Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Budget 2011 : l’austérité au service du marché

L’examen du projet de budget 2011 s’est ouvert le 18 octobre à l’Assemblée nationale. Au cœur d’une période marquée par l’exemplaire mouvement social contre le projet gouvernemental de réforme des retraites, le débat budgétaire peut donner l’impression de se dérouler dans une sorte de huit clos, situation qui n’est sans doute pas pour déplaire au gouvernement. Sauf que le conflit des retraites vient opportunément lui rappeler que la contestation populaire montante prend sa source dans le contenu régressif des choix de gestion auxquels il entend soumettre l’ensemble des budgets publics et sociaux.

Comme on pouvait s’y attendre, les belles intentions affichées au cours de la période préparatoire des orientations budgétaires de l’année 2011 n’auront été que des leurres cédant rapidement leur place au réel. Et ce réel c’est une nouvelle cure d’austérité pour les finances publiques,  que ce soit pour les dépenses de l’État ou celles des collectivités territoriales, mais c’est également une austérité aggravée pour le budget des ménages de niveaux modestes et moyens. L’inflexion fiscale tant évoquée du budget 2011 vers les plus hauts revenus et les entreprises n’aura pas lieu. Par contre les  plus faibles seront à nouveau durement frappés. D’une part, ils vont être mis à contribution par de nouveaux  prélèvements qui ne veulent pas dire leur nom. De l’autre  ils devront supporter la baisse du niveau de certaines prestations sociales et le coût induit par le transfert de missions de services publics au privé ou tout simplement par leur abandon.

Au nom de la réduction du déficit

Afin de se conformer aux exigences du pacte de sta- bilité rappelées très fortement au printemps dernier par la Commission de Bruxelles et la BCE en réponse à la crise grecque, le gouvernement français dont les représentants n’ont pas été les moindres artisans de ce rappel à l’orthodoxie  monétariste  s’est fixé un double objectif temporel. Ramener le déficit public à 6 % du PIB en 2011 alors qu’il sera d’au moins 7,7 % en 2010 et atteindre les 3 % en 2013.

Une telle logique est porteuse de régressions sociales considérables. Aucun enseignement n’a finalement été tiré de la crise des subprimes et pire encore de la crise grecque dont les symptômes guettent en ce moment même plusieurs autres pays de l’Union européenne. N’est-ce pas une captation toujours plus grande par les marchés financiers du produit de la richesse créée, appauvrissant les populations et minant l’infrastructure publique et sociale des nations, qui a conduit à l’actuelle exacerbation de la crise systémique ? Nombreux furent ceux qui firent mine d’en convenir au lendemain de l’effondrement de la banque Lehman Brothers et du marché immobilier états-uniens, y compris Nicolas Sarkozy en personne. Mais ce n’était qu’une posture, le but suprême demeurant inchangé : assurer un ren- dement maximum au capital et montrer patte blanche aux marchés financiers.

Les mêmes causes produisant  les mêmes effets, une rechute à court ou à moyen terme de la croissance, aggravant l’approfondissement de la crise du système, est inscrite en filigrane de telles politiques. Une rechute aux conséquences encore plus graves pour les peuples, car elle se produirait sur fond d’un socle de protections sociales et publiques considérablement  affaibli par les secousses précédentes.

Par les choix récessifs qu’il  impose, le budget 2011 participe à cette logique. Par sa volonté de privilégier les prélèvements  financiers sur la richesse créée au détriment des prélèvements sociaux et publics, l’État creuse sans cesse la dette et en aggrave ainsi le poids budgétaire, rendant totalement  prévisibles de nouvelles restrictions pour les années  à venir. Moins d’argent pour les services publics, pour la protection sociale, pour l’emploi réel, c’est assurément la perspective d’une croissance faible. Qui dit croissance faible sous-entend un ralentissement des recettes budgétaires, particulière- ment d’origine fiscales, alors que l’État doit malgré les coupes sombres pratiquées, satisfaire certains besoins sociaux élémentaires  et surtout répondre à l’avidité de fonds publics que manifestent en permanence les milieux financiers et patronaux. Désargenté l’État se tourne vers l’emprunt  et augmente ainsi régulièrement sa dette sans perspective d’assainissement.

La loi de Finances 2011 à grands traits

Le budget 2011 poursuit avec acharnement  le ration- nement des dépenses publiques avec la nouvelle phase de la RGPP (Révision générale des politiques publi- que) qui, devenue RGPP 2, prévoit non seulement la suppression de 31 411 fonctionnaires dont 16  000 enseignants mais propose le blocage des rémunérations dans la Fonction publique.

