaire et financier  mondial, avec la révolution monétaire du décrochement de la monnaie par rapport à l'or de 1971-1980.

Deuxièmement, malgré son importance, cette création nouvelle est limitée. Et, en outre, ces nouveaux DTS seront alloués aux 186 Etats membres du FMI, en fonction de leurs quote-part globales (en or et aussi surtout devises). Ce qui signifie que 44 % du total sera alloué au groupe du G7, les pays les plus dominants, les pays en voie de développement se contentant de moins du tiers, dont seulement 7,6 % (19 milliards) pour les 50 pays les plus pauvres.

Cela est extrêmement loin du besoin d'allocations de DTS en fonction  de tout  autres principes,  comme l'importance de la population  et le chômage effectif, les insuffisances des services publics.

Troisièmement, cela ne renvoie que très partiellement et indirectement à la demande chinoise à la veille du G20, de l'instauration d'une autre monnaie de réserve que le dollar à partir des DTS. Mais cela exclut  l'essentiel de cette demande. En outre,  la Commission Stiglitz, mise en place par l’ONU sur la réforme du système monétaire et financier international, propose aussi de développer les DTS comme instrument  de réserve international.  Cependant, même cette instauration d’une autre monnaie de réserve, pour le moment refusée, ne suffirait  pas à répondre aux immenses besoins nouveaux.

Il faudrait une véritable nouvelle monnaie commune mondiale ou universelle, sa définition  à partir d'un panier de monnaies bien élargi par rapport aux DTS actuels, et notamment incluant des monnaies zonales, comme l'euro ou la monnaie en cours de création pour plusieurs pays d'Amérique Latine, ainsi que sa création massive. Il faudrait son allocation en fonction  de l'importance des populations  et de leurs besoins sociaux. Il faudrait des critères d'utilisation, visant à refinancer des banques centrales pour des crédits à taux très abaissés, zéro et négatif (diminution des remboursements) pour les investissements réels, matériel et de recherche, d'autant plus abaissés que ces investissements sont accompagnés de bons emplois et formation. Ces critères viseraient aussi la possibilité  que les banques centrales prennent des titres d'emprunts publics, avec leur création monétaire, éventuellement refinancée par le FMI, en vue d'une expansion sans précédent des services publics et de leur coopération, jusqu'à instituer des services et Biens communs publics  de l'humanité.  Et cela s’effectuerait  en liaison  avec un autre rôle de la Banque mondiale et des institutions correspondantes de l'ONU, ou encore avec un Conseil économique et social de l'ONU doté d'importants pouvoirs,  pour une démocratisation sociale d'une gouvernance économique mondiale partagée.

D'une façon générale, alors qu'en vue du G20, on avait prétendu agir pour « moraliser » le capitalisme voire pour le « refonder », ce qui a dominé c'est la poursuite des mesures de soutien des banques, des capitaux financiers, du capital des multinationales. Et cela, notamment  avec la réaffirmation du libreéchange et du cycle de libéralisme de l'OMC, malgré les promesses sur la sécurité alimentaire mondiale, l'emploi, la formation et l'éducation, ou le climat. Cependant, on ne peut pas se contenter de dire qu'il y a eu beaucoup de bruit pour rien, ni qu'on a seulement renfloué les responsables de la crise, ni que le G20 a uniquement légitimé les institutions internationales dominantes en n’apportant aucune réponse à la crise globale. En effet, les graves insuffisances des mesures de confirmations, ou des mesures nouvelles d’organisation  ou de financement, sont suggestives des besoins de transformation radicale, qu'elles contribuent à préciser. Et ces précisions pourront encore avancer lors du G20 de septembre à New York.

Bien sûr, le bras de fer entre les forces de conservation du système, encore très prédominantes,  et les forces politiques,  syndicales et morales, poussant à des changements radicaux, commencent seulement à se mettre en place. Même si les forces de progrès avancent dans certains pays, comme en Amérique Latine, en France ou en Chine, etc. Ce bras de fer peut durer longtemps, et il dépendra des développements des exigences nouvelles.

Le tournant  majeur dans la crise du capitalisme mondialisé, ayant poussé à la nouveauté des interventions publiques  très massives et aux efforts de coordination ou d'intervention des institutions internationales, reste marqué par les contradictions antagonistes entre ces actions nouvelles et le maintien des règles fondamentales du système. Cela contribue à faire monter non seulement au plan idéologique et politique,  mais au plan réel, le besoin d'avancer de nouvelles règles fondamentales.

Cela se marque avec le but de la rentabilité financière prédominante des interventions publiques. Et cela se marque aussi avec l'endettement  sur les marchés financiers pour financer ces interventions, nécessitant le soutien de ces marchés, plus important que la création monétaire nouvelle, elle-même soutenant la rentabilité financière. Cela développe les nouveaux risques très graves d’excès des endettements publics, liés à leurs critères ne permettant pas de développer comme il faut la croissance réelle et sociale dans le monde. Car cela peut déboucher,  nous l’avons déjà indiqué, sur d’énormes bulles, plus ou moins spéculatives, sur les titres publics  et leur éclatement, mettant  en cause les monnaies, dont  le dollar,  et faisant se relever les taux d’ intérêt  longs contre la croissance réelle, en relançant très fortement  les défis de changements profonds.

En effet, les nouvelles créations monétaires et tous les fonds publics  ne sont pas conditionnés  à des critères  d'utilisation radicalement  différents,  avec de nouveaux pouvoirs,  pour une croissance réelle faisant prédominer  la vie et les capacités des êtres humains, pour  aller vers une autre civilisation de l'humanité.

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