Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Etats généraux du progrès social : Propositions communistes pour dynamiser les luttes sociales

 Le 3 février dernier, le PCF initiait les États généraux du progrès social. Plus de 1 000 personnes sont venues assister et participer aux cinq débats publics organisés simultanément dans plusieurs villes d'Ile-de-France. Les économistes communistes sont intervenus sur chaque thématique abordée par ces débats (argent, travail et emploi, industrie, services publics, logement), en développant les éléments de propositions du PCF permettant d'appuyer les luttes sociales et de construire les perspectives politiques pour les dynamiser.

Toutes ces interventions sont disponibles sur le site du PCF dédié aux États généraux du progrès social, Économie et Politique a donc choisi de publier dans ses colonnes la contribution de Frédéric Boccara sur l'argent, qui est transversale à tous ces débats.

 

L’argent, un enjeu politique, de pouvoir et de sens

Cher.e.s amis, cher.e.s camarades, chères toutes et tous,

Emploi, protection sociale, services publics, logement, industrie : l’argent est un enjeu majeur qui traverse chacun de ces domaines, et qui a traversé chaque atelier ce matin.

Il faut continuer et faire monter cela.

C’est un enjeu politique, c’est-à-dire un enjeu de pouvoir et de sens.

Chacun de ces domaines est soumis à la logique de l’argent pour l’argent, et en souffre. C’est la logique du profit et de l’accumulation, celle de l’argent transformé en capital financier.

Cela, au lieu de l’argent pour permettre la création de richesses réelles et le développement des services publics, l’argent au service des besoins sociaux, de l’épanouissement humain et de l’écologie.

Il commence à être de plus en plus évident que la domination de l’argent sur les valeurs humaines et de vie est ce qui gangrène nos sociétés. Cette logique de l’argent pour l’argent au mépris de tout, au mépris des vies humaines, de la nature et de la planète comme de toute morale, doit être remise en cause.

C’est contre elle qu’ont buté toutes les tentatives progressistes et de gauche – même ambitieuses, comme en 1981 ou le Front populaire – c’est en s’affrontant à elle qu’elles ont pu réussir dans le passé – notamment à la Libération.

C’est la soumission à « la finance » qui révolte en France tous ceux qui souffrent et veulent que cela change, de l’ouvrier de l’automobile ou d’Alstom à l’étudiant, de l’infirmière d’un EPAHD ou d’un hôpital, au cadre de l’aéronautique, de l’enseignant au jeune livreur précaire, du médecin au technicien de chez Air France, du jeune chômeur d’une cité populaire au retraité en passant par l’ouvrier licencié de chez Uniroyal, le comme la salariée d’un service public qu’il ou elle soit à la SNCF, enseignant ou en hôpital, ouvrier, employé, cadre, chercheuse ou chercheur. Voyons comme ce sentiment est mondial et partagé.

Même le pape a fait là-dessus des déclarations édifiantes !

Mais il ne suffit pas de dire « c’est la finance », « c’est l’argent ». Nous disons, nous devons dire, où saisir la finance et comment. C’est pour notre part, ce que nous voulons apporter à notre peuple, à la gauche, pour une vie meilleure.

C’est une question fondamentale de démocratie et de développement humain.

Les Ateliers de ce matin ont fait percevoir que cela rassemble dans les luttes en cours… À condition qu’on éclaire ces luttes… À condition qu’on prenne des initiatives précises de lutte, jusqu’au niveau nationale, qui favorisent leurs convergences.

L’argent, comme on dit, c’est quoi ? C’est cinq ensembles :

– Les profits des entreprises.

– Les fonds sociaux, liés aux cotisations sociales.

– L’argent public.

– L’argent des banques, jusqu’à la BCE.

– L’épargne des ménages.

Il doit suivre une autre logique : aussi bien pour le prélèvement – qui doit être différent selon qu’un revenu provient du travail ou du capital, et pas seulement entre riches et pauvres – que pour son utilisation – en favorisant celles allant à l’emploi, aux services publics et à la création de « bonnes » richesses.

Mais pour « saisir l’argent », les banques sont quand mêmes décisives, vu l’ampleur des dégâts et vu l’ampleur des besoins. Les banques constituent ces nouveaux « tanks » apparemment pacifiques mais si meurtriers qui se sont illustrés pour mettre la Grèce à genoux. Il faut maîtriser le crédit pour qu’elles développent le bien commun avec l’argent de tous, le nôtre à chacune et chacun, qu’elles gèrent, utilisent et avec celui qu’elles créent sur cette base.

Bien sûr, dans le capitalisme, l’argent semble ne pas avoir de morale, ou plus exactement, la « morale » profonde du capitalisme, c’est que l’argent doit faire de l’argent un point c’est tout. Ce serait donc folie de croire qu’il est possible de « moraliser » le capitalisme.

Il faut en réalité une tout autre morale : une morale où les citoyens ont prise sur l’argent, où la politique se préoccupe de que font les banques, de ce à quoi sert l’argent. Où les politiques disent « les banques, c’est une question politique, une question de démocratie ». Bref une civilisation où l’argent est maîtrisé pour des buts de vie, de paix, pour développer toutes les sécurités et l’émancipation humaine. C’est une question de pouvoir.

Le cœur des choses, c’est la logique – la morale si l’on veut – dont est porteur l’argent : pour développer les êtres humains ou pour soutenir les profits ? Il doit être utilisé pour développer les gens : l’emploi, les richesses utiles et les services publics, dont l’écologie.

