Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Une création monétaire de la BCE pour sortir de la crise et pour le progrès social en Europe

Pour une création monétaire de la BCE, comme alternative à la domination des marchés financiers, pour une croissance de progrès social solidaire dans la zone euro, et vers son intégration dans une nouvelle création monétaire mondiale.

Historiquement, déjà les crises systémiques antérieures du système capitaliste aux xixe et xxe siècles, jusqu’à celle de l’entre-deux guerres mondiales, ont connu d’abord lamontée excessive des marchés financiers, et ensuite des transformations du système monétaire et de crédit, avec des facilités nouvelles de la création monétaire, pour en sortir.

C’est ainsi qu’il y eut, après la Deuxième Guerre mondiale, l’instauration du caractère public des banques centrales et de certains établissements de crédit dans plusieurs pays, le cours forcé de la monnaie, ainsi que l’institution du FMI.

Cependant, la crise systémique en cours du capitalisme mondialisé est autrement profonde que les précédentes. Elle pose la question de transformations véritablement radicales. Cela est dû notamment aux conditions de la révolution informationnelle,  avec de telles poussées de productivité, économisant non seulement le travail mais aussi les moyens matériels et le travail pour eux, que cela engendre des poussées de chômage massif, tout particulièrement dans les pays les plus développés. C’est aussi la révolution monétaire, de décrochement de la monnaie par rapport à l’or, entraînant les énormes risques de la création monétaire très amplifiée et proprement déchaînée pour la spéculation et pour les surendettements  privés et publics.

Comme on le sait, après la crise financière mondiale de surendettement de 2008 et la récession planétaire de2009, c’est l’Union européenne qui est actuellement en crise très grave. C’est sa crise de surendettement public de 2010 à 2012, avec les grandes attaques spéculatives contre les dettes publiques des pays du sud de la zone euro, les difficultés du crédit des banques détenant des dettes publiques attaquées, la crise de l’euro, ainsi que les pressions pour les politiques d’austérité contre le déficit public, contribuant au ralentissement de la croissance et même au début de récession en 2012 pour la zone euro dans son ensemble.

C’est précisément dans la zone euro que se pose tout particulièrement en 2012 la question de transformations radicales éventuelles, concernant la création monétaire et les banques centrales. D’autant plus que, par ailleurs, la Banque d’Angleterre ou la Federal Reserve créent de la monnaie pour prendre des sommes considérables de dettes publiques, à l’opposé, en principe, de la BCE.

Plus particulièrement, en France, en raison sans doute de sa position particulière dans la zone euro, à la fois dominante avec l’Allemagne et aussi dominée dans sa relation à l’Allemagne, et en raison de la situation politique où monte l’objectif d’une alternance profonde à gauche, le débat théorique et pratique est lancé dans à gauche, le débat théorique et pratique est lancé dans  l’opinion et chez ceux qui se réclament d’une expertise

Soulignons que déjà la BCE avait vu son bilan plus que doubler de 2007 à 2012, tandis qu’il atteignait 2 730 milliards d’euros fin 2011 et environ 3 000 milliards en 2012. Ce qui signifie 32 % du PIB de la zone euro, y compris avec les prêts récents de la BCE à 3 ans et à 1 % de plus de 1 000 milliards d’euros aux banques. L’exposition de la BCE aux pays les plus fragiles de la zone euro, via ses rachats de dettes étatiques et la fourniture de liquidités aux banques, aurait atteint 705 milliards d’euros fin 2011. Elle aurait acheté 207 milliards d’euros de dettes publiques européennes de mai 2010 à décembre 2011, dont entre 35 et 55 milliards d’euros d’obligations grecques.

Cependant, malgré cette progression très considérable et même contraire aux pratiques adoptées antérieurement, outre le débat sur le potentiel d’inflation, demeure le défi d’alternative, concernant  la domination persistante et grandissante des marchés financiers ainsi que les buts de croissance de progrès social, à l’opposé de la situation actuelle.

En prenant parti, dans le débat, pour le rôle fondamental de la création monétaire et de la monnaie centrale dans cette création, ainsi que pour le financement monétaire des dettes publiques, afin de répondre à la radicalité de la crise systémique en cours, je vais intervenir sur la réforme profonde du système bancaire et de la politique monétaire.

Je vais me limiter à des questions concernant des propositions alternatives de création monétaire et tout particulièrement du rôle de préteur en dernier ressort de la Banque centrale européenne, pour une croissance de progrès social solidaire. Je considérerai brièvement de façon successive :

 les dettes publiques européennes et la BCE ;

 un autre crédit en France et dans la zone euro ;

 une refondation possible du FMI.

