Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le service public de l’énergie, un choix d’avenir

On peut aujourd’hui tirer le bilan de vingt ans de libéralisation du secteur de l’énergie. La conclusion s’impose : du point de vue écologique comme du point de vue des intérêts des usagers, il est urgent de faire le choix d’un nouveau développement du service public.

Dans une société responsable et soucieuse de sa pérennité, le service public n’est pas seulement une vue de l’esprit, une option ; il est nécessaire pour que des individus puissent vivre ensemble, pacifiquement et dignement. En effet, si nous n’avions pas en commun le souci de l’accès de tous aux éléments vitaux, comme l’eau, l’énergie, l’alimentation et le logement… nous devrions bien admettre que chacun puisse trouver des solutions individuelles, le chacun pour soi, avec toutes ses terribles conséquences.

Les dégâts de la libéralisation

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, dans un pays exsangue, partant d’une page blanche, le Conseil national de la Résistance a fait du neuf, du moderne, du progressiste avec la création de la sécu, des droits nouveaux pour les travailleurs et des nationalisations, dont celle des industries électriques et gazières (IEG) avec un contenu politique fort, des valeurs de justice et de solidarité traduites en missions de service public : égalité de traitement, péréquation tarifaire, vente au prix de revient, obligation de fourniture, sécurité. Pour résumer et sans idéaliser une époque, le service public a rempli son contrat et fait face aux défis de la reconstruction : amener l’électricité partout et le gaz naturel presque partout, développer les outils pour répondre à des besoins en énergie qui doublaient tous les 10 ans dans des conditions optimales de sécurité, de maîtrise des coûts assurant des évolutions de prix toujours inférieurs à l’inflation et de respect de l’environnement. Pour tout cela, le service public EDF-GDF était plébiscité jusqu’à la fin des années 1990.

Depuis février 2000 avec la loi de transformation du secteur électricité, suivi de près par celui du gaz naturel, le service public a été immergé dans le libéralisme dans les formes dictées par l’UE et ses traités : ouverture complète à la concurrence dans un « marché libre et non faussé ». Ce processus s’est déroulé en trois étapes successives. La quatrième a été adoptée par le Parlement européen en début d’année et devra être soumise aux parlements nationaux dans les mois qui viennent. Intitulé « une énergie propre pour tous les Européens », ce projet politique remet sérieusement en cause la souveraineté énergétique des États et les valeurs du service public. Pour imposer la logique libérale, le texte européen s’attaque frontalement et explicitement aux tarifs réglementés de vente et à la péréquation tarifaire. Bien plus que le gaz ou le pétrole, le marché de l’électricité est extrêmement volatil ; l’impossibilité actuelle de stocker à grande échelle et le manque d’outils de production quand la demande est forte, lors des pics de consommations, propulsent le prix du MWh à plusieurs milliers d’euros. À l’opposé, quand la consommation est faible, le prix peut devenir très bas ; certains producteurs, en particulier allemands, cèdent à prix négatifs leurs surproductions éoliennes, qui ne se régulent pas, et surtout des centrales thermiques à charbon/lignite qu’il coûte plus cher d’arrêter et de redémarrer. Le système français de service public n’a pas été pensé de la sorte. Bien au contraire, il a cherché la stabilité et la sécurité d’approvisionnement pour maintenir un prix dans une fourchette de 40 à 60 euros le MWh. Avant 2000, EDF gérait directement cette contrainte en adaptant le parc de production aux besoins de la nation ; depuis la libéralisation, le législateur a confié cette mission de veille à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui impose à tous les opérateurs commerciaux de présenter des certificats de capacités pour qu’ils ne vendent que ce qu’ils peuvent produire ou acheter. À défaut de pouvoir l’interdire dans l’immédiat, le texte européen met sous contrôle le système de capacité et s’autorise à le proscrire s’il contrarie trop la logique de marché à l’échelle de l’UE. Pour imposer une vision libérale et impérialiste de l’UE, il faut aussi réduire l’indépendance énergétique, la souveraineté, des États ; à cet effet, la stratégie consiste à faire évoluer les réseaux de transport d’électricité nationaux afin de les intégrer de plus en plus dans un système supra national interdépendant ; pour cela le texte européen prévoit des structures régionales de transport, des régions s’étalant sur plusieurs États. Le gestionnaire national n’est pas associé aux prises de décisions mais sera tenu responsable en cas de problème. On peut difficilement être plus dirigiste ! Dans l’idée du législateur européen, ces « régions » interconnectées devront assurer en leurs seins les échanges entre les communautés locales d’auto productions EnR. Dans ce cadre, la péréquation tarifaire n’a plus de sens, le consommateur urbain n’a pas à payer les surcoûts élevés de la gestion complexe d’un réseau densifié qui permet à d’autres d’écouler leur surproduction ponctuelle vendue à un prix prohibitif et payée au travers de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) par le consommateur qui est aussi un contribuable dont les impôts financent les subventions à la création de communautés d’auto-producteurs. La Cour des comptes dénonce régulièrement cette gabegie ; dernièrement, elle a estimé le coût des énergies renouvelables (EnR) à 121 milliards d’euros jusqu’en 2044 à la charge de l’État et des consommateurs pour les seuls contrats passés avant 2017 ; et cela pour de bien piètres résultats en termes de production d’électricité (qui couvre environ 6 % de la consommation) et d’impacts environnentaux (bilan carbone, matériaux, esthétique…). Avec 121 milliards d’euros, on bâtit 15 à 20 centrales EPR qui couvrent la majorité des besoins. Le texte européen prévoit pourtant une forte montée des EnR, et pour limiter les besoins en production, il envisage la multiplication des contrats d’effacement. Ce chamboulement complet nécessite de nouveaux outils de gestion des contrats, des consommations et des productions ; un de ces outil s’appelle Linky, que seuls ont voulu ardemment ceux qui le combattent fanatiquement aujourd’hui.

