Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Chômage, emploi, salaires tout va mal Madame la Marquise !

Tout le monde s’en souvient : Christine  Lagarde glorieuse,  les doigts en « V », annonçant tout sourire une baisse de 6 600 demandeurs d’emploi de catégorie A fin 2009. Le bout du tunnel était en vue, ça allait raser gratis.

Malheureusement pour les travailleurs, la douche est froide. La crise financière a révélé crûment et amplifié les effets sur les travailleurs de la crise systémique du capitalisme. Le niveau du chômage explose, l’emploi stable se tasse au profit de l’emploi précaire et la hausse du pouvoir d’achat ralentit.

Un niveau de chômage en hausse qui frappe durement toutes les catégories d’actifs

Les dernières livraisons de l’INSEE confirment pour le premier trimestre 2010 et le dernier trimestre 2009 un niveau de chômage équivalent à celui de 1999, malgré la chute de 2008. Les chômeurs au sens du BIT (1) représentent 9,9 % de la population active du pays en 2010, voire 10,1 % pour Eurostat.

Mais ce nombre est l’arbre qui cache la forêt puisqu’il s’accompagne d’une hausse fulgurante du sous-emploi toutes catégories de travailleurs confondues. En France métropolitaine, en mai 2010, près de 3,4 millions de personnes sont recensées par l’organisme international comme ne travaillant pas mais souhaitant travailler, qu’elles aient été ou non disponibles dans les deux semaines pour travailler et qu’elles aient recherché ou non un emploi (4 182 800 personnes en France). Ce nombre augmente de 9,1 % en une seule année.

Le détail du nombre de chômeurs recensés cette fois par Pôle emploi est à ce titre éclairant, bien que sa définition du chômeur (2) ne recoupe pas parfaitement celle du BIT.

Le recensement effectué par Pôle Emploi montre qu’en 2 ans (juin 2008 à juin 2010), loin de baisser, le nombre de chômeurs de catégorie A augmente de 34 % : de 2, 015 millions de personnes à 2,7 millions (données DARES). Cette progression a fortement impacté les hommes (+46,5 %), et moindrement les femmes (+22,1 %). Elle pèse en volume mécaniquement le plus sur les travailleurs  de 25 à 49 ans (1,58 millions de chômeurs de cette catégorie  d’âge recensés au 1er trimestre 2010, +0,9 % en un an). Mais elle confirme la situation dramatique des jeunes de 15 à 24 ans dont le taux de chômage demeure autour de 24 % (634 000 personnes recensées au 1er trimestre 2010, +0,3 % en un an) et la continuité du calvaire pour les séniors dont le nombre d’inscrits continue de croître de 1,3 %.

Malgré un ralentissement depuis un an, de juin 2009 à juin 2010, la progression du nombre de chômeurs de catégorie A est de 7,1 % (+22 600 personnes sur le dernier mois de mai 2010, +54 500 depuis le début de l’année).

Le nombre de demandeurs d’emploi  inscrits à Pôle emploi de catégories B et C s’établit à 1 243 300 en France métropolitaine fin mai 2010 (+45 500 depuis le début de l’année). Si en mai, le nombre de ceux de catégorie B diminue de 0,3 % et de ceux de catégorie C est en baisse de 0,6 %, cette évolution ne doit pas faire illusion. Pour l’année passée (de mai 2009 à mai 2010), le nombre de demandeur d’emploi de catégorie B et C est respectivement en hausse de 3,2 % et de 4,9 %. Sans doute, concomitamment aux effets d’une politique de radiation active des fichiers de l’ANPE-Pôle Emploi prônée par le gouvernement (+5,9 % de cessation d’inscription pour défaut d’actualisation au mois de mai 2010 et +16,6 % de radiation depuis avril 2010), le ralentissement de l’augmentation du nombre de ces chômeurs doit être imputé pour beaucoup à la montée en charge du RSA et du statut d’auto-entrepreneur. C’est-à-dire à des situations qui correspondent à des situations d’emploi précaire.

Ceci est d’ailleurs confirmé par les données sur le taux d’emploi (3) des français. Après une chute spectaculaire depuis le dernier trimestre 2008 (-1,5 %), ce dernier augmente légèrement au premier trimestre 2010 (+0,3 %), mais il est essentiellement tiré par les formes particulières d’emplois. Depuis le 1er trimestre 2009, la part des personnes de 15 à 64 ans intégrant un emploi en CDD ou en intérim augmente (+0,5 %), tandis que celle des personnes en CDI continue de diminuer (-0,8 %). Cette évolution illustre l’augmentation du sous-emploi en France, +0,7 % en un an tirée par la hausse du temps partiel subi. Sous-emploi qui représente au 1er trimestre 2010, près de 6,1 % des personnes en emploi et qui explique un taux d’emploi en équivalent temps plein inférieur de 4 points au taux d’emploi.

