Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Dette publique : comprendre la crise et riposter (1)

Le pouvoir et les forces libérales en France et dans l’Union européenne ont imposé aux peuples, traité après traité, loi après loi, la déréglementation de nos législations et de notre économie.  Les mêmes prétendaient :

« maîtriser la crise », « refonder le capitalisme », « sanctionner les patrons voyous », sans parler de « brider les pratiques spéculatives ». Ils ont totalement échoué ! Et pourtant,  ils continuent.

Pour mieux faire oublier leur soumission aux marchés financiers, ils nous parlent d’une « gouvernance économique européenne ».

Pour mieux masquer la réalité des responsabilités et tuer l’espoir d’une alternative, ils culpabilisent chaque jour les peuples, parlent d’une « règle d’Or ». Mais cela trompe de moins en moins notre peuple.

Cette crise financière, l’importance de la dette publique, sont le résultat de choix politiques mis en œuvre pour accroître sans cesse la part des richesses qu’accapare une minorité. D’autres choix sont possibles pour briser la spéculation, se libérer des marchés, sortir de l’impasse de l’austérité. Pour les forces de gauche cela commence par refuser au Parlement la règle d’or et les résultats du sommet européen de juillet qui sont nocifs pour la France (ils majorent de 15 milliards la dette de la France) et pour les peuples grec, italien, espagnol…. plongés dans des cercles vicieux sans fin d’austérité et de récession.

L’enjeu pour chacun d’entre nous c’est de ne pas nous laisser imposer des choix dont nous ne voulons pas.

La mobilisation,  l’intervention de chacun seront déterminantes. C’est l’ambition que se donnent les communistes avec le Front de gauche.

Cet argumentaire donne un certain nombre d’éléments sur des questions d’actualité.

1.  D’où vient la dette publique ?

2. C’est quoi la soumission aux marchés financiers ?

3. Quel est le coût des cadeaux accordés aux riches et aux entreprises ?

4. L’euro au service des marchés financiers.

5. Sortir de l’euro est-ce une solution à la crise  ?

6. Quel est le lien entre austérité et récession ?

7. Quel lien entre Bourse et économie réelle ?

8. La création monétaire comment ça marche ?

9. Propositions pour une dette publique « libérée » des marchés financiers.

10. Propositions pour une réforme de la fiscalité et des prélèvements obligatoires.

11. Propositions pour une autre utilisation de l’euro, de la BCE et du crédit.

(1) Argumentaire élaboré par  la Commission économie et le secteur communication du PCF.  Nous  présentons ici quelques fiches  de  cet argumentaire. Nous publierons les autres fiches dans le prochain numéro.

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Argumentaire 1        D’où vient la dette publique ?

Le constat

La dette publique c’est : la dette de l’État + celles des collectivités locales + la sécurité sociale.

En France, la dette augmente depuis plus de trente ans. C’est à partir de la fin des années 1970 et du début des années 1980, avec le recours de plus en plus systématique aux marchés financiers, que la dette publique française s’envole.

De 14 % du PIB en 1974, elle passe à 21,2 % en 1978, 36 % en 1983, pour bondir à 60 % en 1998. Les années 2000, après une courte période de latence due à une nette reprise de la croissance dans les pays développés, donnent lieu à un véritable emballe- ment : 63,3 % du PIB en 2003, 79 % en 2009, puis 82,3 % en 2010, soit 1591,2 milliards d’euros.

La seule dette de l’État, qui était de 44 milliards d’euros en 1978, a été multipliée par 25 depuis, pour atteindre 1101 milliards d’euros fin 2009. Avec 50 milliards d’euro, la charge d’intérêts de la dette est devenue le troisième poste de dépense du budget.

Tous les pays avancés ont connu un tel phénomène.