Il ne suffit pas limiter cette logique, la « moraliser » en mettant quelques garde-fous, quelques pénalités et taxes illusoires et prétendument compensatrices. Ni État libéral, ou social-libéral, au service de l’austérité et de la baisse du dit « coût du travail », ni État éclairé, plus ou moins social-démocrate, voire national-populiste, mais ne touchant pas à ce que font les grandes entreprises, ni à ce que font les banques.

Il faut maîtriser l’argent en s’appuyant sur tout le savoir social et citoyen des habitants et des travailleurs-ses, permettant transparence et démocratie. Nous proposons de créer de véritables nouvelles institutions. C’est une vraie question de civilisation : face à cette morale folle née sur la base de ce que l’homme a créé – une monnaie qui en apparence est libre et peut tout, y compris détruire – mettre en œuvre une autre « morale » pour maîtriser cette création sociale.

La maîtrise des banques et de la création monétaire est une question clé qui permet de donner cohérence à un triangle de combat, dans lequel nous voulons englober la production et les activités sociales. Ce triangle, sa pointe avancée est constituée des objectifs sociaux, appuyés par la conquête de pouvoirs sur les moyens financiers.

Il s’agit de conquérir les pouvoirs politiques non pas pour les exercer en soi, mais pour agir sur le couple banques-entreprises, leur l’utilisation qu’elles en font, en France et en Europe.

Cela demande une toute nouvelle culture qui constitue une bataille à la fois sociale et culturelle. Elle concerne toute la gauche, et – au-delà – tous les hommes et femmes de progrès et de bonne volonté.

Partout le critère qui doit permettre de juger l’utilisation de l’argent c’est : combien d’emplois et de richesses communes créés, combien de vies sécurisées, quel vrai développement des services publics, etc. Au lieu de soutenir la spéculation financière et le profit égoïste, ce que Roosevelt appelait « l’esprit de lucre ».

Comment ?

Eh bien. L’argent créé par les banques et avancé, prêté, aux entreprises pour leurs investissements matériels et de recherche le sera à un taux d’autant plus abaissé que plus d’emploi et de richesses réelles et écologiques seront programmées et effectivement créés. Ceci, au lieu que les banques, les marchés financiers et les actionnaires vampirisent l’activité économique, spéculent ou appuient l’évasion plus ou moins fiscale des profits. De même pour l’argent avancé par les banques à l’État, s’il développe effectivement les services publics et l’emploi. La réalisation de ces objectifs doit être suivie par des institutions publiques et sociales nouvelles, pas par une bureaucratie, et appuyées par les services publics.

Cela implique de s’attaquer au coût du capital pour réaliser ces nouvelles dépenses.

Car, avec la révolution informationnelle, ce sont progressivement les dépenses pour les êtres humains et leur développement qui deviennent décisives, y compris comme facteur d’efficacité économique. C’est cela le monde nouveau ! Ce monde nouveau qui veut advenir et que Macron et consors veulent faire entrer à tout prix dans le vieux monde mortifère du capital financier… !

Nous ferons tout pour avancer dans le sens de la conquête de pouvoirs sur l’utilisation de l’argent, avec des nouveaux pouvoirs des salariés dans les entreprises comme des usagers et citoyens dans les services publics :

– aussi bien du côté des luttes sociales.

– que du côté des initiatives politiques.

Bien sûr, il y a nos propositions, que je cite juste en 5 ensembles :

Un fonds national pour développer et sécuriser l’emploi et la formation, accompagné de la suppression du CICE et des exonérations de cotisations sociales.

Une autre fiscalité, et une autre conception de la dépense publique.

Un progrès du système de cotisations sociales et une suppression de la CSG.

Un pôle public bancaire et financier, pour impulser un tout autre crédit.

Sur la mondialisation : Nos propositions de refonte du FMI et de traités internationaux pour une autre mondialisation, ou encore au niveau de la BCE.

Mais il y a deux urgences : l’industrie et les services publics.

Pour l’industrie, il est indispensable de hausser le ton : contre les actionnaires et la prédation financière internationale, pour que l’État et la BPI agissent et prêtent avec une autre stratégie, une autre logique

Pour les Services publics, l’urgence est peut-être encore plus forte. Ils sont dans un état de grande disette. On nous dit que l’État manque de ressources, mais il paie environ 45 milliards par an, aux marchés financiers, en seules charges d’intérêt de sa dette ! 45 milliards, c’est autant qu’un second budget de l’éducation nationale !

Il faut mettre en cause l’austérité et tout particulièrement la BCE et ce que fait l’Union européenne.

La BCE crée en effet 30 milliards d’euros chaque mois. Vous avez bien entendu : 30 milliards chaque mois. Et elle les prête à 0 % voire à -0,4 %… !

Ces euros doivent aller aux services publics de chaque pays de la zone euro. C’est ce que nous proposons à travers un Fonds européen, non fédéraliste et démocratique.

C’est possible à partir des traités existants qui l’autorisent même si bien sûr cela va contre la logique actuelle de l’UE.

Raison de plus pour dire aux dirigeants actuels, les Macron et consors : « ils ne le font pas, ce n’est pas parce qu’ils ne peuvent pas, mais parce qu’ils ne le veulent pas », « ils doivent le faire » !

Je propose que nous prenions une initiative de lutte là-dessus, pourquoi pas une pétition européenne ? C’est urgent et cela peut grandement rassembler et faire bouger les lignes. 

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