Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sortir l'Afrique de la servitude monétaire, A qui profite le franc CFA ? (Note de lecture)

Note de lecture de l'ouvrage élaboré sous la direction de Kako Nubupko, Martial Ze Belinga, Bruno Tinel, Demba Moussa dembele, Sortir l'Afrique de la servitude monétaire, A qui profite le franc CFA ?, édition La Dispute, 2016

Fruit d'un colloque organisé par la Fondation G. péri en septembre 2015 intitulé « L'avenir du franc CFA en question. Quels outils monétaires et quelle souveraineté économique pour une politique de progrès en Afrique de l'Ouest et Centrale ? », l'ouvrage rassemble les contributions de plusieurs intervenants. Il se donne pour objectif de poursuivre la démarche du colloque visant à créer des ponts entre les combats des progressistes africains et européens pour une émancipation des diktats des banques centrales. Appréhendé à partir des enjeux africains, il interroge le rôle et la fonction, mais aussi les conditions d'un dépassement du franc CFA, survivance de pratiques du colonialisme, d'inefficacité économique, de servitudes politiques et intellectuelles élitaires.

Créé en 1945 comme « franc des colonies françaises d'Afrique », le franc CFA a donc marqué la suprématie française sur la souveraineté africaine en arrimant la monnaie africiane au franc. Il a toujours cours dans 15 pays africains. Mais avec la disparition du franc et la création de l'euro, le CFA a ajouté une domination à ses fonctions. Désormais, les pays africains qui l'utilisent sont subordonnés monétairement à la France et à l'euro. Or, monnaie trop forte pour ces pays et déconnectée des réalités locales, elle alourdit le poids de cette monnaie dans le développement des pays africains qui l'utilisent, notamment dans le cadre de coopérations économiques zonales africaines. Il y a donc besoin pour dépasser ces servitudes anciennes et nouvelles, et de (ré)ouvrir le débat public sur les alternatives à cette monnaie de domination et à son utilisation.

Concernant l'ouvrage lui-même, la diversité et la richesse des articles empêchent un compte rendu de lecture exhaustif et minutieux de tous ses auteurs. En revanche, elles renforcent l'appel à lire cet ouvrage. On ne retiendra donc au commentaire que l'article de Kako Nubupko.

Ce dernier interroge les institutions régissant le franc CFA du point de vue de l'émergence en zone franc. Partant du constat d'une faiblesse des échanges intracommunautaires de la zone franc CFA et de la persistance de ces économies en position d'insertion primaire dans les échanges internationaux, il montre que malgré la faiblesse des salaires et des niveaux de vie des populations, ceux-ci ne bénéficient pas d'une bonne compétitivité-prix à l'exportation en raison de l'arrimage du CFA à l'euro. L'objectif des banques centrales africaines de la zone CFA étant la défense de leur taux de change, elles privilégient un taux de couverture de leurs émissions bien supérieur à ce qu'exigent les traités. Avec pour conséquences, un rationnement du crédit aux entreprises et aux ménages, et l'institution d'un objectif de croissance dans la politique monétaire, et au final des limites fortes au décollage économique des pays de la zone. A la lumière des expériences de la zone franc et des stratégies des deux banques centrales de la zone, l'auteur suggère que celles-ci devraient davantage privilégier le renforcement et la coordination entre la politique monétaire et les politiques budgétaires nationales pour une croissance économique forte et durable de la zone franc CFA, qu'elles devraient avant tout assurer la maîtrise et l'efficacité des canaux de transmission de la politique monétaire, et permettre un régime de change plus flexible du franc CFA.

En fait, l'analyse de Kako Nubupko décrit un système monétaire CFA incarnant de nombreuses similitudes avec le système européen. Les impasses qu'elle souligne renforcent le besoin d'une maîtrise par les africains eux-mêmes de leur monnaie et l'orientation de cette maîtrise vers le développement des capacités humaines et environnementales. De la même manière, la proposition de construction d'un régime de change flexible du franc CFA à partir d'un panier de monnaies étrangères incluant l'euro mais allant bien au-delà avec, par exemple, le dollar, le yuan, la livre sterling et le yen, rappelle la proposition du PCF d'une monnaie internationale construite à partir des droits de tirage spéciaux du FMI rénovés permettant de lutter contre les dominations d'où qu'elles viennent. Incontestablement, il y a là un terreau véritable de convergence des luttes.

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