Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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A propos de la dette publique

En France, la dette publique augmente depuis 30 ans. Mais c’est à partir de la fin des années 1970 et, plus encore, du début des années 1980, avec le recours de plus en plus systématique   aux marchés financiers, que celle-ci commence à s’envoler. La crise actuelle est le résultat de choix politiques mis en œuvre pour accroître sans cesse la part des richesses accaparée par une minorité. D’autres choix sont possibles pour briser la spéculation, se libérer des marchés, sortir de l’impasse de l’austérité.

De 21,2 % du PIB en 1978, la dette publique passe à 36 % en 1983, pour bondir à 60 % en 1998. Les années 2000, après une courte période de latence due à une nette reprise de la croissance dans les pays développés, donnent lieu à un véritable emballement : De 63,3 % du PIB en 2003, l’endettement public  passe à 79 % en 2009, puis 82,3 % en 2010, soit 1591,2 milliards d’euros.

La seule dette de l’État, qui était de 44 milliards d’euros en 1978, a été multipliée par 25 depuis, pour atteindre 1101 milliards d’euros  fin 2009. Avec 50 milliards d’euros, la charge d’intérêts de la dette est devenue le troisième poste de dépense du budget.

Tous les pays avancés ont connu un tel phénomène :

Par exemple, depuis 1981, date d’envolée du dollar et des marchés financiers aux États-Unis, la limite d’endettement public décidée par le Congrès y a été relevée cinq fois : de 8 000 milliards de dollars en- tre 1981 et 1985, sous Reagan, elle a été portée à plus de 10 000 milliards avec Bush père (1989-1992), puis près de 13 000 milliards sous Clinton (1993-2000), pour atteindre 14 294 milliards de dollars avec Bush junior… Obama vient, avec difficultés, d’obtenir son relèvement de 2100 milliards de dollars et, pour la première fois, la dette publique des États-Unis a dépassé le seuil de 100 % du PIB.

Au Japon, depuis un point bas de 63,2 % en 1992, la dette publique a progressé jusqu’à 197,2 % du PIB en 2010.

Les pays de la zone euro n’ont pas échappé à cette tendance. Alors que, rapportée au PIB, la dette publique agrégée de la zone enregistrait une moyenne de 67 % du PIB de 2000 à 2008, elle passe brusquement à 78,8 % en 2009.

À partir des années 1980, les pays européens,  France en tête, se lancent dans un vaste effort d’internationalisation de leur dette publique (1) en vue de constituer un marché financier unique susceptible, avec l’euro, de rivaliser avec Wall-Street  dans l’attraction des capitaux mondiaux. Simultanément, la baisse des taux d’intérêt liée à la marche en avant vers l’euro a favorisé un très important endettement, notamment en Europe du Sud, servant surtout à la croissance financière et à la spéculation.

Appel au marché financier ou à la création monétaire de la Banque centrale ?

C’est par une loi « Pompidou-Giscard » du 3 janvier 1973 que le choix a été fait, en France, de mobiliser la force de l’État pour promouvoir le marché financier et soutenir les opérations financières des banques ordinaires.

Elle stipule en son article 25 que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres  effets à l’escompte de la Banque de France ». En pratique, cela signifie qu’on interdit à la République française l’accès  direct à la création monétaire de la Banque centrale en l’obligeant à emprunter auprès des banques privées sur les marchés  d’obligations à des taux d’intérêt dépendant de la conjoncture de ces derniers.

Par cette réforme, « il s’agissait à l’époque de constituer un véritable marché des titres à court, moyen et long terme, qu’ils soient émis par une entité privée ou publique  » confirme V. Giscard d’Estaing (2). Et il la justifie : « la possibilité du prêt direct de la Banque de France au Trésor public a généré partout  où il fut appliqué une situation d’inflation monétaire permanente ». Constatation très discutable, car ce n’est pas, en soi, l’appel public à la création monétaire de la Banque centrale qui est inflationniste mais la façon dont cette création monétaire, utilisée par l’État pour de massifs transferts en direction des capitaux monopolistes, n’a pas engendré une croissance suffisante des richesses réelles, d’où l’inflation.

Les dispositions de l’article 25 de la loi de janvier 1973 ont été reconduites par une loi du 4 août 1993. L’enjeu était non seulement l’endettement de l’État au service des grands groupes, mais aussi le financement de ces derniers. Face aux défis de partage de la révolution informationnelle et pour la rentabilité financière, ils étaient en effet appelés à se lancer dans de vastes opérations de restructutration et de fusions-acquisitions à l’échelle du monde entier, requérant d’énormes fonds levés sur les marchés.

