Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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L'aéronautique : une filière mise en danger par la finance

Tous les médias reprennent en cœur les décisions des Directions des grands groupes Airbus, SAFRAN, Dassault ainsi que leurs sous-traitants, prises dès la parution des décrets sur la loi loi Hollande Valls El Khomri.

Quelleest la véritable nature de ces décisions et comment pouvons-nous agir pour stopper ces dérives ?

Comment faire  en sorte que ces entreprises soient mobilisées pour leur seule mission : répondre aux besoins du transport aérien, créer des richesses et des emplois ?

Airbus :

Le groupe Airbus, avec un carnet de commande de près de 1 000 milliards d’euros  a perdu près de 7 500 emplois depuis 2013. Aujourd’hui, l’état-major envisage un plan de restructuration pour baisser encore le coût du travail sur ses sites, notamment dans le Sud Ouest, et la fermeture du centre de Suresnes en région parisienne.

Ce centre de Suresnes est un centre de recherches unique. Sa fermeture provoquerait, avec la dispersion de ses équipes,  une perte de savoir faire terrible.

Comment expliquer une telle situation?

À l’aube des années 2000, avant les privatisations, les gouvernements français, allemand et espagnol contrôlaient largement la majorité du capital de l’avionneur. Aujourd’hui, ce sont les marchés financiers qui tiennent le haut du pavé, disposant de 74 % des actions. Ils ont la mainmise sur les titres et ils veulent que cela leur rapporte. Le dividende par action s’en est ressenti : entre 2000 et 2015, période au cours de laquelle a été réalisée l’ouverture au privé : il est passé de 0,50 euro à 1,30 euro, augmentant ainsi de 160 % !!! Tel est le principe qui régit ce monde des affaires : pour que le capital prospère, la bête doit trimer.

Ce « trou d’air » social et ce prurit financier qui nuisent à l’efficacité du groupe, sont une parfaite illustration de l’état d’une industrie française, aujourd’hui pilotée par les règles de la valeur actionnariale.

Ajoutons que la décision de changer les noms de toutes les filiales du groupe en les anglicisant, vise à déconnecter la firme de toute référence territoriale.

Les patrons sont à l’affût de tout ce qui peut alimenter ce bûcher, c’est visiblement le cas avec la branche hélicoptère d’Airbus où il suffit que la Pologne se désengage d’un marché de 50 hélico pour que l’on annonce aussitôt des suppressions d’emplois dans cette filiale.

Safran :

Après avoir fait l’acquisition des Sociétés Américaines HOMELAND POTECTION et    L-ONE,   pour la   bagatelle de 800.000 €, mais aussi de l’imprimerie nationale hollandaise et de la division biométrie de Motorola, Printrak, le tout  pour la coquette somme estimée à 2 milliards d’euros,  et les avoir intégrés à sa branche « Sécurité ». La Direction du  Groupe revend le tout pour un milliard de plus. Elle dispose d’une trésorerie confortable dont on ne connaît pas encore officiellement  l’utilisation future.

Dans le même temps, la Direction mène une politique effrénée avec sa politique d’externalisation des productions vers les pays à bas coût de main d’œuvre (Maroc, Inde, Mexique, Pologne, …) que ne justifient   ni les besoins de coopérations internationales (eux bien réels), ni le développement des moyens propres de transport aérien de ces pays. Dans les  sites Français, c’est la hausse des charges de travail, la flexibilité des horaires, le recours aux heures supplémentaires obligatoires et l’organisation du travail en équipe (nuit) qui se développent.

C’est sans aucun doute pour associer la totalité des 500 Cadres Dirigeants du Groupe  (que nous       ne confondons pas avec    la masse des Ingénieurs et cadres, y compris supérieurs) à sa politique que la Direction Générale SAFRAN vient de décider d’acheter 600 000 actions SAFRAN pour leur faire partager ce pactole, soit en moyenne 75.000€ d'actions par cadre.

Les banques s’agitent pour un versement exceptionnel aux actionnaires et les hauts cadres doivent être payés pour faire le sale travail.

