Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Emmanuel Macron, l’économie en marche arrière (1)

Après plusieurs mois de suspense, Emmanuel Macron vient de présenter son programme. Le programme économique est hélas sans surprise. Comme l’avait annoncé Jean Pisani-Ferry, ce n’est pas un programme socialiste, c’est-à-dire un programme qui voudrait donner plus de pouvoir aux citoyens dans la cité et aux travailleurs dans l’entreprise ; ce n’est pas non plus un programme écologiste qui prendrait la mesure des efforts à réaliser pour la transition écologique. C’est un programme néo-libéral, « progressiste » uniquement pour ceux qui pensent que le progrès consiste à imposer à la France d’aller vers le modèle libéral.

Ce n’est donc pas non plus un programme de rupture, puisqu’il s’inscrit dans la continuité de la politique menée par François Hollande et Manuel Valls, des 40 milliards de réduction d’impôts sans contrepartie pour les entreprises à la loi Travail. Ce programme nous propose d’accepter les demandes du grand patronat, en espérant que celui-ci daigne investir et embaucher en France.

 

Ainsi, les classes dirigeantes auront-elles le choix entre deux stratégies lors de ces élections. D’une part, la stratégie forte avec François Fillon, consistant en un choc brutal de destruction du droit du travail, de baisses des dépenses publiques et sociales, de réduction d’impôts pour les plus riches et les entreprises. De l’autre, la stratégie plus gradualiste d’Emmanuel Macron, les mêmes mesures étant prises plus progressivement, mais, in fine, dans la même direction.

 

Dans le premier cas, il s’agit de mobiliser le petit patronat, les indépendants avec le Medef contre l’État social et les acquis sociaux (en faisant oublier la responsabilité de la mondialisation et de la financiarisation dans leurs difficultés) ; dans le second, on fait miroiter une société dynamique, libérée, d’initiative individuelle, d’enrichissement personnel, en s’appuyant sur les classes montantes d’entrepreneurs ou d’actifs indépendants. Mais sur le fond, les projets sont proches.

À travers Macron, l’élection présidentielle est l’occasion pour la technocratie de Bercy de faire passer ses réformes miracles comme la baisse des retraites et des prestations chômage, comme la réduction de l’autonomie des collectivités locales, comme les organismes paritaires. Macron est le porte-parole rêvé de cette technocratie étroitement liée aux milieux financiers qui rêve de voir appliquer ces idées rétrogrades sous des apparences civilisées.

 

Le programme européen : le fédéralisme tutélaire

En France, comme dans beaucoup de pays européens, les classes dirigeantes s’appuient sur l’Europe pour obliger les peuples à accepter des programmes d’austérité et de réformes structurelles. Ainsi, selon Emmanuel Macron, la France est considérée comme le « mauvais élève » de la classe. La France doit faire des réformes structurelles et réduire ses déficits pour montrer à ses partenaires, et en particulier à l’Allemagne, qu’on peut lui faire confiance. Macron est donc en faveur d’un respect scrupuleux des « engagements européens » de la France. Il ne remet pas en cause les catastrophiques politiques d’austérité imposées par les instances européennes.

 

Ce respect permettrait, selon lui, d’engager les pays de la zone euro (ou un groupe de pays de la zone) dans une convergence rapide en matière fiscale, sociale et salariale, avec un euro-budget et une Union politique.

Un ministre de l’économie et des finances de la zone euro serait mis en place. Il aurait un droit de regard sur les budgets nationaux, qu’il pourrait faire rectifier s’il les juge non conformes aux Traités ou à l’orientation souhaitable de la politique budgétaire de la zone. Ce ministre poursuivrait donc la logique de l’Europe actuelle, celle du fédéralisme tutélaire, mettant les gouvernements élus sous la tutelle d’institutions technocratiques. Selon Macron, ce ministre pourrait piloter un budget de la zone euro doté de ressources importantes (plusieurs centaines de milliards d’euros) destinées à faire des investissements et de la stabilisation macroéconomique.

