Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Quelles réponses et quels financements nouveaux dans l’Union européenne, face à la crise de l’euro ?

Nous présentons ici des « bonnes feuilles » du nouveau livre de Paul Boccara, La crise systémique. Europe et monde. Quelles réponses ?, le Temps des Cerises, septembre 2011.

Il s’agit d’extraits du chapitre I de la troisième partie, intitulée « De nouvelles coopérations internationales, européennes, euro-méditerranéennes et mondiales ». […]

1. La montée de la crise des dettes publiques européennes, la spéculation et les premières mesures

Entre 2007 et 2010, le déficit budgétaire de la zone euro s’est creusé de 5,3 points pour atteindre 5,9% en 2010 et la dette publique brute a bondi de 18 points pour s’élever à 84% du PIB. D’où le grand défi de la crise des dettes publiques européennes.

On a assisté, face à la montée très forte des déficits publics et des dettes publiques de plusieurs États européens, au déchaînement de la spéculation à la baisse sur leurs titres de dette publique, comme pour la Grèce, l’Irlande ou le Portugal. Cela consiste, par exemple, à vendre des titres « à découvert », sans les posséder encore, contribuant à l’offre excessive et à la baisse des titres, puis à les racheter à bas prix pour les livrer aux acheteurs. Aussi, sur les marchés financiers, c’est le relèvement important des taux d’intérêt sur les dettes à 10 ans et à 2 ans de ces États en 2010 et 2011, lié à la baisse de la valeur des titres alors que les engagements d’intérêt ont été fixés sur la valeur d’émission initiale. Ces taux d’intérêt finissent par devenir intolérables, alors que les besoins de remboursements des dettes par les États relancent la nécessité de nouveaux endettements et que les agences de notation dégradent leurs notes de confiance pour les pays surendettés.(...)

En conséquence, on a assisté aux appels des aides des autres pays européens avec des taux moindres. C’est d’abord l’aide à la Grèce, dès mai 2010, de 110 milliards d’euros sur 3 ans avec des prêts bilatéraux, puis l’aide à l’Irlande en novembre 2010, de 85 milliard d’euros sur 3 ans, et l’aide au Portugal en avril 2011 de 80 milliards d’euros sur 3 ans. Il s’agit aussi de certains soutiens corrélatifs du FMI.

Ces aides ont été permises par des endettements sur les marchés, grâce à des garanties publiques des États européens dominants, dits « États du cœur » de l’Union européenne, Allemagne, France, Pays Bas, Autriche, à la différence des pays en grande difficulté, dits « de la périphérie ». Cependant, les risques ont continué à monter pour ces derniers, et ont commencé à porter sur les besoins beaucoup plus importants qui deviendraient indispensables pour de grands pays comme l’Espagne ou l’Italie. Les enjeux pour la seule Italie pèsent plus de deux fois ceux des trois pays sous perfusion, Grèce, Irlande et Portugal. L’endettement public de l’Italie serait de 120% du PIB, plus de 1900 milliards d’euros, tandis que celui de la Grèce représenterait 150% du PIB mais avec 350 milliards d’euros. Montent aussi les risques de restructuration dévaluant les dettes des pays les plus exposés, et les dangers de la possibilité des pressions et de réactions en chaînes, ou de l’impact sur les banques. Cela concerne les banques des pays en difficultés, mais aussi, de façon considérable, les banques françaises et allemandes, très exposées. Sont aussi en cause, comme créanciers détenteurs de titres de dettes publiques, les sociétés d’assurance et les Fonds financiers plus ou moins spéculatifs,  comme les Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et les Fonds proprement spéculatifs ou « Hedge Funds ». Les titres publics subissent des baisses sur les marchés, allant jusqu’à 50% pour les dettes grecques à 10 ans.

En contrepartie des aides aux États en difficultés, ont été imposés des plans d’austérité très durs : engagements de baisses des dépenses publiques et sociales et de réductions des déficits, hausses d’impôts, baisse des salaires et des retraites, engagements de privatisations, etc. Cela a entraîné les réductions ou stagnations des croissances et donc des recettes fiscales.