L’Etat français n’est pas en reste, il va faire descendre sa participation à 14% dans le capital du Groupe SAFRAN.

Quant au  changement de noms de la totalité des filiales, tout comme AIRBUS, il fait disparaître les repères industriels et sociaux que des générations de salariés ont forgés.

JV Airbus Safran (ASL)

Concernant les activités du spatial (CA:2,6 milliards d'euros) après avoir obtenu plusieurs millions d'euros d'argent public des Etats de l'Europe, les dirigeants de cette nouvelle société demandent aux salariés de faire plus sans aucun investissements à travers un plan appelé « ambition » afin de tenir le taux de rentabilité de 14/16% demandé par les 2 PDG Airbus et Safran ...

Les autres Groupes de la filière Aéronautique et Spatiale :

Le groupe Latécoère

Après sa prise de contrôle par les fonds d’investissement anglo-saxons Apollo et Monarch, le groupe Latécoère et ses salariés sont menacés : deux PSE visant près de 400 emplois et un projet de cession de sa filiale Latécoère Services concernant près de 600 salariés sont envisagés.

Là aussi des fermetures de sites sont à craindre.

Pourtant le carnet de commandes représente à près 4 ans de chiffre d’affaires. Le premier client, Airbus (55% du CA et 68% du carnet de commandes) est dans une santé économique et financière ahurissante mais dicte sa loi.

Zodiac 

Ce gros sous-traitant connaît des difficultés de production dû à la sous estimation des effectifs en regard des commandes.

La direction annonce que le retour de Zodiac Aerospace à son niveau de rentabilité d’avant crise n’interviendra pas avant 2019. Elle s’acharne et envisage des suppressions de postes et des fermetures de sites, sur la période 2017- 2019. Bien sûr, rien ne transpire sur la folie maladive des acquisitions menées depuis des années : aux Etats-Unis : Health TECNA en 2011, PPP en 2014, en Europe : ICORE, PSA pompes à chaleur en 2003.

Dassault

Chez Dassault Aviation, le PDG Éric Trappier a déclaré que « 9 sites c’est un handicap » et « qu’il fallait spécialiser les sites ». Des transferts de postes vers Bordeaux sont déjà annoncés. Les syndicats poursuivent le droit d'alerte sur le plan de transformation.

  Devant le manque de réponse du PDG Dassault sur les conséquences du « plan de transformation industriel »,la majorité des représentants du personnel  a voté la poursuite du droit d'alerte déclenché en demandant un rapport d'expertise sur le projet.

On sait que les changements opérés dans la conception de la Défense en France, privilégiant désormais les interventions extérieures sur la défense du territoire (français ou européen) a conduit inexorablement à une réduction de commandes de Rafale par l’État Français. Les succès « commerciaux remportés » en Arabie Saoudite ou en Inde, considérés  comme nécessaires pour rééquilibrer les comptes du programme ne peuvent masquer le caractère rétrograde d’un régime basé sur la charia, source d’inquiétude pour la paix dans la région, déjà mise à mal par DAESH, par les autre régimes  rétrogrades du proche Orient et les va-t-en  guerres occidentaux.

Ce que l’on sait, peut-être moins, c’est que, pour l’aviation d’affaire, les difficultés  rencontrés par SAFRAN dans la mise en opérationnel du moteur du FALCON 5CX, le  SILVERCREST trouvent leurs difficultés dans les effectifs insuffisants. En effet, les embauches de personnel, bien que non négligeables, ont été totalement insuffisants.

La  SAE (ex-SNECMA) a vécu de plein fouet les directives du GIFAS de 2003 imposant une réduction des effectifs jusqu’en  2015. Même si cette contrainte suicidaire n’a pas pu être respectée,  la  mise à jour du GIFAS de ses prévisions à partir de  2012 est, bien entendu,  arrivée trop  tard.

