Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Pétrole : état des lieux et perspectives

Dans ses éléments statistiques concernant l’année 2009, le Comité Professionnel du Pétrole fait un certain nombre de constatations importantes.

La situation du marché du pétrole et de l’énergie en 2010

La consommation pétrolière mondiale a baissé, en 2009 par rapport à 2008, de 2 % pour s’établir à 3 882 millions de tonnes, la consommation hors OCDE se maintenant, pour la deuxième année consécutive, au-dessus de celle de l’OCDE. Après la chute spectaculaire des prix du pétrole brut fin 2008 ceux-ci se sont redressés tout le long de l’année

2009, sur fond de maintien de la discipline de l’OPEP, le prix du Brent (prix de référence en mer du Nord sur les marchés à terme) passant de 40,30 dollars le baril en décembre 2008 à 74,70 dollars en décembre 2009 (le niveau actuel tourne autour de 80 dollars).

L’ensemble de la consommation mondiale d’énergie primaire, 11 164 millions de Tonnes Equivalent Pétrole, a également baissé de 1,3 % se répartissant comme suit :

‒ combustibles  solides : -0,2 %, 3 278 millions de TEP ;

‒ pétrole : voir les chiffres plus haut ;

‒ gaz naturel : -2,4 %, 2 653 millions de TEP ;

‒ électricité primaire : -0.1 %, 1 350 millions de TEP.

La production d’électricité  nucléaire a légèrement baissé se situant à 18 % de la production totale d’électricité. Par rapport à 2001, la part des combustibles solides est passée de 25 % à 29,4 %, alors que celle du pétrole a chuté de 38 à 35 %. Pour l’Extrême Orient et l’Océanie l’augmentation de la consommation d’énergie est de 4,1 % par rapport à 2008 avec + 6,3 % pour les combustibles  solides et + 0,7 % pour le pétrole. La conjonction d’une baisse de 5 % dans l’OCDE contre une hausse de 2,7 % de la consommation d’énergie hors OCDE  souligne, à notre avis, comme pour le pétrole, les caractéristiques particulières de l’évolution de l’économie, dans le cadre de la crise, avec notamment un déplacement de l’activité vers les pays émergents particulièrement en Asie. La consommation pétrolière a augmenté en Chine de 6,4 % entre 2008 et 2009 et en Inde de 3,4 %. La Chine est devenue le premier pays consommateur d’énergie avec 2 252 millions de TEP (1).

Ces mêmes statistiques du CPDP indiquent que les réserves prouvées de pétrole brut (ratios en années réserves/production) sont passées à 49 années de production contre 47 en 2008. Cela s’explique principalement, on peut le penser, par la baisse de la demande liée à la crise dans le cadre d’une certaine stabilité des réserves, avec toutefois un accroissement,  assez remarquable, des réserves chinoises passant 2 183 millions de tonnes à 2 776.

Les tendances actuelles

Pour de nombreux commentateurs (voir le Monde des 23/24 Mai 2010) (2) la crise, notamment de la zone euro, les inquiétudes  sur la solidité de la « reprise », l’importance des stocks se conjugueraient pour tirer les prix du pétrole vers le bas. Toutefois les producteurs notamment ceux de l’OPEP,  estimeraient que des prix de l’ordre de 70 à 80 dollars seraient nécessaires au développement de l’industrie pétrolière. Cela semble, en tous cas, être le point de vue des modérés de cette organisation. Le ministre de l’énergie du Qatar rappelait récemment (3) que chaque fois que le prix avait glissé au dessous de 70 dollars cela avait freiné la capacité des compagnies à se développer.

Tout ce qui précède pourrait permettre de formuler les « fondamentaux » suivants : dans une situation de crise tendance à la prudence, souhait de la part des grands opérateurs d’une stabilité située à un certain niveau des prix, enfin un encouragement, par certains, à imposer une appréciation nuancée du « Peak Oil »  ou de la « Fin » du pétrole (essentiellement retardée par la baisse de la consommation, alors que les données matérielles n’ont pas changé). Théoriquement, d’après les experts, les pays du Golfe, l’Irak et l’Iran pourraient faire face à la portion majeure de la hausse de la demande qui pourrait atteindre 5 000 millions de tonnes en 2030

 Facteurs susceptibles d’engendrer des ruptures

Les productions  réelles pourront-elles correspondre aux prévisions ?

Il y a un doute concernant le Moyen Orient avec une situation politique et une situation militaire totalement incertaines même si des accords ont été conclus avec les grands pétroliers et la Chine pour développer la production de gisements très importants et largement connus en Irak. Le Nigéria, un des grands producteur mondiaux, connait également l’instabilité.  Peut-on espérer des retombées  concrètes et éventuellement proches en matière de production de pétrole brut de l’accord de 23 milliards de dollars pour la fourniture de trois raffineries et de deux complexes pétrochimiques entre ce pays et la Chine ? La même question se pose pour les démarches  des entreprises chinoises au Canada et en Amérique latine.

