Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Nouveaux critères d’efficacité sociale et services publics

Face à la radicalité de la crise du capitalisme, nous avons besoin d’une expansion extraordinaire des services publics. Tandis que l’on assiste à leur privatisation, à leur mise en concurrence et au renforcement de l’emprise de la rentabilité financière sur leur gestion afin de faire pression contre leurs dépenses, il y a besoin d’élaborer de nouveaux critères d’efficience sociétale, de nouveaux instruments de mesure et indicateurs. Cela participerait à des transformations des opérations, à la montée de la créativité, de la prévention, des coopérations, en particulier avec les entreprises et avec les autres services publics, des plans local et national jusqu’aux plans zonal et mondial.

Nouveaux défis des services publics

Dans la crise systémique actuelle, on assiste aux défis des rapprochements entre services publics et entreprises privées capitalistes. Cela concerne tout particulièrement les critères d’évaluation.

Ni gâchis de la privatisation, ni gâchis bureautique

Ces défis, comme celui de la privatisation ou encore de l’alignement sur des normes de gestion privées, concerneraient des réponses réactionnaires à de vrais problèmes des limitations des services traditionnels.

Aussi, la question posée est celle d’un dépassement par créativité sociale. En effet, d’un côté, les critères de rentabilité des capitaux développent le chômage massif et les gâchis des placements financiers. L’influence des critères de rentabilité entraîne non seulement la pression sur les salaires mais l’utilisation d’emplois précaires, à l’opposé de la garantie d’emploi statutaire de type public. Les privatisations peuvent concerner des écrémages des parties les plus rentables des services provoquant la tendance à des services à deux vitesses, avec un service minimum dit universel mal traité, etc.

Mais, d’un autre côté, l’absence de critères d’évaluation synthétique et d’indicateurs rigoureux corrélatifs des résultats des entreprises et services publics traditionnels a pu y développer des gâchis bureaucratiques, sans compter les rigidités, les cloisonnements et les faiblesses des coopérations, etc.

Or précisément, les mutations en cours, dans la crise systémique actuelle, poseraient le défi de dépassements radicaux pour que, partout, tous les acteurs sociaux concernés puissent intervenir de façon créatrice afin de promouvoir en coopération, à la fois, l’efficacité des entreprises et des services et leurs propres épanouissements. Il s’agit avant tout des défis de la révolution informationnelle.

Révolution informationnelle et mixité « marché et partage »

Les débuts de la révolution technologique informationnelle lanceraient des défis extrêmement profonds mais ambivalents : d’un côté la domination exacerbée mondialisée des marchés, de l’autre, en même temps et de façon contradictoire, des éléments effectifs de dépassement des marchés pour une minorité radicale « marché et partage » mettant aussi en cause la dichotomie « public/privé ».

Après la révolution informationnelle, des moyens matériels remplacent certaines fonctions du cerveau humain pour le stockage, la circulation et le traitement des informations ou données de toutes sortes (comme dans les ordinateurs) et non plus seulement les mains (comme avec la révolution industrielle de la machine-outil). En même temps, les informations et services informationnels, ainsi propulsés, tendent à devenir prédominants dans toutes les activités, y compris la production matérielle.

Mais une information, par exemple, le résultat d’une recherche, est essentiellement différente d’un produit industriel. Si je livre un produit industriel, comme le stylo avec lequel j’ai écrit cette communication, je ne l’ai plus. Ainsi pour le reproduire, celui à qui je le livre comme produit spécialisé doit me payer au moins tous les coûts. C’est la règle de l’échange sur le marché. Au contraire, si je livre une information – comme je le fais en ce moment – je ne la perds pas et beaucoup d’autres peuvent l’avoir. Aussi, on peut partager les coûts. Or les coûts de ce type deviennent colossaux et tendent à devenir prédominants. Au-delà de la notion traditionnelle restrictive de bien collectif, toutes les activités sont de plus en plus concernées par ces exigences de partage informationnel. Ainsi, la dichotomie « public/privé » peut commencer à être dépassée pour le progrès social par le partage, tout en maintenant une impulsion particulière du secteur public.

Cependant, on peut partager les coûts des recherches ou des informations et donc les abaisser pour chacun, d’autant plus qu’il y aura plus de gens formés, employés, équipés, traités en sujets créateurs et responsables pour les utiliser, dans une activité, dans un même pays, comme dans le monde.