En résumé dans la filière Aéronautique et Spatiale, les besoins aéronautique spatial sont énormes. Les carnets de commandes reflètent cette situation en atteignant des niveaux considérables (5 à 10 ans, voire même plus).

 Le succès de cette filière de l’aéronautique et du spatial a aiguisé les appétits des actionnaires devenus majoritairement privés après les désengagements successifs des États. Et c’est précisément pour répondre à ces exigences de distributions de dividendes que, les dirigeants accumulent les restructurations, fermetures de sites, licenciements...

Le PCF dénonce ces choix qui consistent à faire de l’emploi et du travail des valeurs d’ajustement pour satisfaire les marchés financiers et les actionnaires.

Une vision nationale et européenne sur le devenir de la filière aéronautique répondant à des solutions alternatives doit être élaborée.

C’est le devenir de l’industrie sur le territoire qui, une nouvelle fois, est en jeu après le ferroviaire, le nucléaire, la pharmacie, la sidérurgie, l’automobile, la navale et l’électronique.

Devant cette machine infernale, qui pourraient risquer à terme détruire les bases françaises aéronautiques, le principe d’une enquête parlementaire reste plus que jamais d’actualité

Pour une enquête parlementaire

Dès 2013, les adhérents du PCF travaillant et militants dans les entreprises de la filière, inquiets de cette stratégie visant à donner la priorité aux distribution de dividendes se sont transformés en lanceurs d’alertes.

Ils soulignaient que malgré l’apparence de prospérité des carnets de commandes la pression des actionnaires pouvaient si nous n’y prenions pas garde, vider de sa substance les sites d’études et de productions dans notre pays et déboucher d'ici 20 ans dans la situation des autres filières de l’industrie française, sidérurgie, automobiles, ou  menacées d’être à vendre en pièce détachées comme le groupe Alsthom.

En 2014, plus que jamais convaincus des menaces, le collectif aéro a lancé un appel public pour  une demande d’enquête parlementaire concernant la filière de l’aéronautique, du spatial et de l’avionique.

S’appuyant sur les importantes interventions des 2 groupes parlementaires CRC (Communistes  Républicains et  Citoyens), en lien direct avec le  Groupe de l’Assemblée Nationale, et son président André  Chassaigne (élu PCF), le Collectif National PCF Aéro & Spatial a sollicité une demande d’enquête parlementaire.

Cette démarche a buté sur de très gros obstacles : visiblement, du côté patronal et gouvernemental, on préférait des initiatives beaucoup plus consensuelles et des auto-satisfecit plus marqués. Cette proposition dérangeait beaucoup de monde.

Cependant, en mai 2014 à l’initiative d'A. Chassaigne s’est tenue à l’Assemblée Nationale une audience publique sur la situation de la filière Française de aéronautique et du Spatial (voir compte-rendu dans vue d’avion de juin 2014).

Son déroulement et le contenu des auditions apportant des éléments nouveaux ont validé pleinement notre démarche et nos inquiétudes. A côté d’un développement de la filière incontestable, de graves dégradations sociales augmentaient la souffrance au travail et le risque de répéter ce qui s'est produit dans les autres filières de l’industrie française  (sidérurgie, automobiles…), la menace d’être à vendre au plus offrant, en totalité ou en pièces détachées comme le Groupe Alsthom.

En 2015, toujours en lien avec le Groupe CRC (ex-GDR) de l’Assemblée Nationale,  le Collectif National Aéro du PCF a proposé un colloque sur « l’avenir de l’aéronautique en France ».  Celui-ci s’est tenu le  29 octobre 2015 dans les murs de l’Assemblée National.

Le compte-rendu de cette journée de débats publics, parfois forts contradictoires est disponible sous la forme d’une brochure  Ce colloque a permis aux militants des entreprises, syndicalistes et politiques, de confronter leur point de vue, avec les représentants du GIFAS,  et, de brosser une image beaucoup plus  contrastée de la situation réelles sur les sites de productions et d’études que ne l’affirment les discours officiels. Lors de cette journée, les différents débats  ont mis en lumière  de lourdes menaces tant sur le volet social que sur le volet industriel.

