Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Fins de droits : La bombe sociale

Alors qu’économistes néolibéraux  et entreprises nous expliquaient  que le marché du travail français n'était  pas assez flexible,  que le niveau trop élevé des allocations chômage n'incitait  pas les demandeurs d'emploi  à rechercher du travail.   Les « réformes  » ont donc privilégié, par des allégements de charges, les contrats à durée déterminée.  Les critères d'octroi des allocations ont été durcis de même que l'indemnisation du chômage. La durée de cette indemnisation est désormais proportionnelle  à la durée de cotisation, donc aux nombres d'heures travaillées. Avec la nouvelle phase d’explosion de la crise, les mesures destinées à favoriser une rotation plus rapide des salariés sur le marché de l'emploi se sont retournées contre les chômeurs

Les dispositions introduites par l’accord de 2009 prétendaient faciliter l'accès à l'indemnisation  des personnes ayant eu des contrats de travail précaires. En réalité, le système actuel reste plus restrictif que celui qui prévalait au début des années

1990 et même avant 2003, où quatre mois d'affiliation étaient nécessaires au cours des dix-huit derniers mois pour être indemnisé. Mais le problème majeur de la réforme de 2009 est que la durée d'indemnisation, vingt-trois mois maximum, est égale à la durée de cotisation. Auparavant, il existait plusieurs filières, dont une seule accordait une durée d'indemnisation égale à la durée de cotisation ; dans les autres, elle était supérieure. La nouvelle réglementation met donc fin à ce système au profit d'une seule durée d'affiliation, de quatre mois minimum.  Ce système favorise les personnes qui ont cotisé entre quatre et six mois mais défavorise celles qui ont cotisé plus de six mois.

Les CDD, premiers à être licenciés, ne retrouvent plus d'emploi sur un marché du travail devenu atone. Ils sont les premiers aujourd'hui à épuiser leurs droits aux allocations, puisque ce sont eux qui ont travaillé le moins longtemps. Aussi,1 million de chômeurs arriveront en fin de droits en 2010, dont 600 000 ne bénéficieront d'aucune allocation, en raison des nouvelles conditions d'attribution.

Cette situation  est une « bombe sociale », qui illustre les limites des négociations entre «  partenaires sociaux », sous  le chantage gouvernemental et patronal. Les régionales seront une occasion de sanctionner cette méthode Sarkozy visant à instrumentaliser les syndicats pour imposer des régressions sociales.

Aucun salarié ne doit perdre ses droits.

La Cgt propose que les « partenaires sociaux » prolongent les droits à l’assurance chômage. Par ailleurs, elle considère que l’État devrait permettre à tous les chômeurs sans revenu de bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité (ASS).

De même, l’État doit proroger les dispositifs Allocation Équivalent Retraite (AER) et Allocation de fin de Formation (AFF) durant 2010 pour les demandeurs d’emploi.

D'autres propositions sont avancées. Par exemple, reporter l'âge maximal fixé pour toucher l'indemnisation  chômage coût  estimé à 80 millions  d'euros en 2010 ; ou prolonger de six mois la durée de prise en charge des contrats de reclassement professionnel et des contrats de transition professionnelle.

L'extension des périodes d'indemnisation, prônée par la CGT, la CFTC et FO, générerait  un surcoût chiffré par Pôle emploi à 555 millions d'euros pour un mois, 999 millions pour deux mois et 1,3 milliard d'euros pour trois mois, avec un taux dégressif  de 70% à 50%. Une dégressivité  à laquelle s’opposent les syndicats, qui

Un scandale social

Selon l’économiste Christine Erhel " Les réformes ont conduit à une diminution continue de la durée d'indemnisation "

« Dans toutes les périodes de crise économique, la France a connu un accroissement du nombre de chômeurs en fin de droits. Mais cette fois, il est plus important, car l'évolution du système d'indemnisation se caractérise, surtout depuis le début des années 1990, par un mouvement de restriction quasi continu.  Il s'opère par un durcissement des conditions d'accès aux droits et par une diminution de la durée d'indemnisation. Celle-ci est passée, en 2002, de trente mois maximum à vingttrois mois ».