La nature des évolutions va influencer les marchés à terme comme la diversité des éventuelles productions mondiales  chinoises entrainant de multiples échanges, ventes et reventes pour diminuer le coût des transports. Autant d’opérations qui — en favorisant les « couvertures » sur ces marchés en raison, notamment, des décalages dans le calendrier des livraisons -, exerceront une pression sur les cotations -

Les changements possibles concernant le commerce du gaz naturel

Après la réalisation en cours du gazoduc Russie/Allemagne North Stream sous la Baltique et les négociations pour le South Stream qui amènerait, à travers la mer Noire, le gaz de la Caspienne  en Europe, il devient clair que les importants investissements pour les infrastructures seront de plus en plus liés aux fournitures et vice versa. En dehors des pétroliers, des géants de l’énergie allemands, italiens (Eni, Enel, Edison), français (Suez, Gaz de France, Edf ) entrent dans le jeu. Edf serait devenu partenaire à 10 % dans South Stream suite à un accord avec les participants  italiens. Les premières cargaisons « spot » de gaz liquéfié sont apparues sur le marché. Ce dernier jusqu’ici largement lié au pétrole (prix liés au pétrole brut avec un décalage notamment en France) restera-t-il sur les mêmes rails ou les nouveaux « négociants » du gaz, compte tenu de leur taille, se livreront-ils à une bataille concurrentielle modifiant les rapports gaz/pétrole ?

L’automobile de demain

Renault/Nissan, Mercedes, Bmw, Ford, General Motors, Volkswagen, Toyota et les opportunistes  comme Bolloré allié à Pininfarina semblent avoir opté pour une voiture électrique utilitaire urbaine à batterie électrique disons classique par opposition aux projets à base d’hydrogène (cellule à combustible).

L’idée de ce marché urbain semble s’imposer.  Quelle en sera l’importance des effets sur la consommation des  carburants pétroliers ?

La montée des risques dans l’exploitation pétrolière

Enfin la catastrophe de la plate forme Deep Wrater Horizon de la BP, dans le golfe du Mexique, risque de modifier les données et les coûts de la recherche et de la production en mer profonde. Déjà 6 milliards de dollars de coûts et 20 milliards de prévus pour faire face à l’indemnisation  des victimes et pour les frais de nettoyage. Cela sans parler des amendes possibles (4). Par ailleurs, face à la montée de l’indignation, les pétroliers ne seront-ils pas contraints d’abandonner toute appréciation d’un  « risque  calculé » dans  leur élaboration des procédures techniques ? Exxonmobil, Shell, Chevron, Conoco, Phillips ont décidé de créer un organisme commun destiné à lutter efficacement contre les marées noires. L’alerte semble chaude. Les tentatives seront nombreuses pour essayer de transférer ce supplément de charges dans le prix du brut.

L’émergence des énergies alternatives

N’oublions également pas de poser la question de l’influence de l’évolution de la production des énergies alternatives et renouvelables. Il ne semble pas, qu’aux USA, les grands espoirs d’Obama en matière d’écologie et d’emploi soient notablement encouragés dans ce domaine. Le capital risque ne se précipite pas à Silicon Valley comme il l’avait fait quand le brut était à 140 dollars. La solution de l’équation liant le légitime espoir de l’opinion publique et le retour souhaité parles entrepreneurs privés est difficile à trouver. Toutefois, selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement, si les 162 milliards de dollars investis dans le monde en 2009 sont en recul par rapport à 2008 ils seraient supérieurs de 3 % à ceux de 2007 et la tendance resterait positive.

Conclusion

Les inconnues restent donc nombreuses concernant l’avenir du marché pétrolier. La complexité des influences réciproques de l’économie mondiale et du marché de l’énergie  dont l’importance  est incontournable (croissance économique encourageant la demande, hausse des prix consécutive décourageant cette même croissance) rendent les nécessaires prévisions  délicates. Dans l’immédiat, contentons nous de constater qu’actuellement  l’économie  mondiale semble plus peser sur le marché du pétrole que la politique forcément volontariste des producteurs.  Plus que jamais cette valse hésitation, ces confrontations appellent une coopération que les intérêts en jeu évitent d’appréhender.

(1) L’Humanité Dimanche du 23 juillet au 4 août.

(2) Le Monde du 10 août 2010.

(3) Le Monde des 23/24 mai 2010.

(4) Le Monde du 10 août 2010.


 

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.