Cela a ouvert la porte à une longue période d’essor du marché financier et à une envolée de la dette publique qui y est financée à partir de 1978.

De fait, avec le ralentissement de la croissance et la montée du chômage, avec les transferts de plus en plus massifs de l’État vers les grandes entreprises faisant exploser les gâchis de financements publics, avec l’inauguration des politiques d’austérité raréfiant les recettes  fiscales et sociales, les comptes publics de la France ont commencé à s’enfoncer structurellement dans le rouge à partir de 1974 pour, depuis, ne plus jamais revenir dans le vert.

C’est le cumul de ces déficits successifs qui explique la croissance de la dette publique désormais couverte par des emprunts sur les marchés financiers. Sur ceux-ci les apporteurs  de fonds (banques, assurances, fonds de pensions et d’investissement…) surveillent la qualité de la signature des emprunteurs notée par des Agences de notation et exigent des taux d’intérêt d’autant plus rémunérateurs que les notes sont faibles.

Par la suite, l’accumulation de la dette  et la progression des intérêts engendrés ont fait surgir un phénomène « boule de neige » avec  une croissance économique de plus en plus ralentie : la dette publique augmente mécaniquement, du fait que le taux d’intérêt payé sur elle est plus élevé que le taux de croissance des ressources qui servent à la rembourser.

Aujourd’hui, la seule charge d’intérêts de la dette coûte plus de 50 milliards d’euros à la collectivité et représente le troisième poste du budget de l’État.

La pratique de l’appel par l’État au marché financier pour financer ses déficits est devenue encore plus systématique et d’ampleur avec le passage  à un euro conçu, précisément, au service de la domination des marchés financiers, avec une banque centrale « indépendante » et interdite par traité de toute monétisation de dettes publiques.

Insuffisance de recettes et gâchis de dépenses publiques

Les dettes publiques augmentent brutalement en 2008-2009, avec l’intervention massive des États face à l’explosion de l’excès d’endettement privé accumulé depuis des années en contrepartie, surtout, d’opérations et placements boursiers, de LBO, de délocalisations, d’investissements  contre l’emploi  et de formidables spéculations boursières et immobilières.

L’endettement public  a pris ainsi le relais de l’endettement privé pour continuer de soutenir l’accumulation capitaliste.

Aux États-Unis, près de 800 milliards d’euros sur deux ans ont été injectés, dont 40 % en réductions d’impôts. Dans la zone euro, l’ensemble des plans adoptés ont injecté 200 milliards d’euros. En France, après un plan d’aide à l’investissement, contre l’emploi et les salaires de 26 milliards d’euros,  Sarkozy a lancé un « grand emprunt » obligataire  de 35 milliards d’euros.

Tout cet argent public a été accordé sans aucun changement des critères du crédit et sans contrepartie en emplois exigée sur les aides.

Cela permit de sortir de la récession, mais avec une croissance très insuffisante, très peu d’emplois  et le maintien, par le chômage, d’une lourde pression sur les salaires. Par contre, les profits financiers et la spéculation ont repris de plus belle.

En France, après une récession au cours de laquelle le PIB recula de 2,2 % en 2009, année où la Bourse de Paris enregistra, elle, une augmentation de 22,32 %, lacroissance réelle a atteint péniblement 1,2 % en 2010. Et, après une croissance nulle au deuxième trimestre, l’année 2011 s’annonce fort médiocre.

Cette insuffisance de la croissance réelle accentue l’insuffisance des recettes publiques par rapport à la dépense qui, elle, est poussée par des besoins irrepressibles (santé, éducation, recherche, accompagnement social…) ce qui, dans ces conditions, creuse les déficits, lesquels grossissent la dette.

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(1) Hors cotisations sociales imputées (en % du PIB)

Pour contrer cette évolution, il aurait fallu, outre la recherche d’une  plus grande efficacité sociale de la dépense, augmenter les prélèvements obligatoires.

Or, ceux-ci, relativement au PIB, sont toujours restés sensiblement inférieurs aux dépenses publiques, de 7,9 points en moyenne de 2003 à 2008, mais de 12,8 points en 2009 et de 12,2 points en 2010.