D’où la question posée de la montée du partage des coûts, des informations et des pouvoirs, à l’opposé des échanges marchands et des monopoles, comme des dominations bureaucratiques des entreprises privées et publiques. Et cela, tout d’abord, dans une mixité partage et marché. D’où, aussi, la question posée du dépassement de la précarité du salariat, par la suppression du chômage, le rôle décisif de la formation et l’intervention créatrice de tous.

Toutefois, sous domination de la rentabilité financière, si les entreprises cherchent activement à partager les coûts informationnels, comme ceux de la Recherche-Développement, c’est de façon monopolisatrice pour détruire les concurrents dans la guerre économique. Et pour partager de façon monopoliste, on vise à dominer de vastes ensembles en réseau, et cela jusqu’à l’échelle mondiale, en utilisant les prises de contrôle en Bourse et le marché financier, la déréglementation, la concurrence de destruction, les privatisations. Pour la rentabilité financière, ses prélèvements parasitaires et chaotiques, on s’efforce d’abattre les cloisons et barrières entre public et privé ou entre services publics eux-mêmes aux plans national et international.

Cependant, on peut proposer des coopérations nouvelles institutionnalisées, intimes et ouvertes, pour partager les coûts nouveaux, les résultats informationnels et les pouvoirs, y compris entre services publics, jusqu’au plan international. Et cela, sans les gâchis des immenses dépenses financières de contrôle et sans les pressions de la rentabilité financière contre l’emploi ou pour des services à deux vitesses, etc.

En outre, les nouveaux moyens informationnels rendent possibles, sous condition d’une organisation sociale appropriée, une circulation et l’accès à l’information interactive de tous (travailleurs, usagers et consommateurs), à l’opposé du secret et de l’accaparement de l’information sans cesse relancés par les monopoles capitalistes et la domination bureaucratique.

Au contraire, la maîtrise et l’enrichissement de l’information passent, à travers sa circulation la plus large, par le respect des différences et de l’autonomie pour l’intercréativité de tous.

Voyons maintenant, de façon plus précise, les questions de critères et principes de gestion, en distinguant, relativement, les services publics marchands et les services publics non marchands.

Critères de gestion d’efficacité sociale pour les services publics marchands et les entreprises publiques ou nationalisées

Les services publics marchands et les entreprises publiques ou encore nationalisées développées surtout après la deuxième guerre mondiale (visant, au-delà des missions de service public, la modernisation nationale, avec le plein-emploi et un certain progrès social) ont été caractérisés par la levée ou la réduction de l’exigence de rentabilité des capitaux pour eux-mêmes, tout en tendant à les conforter en dehors d’eux. Déjà, Keynes parlait de la non exigence du « rendement commercial » pour l’investissement public. Mais s’il y a eu plusieurs expérimentations de règles et de calculs nouveaux, il n’y a pas eu création de critères synthétiques marchands décentralisés, dépassant à la fois les côtés négatifs et les côtés positifs des critères de rentabilité des capitaux, et favorisant aussi des coopérations intimes au plan régional et national, comme au plan zonal et international.

D’où, après de grands progrès, finalement la montée de gâchis bureaucratiques et aussi de ceux dus à la pression de la rentabilité privée environnante. D’où les défis actuels de la privatisation, face aux exigences de la révolution informationnelle.

C’est pourquoi de nouveaux critères d’efficacité sociale des entreprises peuvent être proposés. Je l’ai fait, pour ma part, pour une mixité conflictuelle viable et évolutive avec les critères de rentabilité, notamment avec un livre de 1985 Intervenir dans les gestions avec de nouveaux critères, Éditions Sociales, puis avec un autre ouvrage, collectif, en 1995, Nouvelles approches des gestions d’entreprises, L’Harmattan). Cela a suscité en France d’autres approches, plus ou moins apparentées ou rivales, quoique visant plutôt à élargir la réalisation de la rentabilité et non des critères vraiment alternatifs, à la fois compatibles et opposés par rapport à la rentabilité capitaliste, dans une mixité radicale.

D’ailleurs, un rapport du Commissariat du Plan en France vient de sortir, partant en fait de ces propositions de critères et d’indicateurs nouveaux de gestion des entreprises, tout en tendant à refouler l’aspect alternatif des propositions et la distinction entre entreprises publiques et entreprises privées (Entreprise et performance globale, outils, évaluation, pilotage, Economica, 1997).

J’évoquerai ici, de façon succincte, quatre ensembles, à partir des critères de rentabilité capitaliste : ceux de la rentabilité économique (profit total/capital total) et de la rentabilité financière : profit disponible (profit total moins intérêts + produits financiers)/capital propre (capital total moins capital emprunté).