En 18 ans, bien des évolutions ont eu lieu : éclatement d’EDF en plusieurs entreprises et filialisations, transformations en société anonyme, privatisation de GDF et vente à la découpe de celui-ci. Engie vient de céder à Total la branche gaz naturel liquéfié (GNL) conçue et développée brillamment par GDF, et financée par les abonnés du service public. Ces décisions politiques ont profondément désorganisé le secteur, et alourdi les coûts. Des bilans complets et comparés des deux périodes, avant et après 2000, permettraient de mesurer, avec tout le recul nécessaire, les résultats de chacune d’elles. Ceux du service public de l’électricité nationalisé semblent d’ores et déjà nettement plus positifs ; ils n’étaient pas parfaits et cela s’explique principalement par la mainmise des gouvernements successifs et des directions d’entreprises qui ont été progressivement converties aux préceptes du libéralisme. Bien évidemment, le capitalisme n’entend pas être remis en cause de quelque manière que ce soit ; il fuira ce genre de débat et évitera toute idée, toute évocation d’un autre système social faisant référence à la justice et à la démocratie.

La cohérence du service public

Le service public est une chaîne où chaque maillon est essentiel. En partant du principal, l’usager, domestique ou professionnel, qui attend une énergie sûre, propre, fiable, disponible et bon marché. Son interlocuteur en proximité est, ou devrait être, le distributeur électricité et gaz. Mais ces énergies doivent être transportées et avant tout produites. C’est l’intégration de ces différentes activités au sein d’un seul et même service public qui donne toute la cohérence, la continuité et l’efficacité économique défiant toute concurrence. Cette organisation permet de solidariser, d’optimiser, de mutualiser les dépenses et les investissements au travers d’un compte consolidé.

Dans le service public de l’énergie, les barrages hydrauliques ont une place particulière. Ils produisent une électricité sans gaz à effet de serre (GES), à faible coût, et participent à l’équilibre du réseau électrique. Ils assurent également la gestion des intérêts publics des usages de l’eau (crues, irrigations, aménagements des berges…). Du fait de cet évident « intérêt général », nombre de pays européens ont maintenu l’hydroélectricité sous contrôle public avec l’aval de la Commission européenne. Contre toute logique (hors capitaliste), le gouvernement français veut privatiser, comme pour les autoroutes, des barrages rentables. Ce choix comporte de grands risques pour l’équilibre électrique et le nécessaire développement du stockage d’énergie par pompage (STEP), pour autant que ce genre de grands travaux soit encore possible dans un pays devenu de plus en plus intolérant aux projets ambitieux.