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(1) PO : Prélèvements obligatoires (en % du PIB)

Cela tient, avant tout, au fait que les gouvernements successifs n’ont cessé de multiplier les cadeaux fiscaux et parafiscaux (Ex. : allégements de « charges sociales », suppression de la taxe professionnelle, baisse de l’IS…) au profit des entreprises, au nom de la compétitivité, et des grandes fortunes, sous prétexte que cela inciterait leurs détenteurs à ne pas les délocaliser.

Selon un rapport officiel (3), depuis 1999, « l’ensemble des mesures nouvelles  prises en matière de prélèvements obligatoires ont réduit les recettes publiques   de près de 3 points de PIB : une première fois entre 1999 et 2002, une deuxième  fois entre 2006 et 2008 ». Et les auteurs d’ajouter : « Si la législation était restée celle de 1999, le taux de prélèvements  obligatoires serait passé de 44,3 % en 1999 à 45,3 % en 2008 [...]. À titre d’illustration, en l’absence de baisse des prélèvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’est en réalité, générant ainsi une économie annuelle de charge d’intérêts de 0,5 point de PIB. ».

Outre les cadeaux faits aux plus riches (allégement ISF, Bouclier fiscal…) ce sont les allégements d’impôts (la suppression de la taxe professionnelle par exemple) et de cotisations sociales dont ont bénéficié les entreprises qui sont au cœur de cette évolution.

Selon le Conseil des prélèvements obligatoires (4), le manque à gagner total, pour l’État, des allégements accordés aux entreprises est de 172 milliards d’euros en année pleine, soit 67,7 % du total des recettes fiscales nettes du budget 2011 et 1,87 fois le déficit prévu !

Dans ce total, on retrouve les exonérations de cotisations sociales patronales dont la compensation coûte annuellement quelque 30 milliards d’euros désormais (29,8 milliards en 2009).

Le cumul de ces exonérations,  accordées par tous les gouvernements en alternance depuis 1992, se monte à 250,5 milliards d’euros !

Au cœur des facteurs concourant à l’augmentation de la dette publique, il y a la volonté des dirigeants français et européens de développer le plus possible le marché financier pour attirer le maximum de capitaux vers les entreprises. D’où deux phénomènes :

 1. La progression régulière et importante de la part des richesses produites dans les entreprises captée par les prélèvements financiers (intérêts et dividendes);

 2. Les efforts répétitifs des gouvernements pour, au nom de la compétitivité, faire reculer la part des richesses produites dans les entreprises allant aux prélèvements obligatoires.

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PO : Prélèvements obligatoires (en %)

PF : Prélèvements financiers (en %)

Bref, pour laisser le capital financier prélever une dîme de plus en plus importante sur la richesse nationale, les politiques gouvernementales ont systématiquement cherché à faire reculer la part des richesses produites qui sert au financement des services publics et de la protection sociale.

Le recours systématique à l’endettement a permis ainsi, bon an mal an, de faire face aux dépenses croissantes, tout en les contenant, sans avoir à augmenter  les prélèvements obligatoires.

Et l’euro là-dedans ?

L’euro  a été conçu au service de la domination des marchés financiers en prétendant rivaliser avec les États-Unis dans l’attraction  des capitaux mondiaux moyennant un taux d’intérêt offert supérieur en permanence à celui de la devise américaine.

Avec l’euro, les dirigeants européens cherchent à disputer aux États-Unis le privilège exorbitant dont ce pays dispose avec le dollar. La monnaie nationale des États- Unis est aussi, en effet, monnaie commune mondiale de fait. Cela leur permet de s’endetter énormément auprès du reste du monde et de rembourser en émettant de nouveaux dollars, en faisant « marcher la planche à billets » (la FED, réserve fédérale des États-Unis ou Banque centrale, vient de racheter pour 600 milliards de dollars de bons du Trésor des USA).

Face à cela, la zone euro, avec sa BCE « indépendante » et vouée à soutenir la force financière de l’euro, cherche à promouvoir tant et plus ses marchés financiers. Simultanément, avec le pacte de stabilité, les dépenses de services publics sont rationnées dans le but de tenir les déficits publics sous la barre de 3 % du PIB.

L’euro a facilité un fort endettement des États membres, à commencer par ceux d’Europe du Sud, en retard de développement, qui ont pu ainsi bénéficier de taux d’intérêt très abaissés.

Mais cet argent emprunté, au lieu de servir à développer les capacités humaines, a servi à la croissance financière des capitaux et à la spéculation, immobilière notamment, sans parler des exportations de capitaux et délocalisations. Simultanément,  les services publics végétaient et les dépenses d’armement et de soutien aux capitaux financiers s’envolaient. D’où une croissance réelle insuffisante, pauvre en emplois, très déséquilibrée et qui s’est effondrée quand cette « bulle » a éclaté.