2. Fonds européens nouveaux, interventions de la BCE et gouvernance économique européenne

Pour organiser ces aides et ces dettes nouvelles, deux constructions institutionnelles très importantes ont dû être mises en place. C’est d’abord la création du Fonds européen de stabilité financière (FESF), fondé sur des appels de prêts sur les marchés, garantis par les États européens. Sa capacité d’intervention a été relevée de 250 milliards d’euros à 440 milliards. Toutefois, son activité devrait cesser en 2013. Et une deuxième institution a dû être installée, pour pérenniser les aides aux États en difficultés graves et persistantes. C’est le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF) qui prendra le relais courant 2013. On évoque pour lui une capacité de prêt de 500 milliards d’euros et un capital souscrit de 700 milliards, dont une partie versée par les États membres (27% pour l’Allemagne et 20% pour la France) et des garanties apportés par les États. Exceptionnellement, il pourrait intervenir sur le marché de la dette primaire des États en difficulté, sous condition de programmes d’ajustements. Et le FMI a accepté de coopérer avec ces institutions européennes nouvelles.

Quant à la Banque Centrale Européenne (BCE), elle est d’abord intervenue en rachetant, contrairement à sa doctrine, des titres de dette publique de certains États sur le marché secondaire, et non directement à l’émission comme la Federal Reserve des États -Unis, ou la Banque d’Angleterre. Elle a aussi favorisé les prises de dette publique par les banques, avec ses taux de refinancement des banques très abaissés, à 1% depuis mai 2009. Cependant, elle a recommencé à relever ses taux de refinancements, avec d’abord 1,25% le 7 avril 2011. Ce changement de politique, qui pourrait se poursuivre, répondrait à des exigences des États dits du cœur, notamment de l’Allemagne, et non aux besoins des pays de la périphérie.. Mais s’exerce aussi sur les travailleurs du « cœur », la pression du chômage progressant dans les autres pays et qui persiste dans toute l’Union et notamment dans la zone euro

Dans ces conditions, on aurait un taux de chômage de 9,9 % en juillet 2011 dans l’Union  européenne, avec 21 % environ en Espagne en avril 2011, et en France, après 9,2 % au premier trimestre 2011, 9,5 % en juillet 2011, soit 2,7 millions en catégorie A et 4,3 millions toutes catégories. […]

Cela renvoie aussi aux avancées de dominations des exportations de capitaux allemands et secondairement français dans l’Union européenne, en liaison désormais avec les privatisations imposées dans les plans d’aus- térité aux pays en difficultés. Ainsi, la Grèce offre un programme de privatisations des infrastructures aéro- portuaires, de l’eau, du gaz, de l’électricité, de la poste, des chemins de fer, ou encore des télécoms, secteur où l’Allemagne avec Deutsche Telekom est déjà présente à 30 % dans l’opérateur principal Hellenic Telecomu- nications Organization SA, aux côtés de 20 % pour l’état grec.

Tout cela s’articule aux décisions de renforcement de ce qu’on a appelé la « Gouvernance économique » de l’Union européenne, tout d’abord par les orientations du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011. Ce ren- forcement a concerné :

Un « pacte pour l’euro plus », organisant la consoli- dation du Fonds européen de stabilité financière et le futur Mécanisme européen de stabilisation financière, et renforçant  les mesures d’austérité sociale [...].

3. Le redoublement  des mesures des Etats, le nouveau plan de juillet 2011 et la persistance de la crise

Les très importantes mesures décidées, jusqu’à mars 2011, n’ont pas empêché l’aggravation des dif- ficultés des dettes, avec notamment les contagions  des pressions des marchés financiers touchant de nouveaux pays.

Le Sommet extraordinaire du 21 juillet 2011 du Conseil européen des chefs d’état et de gouvernement de la zone euro, va encore développer les mesures prises par les dirigeants  de la zone, face à l’aggravation de la crise des dettes publiques.