Dettes publiques  européennes  : double création monétaire de la BCE, Fonds de développement social et écologique européen

On peut considérer qu’il y a un double défi de la crise des dettes publiques européennes. Cela concerne, d’une part, les pressions des marchés financiers et partant le recours prédominant aux mêmes marchés financiers, malgré l’intervention devenue inéluctable de la BCE, pour répondre aux créanciers. Et cela concerne, d’autre part, les pressions pour des politiques d’austérité contre les dépenses publiques  et sociales, avec l’obsession de réduction des déficits et des dettes à tout prix, contre la croissance et le progrès social.

C’est pourquoi nous proposons également, afin de répondre à ces défis, une double utilisation d’une autre création monétaire par la BCE. Et nous prenons en compte aussi l’utilisation de toutes les marges de manœuvre des banques centrales du système européen de banques centrales pour contribuer à pousser dans ce sens.

Notons par ailleurs que, si la création monétaire ainsi amplifiée favorise l’emploi, les salaires, la production réelle efficace, elle peut ne pas développer l’inflation.

Il s’agit, d’abord, d’amplifier considérablement la prise de dettes publiques déjà importante par la BCE, pour les États en difficulté du sud de l’Union européenne, en réduisant au contraire  les interventions et les nouveaux endettements concernant le Fonds de stabilité européen puis le Mécanisme de stabilisation financière. Cela pourrait aussi s’accompagner de certaines réductions négociées des titres rachetés.

Malgré l’interdiction par l’article 123 du traité de Lisbonne de l’achat direct par la BCE de dettes publiques, l’achat sur le marché secondaire déjà pratiqué doit devenir systématique pour soutenir les dettes en difficulté, sans attendre une modification ultérieure des traités.

D’ailleurs, face aux risques touchant la France, même Nicolas Sarkozy avait dû reprendre l’idée d’un adossement à la BCE du Fonds européen de stabilité financière, outre son appel aux marchés financiers garanti par les États européens dont la France et l’Allemagne. Mais il s’était heurté à l’opposition d’Angela Merkel et il avait dû s’incliner. Et dans ces conditions,  François Hollande a dû protester et revendiquer cette intervention de la BCE, quoique uniquement pour soutenir les dettes et non pour le progrès social. Cependant, il ne s’agirait pas, comme le propose François Hollande, de négocier des additions aux décisions d’austérité contre le déficit, de mesures supplémentaires pour la croissance. Il conviendrait de mettre en cause, au contraire, ces mesures d’austérité, pour un autre développement, fondé sur des avancées sociales, avec d’autres politiques et aussi de très nouveaux traités.

Au-delà de ce premier ensemble de mesures, il s’agit surtout, pour une nouvelle croissance de progrès social solidaire, de l’institution d’un Fonds de développement social et écologique européen. Cette proposition a été adoptée par le PCF, puis par le Parti de la gauche européenne et récemment par Die Linke en Allemagne. Elle est reprise par le programme du Front de gauche en France pour l’élection présidentielle de 2012. Ce dernier déclare précisément : « Nous proposons que la BCE finance par création monétaire un Fonds de développement social, solidaire et écologique européen » (Le programme du Front de gauche, p. 32, 36, 70).

Une prise de dettes publiques par la BCE – à long terme, à taux d’intérêt très faible, de 1 à 0 %, voire sans remboursements, et en quantités concertées démocratiquement, notamment entre la BCE, les gouvernements, les Parlements nationaux et européen, selon des critères d’efficacité – serait affectée, pour alimenter le Fonds de développement social et écologique européen. Dirigé en concertation, il affecterait les fonds à une expansion des services publics, de façon différenciée suivant les besoins définis des divers pays, en vue d’une nouvelle croissance sociale, avec des coopérations de solidarité entre les services publics.

Il s’agit d’ailleurs de rompre avec l’obsession libérale de la réduction à tout prix des déficits, jusqu’à les annuler, et des dettes publiques. Il peut exister une bonne dette pour favoriser un nouveau type de croissance fondé sur l’expansion de l’emploi et de la formation, une protection sociale efficace, la promotion hardie des services publics.

Cela concernerait les services publics classiques comme ceux d’éducation et de santé, mais aussi des services publics nouveaux, de l’écologie jusqu’aux  services de la petite enfance ou des personnes âgées. Cela s’articulerait
à des luttes et des mesures, spécialement dans les différents pays du sud de l’Europe jusqu’à la France, contre l’austérité, ainsi qu’à des pouvoirs nouveaux, tout particulièrement dans les services publics, des personnels aux usagers, dans les gestions de ces services.