C’est cela  qui a fait apparaître excessif l’endettement public de ces pays, relativement  à leurs capacités réelles de rembourser, et déclenché une intense spéculation faisant brutalement remonter leurs taux d’intérêt. Cela a débouché sur une grave crise de surendettement public et de vives tensions au sein de la zone euro.

Des réponses d’ampleur ont été apportées. Mais elles demeurent insuffisantes et, surtout, très contradictoires. Elles cherchent, avant tout, à rassurer les créanciers, à consolider  les marchés financiers, au prix de l’écrasement des dépenses salariales et sociales et des services publics. Elles cassent donc la croissance et l’emploi et rendent encore plus improbables les remboursements. D’où  la poursuite de la spéculation contre les pays concernés, dont le défaut de paiement est anticipé, mais aussi contre tout le système de l’euro, avec les risques d’une contagion.

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été mis en place pour tenter d’endiguer cette crise et d’empêcher sa contagion, de concert avec le FMI et la Commission européenne.

Il dispose de la garantie des États de la zone euro, ce qui lui permet d’emprunter jusqu’à 440 milliards d’euros sur les marchés financiers et de reprêter aux États en difficulté avec des conditions punitives.

Cette logique consiste donc à emprunter encore et toujours  plus sur les marchés et donc à encourager leur croissance cancéreuse et leur domination sur le social et le public, au lieu de faire appel à la création monétaire de la BCE vouée, elle, à maintenir  l’euro « fort ». Cela ne peut qu’accentuer les cercles vicieux  de la dette contre l’emploi, les salaires,  la formation, les services publics et la croissance réelle européenne.

Désormais, ces tentatives de réponse portent gravement atteinte aux souverainetés nationales et à la démocratie, la BCE, sur mandat des gouvernements, s’arrogeant le pouvoir de dicter à un pays comme l’Italie un terrible plan d’austérité.

Il faut une tout autre politique

Arrêtons de diaboliser la dette publique !

La dette n’est pas mauvaise en soi. Il y a de bonnes et de mauvaises dettes. Tout dépend de l’utilisation que l’on fait de l’argent emprunté.

S’il  est utilisé pour accroître les richesses réelles, par exemple pour la santé, l’éducation, la recherche, le logement social, la sécurisation de l’emploi, de la formation et des salaires, l’environnement, cela fait de la croissance durable et saine. Celle-ci va alors entraîner un accroissement des recettes publiques (impôts et cotisations sociales), ce qui permettra de rembourser l’argent emprunté.

Par contre, si l’argent  emprunté sert à spéculer sur les marchés boursiers et immobiliers, à délocaliser, à détruire des emplois, à déqualifier et à tirer les salaires vers le bas, cela freine la croissance, raréfie les recettes, ce qui creuse les déficits et les dettes.

Ce n’est pas fatal d’aller chercher l’argent dont on a besoin sur les marchés financiers :

a) On peut augmenter et rendre plus efficaces les prélèvements obligatoires :

Il faut une réforme de la fiscalité, non seulement pour accroître les recettes des impôts et faire reculer les inégalités mais aussi pour pénaliser la croissance financière des capitaux, la recherche de l’argent pour l’argent, les délocalisations et, au contraire, encourager les comportements  favorables à la croissance de l’emploi et des richesses réelles. Il faut aussi de nouvelles ressources immédiatement pour la protection sociale.

Quatre exemples :

 Impôt sur les sociétés: Nous voulons le moduler de façon à pénaliser les entreprises qui investissent pour diminuer l’emploi et la masse salariale, préfèrent faire des placements financiers ou cherchent surtout à payer des dividendes. Nous voulons, par contre, encourager les entreprises qui investissent en programmant des créations d’emplois, des mises en formation correcte- ment rémunérés et contrôlés.

 Impôt territorial sur les entreprises: Nous voulons établir un impôt local sur le capital des entreprises pour en dissuader les gâchis. Il s’agirait  d’une « taxe professionnelle » moderne qui serait assise non seule- ment sur les équipements des entreprises, mais aussi sur les actifs financiers des sociétés et des banques. Cela permettrait aux collectivités territoriales de disposer de quelque 20 milliards d’euros supplémentaires tout de suite et de voir  l’emploi progresser sur leur territoire, ce qui augmentera la base de leurs recettes futures, plutôt que de s’endetter tant et plus auprès des banques ou des marchés financiers.

