Le COR voudrait nous faire croire que son rapport est un acte neutre, un simple rassemblement d’« options et modalités techniques », tout en disant qu’il « a été sensible à la confiance qui lui est ainsi manifestée » par le demandeur qui est le Parlement qui, (avec l’accord du gouvernement), a voté l’article 75 de la loi du 17 décembre 2008 :
« Avant le 1er février 2010, le Conseil d'orientation des retraites remet aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les modalités techniques de remplacement du calcul actuel des pensions personnelles par les régimes de base d'assurance vieillesse légalement obligatoires, soit par un régime par points, soit par un régime de comptes notionnels… »
Il est vrai que, à quelques lignes de son terme, page 200, avant les 15 annexes, le rapport, dans un sursaut reconnaît que le changement de régime « n’est pas principalement une question d’ordre technique » et que, au préalable, des choix politiques sont nécessaires, Ce rapport est essentiellement un acte politique fondamental puisqu’il se charge d’expliquer ce que sont les deux régimes par points et par comptes notionnels et les dispositions pour opérer le transfert du régime actuel.
Il est évident que ce transfert est laborieux. Le COR prend la peine de préciser les points qui ne passeront pas tels quels du régime actuel à l’un ou l’autre des nouveaux, il explique ce qu’il faudra modifier ou supprimer. Tous les développements consistent à montrer que des points actuels pourraient trouver solution par le changement et que l’on pourrait se débarrasser de tous ceux qui gêneraient.
Certains journalistes ont précisé que le COR annonce que « aucune technique ne permet en elle-même d’assurer le retour à l’équilibre financier d’un régime de retraite déséquilibré ». Mais ils oublient de noter que quelques lignes plus loin, il est dit : « Les effets sur les comptes du régime et sur le niveau des retraites du passage à un calcul en points ou en comptes notionnels dépendent ainsi du choix des paramètres qui seront retenus : taux de cotisation, valeurs d’achat et de service du point dans un régime en points, taux de revalorisation des cotisations et des pensions ».
Et le travail du COR consiste bien à montrer tout au long que les deux nouveaux régimes donnent tous les outils nécessaires pour aboutir. La question du financement ne se poserait plus comme actuellement puisque l’action sur les paramètres des nouveaux régimes permettrait d’assurer l’équilibre financier, dans la mesure où aucune garantie ne serait donnée sur ce que serait le niveau de la pension finale.
Exemple, il nous est montré qu’il serait inutile de transférer la notion de minimum contributif, puisque elle n’a plus de sens dans un régime dans lequel la durée d’assurance n’aurait plus de raison d’être. Puisque ce qui compte dans un système par points ou par comptes notionnels, ce n’est pas la durée mais le nombre de points, ou le capital virtuel, acquis (qui n’est pas a priori limité). En faisant 10 annuités de plus, chacun aura un peu plus de points ou de capital virtuel, (sans savoir le niveau final de sa pension). Pourquoi chercher ailleurs ? [C’est du sarkozisme pur sucre. (et votre pension durera 10 ans de moins !)]
Et encore, la référence à un nombre de « meilleures » années ou aux 6 derniers mois n’a plus sens puisque par points ou par comptes notionnels, toutes les années comptent qu’elles soient bonnes ou mauvaises !
Les revalorisations du minimum contributif sont toujours présentées comme si tous les titulaires de ce minimum avaient reçu les 3 fois 3% des majorations annoncées, ce qui est totalement faux.(page 36) (Le 1er Janvier 1997 un million de retraités étaient au minimum contributif du régime général qui faisait 50% du SMIC : aucun n'a touché les 3 fois 3%)
En 2010, on ne nous ressort pas l'exemple cité en 2007, d'un retraité qui avec deux modestes activités, régime général et assurance agricole, cumulerait deux minimums contributifs. (Quand on sait que 5 années de périodes précaires donnent 75 euros par mois de pension, on voit mal la « fortune »amassée par un tel salarié). Mais on se félicite maintenant que les cumuls de cet ordre ne sont plus possibles grâce à la loi du 17 décembre 2008. (pas un mot sur les cumuls de M. Proglio).
Pour le futur des fonctionnaires, le rapport fait référence à la RAFP (page 51) qui augmenterait de 2,9% le taux de remplacement en 2050. Or la RAFP fonctionnant par capitalisation, aucune garantie n’existe sur ce niveau.
Nous avons vu par exemple page 52 des affirmations qui méritent beaucoup de réserves et qui à mon avis ne s’appliquent pas aux fonctionnaires. Le COR annonce sans autres réflexions que les retraités nouveaux arrivent avec une pension meilleure que les anciens. Je vais montrer que cela est à prendre avec des pincettes.