Cela concerne d’abord l’amplification des mesures concernant la Grèce pour, a-t-on prétendu, « une solution exceptionnelle et bien spécifique ». Il s’agit d’un nouveau plan d’aide à la Grèce de 160 milliards, d’achèvement et de complément du plan de 110 milliards en 2010 qui s’est révélé insuffisant.  […] Quant à la BCE, elle a décidé, à la majorité du Conseil des gouverneurs, et malgré l’opposition allemande, de reprendre ses achats de dettes publiques, alors qu’elle avait déjà accumulé 74 milliards d’euros d’obligations souveraines. Et elle a repris et élargi ses allocations de liquidités à la disposition des banques européennes, en acceptant des titres de dettes publiques en garantie. Elle serait même intervenue pour des rachats de dettes souveraines italiennes et espagnoles. Et on a prévu que le Fonds de stabilité financière prendra le relais du rachat de dettes publiques, à partir de ses fonds levés sur les marchés avec la garantie de la zonre euro, dès que son institution aura été ratifiée par l’ensemble des états de la zone euro  dès que son institution aura été ratifiée par l’ensemble des états de la zone.

Les marchés ont commencé par « saluer »  ces mesures, obtenues malgré les réticences de la BCE et des créanciers, plus particulièrement le marché des dettes souveraines. La Grèce qui empruntait à 10 ans à un taux proche de 18 %, à la veille du Sommet de juillet, a vu les intérêts de sa dette redescendre à 13,7 %, ceux de l’Espagne sont passés de 6,3 % à 5,7 % et ceux de l’Italie de 5,9 % à 5,37 %. Mais, déjà au début d’août, le taux à 10 ans de l’Italie est remonté à 6,16 %, celui de l’Espagne à 6,36 % et celui de la Grèce à 14,85 %. Tandis que les taux allemands à 10 ans sont descendus à 2,39 %. Les emprunts grecs à 10 ans s’échangent encore autour de 50 % de leur prix initial. Et l’agence de notation Fitch a placé la Grèce en défaut partiel à la suite des mesures de juillet. Malgré le répit, les inquiétudes restent grandes dans toute la zone euro, ainsi que les pressions contre les dépenses publiques  et pour l’austérité. Tandis qu’on insiste sur les réserves de privatisation en Grèce, bien plus larges que les 50 milliards d’euros prévus, jusqu’à 285 milliards d’actifs privatisables, on souhaite des incitations nouvelles à la croissance de la Grèce et des autres pays en difficulté, en contradiction avec le renforcement des mesures de l’austérité sociale.

La relance ultérieure des difficultés des dettes euro- péennes et de l’euro est donc prévisible. Déjà des experts affirment que le Fonds de stabilité et le Mé- canisme de stabilisation européens ne suffiront pas si effectivement l’Espagne et l’Italie étaient massivement concernés. D’ailleurs, face à l’aggravation de la crise et à sa conjonction  avec la première dégradation de la note de la Dette publique des états-Unis, des effon- drements alarmants se sont produits, de fin juillet au début d’août 2011, puis encore le 18 août, dans les Bourses européennes,  américaines et asiatiques. Les valeurs bancaires ont été particulièrement touchées aux états-Unis, mais encore plus dans l’Union européenne, où les banques  françaises ont été sérieusement atteintes, notamment le 10 août. Il faudrait aussi considérer les difficultés nouvelles des crédits interbancaires.

4. Les critiques des mesures prises et le débat sur des réponses alternatives

Face aux difficultés persistantes et grandissantes ainsi qu’au faisceau de mesures gouvernementales et insti- tutionnelles redoublées, imposées principalement par la coalition de gouvernements de droite allemand et français, les critiques et les propositions alternatives montent dans les syndicats, dans les partis de gauche, et dans les mouvements sociaux. Ces mouvements sociaux et politiques  se développent tout particulièrement dans les pays de la périphérie, contre les plans d’austérité pour l’euro, avec de grandes manifestations, comme les « euromanifs » contre l’austérité à Bruxelles et les rassemblements nouveaux des « indignés », de la place Syntagma (de la Constitution) à Athènes, à la Puerta del Sol à Madrid.