Depuis 1981, date d’envolée du dollar et des marchés financiers aux États-Unis, la limite d’endettement public décidée par le Congrès y a été relevée cinq fois : de 8 000 milliards sous Reagan, portée à plus de 10 000 milliards avec Bush père, puis prés de 13 000 milliards sous Clinton, pour atteindre 14 294 milliards de dollars avec Bush junior… Obama vient, avec difficultés, d’obtenir son relèvement de 2100 milliards de dollars. En 2011 pour la première fois, la dette publique des États-Unis a dépassé le seuil de 100 % du PIB.

Au Japon, depuis un point bas de 63,2 % en 1992, la dette publique a progressé jusqu’à 197,2 % du PIB en 2010.

Les pays de la zone euro n’ont pas échappé à cette tendance : alors que, rapportée au PIB, la dette publique agrégée de la zone enregistrait une moyenne de 67 % du PIB de 2000 à 2008, elle passe brusquement à 78,8 % en 2009.

Pourquoi cette explosion de la dette publique ?

1. Le choix de recourir aux marchés financiers. L’origine de cette explosion de la dette publique est liée à l’obligation faite à l’État de se tourner vers le privé pour ses besoins de financement.  Auparavant l’État pouvait emprunter directement et sans intérêt auprès de la Banque centrale. Cette possibilité, perçue comme un manque à gagner par les banques, a été interdite au profit de l’endettement sur les seuls marchés financiers. Conséquence, les marchés financiers où les prêteurs sont les grandes banques privées, les sociétés d’assurance et fonds divers, se sont « gavés » grâce à la dette publique.

La somme actualisée des intérêts de dettes payées aux marchés depuis 1974 représentent pour la France près de 1200 milliards d’euros, à comparer avec les 1591,2 milliards d’euros de la dette publique fin 2010 !

2. La réduction des prélèvements obligatoires.  Au cœur des facteurs qui participent à l’augmentation de la dette publique, il y a d’une part la progression régulière et importante de la part des richesses produites dans les entreprises captée par les pré- lèvements financiers (intérêts et dividendes..) ; d’autre part les efforts répétitifs des gouvernements pour faire reculer la part des richesses allant aux prélèvements obligatoires : impôts, cotisations et ce, au nom de la compétitivité.  Ainsi, pour laisser le capital financier prélever une part de plus en plus importante sur la richesse nationale, les politiques gouvernementales ont cherché à faire reculer la part des richesses produites finançant des services publics et de la protection sociale.

3. Le coût de la crise. Les dettes publiques augmentent brutalement en 2008-2009. L’endettement privé (banques, ménages, entreprises) accumulé depuis des années, en contrepartie d’opérations de spéculations boursières et immobilières, est devenu gigantesque.

Les crises américaine, irlandaise, espagnole, sont d’abord des crises de dettes privées. Le sauvetage des banques les aura transformées en dettes publiques. « Privatiser les profits et socialiser les dettes » telle est la politique mise en œuvre par les politiques libérales.

L’impasse

Après l’injection de ces centaines de milliards d’euros sans le moindre engagement sur leur utilisation, la Banque centrale européenne (BCE) crée des centaines de milliards de liquidités pour refinancer les marchés financiers sans contreparties utiles au développement social, là non plus, sur l’utilisation de ces fonds. Cela a permis de sortir de la récession, en 2010, mais avec une croissance très insuffisante, très peu d’emplois et le maintien, par le chômage, d’une lourde pression sur les salaires. Par contre, les profits financiers et la spéculation sont repartis à la hausse.

En France, après une récession au cours de laquelle le PIB recula de 2,2 % en 2009 (année où la bourse de Paris enregistra, elle, une augmentation de 22,32 % !), la croissance réelle a atteint péniblement 1,2 % en 2010. Après une croissance nulle au deuxième trimestre, l’année 2011 s’annonce fort médiocre. Cette insuffisance de la croissance réelle accentue l’insuffisance des recettes publiques et, pour « remédier » à l’accroissement du déficit public, le gouvernement engage une politique d’austérité. Nous entrons alors dans le cycle vicieux austérité-récession.


 

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Argumentaire 2       C’est quoi la soumission aux marchés financiers?