Faire croire qu’il est possible de mettre en place un tel budget aujourd’hui, c’est jouer d’un mirage dangereux. Dans l’état actuel des traités, le budget européen est plafonné à 1,24 % du PIB, et augmenter ce plafond requiert l’unanimité des 28 chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne.

Compte tenu des rapports de force actuels en Europe, l’harmonisation fiscale se ferait par la baisse de la taxation des plus riches, des revenus du capital et des entreprises. L’harmonisation sociale serait un prétexte pour réduire le niveau des retraites et des prestations chômage. Les propositions d’une assurance chômage commune en Europe, par exemple, commencent toutes par réclamer la flexibilisation des marchés du travail des pays qui voudraient y participer ; ainsi, les instances européennes pourraient imposer de nouvelles réformes libérales, dans la droite ligne de la « Stratégie européenne de l’emploi ». Les pays devraient abandonner toute autonomie des politiques budgétaires en échange de la mise en place d’un budget de la zone qui se chargerait des politiques de stabilisation. Mais qui peut oublier que les institutions européennes ont toujours nié la nécessité et l’efficacité de politiques budgétaires de stabilisation, qu’elles sous-estiment toujours la nécessité de la relance (ainsi, selon elles, la zone euro n’est qu’à 0,6% en dessous de sa production potentielle), qu’elles prétendent au contraire que les pays membres doivent retrouver le plein-emploi par des politiques de consolidation budgétaire (c’est-à-dire de baisse des dépenses publiques) et de réformes structurelles ? Au vu de l’échec patent de ces stratégies, qui voudrait leur confier les manettes ?

 

Le programme économique dans la droite ligne de ses prédécesseurs

 

Emmanuel Macron déclare prudemment qu’il ne prendra pas de mesures en été (ni rigueur, ni austérité). C’est donc la continuité qui va l’emporter. Il ne se donne aucun objectif ambitieux, ni en matière de croissance, ni en matière d’emploi. D’ailleurs, le « respect scrupuleux des engagements européens de la France » implique une politique budgétaire restrictive de 0,5% du PIB chaque année pendant 5 ans, incompatible avec une quelconque relance. L’objectif de croissance est de 1,4% en 2017, de 1,8% en 2022. Avec une croissance de la productivité du travail de 0,8% par an, une telle croissance devrait induire, toutes choses égales par ailleurs, une hausse de l’emploi de 0,8 % par an pour une hausse de 0,6 % de la population active, donc une légère baisse du taux de chômage jusqu’à 9% mi-2022.

Emmanuel Macron estime pour sa part que le chômage diminuera jusqu’à 7% grâce aux fameuses « réformes structurelles ».

L’emploi : l’Ubérisation généralisée

Macron veut aller encore plus loin dans l’implosion du droit du travail. Ce n’est pas une surprise. La loi Travail sera renforcée, dans le sens de « plus de flexibilité pour adapter notre droit du travail aux mutations en cours ». Ses principes seront réaffirmés : réduire le poids des normes nationales, laisser le maximum de liberté aux négociations en entreprises.

Bien entendu, Macron reprend le mythe de la formation : « 1 million de chômeurs sont très loin de l’emploi. C’est pour eux qu’il faut réformer la formation ». Mais, les jeunes sont mieux formés que jamais. Le problème est surtout qu’en période de chômage de masse les entreprises ont le choix ; qu’elles préfèrent embaucher des personnes surqualifiées pour les emplois à occuper ; qu’elles rejettent les candidats ayant un risque présumé de défaut (personnes d’origine immigrée, travailleurs trop âgés, personnes ayant connu un épisode de chômage supérieur à 6 mois, femmes susceptibles d’avoir des enfants, etc.).

Le grand projet est donc une réforme de l’assurance-chômage qui n’a été discutée ni avec les syndicats ni même avec le patronat et que le candidat sort de son chapeau au mépris de la démocratie sociale. Ainsi, l’assurance-chômage deviendrait universelle, ouverte aux indépendants (pourquoi pas, s’ils cotisent) et aux salariés démissionnaires (une fois tous les 5 ans). Mais qui financerait le système ? Actuellement, l’assurance-chômage est financée par 4 points de cotisations employeurs et 2,4 points de cotisations salariés. Les prestations dépendent du salaire cotisé. C’est un système cohérent d’assurance-chômage. Le système est redistributif : les cadres ont droit à des allocations relativement élevées, mais ils cotisent pour cela ; leur taux de chômage est plus bas que celui de la moyenne des salariés et le taux de remplacement est une fonction décroissante du niveau des salaires. Macron propose de remplacer les 2,4 points de cotisations sociales salariées par de la CSG (donc par un impôt).