En 2009, le nombre de chômeurs en fin de droits avait déjà enregistré une hausse de 35,2%. En 2010, plus d'un million de chômeurs qui arrivent en fin de droits, notamment ceux qui ont perdu leur emploi fin 2008, verront leurs indemnisations arriver à leur terme à la fin de l'année. Si depuis plusieurs années les demandeurs d'emploi  dits de longue durée (un an ou plus) représentent de façon stable plus de 40% du nombre total de chômeurs, leur nombre absolu est en forte augmentation : « Il est évalué à 947 000 au troisième trimestre 2009 contre 760 000 sur la même période en 2008, soit en hausse de 24% sur un an », indique Corinne Prost, responsable de la division emploi à l'Insee. Or à peine quatre de ces chômeurs sur dix devraient bénéficier de la solidarité nationale, par le biais de l'allocation spécifique de solidarité ASS, un minimum social pour ceux qui ne bénéficient plus d'indemnisation chômageou du revenu de solidarité active (RSA), ex-RMI L'éligibilité à l'ASS comme  au RSA est en effet soumise aux conditions de ressources du foyer et non de l'individu.  Les autres n'ont droit à aucune aide. craignent qu'elle soit généralisée à tous les chômeurs indemnisés après le retour de la croissance.

Aujourd’hui le gouvernement tente de renvoyer la balle aux « partenaires sociaux » qui gèrent  traditionnellement l'assurancechômage au sein de l'Unedic. Mais, avec le financement actuel, prolonger de trois mois l'indemnisation  des chômeurs en fin de droits coûterait 1,3 milliard d'euros de plus à l'Unedic. Or, celle-ci affichait déjà un déficit cumulé de 5,6 milliards d'euros fin 2009.

Après les banques pourquoi  ne pas secourir  les chômeurs  ? La déclaration du premier ministre, François Fillon « La réduction des déficits publics passe d'abord par la réduction de la dépense » signifie-t-elle que les chômeurs en fin de droits seraient sacrifiés ? Ce serait prendre un risque social et politique alors que l'État vient de consacrer près de 40 milliards d'euros au sauvetage des banques, à l’aide aux groupes et à leurs satellites avec le plan de relance.

Cette situation a amené le PCF, à réclamer que soit adoptée « une allocation de solidarité exceptionnelle qui prolongerait leurs droits pour une année ».

Le patronat qui a usé et abusé du recours à l’emploi précaire, doit être financièrement responsabilisé par la situation des fins de droits. Pour la plupart des syndicats, c'est dans la prise en compte de la précarisation du marché du travail qu'il faut puiser les financements de la politique de l'emploi. Les pistes étudiées par les différentes  centrales  (CGT, CFDT, CFTC, FO) ou la Fédération syndicale unitaire (elle n'est pas représentée dans les négociations sur l'assurance-chômage) privilégient tantôt la taxation de la précarisation du travail (cotisations corrélées à la durée des contrats, élargissement de l'assiette de cotisations), tantôt la prolongation de la durée d'indemnisation, tantôt l'assouplissement des conditions d'éligibilité  à la solidarité nationale.

Les contrats précaires constituant la première cause d’entrée au chômage, la Cgt continue donc de proposer une augmentation de la cotisation patronale sur ce type de contrats. On pourrait aussi instaurer une pénalité de précarité en fin de contrat, au bénéfice du service public de l’emploi (en plus de l’indemnité de précarité versée au salarié).

Précarisation

Sur les 726 161 chômeurs auxquels l'assurance-chômage a cessé de verser des indemnités en 2008 (757 000 avec les départements d'outre-mer), 38% ont cotisé moins d'un an et 38% étaient  des chômeurs de longue durée, indique le service public de l'emploi.

« Les contrats courts reviennent de manière récurrente dans les bataillons du chômage », souligne Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO). En 2008, parmi  les chômeurs en fin de droits à l'assurance-chômage, 45% s'étaient inscrits à la suite d'une fin de contrat  à durée déterminée (CDD) et 14,7% après une fin de mission d'intérim. Le nombre de chômeurs arrivés en fin de droits après un contrat court va probablement augmenter en 2010, notamment  parce que, si la convention d'assurance-chômage entrée en vigueur en avril 2009 ouvre l'accès à l'indemnisation plus tôt (dès le 122e jour de cotisation, soit après environ 4 mois de travail contre 6 mois précédemment), la durée d'indemnisation est en revanche égale à la durée d'affiliation.