1er ensemble : l’efficacité du capital

On peut opposer et relier à la rentabilité économique capitaliste, ou rapport « profit/capital », ce qu’on peut appeler l’efficacité du capital de l’entreprise. Elle est définie par le rapport « valeur ajoutée/capital matériel et financier » : VA/Cmf.

Au numérateur, VA, au lieu du profit, le but c’est toute la valeur ajoutée : la richesse nouvelle produite. Celle-ci comprend les profits, mais aussi les salaires, les dépenses de formation, les prélèvements publics et sociaux. Dans ces conditions, le salaire n’est pas seulement un coût à réduire, y compris par le chômage (comme quand le but est le profit) mais aussi un but de la production.

Au dénominateur, Cmf, on a le capital matériel et financier. Son économisation, relativement à la VA produite, définit l’efficacité. Et celle-ci se relie ainsi à l’utilisation de la révolution informationnelle sans les gâchis des placements financiers.

2e ensemble : l’efficacité sociale

Grâce à cette économie des capitaux, relativement bien sûr à la croissance de la valeur ajoutée produite, il y aurait moins besoin de profit pour l’accumuler en augmentant les capitaux, toujours relativement à la valeur ajoutée produite. On peut donc, sur cette base, accroître la partie de la valeur ajoutée disponible pour les travailleurs et la population, et aussi la masse, correspondant à cette partie, que j’appelle la valeur ajoutée disponible, la VAd.

Elle comprend les salaires, mais aussi les dépenses de formation, ainsi que les prélèvements publics et sociaux, tout ce que le but exclusif du profit tend à réduire.

Ces dépenses pour les capacités et ressources humaines (y compris les capacités de recherche) favoriseraient à leur tour l’efficacité des capitaux.

3e ensemble : la productivité de tous les facteurs ou l’économie sur tous les coûts, orientées socialement

Il ne s’agit pas seulement d’économiser sur les coûts en capital matériel et financier, même si c’est prioritaire. Il s’agit d’économiser sur tous les coûts, y compris en élevant la productivité du travail vivant, sur les salaires : mais toujours grâce à l’efficacité du capital pour que cela revienne aux travailleurs et à la population, donc pour une Valeur Ajoutée disponible supplémentaire ou VAds. Cette VA disponible supplémentaire peut concerner des augmentations de salaires, ou de dépenses de formation, de prélèvements sociaux (y compris des prélèvements mutualisés pour la formation), etc.

On rechercherait donc aussi le bénéfice (c’est-à-dire la différence entre recettes et coûts totaux) mais pas pour le réserver à l’augmentation des capitaux matériels et financiers, ce qui est le rôle du profit au sens strict distingué du bénéfice, ou encore à des sorties de profit de l’entreprise, et au contraire pour accroître la VAds.

Aussi, on peut écrire :

Bénéfice = profit + Valeur ajoutée disponible (pour les travailleurs et la population) supplémentaire.

4e ensemble : la coopération et le partage de certaines dépenses, avec comme but la population elle-même

Il s’agit de partager les dépenses de recherche, de formation, de cadre de vie ou écologiques, etc. Et cela vise toute la population du bassin ou du territoire où se trouve l’entreprise.

Cela renvoie au but de l’apport de Valeur ajoutée disponible par tête d’habitant d’un territoire donné, où se situe l’entreprise (VAd/tête d’habitant).

Cela s’oppose donc, tout particulièrement, au chômage et favorise l’emploi en coopération. En effet, une entreprise, même si elle maintenait voire si elle élevait le taux de salaire par tête employée, tout en faisant des licenciements et du chômage, s’opposerait à l’élévation de la VA disponible par tête d’habitant du bassin d’emploi.

Cela renvoie aussi évidemment, à travers les coopérations entre entreprises, aux coopérations avec les services publics non marchands.

Un but déterminant des concertations et coopérations serait un très nouveau type de plein-emploi et plus exactement, au-delà du plein-emploi traditionnel, une Sécurité d’emploi ou de formation pour toutes et tous, avec de bons revenus et de bons passages entre emplois et formations.

En outre, le but de valeur ajoutée disponible concernerait aussi la VAd « potentielle » distinguée de la VAd effective (en tenant compte des effets d’une réduction du temps de travail) et encore la VAd en volume (c’est-à-dire hors inflation) distinguée de sa distribution par les mouvements de prix.