 

On passerait à un système totalement incohérent, assuranciel pour les cotisations employeurs, universelle pour la CSG. Le risque (ou plutôt l’objectif caché) est que les salariés perdent tout pouvoir de décisions en matière de couverture chômage ; que les allocations chômage deviennent une prestation universelle dont le niveau serait très bas.

Certes, Macron refuse la dégressivité des prestations avec la durée d’indemnisation mais précise que « les prestations seront strictement conditionnées aux efforts de recherche, avec un contrôle drastique ». Cela n’a guère de sens en France, qui souffre d’un déficit de plus de 4 millions d’emplois. Le risque est de renforcer encore un contrôle aussi tatillon qu’inutile : chaque chômeur devra fournir des preuves de ses démarches, même si la situation de l’emploi est telle que tous ses efforts sont vains.

Enfin, Macron reprend le projet d’introduire un bonus/malus sur les cotisations employeurs chômage, souvent présenté par les libéraux comme une contrepartie à la facilitation des licenciements. Certes, il peut être judicieux de pénaliser les secteurs et entreprises qui n’offrent indûment que des CDD, qui multiplient des contrats précaires. Mais pourquoi les gouvernements que Macron a influencés ont-ils autorisé le développement des contrats de chantier, des contrats d’usage, des contrats de mission ? Par ailleurs, le projet fait courir deux risques : décharger de cotisations chômage les grandes entreprises (où l’emploi est plus stable par nature) et surtout inciter les entreprises à être encore plus sélectives à l’embauche.

Ancien rapporteur de la Commission Attali, Macron prétend lutter contre les rentes, les privilèges, les situations acquises. Pourtant, il ne s’attaque guère aux prélèvements exorbitants que les actionnaires font sur les entreprises, aux revenus extravagants des spéculateurs, des financiers et des dirigeants d’entreprise. Non, le grand privilège pour lui est, aujourd’hui, d’avoir un emploi stable et convenable, d’être un insider, qui bloquerait l’accès à l’emploi des outsiders, les chômeurs, les jeunes, les précaires. Ainsi, s’attaquer aux Macron, c’est faciliter les licenciements, plafonner les indemnités prud’homales, promouvoir le travail dominical, de soirée et de nuit, ne pas augmenter les bas salaires, etc.

 

Les recettes : quelques ruptures dans la continuité

Emmanuel Macron annonce une baisse de 20 milliards des impôts, moitié ménages, moitié entreprises, tout en en promettant beaucoup plus. Du coté des entreprises, le taux de l’IS passerait de 33,3% (34,4% pour les grandes entreprises) à 25%, sachant que le gouvernement actuel a déjà annoncé un objectif de 28%. Cette baisse aurait un coût total de 12 milliards.

 

La France s’engage ainsi dans la concurrence fiscale alors qu’il faudrait, au contraire, maintenir un prélèvement sur le profit des grandes entreprises pour financer le tournant vers la transition écologique. Le CICE serait transformé en allègement des cotisations sociales, sans coût supplémentaire pour les finances publiques. Ce serait la fin du gadget fiscal contre-productif inventé par Bercy (et Macron) : masquer une baisse de cotisations sociales en niches fiscales. Sur le plan technique, remarquons toutefois qu’en 2018, les entreprises bénéficieront à la fois du remboursement du CICE de l’année 2017 et de l’allègement de cotisations sociales pour 2018. Par ailleurs, pour les entreprises, le CICE vient après la détermination du profit imposable, le produit du CICE n’est pas imposé à l’IS, ce ne sera pas le cas des allègements de cotisations sociales. Le ripage sera donc compliqué.