Selon les chiffres officiels publiés sur les pensions de la Fonction Publique dans le rapport annexé à la loi de finances pour 2010, en 1990 la pension moyenne de départ était 1122 euros et l’indice moyen de départ 471. En 2008 on nous dit que cette pension moyenne de départ est de 1716 euros et l’indice moyen 598. Or selon nos calculs, de 1990 à 2008, la valeur de l’indice de la F.P. a été multipliée par 1,28 (et la pension par 1,334) donc pour un indice de départ 471 cela fait
1122 x 1,334 = 1497 euros en 2008 . Si l’indice moyen est 598 au lieu de 471, cette pension devrait atteindre
1900 euros (2) au lieu des 1716 . L’indice de 598 n’a pas été atteint par une amélioration des pensions, mais par une amélioration de certaines fins de carrières. Des milliers d’instituteurs sont devenus professeurs des écoles (indice passé de 530 à 658, une part d’agrégés et de maîtres de conférences ont obtenu la hors classe de 820 à 963 en fin de carrière, des certifiés ont vu passer leur indice de 657 à 783. Tout cela participe à une augmentation de l’indice de départ, donc la retraite aurait dû suivre cette cadence-là. C’est loin d’être le cas puisque c’est une chute de 1900
– 1716 = 184 euros. Donc cela résulte des décotes et autres réductions des durées agissant en négatif sur le résultat global entre le départ moyen de 1990 et le départ moyen de 2008. Il est donc faux d’annoncer une amélioration des pensions puisque le résultat est inférieur à ce qu’il aurait dû être dans des conditions constantes.
Et cela veut dire que des clauses concernant la retraite elle-même sont intervenues en négatif. Pour un fonctionnaire qui part en 2008 au même indice de fin de carrière que celui qui existait en 1990, même en tenant compte des 5 points d’indice accordés dans la période, de 471 à 476, sa pension est en 2008 à 1366 euros (3) alors que s’il était retraité depuis 1990 il serait à 1122 x 1,334 = 1497 euros (4) soit une baisse de 129 euros par mois.
Pour un maître de conférences à l’université, parti en retraite en 1990 à l’indice 816 avec le même déroulement de calcul de pension moyen à cette date, il
serait actuellement à 2589 euros (5) alors que s’il part en 2008 avec le même déroulement que le déroulement moyen de 2008, il ne recevra que 2353 euros (6) soit une perte de 236 euros par mois. Donc le COR a complètement tort sur son affirmation globale que les nouveaux ont une meilleure pension que les anciens. Cela est loin d’être vrai pour la plupart des fonctionnaires.
L’affirmation du COR est-elle un hasard ou un argument supplémentaire pour faire admettre que l’on peut dès maintenant faire baisser les nouvelles pensions, qui ces temps derniers auraient continué à monter ?
Page 83, le rapport donne trois exemples numériques pour montrer les grandes qualités du système par points et du système par comptes notionnels. Ils sont totalement artificiels et tous les paramètres sont supposés sans changement pendant toute une carrière de 40 ans avec un traitement annuel stable de
20 000 euros et un prélèvement total de 25%. Or les difficultés proviennent justement des aléas multiples qui marquent une carrière…. Y compris le chômage ou les difficultés d’embauche et toutes les précarités.-
Mais il y a pire dans ces trois calculs du chapitre II-1 : On nous parle du salarié concerné « ayant cotisé pendant 40 ans au taux de 25% », et il n’est jamais question des cotisations patronales. Pendant plus de 130 pages du texte présentant les deux nouveaux régimes le mot « employeur » disparaît. Silence sur l’existence de cotisations patronales et sur celle de l’État-patron qui concerne quelques millions de fonctionnaires. Que veut cacher un tel silence ? Retirer tout engagement des patrons et de l’État ? On pourrait le penser. Est-ce un « oubli » technique ou faut-il en faire une option politique au sens très évident ? Ce serait si bien si les salariés payaient tout, ce serait une bonne application de la notion de neutralité actuarielle déjà utilisée dans le rachat des années d’études !
(1) Septième rapport du Conseil d’ orientation de retraites, 27 janvier 2010 : « Retraites : annuité, points ou comptes notionnels ? Options et modalités techniques ».
(2) Indications rapides sur les chiffrages donnés : Pour les retraités de la fonction publique la croissance d’une pension entre 1990 et 2008 est : 1,868/1,40 = 1,334 pension acquise en 2008 par un fonctionnaire à l’indice 598 parti en 1990 : 1122 x (598/471) x 1,334 = 1900 euros.
(3) Pension acquise effectivement en 2008 par un fonctionnaire à l’indice 476 partant en 2008 : 1716 x (476/598) = 1366 euros.
(4) Pension acquise par le retraité moyen de 1990 en 2008 : 1122 x 1,334 = 1497 euros.
(5) Pension acquise en 2008 par un fonctionnaire à l’indice 816 parti en 1990 : 1122 x (816/471) x 1,334 = 2589 euros.
(6) Pension acquise effectivement en 2008 par un fonctionnaire à l’indice 820 partant en 2008 : 1716 x (820/598) = 2 353 euros.
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