Les critiques soulignent  les cercles vicieux, contre la croissance, des plans d’austérité, comme celles du secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats (CES). Ces plans d’austérité réduisent la demande interne, affaiblissant ainsi la croissance et donc les recettes fiscales, aggravant encore les déficits budgétaires. Déjà, le PIB grec a baissé de 4,5 % en 2010. Et on prévoit qu’il va également  baisser en 2011. La crois- sance est arrêtée ou réduite au Portugal, en Irlande, et déjà en Espagne ou en Italie en 2011. Une étude de l’OFCE estime que, en France, « l’impact […] de cette réduction rapide du déficit sur la croissance […] amputera la croissance de 2,8 points de PIB, en cumulé sur la période 2011-2012, ce qui pèsera en retour sur les finances publiques ». La croissance française serait amputée en 2011 et en 2012, de 1 % par le plan de rigueur français et de 0,4 % par les autres plans d’austérité européens. Ces affaiblissements de la croissance et des re- cettes fiscales relancent  les déficits et donc encore les endettements publics. Et les fuites en avant des nouveaux endettements publics et aides garanties par les états dominants, avec d’autres financements des marchés financiers, pour les Fonds européens de stabilité, ont dû s’amplifier et pourraient devoir s’étendre encore.

Cela participe à la montée mondiale des surendettements publics, menée par l’en- dettement formidable des états-Unis  et débouchant sur l’éclatement futur d’une crise financière mondialisée, éventuellement plus grave que celle de 2008. Même si l’on peut souhaiter que les premières grandes secousses futures entraîneront des négociations pour avancer vers d’autres constructions, avec d’autres créations monétaire, jusqu’au niveau du FMI.

Les propositions alternatives sont très diverses. Cela va de simples améliorations  ponctuelles à des pro- positions discutables, et jusqu’à des transformations véritablement radicales, en liaison avec la montée des luttes sociales, politiques et idéologiques contre les plans d’austérité, pour une autre construction finan- cière de l’Union européenne et le développement de son modèle social.

Des améliorations utiles plus ou moins limitées peuvent concerner des mesures d’amélioration des emplois et des retraites, une taxe européenne sur les flux ou tran- sactions financières – encore qu’elle ne mette pas en cause le caractère spéculatif de ces mouvements  finan- ciers –, certaines protections des marchés de l’Union par des exigences de normes sociales et écologiques pour les productions importées, d’autres agences de notation, publiques et européennes.

La proposition  d’emprunts  européens avec des obligations publiques européennes ou « eurobonds », affectés au remboursement des créanciers et au soutien des endettements des pays en difficultés, voire éventuel- lement à des investissements dits « du futur », mise en avant, notamment du côté des partis socialistes, est discutable. Elle a le défaut de toujours développer une dépendance vis-à-vis des marchés financiers. Et elle ne différencie pas le suivi des mesures de soutien entre états, à l’opposé de titres publics nationaux qui seraient soutenus en commun par la BCE. Elle tend à organiser une tutelle fédéraliste sur les états nationaux, à partir des états dominants.

En ce qui concerne le Parti socialiste en France, ses propositions sont marquées par le grand écart d’une contradiction fondamentale. C’est, d’une part, des suggestions de multiples dispositions d’alternative systémique aux mesures gouvernementales, avec même des éléments semblant rejoindre des propositions communistes, et, d’autre part, leur petitesse effective et surtout les compromis de conciliation fondamentale avec le gouvernement, voire une surenchère néolibé- rale et fédéraliste, ainsi que le silence sur des mesures alternatives  les plus audacieuses et efficaces.