Les exonérations de cotisations sociales employeurs sur les heures supplémentaires chères à Nicolas Sarkozy seront rétablies, pour un coût de 3 milliards.

Ainsi, les entreprises seront incitées à proposer des heures supplémentaires à leurs salariés plutôt qu’à embaucher, d’autant plus facilement que la loi Travail inspirée par Macron permet aux entreprises de rémunérer ces heures à un taux bien moindre que précédemment. Cette mesure est absurde en période en situation de chômage de masse. Elle montre aussi l’incohérence d’un programme qui prétend flexibiliser pour aider les outsiders tout en dissuadant leur embauche en subventionnant les employeurs qui auront davantage recours au travail des insiders.

Macron prévoit une baisse de 4 points supplémentaire (soit 40 points au lieu de 36) des cotisations au niveau du SMIC. Il s’agit donc d’amplifier une politique engagée au début des années 1990, qui aboutit à multiplier les emplois précaires et mal payés mais qui n’a jamais fait la preuve de son efficacité sur le chômage.

Les cotisations salariales maladie et famille (0,75 point et 2,4 points) seraient supprimées et remplacées par une hausse de la CSG (de 1,75 point, sauf pour les petites retraites, nous dit le candidat). Cela est incohérent : comme nous l’avons déjà souligné, les allocations de remplacement (maladie ou chômage) doivent être financées par les personnes couvertes. Rassurons-nous toutefois : la hausse de la CSG ne pèsera pas sur les revenus du capital (voir ci-dessous), mais uniquement sur les retraités. Ce sera donc un petit transfert au profit des salariés du privé, payé par les retraités (et par les salariés du public). Ce transfert ne fournira aucun gain global de pouvoir d’achat. La hausse de 1,7% du salaire net des salariés du privé sera payée par une baisse de 2% des retraites. Nous l’avons vu, le risque est que ce nouveau financement s’accompagne de la fin de la gestion paritaire de l’Unedic qui serait repris en main par l’État.

Sur deux points, Macron rompt totalement avec Hollande ; malheureusement, pas dans le bon sens. Certes, l’ISF ne serait pas supprimé mais ne porterait plus que sur les biens immobiliers, les patrimoines financiers étant exonérés (sous prétexte d’inciter aux placements productifs). L’État perdrait ainsi 2,5 milliards de recettes au profit des plus fortunés, dont la richesse est essentiellement financière. Hollande s’était, quant à lui, donné l’objectif de taxer les revenus du capital comme ceux du travail. Cet objectif sera abandonné par l’ex-conseiller puis ministre de Hollande. Les revenus du capital seraient ainsi taxés à un taux uniforme de 30%, en incluant les prélèvements sociaux et l’impôt sur le revenu. Cette réforme constitue un cadeau de plus pour les plus riches, de l’ordre de 3 milliards.

Pour rééquilibrer, Emmanuel Macron prétend réduire la taxe d’habitation de 10 milliards pour les ménages des classes populaires et moyennes. Certes, c’est un peu mieux qu’une nouvelle baisse de l’IR (qui n’aurait bénéficié qu’aux 50% de ménages imposables). Mais 40% des ménages bénéficient déjà d’exonération ou de plafonnement de la taxe d’habitation.

Cela diminuera encore l’autonomie fiscale des collectivités locales, déjà bien entamée sous les deux précédents quinquennats. Si, comme c’est probable, ces collectivités doivent réduire à terme leurs dépenses sociales ou les services publics d’autant (Macron prévoit d’ailleurs 10 milliards de baisses des dépenses des collectivités locales), cette baisse ne constituera pas un gain pour les ménages. Elle déséquilibrerait la démocratie locale : il est problématique que 80% des électeurs aux municipales ne paient pas d’impôts locaux. Faut-il vraiment que des candidats à la présidence de la République française proposent des réformes aussi mal pensées ? La taxe d’habitation est certes un impôt injuste : les citoyens des communes pauvres paient plus que ceux des communes riches. Mais la solution réellement progressiste consisterait à l’asseoir sur le revenu des ménages et sur la valeur locative actualisée des biens immobiliers, en l’assortissant de puissants extension des mécanismes de péréquation fiscale entre les communes.