Cela s’appuierait enfin sur une construction politique de l’Union européenne de solidarité et de démocratie participative, sociale, internationaliste, avec notamment des coopérations de rattrapages contre les inégalités. Et cela, dans une confédération novatrice qui s’opposerait au fédéralisme d’une gouvernance européenne de domination du couple franco-allemand où dominerait d’ailleurs l’Allemagne.

Nouveau type de crédit bancaire : pôle public financier et refinancement du crédit par la BCE pour la croissance réelle, l’emploi, la formation

Une nouvelle création monétaire possible renvoie aussi au crédit bancaire et à son refinancement par la BCE. Nous proposons des transformations institutionnelles profondes concernant cette création et ce crédit, avec de nouveaux critères d’attribution des fonds. Il s’agit, comme le déclare le programme du Front de gauche L’humain d’abord, d’une « nouvelle mission de service public du crédit […] au service de l’emploi, de la formation, de la croissance réelle et de la préservation de l’environnement » (Le programme du Front de gauche, p. 35).

Cela concerne plus précisément une baisse sélective très forte des taux d’intérêt jusqu’à zéro (voire négatifs, avec une diminution des remboursements) pour un crédit long aux entreprises, avec des taux d’intérêt d’autant plus abaissés que sont programmés et vérifiés de bons emplois et formations, pour des investissements réels, matériels et de recherche et leur efficacité appuyée sur la combinaison des recherches et des formations hardies.

Ce nouveau crédit pourrait être organisé à plusieurs niveaux, local, national et européen, de façon diversifiée et coordonnée. Ainsi, au niveau local, nous proposons des Fonds régionaux publics (voir le Programme, p. 35) pour la prise en charge, par des fonds publics, de tout ou partie des intérêts, pour des crédits favorisant l’emploi et la formation avec des investissements  efficaces pour une nouvelle croissance réelle.

Au niveau national, nous proposons l’institution d’un Pôle financier public (Programme, p. 34-35). Il viserait la mise en réseau des institutions publiques et mutualistes existantes (Caisse des dépôts, Banque Postale, Oseo, Caisses d’Épargne, Banques mutualistes)  ainsi que certaines nationalisations de banques, comme pour Dexia. Ce pôle contribuerait à impulser des orientations nouvelles, y compris dans tout le secteur bancaire et financier,  avec l’avancée de contrôles publics et de dispositions nouvelles, en liaison avec des soutiens publics possibles de recapitalisation des banques. Outre les incitations au nouveau type de crédit, les mesures porteraient notamment contre les activités spéculatives, y compris par la séparation des banques de dépôts et d’investissement, et elles viseraient à conjuguer croissance réelle efficace et progrès social, avec également des taxations dissuasives et incitatives.

On pourrait encore, pour renforcer le Pôle public et le soutien des baisses sélectives des taux d’intérêt, utiliser une partie des énormes fonds publics, gâchés et poussant aux bas salaires, comme ceux dévolus aux exonérations de cotisations sociales.

Enfin et surtout, ce nouveau type de crédit pourrait s’appuyer sur un autre financement des banques par la BCE, tout particulièrement pour des crédits à long terme. Cela implique de nouvelles missions prioritaires pour la BCE, pour l’emploi et la croissance réelle, contre la priorité actuelle à l’opposition à l’inflation avec l’objectif principal dit de maintien de la stabilité des prix. Et cela, même si on peut déjà mettre en avant les missions existantes de promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement ou le soutien des politiques économiques. Cela demande aussi l’organisation d’un contrôle politique de démocratie participative de la BCE, à l’opposé de son indépendance statutaire (cf. Programme, p. 69). Et cela renvoie encore à de nouveaux pouvoirs de saisine par les travailleurs et leurs organisations représentatives des institutions nouvelles de crédit, depuis les Fonds régionaux, à un Pôle public financier lui-même décentralisé, et aux refinancements de la BCE et du système européen de banques  centrales, en liaison d’ailleurs avec les capacités de suivi des entreprises et d’expertise, notamment de la Banque de France.

Vers une refondation du FMI et la création d’une véritable monnaie commune mondiale pour le co-développement des peuples

Ces propositions de transformations très profondes de la création monétaire et de ses objectifs sociaux, au niveau national et au niveau européen, peuvent être prolongées par des propositions pour conforter les transformations  engagées au niveau mondial.

Cela renvoie tout particulièrement à une véritable refondation de démocratisation du FMI et à l’institution d’une nouvelle monnaie mondiale émancipée du dollar, pour des objectifs de progrès social partagé à l’échelle planétaire.