Le constat

Aujourd’hui les États sont dans l’obligation de donner des gages de « bonne gestion capitaliste » et d’avoir « une bonne note » auprès des agences de notation pour pouvoir se financer à un taux « décent » auprès des marchés financiers. Une obligation de se tourner vers ces derniers alors même que les banques peuvent se refinancer, aujourd’hui, auprès de la BCE à moins de 1 % et fixer ensuite des taux exorbitants aux États. Plus de 4 % pour la France qui tremble de voir sa notation abaissée, plus de 6 % pour l’Italie, plus de 14 % pour la Grèce en juillet, 25 % fin octobre !

Soumettre les États aux marchés financiers : un choix politique

Cette obligation est la résultante d’une volonté politique. En France c’est la loi du 3 janvier 1973 qui a enclenché ce processus, conforté et renforcé par le traité de Maastricht de 1992 et la loi du 4 août 1993.

Ainsi la loi « Pompidou-Giscard » stipule en son article 25 que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ». En pratique, cela signifie que l’on interdit à la République française l’accès direct à la création monétaire de la Banque centrale en l’obligeant à emprunter auprès des banques privées sur les marchés d’obligations à des taux d’intérêt dépendant de la conjoncture de ces derniers. Par cette réforme,  il s’agissait  de constituer un véritable marché des titres à court, moyen et long termes, qu’ils soient émis par une entité privée ou publique ». Tandis que la possibilité du prêt direct de la Banque de France au Trésor public a généré partout où il fut appliqué une situation d’inflation monétaire permanente ». Cependant ce n’est pas, en soi, l’appel public à la création monétaire de la Banque centrale qui est inflationniste, mais la façon dont cette création monétaire, utilisée alors par l’État pour de massifs transferts en direction des capitaux monopolistes, n’a pas engendré une croissance suffisante des richesses réelles, d’où l’inflation.

L’enjeu était non seulement de mettre l’endettement de l’État au service des grands groupes, mais aussi de favoriser le financement de ces derniers. Cela a conduit à une longue période d’essor du marché financier et à une envolée de la dette publique. De fait, avec le ralentissement de la croissance et la montée du chômage, avec les transferts de plus en plus massifs de l’État vers les grandes entreprises faisant exploser les gâchis de financements publics, avec l’inauguration des politiques d’austérité raréfiant les recettes fiscales et sociales, les comptes publics de la France ont commencé à s’enfoncer structurellement dans le rouge à partir de 1974 pour, depuis, ne plus jamais revenir dans le vert.

Tout cela a été accéléré depuis par la déréglementation Bérégovoy de 1983 et des déréglementations plus récentes en France, dans l’UE et dans le monde.

Sous la pression des marchés, la spirale de la dette

C’est le cumul de ces déficits successifs qui explique la croissance de la dette publique désormais couverte par des emprunts sur les marchés financiers. S’engage alors une spirale de la dette que renforcent :

– Le rôle des agences de notation : les apporteurs de fonds (banques, assurances, fonds de pensions et d’investissement…) surveillent la « qualité » des emprunteurs notés par des Agences de notation. Ils exigent des taux d’intérêt d’autant plus impor- tants que les notes sont faibles.

– Le poids des intérêts de la dette : Par la suite, l’accumulation de la dette et la progression des intérêts engendrés ont fait surgir un phénomène « boule de neige » avec une croissance économique de plus en plus ralentie. La dette publique augmente mécaniquement, du fait que le taux d’intérêt payé sur elle est plus élevé que le taux de croissance des ressources qui servent à la rembourser est faible. La seule charge d’intérêts de la dette coûte 50 milliards d’euros à la collectivité et représente le troisième poste du budget de l’Etat.

– La « mission » de la BCE : La pratique de l’appel par l’État aux marchés financiers pour financer ses déficits est devenue en- core plus systématique et d’ampleur avec le passage à un euro conçu, précisément, au service de la domination des marchés financiers, avec une banque centrale « indépendante » et interdite par traité de toute monétisation de dettes publiques.