 Impôt sur les grandes fortunes : Nous voulons accroître son rendement, non seulement en augmentant son barème, mais aussi en élargissant sa base. Nous voulons aussi faire contribuer les fortunes professionnelles de façon modulée, selon que les entreprises concernées augmentent ou non l’emploi et la masse salariale, alors qu’aujourd’hui  les équipements professionnels sont exonérés de l’ISF.

 Cotisations sociales patronales: Nous proposons de faire cotiser les revenus financiers des entreprises et des banques au même taux que les salaires.

b) On peut utiliser autrement l’argent des  prélèvements obligatoires :

 Nous voulons un contrôle et une évaluation publics et sociaux de la dépense publique, au lieu d’un rationnement systématique avec la RGPP et la prétendue «règle d’or des finances publiques». Celle-ci ne vise qu’à faire entrer dans notre Constitution des principes pour dessaisir automatiquement les élus de la Nation de tout pouvoir de décision budgétaire et mieux conformer  les dépenses de l’État, des collectivités territoriales et de la protection sociale aux normes des pactes de stabilité et de l’euro plus, aux injonctions de la BCE et des marchés financiers.

 Il faut en finir avec les baisses de cotisations sociales patronales au nom de la compétitivité (et de l’emploi qui en dépendrait). Nous voulons, pour accroître l’efficacité sociale des entreprises, non pas baisser les

« charges sociales », comme le préconisent la droite et le PS, mais pérenniser un financement  efficace de la protection sociale et baisser les charges financières des entreprises (intérêts payés sur les crédits).

Pour cela, nous proposons :

‒ de réformer le calcul des cotisations  sociales pour accroître durablement leurs recettes : leur taux serait modulé de façon à décourager la croissance financière, les politiques salariales régressives et à encourager la création d’emplois  et de formations correctement rémunérés ;

‒ de dédier à un Fonds national de sécurisation de l’emploi et de la formation les quelque 30 milliards d’euros d’argent public aujourd’hui utilisés à baisser les « charges sociales ». Cet argent servirait à prendre d’autant plus en charge les intérêts payés aux banques par les entreprises sur leurs crédits pour l’investissement matériel et de recherche que celui-ci programmerait plus d’emplois, de formations correctement rémunérés et de progrès écologiques ;

‒ décentralisé au niveau régional, ce Fonds national serait partie prenante d’un pôle bancaire et financier public à partir de la Caisse des dépôts, des autres institutions financières publiques ou semi-publiques et de banques renationalisées. Ce pôle aura pour mission de développer, sous contrôle social, un nouveau crédit pour l’investissement des entreprises dont le taux d’intérêt serait d’autant plus abaissé, jusqu’à devenir nul, voire négatif, que cet investissement program- merait plus d’emplois et de formations correctement rémunérés.

Tout cela permettra un vigoureux essor de la croissance des richesses réelles et, donc, des recettes publiques en impôts et cotisations, tandis que reculerait la spécula- tion en France.

c) On peut faire appel à la création monétaire de la BCE :

C’est  ce que font aujourd’hui la FED et la Banque d’Angleterre,  à la différence de la BCE. Mais elles le font pour soutenir les dépenses  d’armement, les cadeaux fiscaux aux riches, les profits financiers des banques et des groupes, les placements financiers, la spéculation…

La BCE a été contrainte de transgresser  ses propres dogmes monétaristes, sous le poids de la crise. Désormais, elle rachète des titres de dette publique des États en difficulté, mais pas directement auprès d’eux sur le « marché primaire », ni pour aider au développement des dépenses de services publics et pour la croissance réelle. Elle les achète sur le « marché secondaire », auprès des banques qui détiennent ces titres afin de continuer la course folle à l’endettement sur les marchés financiers… où les banques achètent les nouveaux titres de dette publique émis à taux d’intérêt  élevés avec, notamment, l’argent  que leur prête la BCE à 1 % !

Il faut absolument que la création monétaire de la BCE serve à une vigoureuse relance des dépenses sociales et pour les services publics.

Comment faire ?

a) Des mesures immédiates pour le remboursement des dettes légitimes :

Il est indispensable de commencer à frapper très durement les spéculateurs et mettre à contribution les institutions financières pour commencer  à alléger celles de dettes publiques qui sont « légitimes ».