Comme pour son projet de réforme de la retraite dont l’objectif est, en prévoyant de reverser moins, de faire basculer sensiblement la prise en charge de l’ensemble de la protection sociale vers le secteur des assurances privées, on retrouve dans les choix budgétaires, l’incita- tion à la privatisation. Avec le rationnement des collec- tivités territoriales par le gel des concours financiers de l’État induisant une perte sèche de recettes pour 30 000 communes, N. Sarkozy et son gouvernement  cherchent à pousser ces dernières à recourir à des « Partenariats Public-Privé » pour imposer les critères de la rentabilité financière dans la gestion des services publics. La baisse de crédit pour plus de la moitié des missions de l’État s’inscrit également dans cette perspective.

Le budget 2011 s’incarne par ailleurs dans un dispositif de hausses de recettes estimées à 11 milliards d’euros (voir tableau ci-après). On  ne peut cependant en conclure que les mesures proposées permettent de ré- duire en quoi que ce soit l’injustice accumulée au cours des dix dernières années. Car si l’époque de la baisse des impôts semble être révolue, cela ne signifie pas que le gouvernement ait décidé subitement un changement fondamental de cap fiscal. Globalement 11 milliards de prélèvements supplémentaires sont prévus qui devraient à plein régime, en 2012, rapporter 13,5 mil- liards d’euros. Pour autant ce montant est très loin de gommer les 70 milliards de cadeaux fiscaux accordés depuis l’année 2000. Et la question centrale posée par le dispositif de hausses de recettes 2011 demeure plus que jamais la répartition de l’effort contributif.

Derrière des mesures largement symboliques sur les revenus des entreprises, du capital et des ménages aisés, un dispositif d’ensemble vise à frapper directement au porte-monnaie  les couches sociales moyennes et mo- destes. Pour elles la note risque de s’avérer salée : taxe sur les complémentaires santé, hausse de la TVA sur les offres Internet Triple play, hausse du ticket modérateur sur certaines prestations et baisse du remboursement de médicaments, fin du crédit d’impôt sur les intérêts de crédits immobiliers remplacé par un emprunt à taux 0 pour les primo accédants, fin des déclarations multiples en cas de mariage, de divorce, de pacs, etc.

Au total une mise à contribution de plus de 6 milliards d’euros pour l’essentiel assise sur les revenus salariaux et retraités alors que les hauts revenus ne seront concer- nés que par des mesures symboliques sur le capital et la fortune ainsi que par le passage de 40 % à 41 % du taux de la 4e tranche de l’impôt sur le revenu. Pour une part, destinées à financer les retraites, ces dispositions au rendement limité constituent un coin idéologique enfoncé dans le sens de la fiscalisation des recettes de la protection  sociale. Au final, les ménages les plus riches ne financeront en propre que 1,2 milliard.

Quant aux entreprises, après avoir profité d’un joli tour de passe-passe en s’exonérant de charges sur le 13e mois, sur certaines primes et la participation par le rattache- ment du versement de ces sommes à l’exercice suivant, elles devront  maintenant annualiser l’ensemble des ré- munérations qu’elles servent à leurs salariés. Ce qui revient dans l’immédiat à diminuer les allégements de cotisations sociales dont elles bénéficient au titre des bas salaires pour un montant de 2 milliards d’euros. Rappelons à cet effet qu’elles ont bénéficié de 33 milliards d’allégement de cotisations sociales. Au total, l’ensemble du dispositif les concernant représente 4,5 milliards d’euros.

Les orientations de la loi de Finances 2011 ne sont visi- blement pas de nature à révolutionner le comportement fiscal des entreprises et des plus riches. Avec une pratique de l’optimisation fiscale que l’évolution de la législation et des moyens de contrôle rend de plus en plus accessible, la course à l’accumulation spéculative et les gâchis qui en découlent ont de beaux jours devant eux.

Un changement de cap est nécessaire. Son urgence est fortement rappelée par le mouvement social contre le texte gouvernemental de réforme des retraites posant plus globalement la question des financements publics. Ce changement doit pouvoir prendre appui sur une profonde réforme de la fiscalité. Une réforme qui combine une autre répartition de la richesse à un processus nouveau de créations de richesses en appelant à l’intervention des salariés et des citoyens dans les gestions et à la mobilisation directe du crédit et de la Banque centrale européenne pour financer la dépense publique et participer ainsi à accroître la base des prélèvements publics et sociaux.

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