Les impasses des politiques dites d’« activation des dépenses »

Au final, depuis les années 1990, on a observé une baisse continue de la part des chômeurs indemnisés, relativement stabilisée  de 2005 à 2008, mais elle connaît une accélération récente avec la crise

L’idée qui a guidé ce mouvement quasi permanent de restriction des droits, c'est le concept d'activation des dépenses passives, un principe que prône l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'idée étant que l'épargne réaliséeen indemnités chômage, en préretraites...

alimente des dépenses dites actives telles que la formation, les aides à l'emploi, etc. Le problème est que si, dans la plupart des pays européens, les dépenses passives ont bien été réduites, les dépenses actives ne se sont pas accrues, en raison de contraintes budgétaires.

Une situation financière de l'Unedic préoccupante.

La croissance économique ayant un impact direct sur le montant des contributions, la récession de 2009 (2,2%) s'est traduite dans les comptes de l’UNEDIC par un déficit annuel de 902 millions d'euros. Il est attendu à 3,6 milliards en 2010, avec une hypothèse de croissance de 1,1%.

Les propositions  du PCF  : un financement alternatif  pour faire face aux nouveaux besoins d’indemnisation.  Un relèvement des cotisations sociales patronales est indispensable. La modulation  des taux de cotisations patronales en fonction des politiques d’emploi suivies par les entreprises viserait à pénaliser les entreprises qui licencient et multiplient les emplois précaires et à accroître leur contribution. Inversement cela tendrait à inciter les entreprises à développer l’emploi stable et de qualité.

Les exonérations de cotisations patronales,  inefficaces en matière d’emplois sont largement controversées, notamment par La Cour des Comptes. Nous proposons  la réorientation des fonds publics actuellement destinés aux compensations des exonérations dites pour l’emploi. La création d’un Fonds national et de Fonds régionaux pour l’emploi et la formation permettrait de prendre en charge des bonifications  des taux d'intérêt payé aux banques par les entreprises pour leurs crédits à l'investissement. Cette réduction de la charge d'intérêt serait d'autant plus importante que les investissements productifs financés programmeraient plus d'emplois et de formation.

Une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques à hauteur des cotisations sur les salaires destinées à l’UNEDIC. Cela pose aussi l’urgence d’une responsabilisation des employeurs notamment par une hausse de la cotisation patronale, pour financer l'augmentation des droits et revenus des chômeurs, des précaires, des titulaires de minima sociaux, ainsi que pour des aides véritables visant une insertion dans l'emploi ou dans la formation choisie et de qualité. L'indemnisation du chômage ne joue plus le rôle qui lui était assigné au départ. Les justifications  à l'existence d'une assurance-chômage sont la lutte contre la pauvreté et la protection de la force de travail afin que les personnes n'acceptent pas n'importe quel poste.

Un consensus libéral et social-libéral estime que les restrictions budgétaires nécessitent de limiter la durée d'indemnisation pour inciter les personnes à revenir plus vite vers l'emploi. C'est la logique d'incitation, qui a été dominante  dans les années 1990 et au début des années 2000, y compris en France. Le résultat a été une hausse des emplois de faible qualité temps  partiels courts, salaires bas, etc. c’est à dire une dégradation de la qualité de l'emploi, des formations, des salaires, des conditions de travail, des qualifications.

Au contraire l’objectif seait de construire un nouveau système révolutionnaire de Sécurité d’emploi et de formation. Dans l’immédiat, il s’agirait que tous ceux qui sont confrontés au chômage, puissent bénéficier d'une mise en formation longue et de qualité avec une bonne indemnisation, et une continuité de droits et de revenus relevés, permettant de prendre le temps de trouver un emploi adéquat.  C'est l’application immédiate du principe de sécurisation des parcours professionnels.

 

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