La mise en place d’une taxe Tobin sur les transactions financières est plus nécessaire que jamais. En même temps, il faudrait mettre à contribution, par un prélèvement spécifique, les banques, les sociétés d’assurances, les OPCVM et tous les fonds spéculatifs, dans chaque pays et à l’échelle de l’Europe. Devraient être particulièrement  pénalisés les opérateurs qui se sont assurés contre un risque de défaut grec (ou autre) dans un but essentiellement spéculatif. Il s’agirait, ce faisant, d’en finir avec les instruments financiers du type des « CDS » (Credit  default swap). Les fonds publics ainsi collectés devront être affectés à une réduction de la dette publique grecque.

En même temps qu’il faut refuser tout plan d’austérité en France et en Europe et, au contraire, augmenter les dépenses pour les services publics, il faut exiger que la création monétaire de la BCE soit sollicitée à cette fin.

Ça suffit cette BCE qui n’a de compte à rendre à personne et qui se permet de détailler aux États en difficulté, par-dessus les peuples et leurs élus, les mesures qu’ils doivent prendre !

b) L’enjeu majeur : créer un Fonds social et solidaire pour le développement européen :

 Ni « eurobligations », ni sortie de l’euro…

Sortir de l’euro  ferait redoubler les difficultés et la spéculation,  exacerberait les rivalités entre Européens et, au total, consoliderait la domination mondiale du dollar, pourtant elle-même en crise très profonde. Surtout, cela reviendrait à se priver de la force d’une création monétaire commune à l’échelle  européenne et, alors, à se contenter de conditions de financement qui seraient très limitées, à l’heure de la mondialisation, par rapport à des pays-continent comme les États-Unis ou la Chine.

Le bond en avant dans le fédéralisme européen, avec notamment l’émission d’euro-obligations, ne contribuerait qu’à éloigner encore plus les centres de pouvoir des salariés, des peuples et de leurs élus, pour les concentrer au service de la domination des marchés financiers. De plus, les euro-obligations  interdiraient de conduire des politiques différenciées  selon les besoins propres de chaque pays, de chaque région. Émises au nom de la zone euro prise comme un tout, elles imposeraient,  pour garder leur notation, aux pays les plus faibles en termes de productivité de s’aligner  sur les normes des pays qui dominent, Allemagne en tête, et pousseraient  vers une politique budgétaire unique.

Non, l’enjeu est bien celui de commencer à rompre, de façon cohérente et pas seulement en paroles, avec cette logique qui consiste à faire accumuler de nouvelles det- tes, pour tenter de régler celles en cours, en empruntant toujours plus sur les marchés financiers.

 Utiliser l’euro et la BCE autrement :

De partout on voit grandir les luttes sociales en Europe et dans le monde. Le développement  récent des mouvement des « indignés » le confirme. Toutes ces luttes cherchent  à tâtons les voies de constructions politiques qui permettraient enfin de s’émanciper de la dictature des marchés, de la course aux armements et de disposer des moyens financiers et des pouvoirs pour imposer des solutions conformes à leurs besoins sociaux et culturels de développement.

Ces luttes ont besoin de converger vers de grandes exigences formant cohérence alternative face à la cohérence des « adorateurs du veau d’or ».

Il faut viser une autre utilisation de l’euro, de la création monétaire de la BCE, du crédit bancaire, des Fonds publics nationaux et européens pour de nouvelles interventions de solidarité européenne des États. Mais cela, non pour renforcer la domination des banques et l’hégémonie d’un noyau autour de l’Allemagne (fédéralisme), mais pour un développement de progrès social et un rattrapage effectif des retards de productivité des pays en difficulté.

Le PCF, dans le Front de gauche, et le Parti de la gauche européenne (PGE) proposent de construire un Fonds social et solidaire pour le développement européen. Seraient ainsi émis des titres nationaux de dette publique rachetés par la BCE à un taux d’intérêt nul dont les recettes alimenteraient  ce nouveau Fonds. Celui-ci serait chargé de les répartir, démocratiquement, entre chaque pays, selon leurs besoins respectifs, dans le but, expressément, de développer leurs services publics et leur potentiel de croissance sociale nouvelle, en coopération, au lieu d’une création monétaire inflationniste.

La dénonciation du pacte de stabilité, le rejet déterminé du pacte de l’euro +, marcheraient alors de pair avec le lancement d’un nouveau pacte pour une croissance sociale, écologique et solidaire européenne.

