Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Une nouvelle étape dans la destruction du modèle social français et la construction d'un modèle utlra-libéral

De quoi la réforme Macron des retraites est-elle le nom ? La réponse est simple. Elle ne cherche plus à justifier par les déséquilibres financiers une réduction de la prise en charge collective des inactifs/retraités. Elle n’arbitre plus comme ses consœurs antérieures sur la base d’une viabilité du système à terme. La réforme Macron pose que la part de la richesse produite affectée au financement des pensions de retraite ne doit pas excéder un certain niveau pour ne pas impacter la rémunération du capital. Ce faisant, elle fait exploser les fondations du système existant issu de 1945 et aménage le terrain pour implanter la capitalisation.

 

Une réforme systémique qui change la nature de notre système de retraite

Depuis 40 ans, notre système de retraite a subi pas moins de 15 réformes ou plans de réformes. Motivées principalement par des considérations d’évolution démographique dont les effets pourraient se traduire par l’obligation de consacrer jusqu’à 16 % du PIB en 2050 au financement des retraites, ces réformes paramétriques ont visé en premier lieu l’équilibre des comptes de la branche vieillesse par une baisse de la dépense, et en second lieu à éviter le recours à la hausse des cotisations sociales (surtout patronales) pour compenser les déséquilibres financiers. À chaque fois, il s’est agi de modifier les paramètres du système (durée de cotisation, âge légal de départ, niveau de pension) ouvrant droit au bénéfice d’une retraite à taux plein au motif d’assurer la « viabilité » du système. Au final, elles se sont donc traduites par un recul de l’âge de départ en retraite pour les actifs et une baisse du taux de remplacement (rapport dernier salaire/première pension) pour les retraités.

Poursuivant le même objectif, le gouvernement Macron-Philippe veut néanmoins aller plus loin. Il engage une réforme systémique des retraites, où il ne s’agit plus de modifier les paramètres du système mais d’en changer la nature.

Avec l’hypothèse d’un maximum de 14 % de PIB (de la richesse créée) affecté au financement des pensions, le gouvernement annonce une réforme qui permettra à chacun de bénéficier du même niveau de pension et des mêmes droits que les autres pour chaque euro qu’il aura cotisé.

Concrètement, chaque euro cotisé donnerait droit à un certain nombre de points, dont la valeur serait ajustée régulièrement pour assurer un revenu monétaire tel que le total des pensions versées ne dépasse 14 % de PIB. Et cette règle serait valable pour tous les régimes de retraite au nom du principe d’égalité contributive pour tous.

Ainsi, au système actuel dit à « prestations définies », où chaque cotisant sait ce qu’il recevra une fois à la retraite compte tenu de ce qu’il a cotisé, la réforme Macron-Philippe propose un système dit à « cotisations définies », où chaque cotisant sait ce qu’il a cotisé mais ne sait pas combien il percevra de pension une fois à la retraite et tout au long de sa vie de retraité. C’est un changement de paradigme du système.

Une réforme systémique qui change la philosophie de notre système de retraite

Cette réforme systémique ne fait pas qu’insécuriser le bénéfice d’une retraite à taux plein, elle rompt aussi avec les principes de solidarité et de répartition propre au système de retraite français construit en 1945 pour lui substituer un principe d’équivalence marchand.

Bien qu’usant du mécanisme de la répartition dans la constitution des points retraites, cette réforme rompt par construction avec elle. Un système de retraite par répartition, c’est lorsque les richesses créées par les actifs (les travailleurs) à l’instant t servent aussi à financer les pensions des inactifs (les retraités) versées à l’instant t. La répartition a donc un caractère collectif et non marchand qui sécurise le bénéfice de la pension. Elle s’oppose à la capitalisation qui consiste à épargner individuellement pour en dégager une rente qui servira de revenu d’inactivité, ce qui renvoie au mécanisme assuranciel et à ses incertitudes.