Ces nouveaux critères de gestion d’efficacité sociale pourraient être démultipliés en des batteries d’indicateurs partiels à l’intérieur de l’entreprise, en fractionnant selon les besoins locaux les « ratios » des rapports globaux. Ils seraient utilisés, avec des pouvoirs d’intervention concertés des personnels et des populations, principalement dans les entreprises publiques et services publics marchands. Ils ont d’ailleurs déjà été expérimentés par mon ami Claude Quin à la Régie autonome des transports parisiens, avec des batteries d’indicateurs spécifiques donnant vie aux nouveaux critères.

Mais aussi, ils seraient dans une certaine mesure utilisables, dans une sorte de mixité avec les critères de rentabilité, dans les entreprises privées, grâce à des pouvoirs nouveaux des salariés et des populations et à l’impulsion de la fiscalité, du crédit, des coopérations avec les entreprises et services publics.

Ainsi ces nouveaux critères d’efficacité sociale pourraient se combiner, de façon conflictuelle mais viable et évolutive, avec les critères de rentabilité, eux-mêmes dissuadés de la recherche de la croissance financière ou des licenciements, sans reclassement convenable. En effet, avec la rentabilité, ils sont à la fois compatibles (la VA inclut le profit et l’efficacité des capitaux peut conditionner leur rentabilité) et opposés : la valeur ajoutée disponible pour les travailleurs et la population est favorisée au contraire du profit, économisée le plus possible grâce aux procédés technologiques et aux conditions de financement.

Des principes d’efficacité sociale en vue de critères nouveaux pour les services publics non marchands ou semi-marchands

Il s’agit des Services publics qui ne vendent pas leurs produits ou prestations sur le marché, mais qui peuvent plus ou moins directement en acheter.

Ces Services ne pourraient utiliser, tels quels, les critères de gestion d’efficacité sociale que nous venons de présenter. Cependant, ils peuvent s’en inspirer et aussi développer de nouveaux principes directeurs spécifiques dans le même esprit.

Voyons, de façon extrêmement sommaire, quatre ensembles de principes, en attendant des études ultérieures à partir d’eux sur des critères et indicateurs proprement dits, notamment dans des analyses des rapports entre « coûts et effets », sur lesquels nous pourrions coopérer à partir de vos réflexions et de vos expérimentations dans le cadre du « Plan Qualité » du Service Public du Canton de Vaud.

1er ensemble : inspiration des critères d’efficacité sociale dans les interfaces avec les marchés

Côté coût: Cela concernerait les économies d’efficacité relative des moyens et charges matériels et financiers, en relation avec les dépenses pour les ressources humaines des services (salaires, formation, recherche, circulation de l’information, etc.) ainsi que de nouveaux pouvoirs de proposition des personnels et usagers ou des coopérations et partages de coûts.

Cela se rapporterait aussi aux effets induits de l’activité des entreprises ou services marchands publics ou privés. Cela comprendrait notamment les impacts sur les conditions écologiques ou d’environnement, avec leurs répercussions sur des coûts nécessaires des services publics non marchands, en liaison avec les exigences de la révolution écologique.

Côté effets : Cela concernerait les effets indirects sur l’efficacité des capitaux et les productions de valeur ajoutée disponible potentielle, par tête d’habitant, des entreprises publiques marchandes et des entreprises privées, en liaison avec de nouvelles coopérations et évaluations communes.

Cela se rapporterait tout particulièrement à l’apport aux capacités et ressources humaines des entreprises. Je laisse de côté l’articulation de ces résultats recherchés avec les conditions de financement des services, les prélèvements mutualisés éventuels, l’impact sur les tarifications, la fiscalité, le crédit aux entreprises, etc.

2e ensemble : la qualité du côté des coûts et son efficience

À l’opposé des tendances unilatérales issues de la production marchande standard, la recherche de la qualité du service apporté contredit, en apparence et dans l’immédiat, l’économie prioritaire des coûts.

Mais cela peut rejoindre, dans une certaine mesure, le problème de l’effectivité des outputs, évoqué dans notre colloque par le Pr. Knopfel, quoique de façon orientée pour améliorer cette effectivité.

En effet, la qualité effective du service rendu, qui nécessite au départ des coûts supérieurs, finit, dans le long terme et l’espace social global, par apporter des économies supérieures que l’on pourrait mesurer. C’est le cas, par exemple, de meilleurs soins de santé, plus coûteux par acte mais dont les meilleurs résultats font qu’on a moins besoin d’actes ; ou encore d’une meilleure recherche plus coûteuse et plus longue avec bien plus de résultats en définitive.

Cela se rapporterait aussi aux dépenses et concertations de prévention. C’est le cas des services de santé, non pas réservés aux pathologies déclarées, mais de plus en plus étendus à la prévention en permanence ; ou encore de la prévention écologique, etc.