Il s’agirait, inséparablement, de réorienter la politique monétaire de la BCE dont le contrôle devrait être assuré par les parlements européen et nationaux, au lieu de l’indépendance actuelle au service de la domination des marchés financiers. Le taux d’intérêt auquel elle assure le refinancement des banques ordinaires devrait être modulé : il devrait être d’autant plus abaissé, jusqu’à être nul, voire négatif, que les crédits que la BCE refinance servent à des investissements programmant plus d’emplois et de formation correctement rémunérés. Ce taux d’intérêt serait, par contre, d’autant plus relevé que les crédits à refinancer serviraient à spéculer, délocaliser ou diminuer les masses salariales.

c) Une affaire mondiale et pas seulement européenne :

Il faut en finir avec la dictature  des agences de notation privées pour le compte des marchés financiers et la spéculation. Cela nécessite une profonde transformation du système monétaire international  dans le cadre d’une nouvelle conférence mondiale qui serait au moins de la portée de celle de Bretton Woods de 1944.

L’Europe peut jouer un rôle majeur dans ce sens, de concert avec sa propre transformation, à l’appui des  luttes :

‒ En se tournant vers les besoins énormes de développement du monde arabe en révolution et de l’Afrique sub-Sahara avec un nouveau plan de type Marshall sans domination ;

‒ En se rapprochant des pays émergents pour faire reculer le rôle du dollar et aller vers la création d’une monnaie commune mondiale de coopération, à partir des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI, comme l’envisagent  désormais explicitement la Chine, la Russie, la CNUCED…,  et d’une  refondation des institutions monétaires, financières et commerciales internationales. 

  1. Selon la BCE (2009) la proportion de la dette publique détenue par des non-résidents était de 30 % aux États-Unis, 29 % au
  2. Royaume-Uni et 8 % au Japon. Mais elle était de 53 % dans la zone euro : 85 % pour l’Irlande, 75 % pour le Portugal, 71 % pour la Grèce, 70 % pour la France, 56 % pour la Belgique, 53 % pour l’Allemagne, 44 % pour l’Italie comme pour l’Espagne.

(2) Blog de VGE pour la démocratie en Europe. Vendredi 25/07/2008. (3) Champsaur P. et Cotis J.-P. : Rapport sur la situation des finances publiques, avril 2010, p. 3. (4)  C.P.O. :  « Entreprises  et  “niches”  fiscales  et  sociales,  des  dis- positifs dérogatoires nombreux », La  Documentation française, octobre 2010.

 

Dette des États-Unis : Une très dangereuse fuite en avant

L’accord auquel ont abouti, in extremis, les dirigeants américains pour relever le plafond de la dette publique des États-Unis va, certes, rassurer temporairement les investisseurs et spéculateurs du monde entier. Mais il va s’accompagner de nouvelles dégradations de la situation des salariés et des chômeurs américains et, surtout, d’une accentuation de la crise systémique mondiale avec l’inflation du dollar dont souffrent si

 terriblement les Européens et les peuples des pays émergents et en développement.

Le compromis trouvé est accompagné de beaucoup d’incertitudes, si ce n’est que le plafond de la dette pourra être effectivement relevé et que sa principale contrepartie consistera en une baisse de 2400 milliards de dollars des dépenses publiques sur dix ans, principalement au détriment des programmes sociaux comme l’exigeaient les Républicains.

L’apaisement risque donc d’être de courte durée, le bras de fer entre la Maison Blanche et les Républicains se poursuivant, au bord du gouffre, au cours des prochains mois, alors même que la croissance a  

pratiquement stagné au premier semestre, outre-Atlantique, avec la persistance d’un chômage très élevé, une faible création d’emplois et le recul des salaires réels, tandis que les profits et les trésoreries des grands groupes et des banques explosent alimentant d’énormes spéculations et exportations de capitaux.

Cette situation fait peser une menace sur le monde entier. Elle confirme  l’échec des mesures de soutien mises en place et renouvelées depuis le second semestre 2009 avec le maintien de taux d’intérêt très bas pour le financement à crédit de toutes les opérations, indistinctement, qu’elles soient accompagnées de créations ou de destruction d’emplois, qu’elles soient favorables à la croissance réelle ou financière et spéculative. L’énorme création monétaire de la banque centrale des États-Unis (Quantitative easing) pour racheter quelque

1400 milliards de dollars de bons du Trésor, a servi surtout à faire exploser les dividendes et bonus

bancaires, soutenir les dépenses militaires et faire s’envoler les exportations de capitaux vers les pays émergents, plutôt que de favoriser la création d’emploi, promouvoir les programmes publics et sociaux nécessaires au développement des capacités humaines avec des investissements socialement efficaces.