Pour les mesures du PS qui se veulent critiques, c’est la protestation contre la limitation constitutionnelle des déficits et pour l’équilibre budgétaire ou « règle d’or », mais en dérivant vers une critique conciliatrice de sonmanque de « sérieux », au contraire d’une opposition à son fond. C’est surtout une nouvelle fiscalité, mais limitée aux « niches » d’exemptions  et défiscalisations, sous réserve d’une modulation de l’impôt sur les bénéfices des sociétés pouvant se rapprocher du reste de la gauche. C’est l’insistance sur des mesures pour la croissance et l’emploi, mais en contradiction avec les mesures sur les moyens, en raison notamment de l’engagement de réduction très rapide des déficits bud- gétaires et de « l’engagement » de moyens pour lesquels, dit Martine Aubry, « il ne s’agit pas le plus souvent de dépenses additionnelles » mais d’une approche plus per- formante de l’action publique. La proposition d’« une Banque publique d’investissement », sous forme de fonds régionaux, apparemment proche de celle de la gauche communiste, ne renvoie pas au refinancement par la BCE sur laquelle elle fait le silence, ni à des cri- tères d’emplois et de formation (cf.Martine Aubry, Le Monde, 13 août 2011, « Contre la dette, pour l’emploi : “ma règle d’or”. Les cadeaux fiscaux aux plus riches sont responsables de l’endettement »).

Du côté de la convergence fondamentale avec la droite et de la surenchère, c’est d’abord la proposition d’un « gouvernement économique européen » fédéraliste, dont les premiers linéaments ont été seulement ins- titués par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Et c’est surtout le respect de l’engagement européen de retour des déficits de la France au-dessous de 3 % du PIB en 2013, en déclarant que la promesse à cet égard du président Sarkozy ne pourrait être tenue par lui, en voulant faire mieux avec des mesures immédiates en ce sens. Cela s’oppose à la mise en avant de la « dette utile » affectée  à la croissance sociale et du bon déficit pour la dépense publique utile, le « deficit spending » keynésien. D’ailleurs, d’autres dirigeants que Martine Aubry, dans le PS, peuvent encore davantage insister sur la rigueur contre la dette. Enfin, le plus grave, c’est l’absence d’appui sur une nouvelle orientation de la Banque centrale européenne, à part quelques références à l’extrême gauche du PS. Au contraire, rappelons que nous proposons  que la BCE refinance les banques avec des taux d’intérêt très abaissés pour des investissements accompagnés d’emplois et de formation efficaces et aussi, qu’elle prenne massivement des titres de bon- nes dettes publiques, afin de financer l’expansion des services publics des pays européens en coopération.

Soulignons qu’à l’opposé de l’indépendance de la BCE et de son objectif primordial de lutte contre l’inflation, la Federal Reserve des états-Unis est plus sensible aux indications politiques et a une mission majeure de développement de l’emploi. La BCE doit pouvoir être contrôlée dans une démocratie participative, et avec des concertations, depuis les Parlements européen et natio- naux, les sollicitations  sur les crédits par les syndicats et les comités d’entreprises, un Comité économique et social européen et un Comité des régions qui seraient démocratisés et dont les pouvoirs seraient renforcés.

Les propositions d’extrême droite ou d’extrême gauche de sortie de l’euro semblent particulièrement dangereuses. D’une part, cela aggraverait considéra- blement les pressions des marchés et les difficultés sociales. En effet, cela entraînerait  les dévaluations des monnaies grecques ou autres, augmentant les dettes concurrentielles dites compétitives. Cela redoublerait les pressions contre les dépenses publiques et sociales. D’autre part, la sortie de l’euro ne permettrait pas une autre création monétaire en commun, avec une base de production réelle étendue, pour l’avancée du modèle social européen. Et l’exclusion de l’euro ferait que le dol- lar dominerait comme jamais le monde. Cela priverait aussi une construction mondiale alternative de la force de l’euro, utilisé autrement, pour construire un autre FMI émancipé des états-Unis et instaurer une véritable monnaie commune mondiale autre que le dollar.

Parmi les propositions radicales, on peut citer les mesures avancées par le collectif français nouveau dit des « économistes atterrés », keynésiens  de gauche et autres économistes critiques jusqu’à des marxistes. Il s’agit plus précisément de la Mesure n° 14, du Manifeste des économistes atterrés, Crise et dette en Europe : 10 fausses évidences, 22 mesures en débat pour sortir de l’impasse, de 2010 : « autoriser la Banque centrale européenne à financer directement les états (ou à imposer aux banques commerciales de souscrire à l’émission d’obligations publiques) à bas taux d’intérêt, desserrant ainsi le carcan dans lequel les marchés financiers les étreignent ». […]