– Le développements  des « outils spéculatifs » : Cette spirale se trouve renforcée par un système devenu totalement « hors de contrôle », avec la mise en place d’outils spéculatifs qui, à l’œuvre dans la crise de 2007-2008, sont restés quasiment intacts : paradis fiscaux, opacité des transactions, produits dérivés et ventes à découvert. La motivation des spéculateurs ne s’embarrasse d’aucun état d’âme, comme l’a souligné Jacques Attali lui-même : « L’Italie est visée par des spéculateurs qui ne cherchent plus à se faire rembourser mais parient sur sa faillite ».


 

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Argumentaire 3   Quel est le coût des cadeaux accordés aux riches et aux entreprises ?

Le constat

Après avoir contraint les États à se soumettre aux marchés financiers, après avoir généré l’endettement massif des agents économiques, les politiques libérales se sont attachées à réduire au maximum le poids de l’impôt et des prélèvements obligatoires sur les plus riches et les entreprises. Une situation que résume avec force le milliardaire Warren Buffet « Alors que les classes pauvres et les classes moyennes se battent pour nous en Afghanistan, alors que la plupart des Américains luttent pour boucler leurs fins de mois, nous, les mégariches, continuons de bénéficier d’exemptions fiscales extraordinaires ». Cette politique fait perdre des milliards aux finances publiques.

Un terrible manque à gagner pour les finances publiques

Ainsi en France, les prélèvements obligatoires (1), relativement au PIB, sont toujours restés sensiblement inférieurs aux dépenses publiques, de 7,9 points en moyenne de 2003 à 2008, mais de 12,8 points en 2009 et de 12,2 points en 2010.

Cela tient, avant tout, au fait que les gouvernements successifs n’ont cessé de multiplier les cadeaux fiscaux et para-fiscaux (allègements de « charges sociales », suppression de la taxe professionnelle, baisse de l’ISF…) au profit des entreprises, au nom de la compétitivité pour éviter les délocalisations, et des grandes fortunes, sous prétexte que cela inciterait leurs détenteurs à ne pas s’exiler fiscalement.

Depuis 1999, l’ensemble des mesures nouvelles prises en matière de prélèvements obligatoires aurait réduit les recettes publiques de près de 3 points de PIB.

« Si la législation était restée celle de 1999, le taux de prélèvements obligatoires serait passé de 44,3 % en 1999 à 45,3 % en 2008.En l’absence de baisse des prélèvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’est en réalité, générant ainsi une économie annuelle de charge d’intérêts de 0,5 point de PIB. » (2)

Outre les cadeaux faits aux plus riches (allègement ISF, bouclier fiscal…), ce sont les allègements d’impôts (la suppression de la taxe professionnelle par exemple) et des cotisations sociales dont ont bénéficié les entreprises qui sont au cœur de cette évolution.

Le manque à gagner total, pour l’État, des allègements accordés aux entreprises est de 172 milliards d’euros en année pleine, soit 67,7 % du total des recettes fiscales nettes du budget 2011 et 1,87 fois le déficit prévu !

Dans ce total, on retrouve les exonérations de cotisations sociales patronales dont la compensation coûte annuellement quelque 30 milliards d’euros (29,8 milliards en 2009).

(1) Les prélèvements obligatoires sont les impôts et cotisations sociales effectives reçues par les administrations publiques et les institutions européennes. (définition INSEE).

(2) Champsaur P. et J.-P. Cotis : Rapport sur la situation des finances publiques, avril 2010, p, 3. Conseil des Prélèvements Obligatoires : « Entreprises et “niches” fiscales et sociales, des dispositifs dérogatoires nombreux », La Documentation française, octobre 2010.

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Argumentaire 4        L’euro au service des marchés financiers

Le constat

L'euro a été conçu au service de la domination des marchés financiers et pour rivaliser avec les États-Unis dans l'attraction des capitaux mondiaux, moyennant un taux d'intérêt offert supérieur en permanence à celui de la devise américaine.