Depuis 2000, les transformations imposées conduisent à un empilage de coûts pour déterminer d’une part le tarif d’acheminement (les réseaux), et d’autre part le tarif réglementé de vente ou TRV (les énergies gaz et électricité). Par exemple, Enedis et RTE, filiales à 100 % d’EDF, doivent équilibrer leurs comptes et en plus faire remonter du cash à la société mère. Idem pour GrDF, GRT et Storengy avec Engie. Pas étonnant donc que les prix aient augmenté plus vite que l’inflation, au plus grand profit des actionnaires. Malgré cela, le prix de KWh électricité en France est encore parmi les plus bas d’Europe, environ deux fois moins qu’en Allemagne. Mais pour combien de temps, tant est forte la volonté des opérateurs capitalistes d’augmenter leurs profits et l’obstination de certains écologistes à réduire drastiquement la consommation d’électricité avec des prix dissuasifs. Fi des 12 millions de personnes en France qui sont aujourd’hui en situation de précarité énergétique ; le nombre a doublé en 10 ans. Les tarifs sociaux sont prohibés par le 4e paquet Énergie de l’UE et sont déjà remplacés en France, depuis un an, par le chèque énergie plafonné à 150 euros, qui s’avère très insuffisant dans la plupart des cas. Dans une logique sociale, ne serait-il pas juste de décider d’un financement du SPE par chacun en fonction de ses moyens pour que chacun en dispose selon ses besoins ? Ce choix est aux antipodes du capitalisme et du libéralisme.

Le débat actuel sur l’énergie est cristallisé autour de la question du nucléaire qui, pour certains, serait la bête à abattre par tous les moyens, même les plus malhonnêtes. Dans les médias, les questions de lutte contre le réchauffement climatique, de réduction de GES, de transition énergétique sont illustrées par des images flatteuses d’éoliennes, de panneaux photovoltaïques, évoquant les solutions en substitution de ces « terrifiantes » centrales nucléaires. Cette mise en opposition est stupide autant que stérile au regard des enjeux climatiques, mais aussi sanitaires avec des milliers de vies humaines écourtées en raison des pollutions. Ainsi, la transition énergétique est focalisée sur la baisse du nucléaire. Cet objectif (50 %) n’a pas de justification économique, écologique, climatique et sociale… Outre la hausse associée des émissions de GES, une étude récente indique qu’à niveau égal de production, un tel mix se traduirait par des surcoûts annuels de 9,4 milliards d’euros pendant des dizaines d’années, payés par les usagers. C’est au contraire en favorisant les énergies propres, et en premier lieu l’électricité, que nous relèverons les défis environnementaux. Très rares doivent être ceux qui prônent le tout nucléaire. Il y a par contre de farouches partisans du zéro nucléaire. Pour tenter de concilier ces deux positionnements, ce gouvernement, son prédécesseur, à l’appui de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite loi TE, décident une proportion de 50 % d’électricité en provenance des centres nucléaires de production d’électricité (CNPE). Aujourd’hui, la part du nucléaire est de 48 % dans la puissance du parc français, c’est-à-dire que la majorité des outils de production n’est pas nucléaire. Dans des conditions optimales, les CNPE peuvent couvrir de 75 à 80 % les besoins : ce n’est pas un défaut mais au contraire la preuve de leur efficacité, incomparablement supérieure aux autres systèmes. À cela on peut ajouter la production hydroélectrique (19 % en puissance et de 10 à 15 % de fourniture). À eux deux, cela peut représenter, dans les meilleures années, plus de 90 % des 475 TWh d’électricité consommés annuellement sans impact sur l’environnement. Ce chiffre est descendu en 2016 à 72 % pour le nucléaire (le plus mauvais résultat depuis le début des années 1980 en raison des arrêts de tranches pour travaux) et à 12 % pour l’hydro qui représente les 2/3 des énergies renouvelables. Le solde exportateur d’électricité en 2016 est de 39 TWh (-37 %). Pour un prix moitié moindre, l’électricité produite en France est 8 fois moins émettrice de GES qu’en Allemagne. Mais attention, depuis la loi TE 2015, nos résultats se dégradent, les émissions de GES augmentent en France, pour de multiples raisons : dans une moindre proportion, mais non négligeable, par des recours accrus à des centrales fuel et gaz pour la production d’électricité en période de pointe, par les retards accumulés dans la rénovation des logements (très loin des 500 000/an), et principalement à cause des transports de personnes et de marchandises qui n’évoluent pas vers des modes vertueux.