Le compromis signé par Obama et son opposition prépare, en réalité, une situation beaucoup plus difficile encore avec le ralentissement de la croissance mondiale due à une austérité généralisée dans les pays avancés et la perspective de nouveaux reculs du dollar. Les dirigeants américains eux-mêmes chercheront à faire supporter la charge de cette fuite en avant par le monde entier afin de soutenir leurs exportations, vers l’Europe notamment dont ils entendent voler la croissance, et de faire accepter une dévalorisation  de leur dette extérieure par leurs créanciers, chinois notamment.

Tout cela confirme le besoin de s’émanciper absolument de cette hégémonie américaine avec la promotion d’une monnaie commune mondiale de coopération qui pourrait être construite à partir des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI dans le cadre d’une profonde réforme de cette institution, comme le proposent désormais la Chine, la Russie et de nombreux États d’Amérique latine. Cela confirme aussi la nécessité d’une profonde  réorientation  de l’Union  européenne et de la politique  de la BCE, au lieu de la rivalité dans laquelle elles sont engagées avec les États-Unis pour partager la domination financière de ces derniers sur le monde avec, de ce côté-ci de l’Atlantique, une course aux politiques d’austérité pour rassurer les créanciers sur les marchés financiers.

 

rompre avec l’endettement sur les marchés financiers

Il faut impérativement cesser d’encourager les marchés financiers par la fuite en avant généralisée dans

l’endettement public auprès d’eux, comme ne cessent de le faire les États-Unis et l’Union européenne aujourd’hui.

Certes, l’intervention  de la BCE a permis, dans l’immédiat, d’éviter le krach que l’on prédisait après la

dégradation, par une Agence de notation de la dette fédérale des États-Unis en écho au relèvement de son plafond pour que Washington puisse continuer de soutenir son effort de guerre, ses énormes dépenses de domination et de gâchis financiers grâce aux privilèges du dollar.

Cependant, le rachat par la BCE de titres de dettes souveraines de l’Italie et de l’Espagne, au-delà de ceux de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal, ne vise qu’à maintenir la confiance des créanciers privés (banques, assurances, fonds spéculatifs…) le temps que les décisions prises au sommet européen extraordinaire du 21 juillet dernier soient ratifiées par les États de la zone euro.

Ce sera, alors, au Fonds européen de stabilité financière de prendre le relais en amplifiant l’endettement public de la zone euro sur les marchés mondiaux, en rivalité avec celui des États-Unis, avec, pour contrepartie, une casse accrue de l’emploi, des salaires, de la formation, des retraites et des services publics.

Il est urgent de rompre avec cette logique folle qui fait que, désormais, la dette publique mondiale approche les

40 billions (millions de milliards) de dollars, contre 29 500 fin 2007, tandis que la croissance pique à nouveau du nez et que le chômage redouble !

Il faut, au contraire, moyennant une création monétaire nouvelle massive des banques centrales et du FMI, faire reculer la domination des marchés financiers avec, au-delà du remboursement de dettes, un immense effort commun de promotion de l’emploi, de la formation, des salaires, de la protection sociale et des services publics en France, en Europe et dans le monde.

Il devient urgent, en effet, de faire prévaloir, dans les financements, des finalités sociales face aux difficultés considérables qui assaillent les populations, à l’explosion des gâchis financiers et des dépenses de surarmement qui préparent une crise mondiale d’une tout autre ampleur que celle de 2008-2009.

La BCE doit être profondément réorientée dans ce sens, à l’appui des luttes sociales qui, de partout, montent en Europe. Les peuples européens ont tout à gagner, en même temps, à un rapprochement avec les pays émergents et en développement pour contraindre les États-Unis à entrer dans une négociation internationale nouvelle, pour faire reculer le rôle du dollar en promouvant une monnaie commune mondiale, à partir des Droits de Tirage Spéciaux du FMI, pour un co-développement pacifique de toute l’humanité.

C’est dire si, en France,  il faut absolument refuser la prétendue « règle d’or » des finances publiques proposée par Sarkozy, mettre en cause les pactes de stabilité et de compétitivité et, avec un pôle financier public et des fonds publics régionaux, mobiliser un nouveau crédit sélectif pour sécuriser l’emploi, la formation, les salaires, les retraites et une croissance réelle durable.

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