Cela peut donc concerner aussi les besoins de nouveaux services, comme ceux d’aide aux études des enfants (en dehors du travail normal dans l’institution scolaire), ou encore de services en permanence aux personnes âgées (en dehors des institutions spécialisées). Cela renvoie aux exigences de la révolution de la géritude (d’allongement de la vie) démographique et parentale, avec une population moins féconde mais l’allongement de l’éducation et l’explosion du travail des femmes, etc.

Cela renvoie encore à la participation décisive aux services de ceux qui les reçoivent, sur laquelle nous reviendrons, comme tout particulièrement pour la santé et la prévention.

3e ensemble : le temps disponible, du côté des effets

L’économie de temps, rendu disponible pour la population, serait un objectif pour un critère traversant l’ensemble des services.

C’est par exemple l’économie de temps (temps d’attente, temps de trajet) pour les transports. Mais c’est aussi le temps disponible accru contre le temps d’indisponibilité par exemple pour la santé, ou encore le temps de redoublement évité contre l’échec scolaire, la réduction du temps d’attente pour les formalités administratives, pour un procès, etc.

Cette question du temps rendu disponible renvoie aussi à tout l’aménagement des temps, pour l’ouverture des services en permanence sur toute la vie, de type formation permanente ou continue des adultes.

Cela se réfère aussi aux systèmes d’évaluations non monétaires (à côté des seuls équivalences monétaires des éléments non monétaires), qu’il s’agisse des temps, ou encore des volumes physiques, des indicateurs qualitatifs, etc.

4e ensemble : les apports de la participation intercréative de tous les personnels et de toutes les populations aux services

L’intervention ainsi que la concertation horizontale et décloisonnée de toutes les catégories de personnels dans la définition et la gestion des Services sont décisives, à l’opposé de secret des informations, du monopole des décisions, de la verticalité hiérarchique, etc.

Mais aussi, et de façon corrélative, tous les sujets des populations concernées doivent pouvoir intervenir non seulement comme usagers de Services publics mais encore comme des apporteurs d’informations cruciales pour des prestations dont ils deviendraient les co-auteurs, ce qui va bien au-delà de la définition des besoins.

Il y aurait une exigence de rotation des rôles, à l’opposé des monopoles de rôle, du type « éducateurs/éduqués », « concepteurs/exécutant ou utilisateur », avec des pouvoirs de proposition et de contrôle décentralisés et concertés de tous et de toutes les générations.

Ainsi les institutions d’État, au lieu de coiffer la coordination des acteurs sociaux, comme les associations non lucratives et bénévoles dont l’importance doit être stimulée, tout en étant elles-mêmes soumises directement ou indirectement à la pression de la rentabilité financière, feraient partie d’un réseau mixte, ouvert aux interventions de tous les acteurs possibles.

D’ailleurs, au-delà de l’efficacité sociale au sens strict, évaluant des rapports « dépenses/résultats », il s’agirait avec la qualité de la vie de tous, recherchée par la qualité des Services publics insérés dans un réseau ouvert, de la participation de chacun à l’élaboration de son style de vie et à la félicité de sa vie. Dans une éthique d’intercréativité, il ne conviendrait pas de prétendre faire le bonheur des gens en dehors d’eux (de façon charitable, paternaliste ou autoritaire) mais de fournir et d’organiser, avec eux, le plus de facilités, formalisées ou non, pour qu’ils contribuent à créer eux-mêmes leur propre félicité, toutes et tous, sans exclusion et donc en solidarité. 

 

ANNEXE : QUATRE RATIOS

 

1. L'efficacité du capital : VA/cmf

(Valeur ajoutée/capital matériel et financier)

2. L'efficacité sociale

Vad = Valeur ajoutée disponible pour les travailleurs et la population

3. La productivité orientée de tous les facteurs

Vads = Valeur ajoutée disponible supplémentaire

Bénéfice = Profits + Vads

4. La coopération avec comme but la population : Vad/tête de population

* Ce texte de Paul Boccara prononcé en 1998 dans le cadre  du colloque  de Lausanne: «Efficacité sociale et services publics» en novembre 1997 a  été repris dans Issues, n°53-54 en 1999 ainsi que partiellement  dans économie et Politique en novembre-décembre 1998. Il  trouve aujourd'hui une actualité renforcée par toutes les attaques de Macron et de son équipe contre nos services publics. Ainsi que par l'urgence de nouveaux services publics pour sortir de la crise systémique du capitalisme et de la civilisation.

 

 

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