Poursuivre les efforts pour l’efficacité énergétique

Si, grâce à son système électrique, la France s’en tire plutôt bien quant à ses propres émissions de GES, celles de son empreinte carbone planétaire (émissions liées à la consommation domestique incluant les importations) est déplorable. Depuis 1990, l’empreinte carbone augmente de plus de 10 points alors que les émissions baissent de plus de 10 points : en cause, la désindustrialisation massive du pays ! Les émissions industrielles passent de 160 millions de tonnes équivalent CO2 (1990) à 95 en 2016. Dans notre pays, l’industrie ne représente que 17 % du total des consommations finales d’énergie et 21 % des émissions de GES (43 % en Europe). Cet écart entre émissions et empreinte carbone est très significatif en France par rapport à d’autres pays dits « développés ». N’avons-nous pas une double responsabilité : une grande réindustrialisation et une forte diminution de l’empreinte carbone du pays ? Vue sous cet angle, notre politique énergétique prendrait une toute autre dimension, à laquelle la loi TE et le 4e paquet énergie européen s’opposent.

Le système électrique français, décarboné à plus de 90 %, doit être préservé et son évolution envisagée avec des critères de sûreté élevée, de développement des usages de l’électricité (l’électromobilité, le lien avec l’hydrogène, les pompes à chaleur, les besoins d’énergie du recyclage et de l’économie circulaire…) ; la durée de vie de réacteurs existants est à prolonger par des investissements répondant aux exigences de l’Agence de sécurité nucléaire (ASN) avec des garanties de sécurité pour tous les salariés intervenant sur les sites ; alors que le premier EPR est entré en service en Chine, il faut tirer tous les enseignements des délais et problèmes rencontrés dans la filière des EPR, pour la programmation du renouvellement des installations REP existantes. La quatrième génération de réacteurs doit être préparée pour optimiser le rendement de l’uranium et réduire les déchets nucléaires, en valorisant le stock de plutonium. Le retraitement des déchets nucléaires n’est pas encore totalement résolu, notamment les ultimes à longue vie (1,5 tonne pour une production moyenne de 415 TWh/an). Dans l’attente de solutions pérennes, ces déchets sont stockés et inoffensifs. La recherche, si elle est soutenue, permet de nourrir une raisonnable confiance en l’avenir. Si nous sommes investis d’une grande responsabilité à ce sujet, qu’en est-il de la tonne de thorium et d’uranium par TWh d’électricité produite dans les centrales à charbon/lignite ? Et autres mercure, arsenic, antimoine, suies…

Les efforts pour l’efficacité énergétique sont à poursuivre. L’objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche n’est toujours pas respecté. Pourtant, les entreprises profitent du crédit impôt recherche et du CICE ; en fait, ce sont les actionnaires qui se gavent.

Comme de nombreuses études le démontrent, les EnR thermiques peuvent contribuer positivement à la transition énergétique de manière bien plus efficace que les EnR électriques qui perçoivent 90 % des subventions pour à peine 6 % d’électricité. Plus de 50 % des consommations d’énergies sont sous forme de chaleur ; les EnR thermiques ont un rôle important à jouer pour remplacer les énergies fossiles qui représentent plus de 60 % de la consommation finale. Les aides publiques doivent être contrôlées et réorientées afin de répondre vraiment à des intérêts écologiques et non pour alimenter des profits privés. Biomasse sous forme de chaleur, bio méthane injecté dans le réseau, bio GNV, thermique solaire, pompes à chaleur, extension de la géothermie et des réseaux de chaleur (des quantités phénoménales sont disponibles en sortie de centrale)… sont quelques exemples.

Les EnR ne sont pas les ennemis des énergéticiens. L’électricité et le gaz ont toujours fait bon ménage au sein du service public, ce sont pourtant des métiers très différents ; les électriciens et gaziers ont travaillé main dans la main, avec respect et solidarité ; il en serait de même avec les EnR si elles étaient confiées au service public, auquel cas le parc de production énergétique français gagnerait en cohérence et performance, où les énergies renouvelables auraient une place importante. C’est le système actuel, basé sur le libéralisme qui divise, avec la complicité de différents acteurs politiques qui opposent et manipulent pour mieux régner.