Quant à la situation des chômeurs de longue durée, elle continue de se détériorer. Avec une progression mensuelle moyenne sur 2009-2010 supérieure à 1 % et une durée moyenne de chômage de 418 jours, ils représentent  désormais près de 36 % des chômeurs recensés (1,4 millions de personnes). Une progression de 6 points en une seule année.

Une chute de l’emploi depuis 2007 conjuguée à un recours à l’emploi précaire

Cette évolution du chômage prend toute sa dimension avec l’évolution récente de l’emploi sur la même période.

Le marché de l’emploi  se dégrade dès le printemps 2008, certes en raison du ralentissement de l’activité mais aussi du fait d’une politique d’entreprise qui délocalise à tour de bras encouragée par le gouvernement.

Par rapport à 2007, l’emploi  total baisse en 2008 d’environ 90 000 emplois. Au second semestre de cette année-là, l’économie française perd 110 000 emplois. Les seuls effectifs salariés des secteurs principalement marchands diminuent de 140 000, dont 73 000 dans l’industrie. L’intérim, dont le recours est important dans les secteurs de l’industrie et de la construction, perd 139 000 emplois. Seuls les autres secteurs tertiaires marchands créent des emplois (+59 000).

L’année 2009 n’est pas en reste, comme la précédente, plus d’emplois sont détruits que créés. Toutes les régions françaises, à l’exception de la Corse enregistrent une baisse de l’emploi salarié du secteur marchand par rapport à 2008. Au total, la chute est de 2,1 % sur la seule année 2009. 419 700 emplois y sont perdus. Les secteurs les plus touchés restent l’industrie (-157 500) et la construction (-33 000), tandis que le tertiaire recommence à créer des emplois à partir du 3e trimestre de l’année. Pourtant, les résultats financiers des majors de l’économie française sont au beau fixe fin 2009. Pour les actionnaires  du CAC40, la crise est passée.

2010 semble modifier légèrement la tendance de fond sur l’emploi (+ 6 500 emplois dans le secteur marchand au 1er trimestre), sauf dans l’industrie qui continue à perdre des emplois au même rythme que les années précédentes (-29 100 au 1er  trimestre). Toutefois, il semble que cette évolution de tendance soit principalement due à l’intérim (+ 30 400 emplois), malgré un secteur tertiaire qui recrée des emplois (+ 19 600 emplois créés hors intérim). Quant à la situation du secteur de la construction, elle se stabilise  (+3 000 emplois). Globalement, sur ce 1er  trimestre, l’évolution de l’emploi hors intérim reste négative (6 500 emplois).

Ce rapide portrait de l’emploi sur les deux années  passées confirme bien la tendance de l’économie française. L’abandon de l’industrie française s’est  accélérée avec la crise financière et se poursuit à un rythme soutenu. Le recours à la création d’emplois  précaires tend à remplacer le recours aux emplois stables. La crise financière de 2008 aura servi à amplifier le phénomène.

(1) En application de la définition internationale adoptée en 1982 par le Bureau international du travail (BiT), un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions :

– être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant une semaine de référence ;

– être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;

– avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

il est à noter que les catégories de chômeurs au sens du BiT ne sont pas toujours les mêmes que ceux au sens de Pôle Emploi. On peut être chômeur au sens du BiT et pas chômeur au sens de Pôle emploi (ex : les radiés de Pôle emploi, les SDF…). Et inversement (ex : les chômeurs en sous-activité, RSa…).

(2) Les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sont regroupés en différentes catégories. Conformément aux recommandations du rapport  du Cnis sur la définition d’indicateurs en matière d’emploi, de chômage, de sous-emploi et de précarité de l’emploi (juin 2008), la Dares et Pôle  emploi présentent à des  fins d’analyse statistique les données sur les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en fonction des catégories suivantes :

– catégorie a : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ;

– catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte (de

78 heures ou moins au cours du mois) ;

– catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue (de plus de 78 heures au cours du mois) ;

– catégorie D : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie…), sans emploi ;

– catégorie E : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés).

(3) Taux d’emploi : rapport entre le nombre de personnes ayant un emploi et la population totale.

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