En Mai 2015, c’est également tenue une audience publique au Sénat déclenchée par le PCF et présidée par Michèle Demessine. 

Comment enrayer puis inverser un tel processus?

Le mouvement social et populaire a déjà en ce domaine une expérience certaine. L’Histoire a bien montré que l’entrée du capital public, si nécessaire soit-elle et quelle qu’en soit les formes, ne suffit pas « en soi » pour changer les choses en profondeur et de manière durable.

Ainsi l’échec des nationalisations de 1982, loin de les considérer comme « inutiles et ringardes » comme  l’affirment les tenants de l’orthodoxe ultra-libérale actuelle,  tient pour beaucoup :   1) à l’insuffisance d’une réflexion collective des politiques, des citoyens et des salariés sur le contenu de l'entreprise et le but visé, 2) à une action insuffisante des salariés pour changer les critères de financement et de gestion des entreprises, 3) à l'insuffisance des pouvoirs citoyens et salariés  pour faire prévaloir de telles transformations.

Nos sociétés, les salariés, sont confrontés à des mutations technologiques sans précédent qui ne peut être profitable à l’humanité que si l’on met l’esprit de rapine en déroute.

Il s’agit alors d’un enjeu considérable dont l’issue repose sur des luttes politiques :

Contre la  généralisation des prises de pouvoir par les tenants de la  Haute Finance et des Grands Boursicoteurs, dont l’obsession est de ne pas voir entraver leurs pratiques par           l’intrusion citoyenne et salariée ou par celle de l’État et de ses représentants élus,

Pour la    maîtrise citoyenne  des leviers essentiels permettant de mettre ce formidable potentiel industriel et sociétal au service de l’Humanité.

 2017 : La seule solution c’est l’action des salariés pour prendre le pouvoir sur la finance et créer des richesses partagées.

Personne ne s’en étonnera, c’est la maîtrise citoyenne que nous privilégierons, non pas conçue comme le repli sur un pré-carré hexagonal, mais comme un  outil qui nous garantit à   la  fois  les intérêts, la défense et le développement du   « capital » humain, riche de traditions et de conquêtes  démocratiques, et les besoins de coopérations internationales, mutuellement avantageuses.

Le  GIFAS, les dirigeants des grands groupes industriels conçoivent le rôle de l’État et des Institutions Politiques régionales, comme des supplétifs qui leur permettent d’obtenir les meilleures conditions de financement, et les Services Publics comme un moyen leur permettant d’alléger toujours  plus ce qu’ils considèrent  comme des charges. Ceci assorti bien sûr d'une non-ingérence dans la définition des axes stratégiques et leur gestion quotidienne, lesquels sont dévolus aux Conseils d’Administration ou autres Conseil de Surveillance.

Alors que la France était très en avance dans les années 80 avec des entreprises nationales comme Aérospatiale, Snecma, les observateurs notent un accroissement du poids de l’Allemagne (Etat,  dirigeant industriels et financiers ) au détriment de leurs alter-ego français. Notons que cela ne prémunit pas les salariés d’Outre-Rhin contre les ravages de la course aux profits, puisqu’ils connaissent également les plans de licenciements boursiers et autre restructurations (500 postes supprimés dans le plan actuel à Ottobrunn).

Pourtant,  que ce soit sur la   Formation, l’aménagement du territoire, les plans prospectifs des niveaux d’’embauche et de qualifications, le recours aux moyens de financements,  les critères de coopérations, les salariés comme les pouvoirs publics non seulement n’ont pas intérêt à se désengager, mais plutôt à monter en charge afin que la « priorité à la valorisation de l’actionnaire » et  la cotation en bourse ne soientt plus le seul angle de visée.

Il faut de réels pouvoirs pour les salariés avec le droit pour leurs représentants de suspendre les  plans  de licenciement et d’imposer le financement par les banques de leurs propositions alternatives grâce au droit de saisine des fonds régionaux pour financer leurs  propositions alternatives.

 

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