Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Contre le cynisme de Macron, la cohérence du projet communiste

Depuis six mois, les Français ont exprimé leur colère et réclamé des hausses de salaires, davantage de services publics, plus de justice fiscale et plus de démocratie. À l’issue du « grand débat national », le Président leur a répondu : « Je vous ai compris, ce grand débat m’a transformé. J’en tire la conclusion que ce que nous avons fait est bien et qu’il faut aller plus loin !

Moyennant quoi, je me garde bien d’augmenter le SMIC, les minima sociaux et les pensions (indexées sur les prix, elles resteront déconnectées des salaires, ce qui privera les retraités de tout bénéfice des gains de productivité). Je ne rétablis pas l’ISF. Je ne supprime pas les niches fiscales pour les ménages. Je n’allège pas la TVA qui frappe avant tout les ménages les plus modestes, j’ignore les protestations contre l’injustice de la fiscalité des carburants, mais je réduis de 5 milliards l’impôt sur le revenu ». Voilà qui peut porter un coup fatal au seul instrument de redistribution sociale que comporte notre système fiscal, et qui y tenait pourtant déjà une place très faible (l’impôt sur le revenu n’a rapporté que 73 milliards en 2017, contre 157 milliards à la TVA, 102 milliards à la CSG).

Pour financer cette sollicitude fiscale envers les ménages aisés, Emmanuel Macron annonce la suppression des niches fiscales des entreprises (lesquelles ? il n’a pas l’intention de remettre en cause le CICE qui va coûter 40 milliards aux finances publiques cette année, ni le crédit impôt recherche !). Il confirme des destructions massives d’emplois de fonctionnaires (peut-être pas tout à fait 120 000 finalement, cela dépendra des mobilisation syndicales) tout en assurant qu’il se préoccupe de la proximité des services publics, et tout en promettant de ne pas fermer d’écoles ni d’hôpitaux sans l’accord des maires concernés. Mais rien n’empêche de supprimer des services et des missions. Le jour même des annonces du Président, l’Agence régionale de santé de la Nouvelle Aquitaine confirmait 50 suppressions de lits à l’hôpital de Guéret…

Le but, paraît-il, est de « créer davantage de richesses ». Comment ? Avec un « pacte productif pour viser le plein-emploi en 2025 ». Emmanuel Macron doit savoir que le plein-emploi est la situation où l’offre et la demande sont en équilibre sur le marché du travail. Selon les estimations de la Commission européenne, cette condition, en France, est réalisée lorsque le taux de chômage est de l’ordre de 9 %. C’est déjà le cas aujourd’hui, avec 2,5 millions de chômeurs au sens du BIT, deux fois plus en réalité, sans compter les innombrables formes de précarité ! La situation pourrait bien être pire en 2025, avec la crise financière et économique que tous les observateurs prévoient d’ici là. D’où viendront donc les nouvelles richesses censées permettre la baisse des impôts ?

Le Président annonce aux Français qu’il veut les « faire travailler davantage », au mépris de toutes les statistiques démontrant que la durée hebdomadaire du travail, comme sa durée annuelle, sont supérieures en France à ce qu’elles sont en Allemagne et dans bien des pays comparables. C’est à cela que doit servir la réforme des retraites en cours de préparation : on ne touchera pas à l’âge légal de départ, parce que ce serait heurter de front les demandes des Français, mais on les fera partir « volontairement » plus tard au moyen d’une décote dissuasive…

La rhétorique à la fois arrogante, cauteleuse et parfois embarrassée du Président n’a manifestement pas suffi à emporter la conviction des Français.

Emmanuel Macron en est sans doute conscient. Aussi, tout en poussant toujours plus loin ses assauts contre nos conquêtes sociales, il confirme le caractère autoritaire de son pouvoir en accentuant la mise cause de l’héritage républicain issu des grandes poussées démocratiques de notre histoire : suppression de l’ENA et des « grands corps de l’État », qui avaient été conçus pour garantir une certaine autonomie de la haute Fonction publique par rapport aux intérêts privés ; « nouvel acte » de décentralisation ouvrant la voie à une multiplication de régimes juridiques différents d’une région à l’autre, telle qu’on n’en connaissait plus depuis l’Ancien régime ; référence appuyée à la « laïcité » et à la loi de 1905… mais qui débouche sur l’organisation d’un débat parlementaire annuel sur la politique migratoire – au cas, sans doute, où l’extrême droite n’en ferait pas assez pour agiter les peurs et les pulsions racistes ?

Il n’est pas jusqu’à l’enjeu climatique qui ne soit traité comme une affaire militaire, avec la création hautement symbolique d’un « conseil de défense écologique ».

Quant à l’enjeu européen, le Président l’a fort peu évoqué dans sa conférence de presse, si ce n’est à propos des politiques d’immigration. Manque d’intérêt pour le sujet ? Sûrement pas, à un mois des élections au Parlement européen, et au regard des ambitions, aujourd’hui certes déçues, qu’Emmanuel Macron affichait au moment de son élection. Bien plutôt prudence tactique, si l’on en juge par la multiplication des annonces destinées à plaire à la petite et moyenne bourgeoisie qui constitue le cœur de l’électorat de droite.