Les propositions de transformations radicales (se référant, notamment, aux propositions du PCF et du Front de gauche en France) peuvent se rapporter principalement à deux ensembles de mesures qui, dans les deux cas, mettent en cause le rôle de la BCE, avec le potentiel de sa création monétaire et de nouveaux pouvoirs de démocratisation participative des insti- tutions nationales et européennes, pour des objectifs sociaux de progrès. Il s’agit, d’une part, d’un autre type de crédit des banques, depuis des pôles financiers publics nationaux et leur refinancement par la BCE. Cela se rapporte, comme nous l’avons déjà indiqué, à des taux d’intérêt très abaissés jusqu’à zéro, pour les investissements réels, matériels et de recherche, et non financiers, avec des taux d’intérêts d’autant plus abaissés que sont programmés des emplois et des formations et avec des pouvoirs de saisine des organisations syndicales depuis les entreprises.

Il s’agit, d’autre part, très précisément, de mesures alternatives par rapport aux Fonds européen de stabilité financière et au Mécanisme européen de stabilisation financière. Cela concerne d’abord une création mo- nétaire nouvelle par la BCE, à l’opposé de la prédo- minance écrasante des nouveaux endettements sur les marchés financiers garantis solidairement par les états de la zone euro, pour prendre massivement des titres nationaux de dette publique des états. Les fonds seraient affectés, par l’intermédiaire d’un « Fonds de développement social européen », à l’expansion des services publics, surtout pour les pays en difficultés, en coopération. Cela contribuerait à des dispositions de rattrapage de productivité des pays européens les moins développés, à une nouvelle croissance à base sociale et à l’équilibrage des rapports entre pays de l’Union européenne contre les dominations, notamment de l’Allemagne, pour l’épanouissement des coopérations. Cette dernière proposition a été notamment avancée en 2010, en vue d’un référendum européen, par le Parti de la Gauche Européenne (PGE), regroupant un certain nombre de partis nationaux de gauche et de la gauche communiste et radicale. Une proposition analogue a été mise en avant au niveau syndical, par la confédération DGB en Allemagne, en faveur d’une Banque publique européenne achetant des titres d’emprunts d’état grâce à un recours à la BCE.

Et cela concerne, ensuite, des contributions au rachat et au remboursement des dettes des pays en difficul- tés, bien plus importantes de la part de la BCE, au détriment des appels aux marchés financiers et de la montée du Fonds de stabilité ainsi que du Mécanisme de stabilisation. Cela concernerait aussi des mises à contributions et des exigences plus importantes pour le secteur privé et ses institutions financières. Une série d’autres mesures convergentes devraient accompagner ces transformations institutionnelles radicales. Cela pourrait concerner notamment des taxes européennes sur les banques, modulables selon leur comportement pour la croissance réelle ou la spéculation financière, sur les assurances et Fonds de placement, ainsi qu’une taxe de type Tobin sur les flux financiers internationaux, mais suffisamment élevée, à partir des pays de l’Union européenne. Les fonds seraient affectés au Fonds de développement  social pour une croissance européenne à base sociale. À la montée vers un fédéralisme de domination de certains pays comme l’Allemagne et la France et de soutien aux marchés financiers, on peut opposer la montée d’une confédération de coopérations internationalistes pour le progrès social.

Il s’agit encore de la mise en cause du pacte de sta- bilité, des plans d’austérité sociale, et de l’obsession idéologique de réduction des budgets publics et des endettements publics, sous domination des marchés financiers considérée comme inéluctable. Cela se rapporte, notamment, à un retournement de type néokeynésien, de l’idéologie politique, valorisant les dépenses publiques et les bonnes dettes. Mais cela se rapporte également à une création monétaire, pour une croissance réelle soutenue, en coopération, l’emploi et la formation, la recherche-développement, les services publics. Cela renvoie enfin, au-delà de la coopération dans l’Union européenne, à d’autres coopérations dans le monde avec d’autres financements, depuis une autre coopération euro-méditerranéenne, à celles à développer avec les pays en développement et émergents, toute l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie émergente dont la Chine. 

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