Or, avec l’institution d’une « règle d’or » des pensions (14 % de PIB maximum), les retraités devront se partager une part plafonnée de la richesse produite. En conséquence de quoi, la hausse du nombre de retraités se traduira par une réduction du niveau des pensions versées par tête. De sorte qu’au fur et à mesure de la progression du nombre de retraités, les actifs financeront en proportion de moins en moins les pensions des inactifs. Et pour maintenir une retraite digne, ceux-ci seront contraints d’allonger leur durée d’activité (liquider leur retraite mais continuer de travailler après) ou de capitaliser durant leur vie active pour obtenir les moyens de vivre à la retraite. Non seulement l’objectif de « sortir nos vieux de la misère » du Conseil national de la Résistance sera mis à bas, mais avec lui le principe solidaire qui affirme que ce sont les actifs qui assurent les retraites des inactifs.

En outre, en imposant que chaque euro cotisé donne le même droit pour tous, la réforme supprimera aussi le principe de solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle au fondement de notre système de retraite. Ce principe originel revendique en matière de retraite que chacun bénéficie d’un droit à pension selon ses besoins et qu’il le finance selon ses moyens. Avec ce principe propre à notre Sécurité sociale, il n’y a pas d’équivalence entre ce qui est cotisé et ce qui est perçu par chacun. Certains peuvent cotiser plus qu’ils ne reçoivent et inversement. Seules les conditions historiquement et socialement définies et partagées conditionnent le droit à pension.

En imposant pour chaque euro cotisé le même droit à pension pour tous, le gouvernement remplace ce principe originel par un principe d’équivalence marchand entre ce qui est versé et ce qui est perçu. Ce faisant, les particularismes des différents régimes justifiés historiquement et professionnellement qui fondaient les droits différenciés à la retraite (départ avant âge légal) ne sont plus reconnus. C’est la solidarité interprofessionnelle qui est abattue. Et les inégalités salariales et sociales de la vie active n’ont plus de légitimité à être, même partiellement, compensées durant la phase de retraite (prise en compte des période de chômage, droit de réversion, annuités pour enfant…). C’est la solidarité intergénérationnelle qui disparaît.

De quoi le nom de la réforme Macron est-elle le nom ?

En vérité, la réforme systémique de Macron impose de changer de paradigme notre système de retraite. Les réformes paramétriques antérieures avaient pour objectif l’équilibre comptable de la Sécurité sociale. Compte tenu de la démographie nationale et du vieillissement de la population, la branche vieillesse devait rester à l’équilibre pour « viabiliser » l’ensemble du système. Ces réformes ont atteint leur objectif. En réduisant les pensions et en reculant l’âge légal de départ à la retraite, les comptes sont désormais équilibrés.

Mais cet objectif n’est pas celui de la réforme Macron. Celle-ci s’inscrit dans un mouvement généralisé et profond de remise en cause de notre système de Sécurité sociale fondé sur la mutualisation des richesses produites et la solidarité.

Il s’agit, d’une part, non plus d’assurer la survie du système, mais de lui substituer une nouvelle logique où la part socialisée des pensions, et donc des prélèvements sociaux qui la conditionnent, soit réduite à portion congrue afin de limiter au maximum les contraintes sur la croissance des profits, sources du financement du système de retraite par répartition. Les cotisations sociales étant un prélèvement sur les profits et 2/3 des financements des pensions étant de la cotisation sociale, toute croissance du nombre de retraités accroît mécaniquement les besoins de financement mutualisés des pensions de retraite et donc la pression sur les profits. Pour limiter ce besoin, il faut imposer un plafond indépassable de financement socialisé. C’est ce que fait la réforme Macron avec la « règle d’or » du plafond de fer des 14 % de PIB consacrés aux retraites.

D’autre part, la limitation de la part socialisée du financement des pensions va obliger à compenser le plafonnement des pensions collectives par un recours au financement individuel. C’est le sens du refus de la réforme de traiter la question de l’âge légal de départ à la retraite et de l’indexation des pensions sur les salaires, qui va ouvrir en grand la porte aux compléments de retraite par capitalisation et développer le cadre d’un système marchand des retraites. Chacun épargnera pour ses vieux jours afin de maintenir son niveau de vie autant que possible et recevra en fonction de son épargne. L’enjeu est d’envergure. Les besoins de financement d’ici à 2050 pourraient être de l’ordre de 150 à 200 milliards d’euros par an. En revanche, les capacités potentielles d’épargne financière des salariés dépassent de loin le niveau du PIB. On comprend que les fonds de pensions soient en embuscade.

 

 

 

 

 

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