Le PCF, lui, a formulé dix propositions qui n’expriment pas seulement son soutien aux revendications populaires mais proposent les moyens de les réaliser et les rassemblements politiques nécessaires pour les imposer.

En réalité, ce sont deux projets de société qui s’affrontent.

D’un côté, celui d’Emmanuel Macron : l’obsession de la baisse du coût du travail et de la dévitalisation des services publics pour normaliser la France et, dans la mesure de son influence, l’Europe selon les injonctions des multinationales et des marchés financiers.

De l’autre, ce qui monte puissamment de toute la société comme aspiration à maîtriser tous les moments de sa vie, à se libérer de la précarité, de la crainte du lendemain, de la subordination à un employeur inhérentes au marché du travail capitaliste. Une aspiration à dépasser la coupure entre temps de travail rémunéré et activités choisies, dont l’âge de la retraite deviendrait un moment privilégié, reconnu comme tel en lien avec ce qu’apportent les retraités à la société. Le Parti communiste propose les moyens de répondre à cette aspiration : tirer parti des gains de productivité procurés par les nouvelles technologies et changer la façon de créer les richesses, non pour rejeter vers le chômage des millions de travailleurs mais pour réduire massivement le temps de travail et dégager ainsi beaucoup de temps, tout au long de la vie, pour la formation et pour d’autres activités choisies, avec une continuité de revenus, jusqu’à éradiquer le chômage. Notre projet d’une sécurité d’emploi ou de formation vise ainsi à dépasser radicalement le marché du travail, et non pas à se contenter du « plein-emploi ».

Le 38e congrès du PCF a ainsi décidé de se saisir des élections européennes, avec Ian Brossat en tête de liste, pour sortir de l’effacement en rendant visible le projet communiste.

La force de ce projet repose sur une triple cohérence. Cohérence de méthode : à partir des luttes immédiates, construire une rupture radicale avec la domination du capital et donc, nécessairement, avec la construction européenne actuelle. Cohérence dans le temps que le PCF a manifestée en étant le seul parti à avoir toujours combattu les traités existants. Cohérence politique entre objectifs sociaux et écologiques, moyens financiers de les réaliser et conquête de nouveaux pouvoirs démocratiques pour mobiliser ces moyens.

Moyens financiers : justice fiscale bien sûr mais l’impôt ne sert pas seulement à redistribuer les richesses. Il influence les choix qui président à la création des richesses – ou à l’absence de création quand les entreprises, encouragées par les aides et exonérations de toute nature qui leur sont prodiguées, préfèrent utiliser l’argent mis à leur disposition pour délocaliser, réaliser des placements financiers, pratiquer l’évasion fiscale. Nous proposons par exemple que l’impôt sur les sociétés soit modulé en fonction de la politique des entreprises en matière d’emploi, de formation, d’écologie.

Plus important encore, nous proposons de lever le tabou sur l’utilisation de l’argent de la Banque centrale européenne. C’est notre argent, celui de tous les Européens. Il ne doit plus servir à alimenter la croissance des opérations financières. Il doit servir à encourager les banques à prêter aux entreprises qui investissent selon des critères précis en matière économique (création de valeur ajoutée), sociale (salaires, emploi, formation) et écologique (économies d’énergie et de matières premières).

Et il doit servir à un développement inédit de nouveaux services publics. C’est indispensable pour répondre aux attentes de nos concitoyens et à leurs immenses besoins en matière de santé, de protection sociale, d’éducation, de recherche, de transports, de logement, d’énergie, d’environnement… C’est indispensable pour promouvoir ces biens communs de l’humanité que sont le climat, la biodiversité, la qualité de l’air et de l’eau. C’est également vital pour nos économies : là où les multinationales exploitent les gains de productivité procurés par la révolution informationnelle pour supprimer des emplois, mettre des salariés au chômage et faire pression sur les salaires, ce qui tire l’activité économique vers le bas, les dépenses pour les services publics augmentent au contraire la demande et renforcent l’efficacité globale de l’économie.

Moyens politiques : pour faire prédominer une logique sociale et écologique contre la logique du capitalisme financiarisé en crise, nous avons besoin d’une autre Europe, d’un nouveau projet européen. Sa réalisation exigera de rompre avec les traités européens actuels. Nous proposons une grande conférence sociale pour de nouveaux traités, et nous agissons tout de suite pour en créer les conditions dans les mobilisations sociales et politiques. C’est en effet en se rassemblant autour de projets concrets de créations d’emplois, de développement des services publics, que l’on rendra irrésistible l’exigence d’une autre utilisation de l’argent, en Europe comme en France, et qu’on surmontera les divisions des forces de gauche, en France comme en Europe.

Voter pour Ian Brossat et la liste « Pour l’Europe des gens, contre l’Europe de l’argent » sera donc le moyen le plus efficace de riposter à Emmanuel Macron et de faire renaître l’espoir à gauche. 

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