Cela concernerait  l’exigence du retour et d’un développement nouveau, radical, de la mission initiale du FMI de soutien de la croissance internationale,  à l’opposé de son rôle d’accompagnement de la crise et de gendarme des États en développement contre leurs dépenses sociales au bénéfice des créanciers.

Cela vise une démocratisation de la direction et de la gestion du FMI. Il s’agit notamment de la montée des droits de vote des pays en développement et des pays émergents, bien Au-delà des petits relèvements récents, alors que la Belgique avait 2,02 % contre seulement 3,66 % à la Chine. Et il s’agit de la suppression de la minorité de blocage des États-Unis, alors que les décisions importantes réclament 75 % des voix tandis que les États-Unis  en ont plus de 26 %. Cela pourrait se relier, à la fois, au changement des quotes-parts des différents États au Fonds, et à une autre détermination des attributions de voix non uniquement par les quotes-parts.

La transformation  la plus fondamentale concerne l’institution d’une véritable monnaie commune mondiale autre que le dollar des États-Unis, lequel est une monnaie commune mondiale de fait dépendant d’un seul État. Notons que le dollar constitue encore, malgré sa légère baisse relative récente, 61,4 % des réserves mondiales de devises en 2010, contre 26,3 % pour l’euro.

Ainsi, le Programme  du Front de gauche déclare  : « Nous prendrons des initiatives pour mettre fin à la domination des États-Unis sur le système monétaire international avec la création d’une monnaie commune mondiale alternative au dollar. Elle permettrait l’essor d’un crédit massif peu coûteux et sélectif pour financer les investissements nécessaires aux peuples du Sud […] et les biens communs de l’humanité  » (Programme, p. 36).

Nous proposons que cette monnaie commune mondiale soit instituée à partir des Droits de tirage spéciaux du FMI. Les DTS sont déjà définis par un panier de monnaies nationales et ce panier pourrait être élargi, en réduisant le poids du dollar. En outre, on pourrait le relier à un panier de produits fondamentaux.

Dès 2009, à la veille du G20 d’avril, le gouverneur de la Banque centrale de Chine avait suggéré l’institution d’une monnaie  de réserve internationale non rattachée à un seul pays, c’est-à-dire autre que le dollar, à partir des DTS. Cette proposition avait été soutenue par la Russie et le Brésil, mais elle avait provoqué les protestations des États-Unis.

Cependant, déjà au G20 d’avril 2009, il avait été décidé la création de 250 milliards de DTS. Toutefois, ces DTS ont été alloués aux 186 États du FMI en fonction de leurs quotes-parts au Fonds. Aussi, 44 % de ces DTS sont allés aux pays dominants du G7, tandis que les pays en développement en ont eu moins du tiers et que seulement 7,6 % (19 milliards) ont été aux pays les plus pauvres. Au contraire, il s’agirait d’allouer la monnaie mondiale future en fonction de l’importance des populations et surtout des besoins différenciés pour leurs développements. On  viserait, avec une création ample des DTS puis de la nouvelle monnaie commune mondiale, toujours les deux grands objectifs de développement  économique,  social et culturel, déjà envisagés pour la zone euro : c’est-à-dire un nouveau crédit et une prise de dettes publiques pour les services publics.

D’une part, le FMI démocratisé, susceptible de saisine depuis les différents pays et leurs organisations sociales représentatives,  pourrait « refinancer  » les banques centrales pour promouvoir le nouveau type de crédit sélectif, favorisant  l’emploi et la formation avec des investissements réels et efficaces.

D’autre part, le FMI développerait une prise massive de dettes publiques nationales, par création de la monnaie commune mondiale, pour financer une expansion de grande ampleur, et différenciée selon les besoins des divers pays, des services publics. Il contribuerait à impulser aussi de la sorte les coopérations  internationales entre les services publics ainsi que l’institution et le développement de Services et Biens publics et communs de l’humanité.

En conclusion, il convient de souligner la portée pratique des débats théoriques possibles sur les questions de la création monétaire, de la monnaie centrale, et de leurs transformations  éventuelles pour répondre aux défis de la crise systémique en France, dans l’Union européenne, dans le monde entier. Il y a une montée d’idées populaires nouvelles, favorisant des politiques novatrices de création monétaire, tout particulièrement à propos de la BCE, et spécialement dans le cadre des débats pour l’élection présidentielle en France. Cependant, tandis que des propositions de transformation sont un objectif crucial du débat, le débat théorique et idéologique devrait pouvoir favoriser des avancées politiques sur les différents niveaux institutionnels,  la cohérence, la rigueur et l’efficacité des propositions mises sur la place publique et en discussion, ainsi que sur leur p

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