 

Les dépenses : de la continuité dans les idées austéritaires

S’inscrivant là encore dans la continuité de François Hollande, Emmanuel Macron annonce un objectif de baisse de 60 milliards par an des dépenses publiques en 5 ans, soit davantage que François Hollande qui en avait annoncé 50 et réalisé 40 ; et nettement moins que François Fillon qui en prévoit 100. C’est l’objectif voulu par Bruxelles et soutenu par les médias. Pour Macron, la France devrait ainsi réduire son taux de dépenses publiques (54,5% du PIB contre 48,5 points pour la moyenne de l’UE). Vouloir effectuer ainsi de nouvelles coupes dans les dépenses revient à oublier que celles-ci permettent aux Français de bénéficier d’une retraite publique relativement généreuse, de remboursement maladie, de l’école gratuite –et qu’en la matière les besoins sont immenses car nous avons beaucoup plus d’enfants que la moyenne de la zone Euro. Ceux qui, comme Macron ou Fillon, veulent faire baisser le ratio entre dépenses publiques et PIB font mine d’ignorer que la hausse de la part des dépenses publiques par rapport au PIB depuis 2007 ne provient pas d’une progression des dépenses, mais de la chute puis de la stagnation du PIB. Si le PIB était plus élevé de 6% (le PIB a perdu plus de 10 % par rapport à sa tendance depuis 2008, suite à la crise provoquée par la finance libéralisée), la part des dépenses publiques dans le PIB, serait inférieure de 3 points sans diminution des dépenses publiques.

Les 60 milliards de coupes voulues par Macron sont peu explicités. Il envisage 10 milliards d’économies automatiques sur les prestations chômage, dans l’hypothèse où le taux de chômage baisserait à 7%. Si, comme cela est très probable, cette politique ne menait pas à une baisse du chômage, Macron ne précise pas s’il réduirait le montant des indemnisations de chômage ou leur durée, ou les deux. Il évoque 15 milliards de nouvelles économies sur les dépenses maladie, en mobilisant le mythe de la réorganisation des hôpitaux qui permettrait sur le papier de faire des milliards d’économies, par exemple par un recours encore plus systématique à la chirurgie ambulatoire, qui aboutit souvent à renvoyer chez eux des personnes convalescentes, dont doivent s’occuper leurs enfants (bien souvent leurs filles). Macron fait ainsi mine d’oublier que cette politique est maintenant à l’œuvre depuis des années et qu’en conséquence les cadences de travail sont déjà infernales dans beaucoup d’hôpitaux.

Dans un même mouvement, Il promet, comme l’avait fait Sarkozy en son temps, la prise en charge à 100% des lunettes et prothèses auditives et dentaires. Il propose un service sanitaire des étudiants en médecine dans les écoles et les entreprises. Ceci est atterrant tant la médecine du travail et la médecine scolaire ont été sinistrées par plusieurs décennies de néolibéralisme. Les enfants et les salariés n’ont-ils pas droit à de vrais médecins formés pour leurs missions ?

Macron propose une hausse de 100 euros du minimum vieillesse et de l’Aide aux adultes handicapés, mais pas du RSA, qui restera bien en dessous du seuil de pauvreté. Il avait évoqué une hausse de 50% de la prime d’activité ; il ne s’agirait en fait que d’une hausse de 100 euros pour un salarié au SMIC, qui ne bénéficierait guère aux travailleurs précaires et qui, surtout, ne s’appliquerait pas à la composante familiale de la prime.

Macron veut imposer 10 milliards de nouvelles économies de dépenses des collectivités locales. Celles-ci pourraient ne pas augmenter leurs agents comme les fonctionnaires (dont le point d’indice a stagné pendant de longues années) tout en augmentant leur temps de travail ; elles pourraient embaucher des agents en contrats de droit privé ; elles pourraient ne pas appliquer la réforme des rythmes scolaires, faisant ainsi des économies sur le dos des enfants.