Avec l'euro, les dirigeants européens cherchent à disputer aux États-Unis le privilège exorbitant dont ils disposent avec le dollar, qui est,  de fait, la monnaie commune. Cela permet aux Etats- Unis de s'endetter énormément auprès du reste du monde et de rembourser en émettant de nouveaux dollars, en faisant "marcher la planche à billets" (la Fed vient de racheter pour 600 milliards de dollars de bons du Trésor des États-Unis).

La zone euro, avec une BCE « indépendante », cherche à favoriser les marchés financiers.  Ainsi, au nom de la lutte contre l’in- flation, elle rationne la création monétaire susceptible de soutenir l’emploi, la formation et les salaires. Simultanément, avec le pacte de stabilité, les dépenses publiques sont freinées dans le but de tenir les déficits publics sous la barre de 3 % du PIB.

L'euro a facilité un fort endettement des États membres, à commencer par ceux d'Europe du Sud, en retard de développement. Cet argent a servi à la spéculation, immobilière notamment, et a favorisé l'exportation de capitaux et les délocalisations. D'où une croissance réelle insuffisante, pauvre en emplois, qui s'est effondrée avec l'explosion de la bulle spéculative.

Dans ce contexte, l'endettement public de ces pays est apparu excessif par rapport à leurs capacités réelles de remboursement, déclenchant une intense spéculation faisant brutalement remonter leurs taux d'intérêt. Cela a débouché sur une grave crise de surendettement public et de vives tensions au sein de la zone euro.

Des réponses d'ampleur ont été apportées. Mais elles cherchent, avant tout, à rassurer et consolider les marchés financiers, au prix de l'écrasement des dépenses salariales, sociales et des services publics. Elles cassent donc la croissance et l'emploi et rendent encore plus improbables les remboursements. D'où la poursuite de la spéculation contre les pays concernés, dont le défaut de paiement est anticipé, mais aussi contre tout le système de l'euro, avec les risques d'une contagion.

Le Fonds européen de stabilité financière  (FESF) a été mis en place pour tenter d'endiguer cette crise et d'empêcher sa contagion, de concert avec le FMI et la Commission européenne.

Il dispose de la garantie des États de la zone euro, ce qui lui permet, suite au sommet du 27 octobre, d'emprunter jusqu'à 1 000 milliards d'euros sur les marchés financiers et de re-prêter aux États en difficulté avec des conditions punitives.

Cette logique consiste donc à emprunter encore et toujours plus sur les marchés et donc à encourager leur croissance cancéreuse et leur domination sur le social et le public, au lieu de faire appel à la création monétaire de la BCE. Cela ne peut qu'accentuer les cercles vicieux de la dette contre l'emploi, les salaires, la formation, les services publics.

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Argumentaire 5         Sortir de l’euro ?

Le constat

Les critiques de gauche au Traité de Maastricht en 1992, principalement celles du PCF à l’époque, étaient justifiées comme l’ont été celles émises en 2005 par le PCF et le mouvement altermondialiste face au TCE (Traité constitutionnel européen), il serait par contre réducteur et trompeur de faire d’un « sortir de l’euro » le préalable voire le sésame magique d’une sortie de crise.

En 1992 les économistes communistes et d’autres défendaient la proposition d’une « monnaie commune », instrument de coopération face au dollar notamment, contre le choix d’une « monnaie unique » au service de l’unification sous la double férule de la « concurrence libre et non faussée » (dumping fiscal, dumping social, démantèlement des services publics,…) et d’une politique et d’institutions de l’euro (BCE) conçues en fonction et au service d’un financement de l’économie par les marchés financiers.

La question centrale reste : « à quoi doit servir la monnaie, pour chaque pays et pour quel projet européen ? »

«Quelles transformations monétaires en Europe pour une monnaie et une création monétaire utiles à une sortie de crise ? Et donc au service de quelle transformation sociale en France et en Europe ? » La réponse à cette question n’est évidement pas seulement de technique monétaire mais également de processus politique et social à développer pour rendre possible cette transformation.