Tarifs du gaz et de l’électricité : les batailles en cours

Dans ce marasme libéral, une bonne nouvelle est passée presque inaperçue : Le Conseil d’État valide le principe du tarif réglementé électricité. C’est aussi une surprise car ce conseil avait donné raison aux vendeurs de gaz naturel qui demandaient la fin du TRV gaz. De plus, les réquisitions du rapporteur public soutenaient les arguments d’Engie, Direct énergie et autres fournisseurs privés. Le Conseil justifie sa position sur les principes du Code de l’énergie qui définit les missions de service public et leurs conformités face aux droits européens. Le Conseil d’État considère l’électricité comme étant une énergie non substituable (l’éclairage, appareils ménagers…). Le juge estime légitime la réglementation actuelle. « De plus, sa suppression, ajoute-t-il, risquerait d’entraîner une volatilité des prix qui ne pourrait être encadrée de manière appropriée par des mesures temporaires. » La mobilisation des énergéticiens, l’inquiétude des associations de consommateurs ont sans doute pesé dans la décision du Conseil. Engie et autres prédateurs ne décolèrent pas et vont saisir les institutions européennes. Selon eux, le TRV (Tarif réglementé de vente) est contraire à l’intérêt du consommateur et installe EDF dans un confort qui le dispense de faire des gains de productivité. À quoi nous répondons : le prix du KWh en France est de loin le plus bas d’Europe (hormis la Norvège). Dans le cadre de la concurrence, les fournisseurs privés ont des offres commerciales agressives jusqu’à -10 % ; la pression est déjà si énorme sur les effectifs et les salaires qu’il serait suicidaire de l’aggraver, mais aucun ne remet en cause les 1,5 à 2 milliards d’euros de rémunération des actionnaires, dont l’État qui détient 85 % d’EDF.

Oui, il est possible et souhaitable de baisser très sensiblement le prix du KWh TRV Électricité, mais qui le soutient vraiment ? Comme le reconnaît le Conseil d’État, l’électricité est un produit de première nécessité. Par conséquent, le taux de TVA ne devrait-il pas passer de 20 à 5,5 % ? De plus, l’argent qu’empoche indûment l’État sur le dos des consommateurs ne doit-il pas leur être rendu ? Une partie sur les tarifs, soit une baisse totale d’environ 20 % (quelle bouffée d’oxygène pour le pouvoir d’achat des particuliers et la compétitivité des entreprises, notamment industrielles !) et l’autre part serait bien utile dans les investissements et la maintenance, pour des embauches et les salaires. Quid de la CSPE (+15 % de la facture) qui devrait servir uniquement à ce pourquoi elle a été prévue : la lutte contre la précarité énergétique, et non pour l’aggraver.

Dans un proche avenir, la bataille devrait se dérouler dans les juridictions européennes saisies par Engie, Direct énergie et consorts. Si les textes existants laissent la possibilité du maintien du TRV et du service public, les prédateurs savent qu’ils pourront compter sur les penchants ultralibéraux de l’UE et du gouvernement qui viennent de mettre un terme (progressif jusqu’en 2022) au TRV gaz avec, cette fois-ci, l’aval du Conseil d’État. Pourtant, les mêmes arguments plaident en faveur du TRV gaz : une énergie très populaire grâce à son coût le plus bas des énergies proposées, bien utile pour se chauffer l’hiver. C’est aussi l’énergie la plus propre, après l’électricité. Elle est en partie renouvelable et nécessiterait bien des études scientifiques, si une loi liberticide récente n’interdisait pas la recherche en France sur les hydrocarbures ; sans doute est-il préférable d’importer avec des super tankers polluants ?

Engie, ex GDF-Suez, n’a rien fait pour défendre le TRV gaz dont il a l’entière responsabilité au titre d’opérateur historique. Pire, il a saisi cette opportunité pour demander la fin du TRV électricité. Dès son arrivée au pouvoir, Sarkozy a privatisé GDF et livré ce fleuron industriel à Suez qui dilapide, un à un, les plus beaux outils gaziers. Cette privatisation a été une catastrophe, elle s’est traduite par l’arrêt des investissements dans le développement des réseaux de distribution de gaz naturel. En 13 ans de gestion capitaliste, le service public a été malmené et n’est plus à la hauteur de ce qu’il était, les prix ont beaucoup augmenté et les actionnaires se sont bien gavés.

Des propositions concrètes pour le service public de l’énergie

Avec un tel bilan, l’exigence d’une population éclairée serait, très probablement, la nationalisation de toutes les entreprises liées à la production, le transport et la distribution du gaz naturel avec le maintien d’un TRV gaz dont le coût pourrait être réduit d’au moins 20 %. De nombreux arguments politiques, sociaux, économiques et écologiques plaident en faveur de nouvelles nationalisations démocratiques dans le domaine de l’énergie, hors du joug gouvernemental et patronal. Que les communistes lancent le débat, fassent des propositions et nous verrons bien, nous pourrions être surpris.

