Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Industrie : lever les entraves aux potentiels

A l’occasion de la « Rencontre européenne pour une politique industrielle, créatrice d’emplois et répondant aux besoins humains », organisée sous l’égide de la composante française du groupe GUE/NGL et avec Jacky Hénin, député européen, et Yves Dimicoli, économiste du PCF, le vendredi 9 septembre 2011 au siège du PCF, Daniel Thomas, professeur à l’Université de Technologie de Compiègne et président du pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources (Oise), a rappelé l’enjeu d’une mobilisation des ressources financières et humaines en faveur d’une politique industrielle fondée sur la coopération industrielle.

Economie et Politique a souhaité publier intégralement son intervention.

En spécialiste des biotechnologies, et en particulier des utilisations des matières premières renouvelables de type agricoles dans le secteur de l’industrie, je réitère le besoin d’élaborer une véritable politique ind

Mais tout ce qui participe à la levée d’obstacles pour encourager la libre concurrence des marchés apparaît comme contraire à son élaboration qui nécessite, elle, de prendre de véritables responsabilités en créant des Fonds régionaux, nationaux et un pôle financier public. Il faut intervenir à tous les niveaux, y compris sur des dossiers industriels précis, dans le souci d’une démarche nouvelle, et non dans la reproduction automatique de ce qui existait.

Quant aux technologies (technologies de la communication et de l’information, nanotechnologies, biotechnologies, écotechnologies…), il faut avoir en tête que quand elles connaissent leur essor, elles n’ont pas un résultat spontanément positif pour l’ensemble de la société. Je fus de ceux qui, il y a quarante ans de cela, ont cru que le progrès technologique était mécanique- ment synonyme de progrès social . Grosse erreur ! Elles sont aujourd’hui utilisées pour renforcer la spéculation financière – des entreprises sont mêmes basées entière- ment sur cette utilisation –, pour écraser les salaires et provoquer une augmentation du chômage.

Il y a un combat à mener sur les choix technologiques et je rejoins en cela René Le Guen (1) qui affirmait que « les choix technologiques  sont un des enjeux de la lutte de classe ».

Ainsi, outre des prises de décision au niveau national, il y a besoin que le plus grand nombre soit concerné et impliqué autour des discussions et des applications liées à ces choix. Il convient d’entendre, au moins, les travailleurs avec leurs organisations, en lien avec le monde de la recherche et des travailleurs du monde scientifique. Des exemples existent, menés en région, où des scientifiques travaillent notamment la question des nouvelles technologies parallèlement à celle de la politique  industrielle avec le syndicat CGT. Par ailleurs, il ne faut pas oublier quand on évoque le plus grand nombre, le poids très important qu’il représente  en tant que consommateurs. En cette qualité, il convient de l’informer des produits qui existent, sans omettre d’évoquer les conditions sociales liées, le cas échéant désastreuses, les conséquences environnementales, la toxicité, etc. Et enfin, le plus grand nombre est concerné en tant que citoyen auquel s’ajoutent ses élus, du niveau local au niveau européen. L’ensemble de ces implications  peut rendre possible une approche bien coordonnée.

C’est alors que le principe d’intervention financière publique devient absolument nécessaire pour, politiquement, permettre à notre pays d’avoir un développement d’une industrie de qualité. Les technologies doivent permettre de tendre vers cela dans les années à venir. Avec l’augmentation  du coût de l’énergie, il y a des tas de produits et de matières premières que l’on ne pourra pas transporter éternellement d’un bout à l’autre de la planète. Il faut donc créer les conditions pour que l’activité industrielle se déroule dans de très bonnes conditions. Car quand elle s’érode, des phénomènes pervers interviennent, et notamment un phénomène de perte de savoir-faire industriel. Car si le savoir-faire des ingénieurs, des chercheurs est réel et important, celui des ouvriers est lui aussi extrêmement important. Celui-ci, une fois disparu, est très difficile à recréer. Il faut avoir clairement en tête qu’il est nécessaire aujourd’hui  d’investir pour le sauvegarder. C’est la condition sine qua non pour espérer réindustrialiser. Sans pour autant, je le répète, réitérer exactement ce qui s’est fait dans le passé, mais en intégrant les nouvelles technologies qui, soit dit au passage, feront augmenter les niveaux de qualification.

 

à propos des financements de cette politique, les banques, telles qu’elles fonctionnent dans le système actuel, et y compris des banques qui avaient vocation à financer l’activité industrielle  comme le Crédit agricole, sont toutes en train de s’aligner. Elles spéculent et n’interviennent plus dans leur rôle majeur qui était de financer la création d’activité, de l’emploi, de permettre le développement des PME et d’alimenter un tissu industriel régional et local. En ce sens, un exemple m’atterre : celui de la structure Oséo pour soutenir l’innovation. Une structure que je côtoie tous les jours : je puis vous dire qu’elle est en train de devenir, à marche forcée, une banque comme les autres. Elle finance les dossiers qui sont avant tout juteux financièrement. Cela confirme qu’il faut une intervention à tous les niveaux.

Relativement à la question des pôles de compétitivité, revenons sur la logique qu’ils recouvrent. Le mot « compétitivité  » en lui-même montre qu’il s’agit de mettre les uns en concurrence avec les autres. Dans notre domaine, dans l’Oise et au niveau national, en nous mettant en réseau avec les universités,  les entreprises familiales et coopératives, nous avons adopté le concept. Mais pour tendre vers « un pôle de coopération », où il n’est pas question que nous soyons en compétition avec les chercheurs de Toulouse par exemple, mais où il est question de travailler avec eux, en complémentarité.

Il n’y a pas contradiction entre ce que peuvent apporter les dispositions nationales qui sont développées par Yves Dimicoli et le développement d’une force militante, au sens large du terme, qui, localement, et au-delà des divergences, comprenne que le système actuel ne peut plus perdurer, et qui concrétise le besoin de travailler ensemble. Je crois à l’efficacité d’une telle démarche  et je pense qu’elle pourrait même servir de point d’appui vers la réalisation des objectifs nationaux. 

(1) René Le Guen , ingénieur, membre du Conseil d’administration de GDF jusqu’en 1982, ancien membre du comité central et du bureau politique du PCF.


 

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