Les limites politiques d’un « Sortons de l’euro »

Dans un contexte où montent les réflexes nationalistes et xénophobes, ce retour de chaque pays vers sa monnaie nationale exacerberait de nouvelles formes de guerre économique, notamment sous forme de dévaluations compétitives, etc. Au dumping social et fiscal s’ajouterait un dumping monétaire. Pas vraiment une réponse donc au besoin de nouvelles coopérations ! Et surtout pas une réponse à la domination des marchés financiers pouvant encore plus jouer des rivalités et différences entre pays dans les spéculations, les taux d’intérêts, etc. !

Les limites économiques et monétaires

La dette contractée en euros sur les marchés internationaux de capitaux (les 2/3 de la dette française par exemple) resterait libellée dans cette monnaie pour le ou les pays sortants de l’euro. Non seulement leur nouvelle monnaie nationale connaîtrait une dévaluation volontaire, l’objectif de certains partisans d’une sortie de l’euro étant notamment de retrouver une compétitivité prix à l’exportation par une dévaluation monétaire, mais la dette ancienne libellée en euro exploserait.

Déjà des ménages polonais, croates, hongrois, affrontent aujourd’hui la difficulté d’être endettés avec une monnaie qui n’est pas la monnaie nationale. Attirés par des banques et des taux d’intérêts bas, ils ont contracté pour plus de 80 milliards de dettes. Celles- ci sont libellées en franc suisse, qui depuis mai a connu une hausse de 10 %. Résultats, les remboursements explosent.

L’emprunt et ses remboursements (libellés en franc suisse) finissent par dépasser, et de loin, la valeur initiale des biens financés. Ce sont aujourd’hui les banques qui les saisissent..

Certains pensent combiner une sortie de l’euro avec un mouvement massif d’annulation des dettes, mais chaque pays étant revenu vers sa propre monnaie et en guerre économique avec les autres, cette annulation de dettes pourrait aussi aboutir à des faillites bancaires en chaîne et non maîtrisées. Ainsi la faillite bancaire islandaise s’est traduite par un recul du niveau de vie de ses habitants de plusieurs décennies.

Revenir aux monnaies nationales, c’est renoncer face à l’impérialisme du dollar dans les relations économiques mondiales.

Pour une réponse offensive de transformation de l’euro

Il n’y a pas de raccourci, encore moins par la sortie d’un seul pays de l’euro, ou des pays les plus en difficultés financières, au combat pour une transformation fondamentale de la construction européenne, incluant une transformation de l’euro. Le Mouvement des indignés, mais aussi les évolutions de la CES (Confédération  européenne des syndicats) montrent qu’il existe des forces considérables en Europe qui peuvent se mettre en mouvement et converger.

«S’affranchir des marchés financiers », notamment par la création d’un Fonds européen, non pas pour rassurer les marchés, mais financer dans l’économie réelle des actions visant à un nouveau type de développement, d’emploi, d’activités.

La question  de la démocratie.  Ce n’est pas seulement une question  de pouvoir  des États vis-à-vis  des marchés.  La question  est celle du pouvoir des peuples face aux marchés et donc d’une transformation des pouvoirs.

L’ensemble de nos propositions : transformation de la création monétaire, audit de la dette, réévaluation de la part des riches- ses orientées vers le travail, pôle public du crédit et bataille pour une refonte des statuts de la BCE. Au niveau mondial, une transformation fondamentale du FMI avec le développement à partir des Droits de tirages spéciaux (DTS) d’un outil monétaire mondial face au dollar, peuvent alors s’inscrire dans cette dynamique.

Nos propositions unissent changement en France et transformation radicale de la construction européenne, nouveaux droits et pouvoirs des salariés et des populations, lutte contre les gaspillages du capital et le productivisme, émergence d’un véritable développement social et écologique émancipé d’une logique de course à la rentabilité financière exacerbée et ravageuse. La transformation de la monnaie et donc de l’euro pourrait devenir un outil au service de la transformation sociale.

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