Quelques idées pour la réflexion :

‒ Généralisation des véhicules automobiles, bus et cars de types électriques ou hybrides rechargeables dont l’autonomie en mode électrique serait à minima de 50 km afin que l’immense majorité des parcours urbains puissent être effectués sans moteur thermique.

‒ Développement des transports collectifs, principalement celui à traction électrique (train-tram-tramway). La densification du réseau ferré, l’ouverture de nouvelles lignes et gares, électrification du réseau (taux d’électrification en France très inférieur à la Suisse et à l’Allemagne).

‒ Relance des projets de voies navigables : Rhin-Rhône et Nord-IDF.

‒ Le fret international par camion transitant en France devra emprunter le train, la navigation fluviale et maritime ; le choix de la route sera taxé (sauf transport de produits frais et périssables).

‒ Le rachat des productions autonomes par le distributeur (donc les abonnés) sera débattu au Parlement qui devra statuer sur l’intérêt du rachat et fixera un montant acceptable.

‒ Le parc français de production d’électricité est un système intégré, efficient et équilibré, s’appuyant principalement sur un parc nucléaire et un réseau de barrages hydroélectriques. L’organisation actuelle doit donc être pérennisée et renforcée : la concession des barrages sera accordée à l’opérateur public EDF jusqu’en 2100, le déploiement de l’EPR, le soutien à la recherche fondamentale et le développement de nouvelles technologies : quatrième génération nucléaire, transport, stockage et usages de l’électricité.

‒ Dans l’attente du démarrage de nouvelles unités de production suffisamment puissantes et pilotables (donc nucléaires), la centrale de Fessenheim doit continuer de fonctionner (d’importants investissements ont été récemment effectués ; l’ASN a donné, sans réserve, un avis favorable à la poursuite de l’exploitation).

‒ Les systèmes de refroidissement des centrales nucléaires dissipent de grandes quantités de chaleur ; il est possible de les exploiter pour le chauffage urbain et autres utilisations de l’eau chaude ; la production agricole, l’élevage, les déchets, sont émetteurs de méthane qui est un puissant gaz à effet de serre, 25 fois supérieur au C02 ; les produits de combustion sont essentiellement de l’eau et du CO2 en proportion nettement moindre que les autres hydrocarbures. Des dispositifs de production, de collecte et d’utilisation du méthane sont à mettre en œuvre.

‒ La relance des efforts de rénovation des logements et l’amélioration continuelle du rendement énergétique accru des appareillages.

‒ Le portage GNL dont le transport peut être effectué par train, notamment pour les communes éloignées du réseau de transport Gaz.

‒ Les tarifs de service public doivent refléter la réalité des coûts de production, de transport et de distribution ; la TVA doit être réduite à 5,5 %. La péréquation tarifaire et l’égalité de traitement au plan national seront maintenues ; le choix de la meilleure solution (économique, technique et écologique) sera recherché pour la fourniture de l’électricité et du gaz.

‒ La tarification sociale (à créer) de l’électricité et du gaz devra tenir compte des besoins des familles et des ressources dont elles disposent (environ 5 % est le taux maximum des ressources à consacrer aux dépenses d’énergie).

‒ Le quatrième paquet énergie européen ne sera pas transposé en France. La négociation et les accords seront recherchés avec pour seul objectif la solidarité entre les peuples, dans le respect des choix de chacun, pour des échanges mutuellement avantageux.

‒ Le Parlement décidera de la politique énergétique du pays.

‒ Dans chaque département, un conseil de surveillance principalement composé d’usagers, de représentants de salariés et d’employeurs, d’élus locaux et de représentants de l’état veillera à la bonne marche du service public, s’assurant de la satisfaction des utilisateurs, et sera le relais auprès des autorités compétentes pour toutes remarques, requêtes et suggestions formulées par les abonnés.

‒ Un pôle public de l’électricité et du gaz sera mis en œuvre, dont la mission de service public sera établie et contrôlée par l’Assemblée. Le statut social des salariés de la branche sera de haut niveau en reprenant les meilleures dispositions existantes.

‒ L’État, les entreprises et les banques nationales, professionnels et particuliers volontaires créeront un fonds pour le financement des investissements productifs les plus importants comme les plus modestes, en lien direct et indirect avec l’énergie et son utilisation optimale

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