Enfin, Macron envisage 25 milliards d’économies sur les dépenses de l’État avec des propositions contestables : embaucher hors-statut le personnel d’encadrement (ce qui se traduit en fait par des rémunérations bien supérieures) ; rétablir le jour de carence (proposition démagogique, puisque ce jour est pris en charge pour les salariés du privé par la quasi-totalité des grandes entreprises) ; supprimer 120 000 postes de fonctionnaires (contre 500 000 pour Fillon). Selon une logique purement comptable, cela permettrait certes d’économiser à terme 4 milliards, à condition de ne tenir aucun compte des besoins actuels et futurs en matière de crèches, d’écoles, d’universités, d’hôpitaux, de justice, de sécurité.

S’agissant des pensions de retraite, Macron reprend le projet d’une convergence des systèmes de retraites vers un système unique en comptes notionnels, ce qui permettrait une baisse automatique du niveau de retraite au cours du temps avec l’allongement de la durée de vie. C’est la réforme qui a été mise en place en Italie. Le système obligerait à travailler plus longtemps pour avoir une retraite satisfaisante, ce qui est sans doute possible pour certains emplois de cadres, mais pas pour la plupart des emplois ouvriers. Macron prétend que le système tiendra compte de l’espérance de vie selon la CSP. Cela est bien sûr totalement impossible : comment définir la CSP d’une personne qui a changé d’emplois et de statut ? Donnera-t-on une retraite plus faible aux femmes, dont l’espérance de vie est plus longue ? Certes, la convergence des régimes est nécessaire (en particulier, en matière de droits familiaux). Mais le système actuel ne présente pas de grande injustice entre public et privé ; il est redistributif puisque le taux de remplacement des cadres est nettement plus faible que celui des travailleurs à bas-salaires. L’exemple de l’Italie (comme les simulations proposées par Bozio et Piketty) montre que la réforme aurait pour effet de faire baisser fortement les futures retraites des jeunes d’aujourd’hui. Une réforme progressiste devrait au contraire garantir un taux de remplacement satisfaisant à un âge décent.

Enfin, Macron évoque un plan d’investissement de 50 milliards sur 5 ans, soit 10 milliards par an, comprenant 15 milliards (en 5 ans !) pour la transition écologique et 5 pour les transports collectifs. Ce montant ridicule ment faible est nettement insuffisant et aucunement à la hauteur des défis écologiques, sociaux et économiques qui nous font face.

Globalement, le programme de Macron se traduirait par une politique restrictive, incapable de relancer les débouchés des entreprises alors que, selon l’INSEE, plus de la moitié des entreprises déclarent faire face à une insuffisance de la demande.

 

Pour conclure : l’univers glacé de la marche d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron ne dit rien sur l’essentiel : comment remettre en cause la domination de la finance libéralisée sur l’économie et sur les entreprises ; comment engager la transition écologique ; comment assurer un renouveau productif de l’économie française. Le projet d’Emmanuel Macron, au service des plus aisés, n’a rien de progressiste, ni de socialiste.

Après deux quinquennats où il a œuvré à inspirer les gouvernements, Macron veut aujourd’hui passer l’accélérateur, dans la droite ligne des gouvernements qui se sont succédés lors des dernières décennies. Il se propose ainsi de continuer à affaiblir les mécanismes actuels de solidarité, le droit du travail, les assurances sociales, l’hôpital, les collectivités territoriales.

Son projet repose sur un mythe social-libéral, largement éculé : l’État garantirait l’égalité des chances et la liberté d’entreprendre. Chacun pourrait ainsi, individuellement, par son effort de formation, par son ambition, par son travail, par la recherche permanente de l’innovation, devenir millionnaire.

La marche d’Emmanuel Macron est ainsi une marche à reculons, dans le monde glacé d’individus désocialisés avides de réussite individuelle. En poursuivant leurs intérêts égoïstes, ces individus sont seuls responsables de leurs succès et de leurs échecs –et nombreux sont ceux qui, pauvres, ouvriers, malades, jeunes, devront rester au bord du chemin.-

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(1) Texte tiré de la note des économistes attérés de Février 2017 ; <www.atterres.org>. Dany Lang, Henri Sterdyniak Publié avec l'autorisation des auteurs.

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