Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Quinze ans de cadeaux aux patrons : ça coûte cher et c'est inefficace

le 16 octobre 2006

A la demande de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes vient de dresser un bilan de la politique d'exonération de cotisations patronales. Remis cet été aux députés, ce document n'a guère fait l'objet de publicité.

Rien de surprenant : c'est un pilier de la politique suivie depuis une quinzaine d'années par les gouvernements successifs en matière d'emploi qui se trouve ici remis en question.

La tonalité du rapport en effet est : ça coûte cher, ça ne rapporte pas gros, tout en entraînant des risques d'effets collatéraux non négligeables.

La droite a donné le top départ en 1993 avec les premiers allègements généraux de cotisations sur les bas salaires, en particulier la fameuse « ristourne Juppé » sur les cotisations maladie. Histoire de baisser le « coût du travail » pour augmenter la compétitivité... A partir de 1996, le phénomène connaîtra un nouvel élan, cette fois au nom des 35 heures et de leurs répercussions sur le SMIC. Chemin faisant, à ces baisses de charges sur les bas salaires sont venus s'ajouter de nombreux dispositifs d'exonérations visant des publics particuliers ou bien des territoires. Total : en 2005, la Cour des comptes a recensé pas moins de 46 mesures différentes pour un coût total pour les finances publiques de 20 milliards d'euros, l'essentiel (16) étant consacré aux allègements sur les bas salaires.

Les magistrats dénoncent une inflation de décisions non maîtrisées qui traduisent une tendance au « mitage » de l'assiette des cotisations sociales et posent le problème de l'équité du financement de la Sécurité sociale.

D'autant que le manque à gagner pour la Sécu n'est pas toujours compensé par l'Etat. Ensuite la Cour fait remarquer que les allègements de cotisations bénéficient surtout à des secteurs qui ne sont pas directement exposés à la compétition mondiale ni aux délocalisations, ce qui à l'origine était une des raisons des baisses de charges.

Les magistrats soulignent aussi le risque de trappe à bas salaires : les allègements étant attribués jusqu'à un certain seuil de rémunérations, les entreprises sont encouragées à rester en dessous de ce seuil. Quant à l'essentiel, à savoir l'impact de ces mesures sur l'emploi, l'étude note qu'il n'y a quasiment aucune évaluation sérieuse de faite sur le sujet ; que l'ampleur de l'effet positif « n'est pas assez précise » ; qu'on observe trop d'emplois peu qualifiés accupés par des salariés formés.

Les baisses de charges contribuent donc à un déclassement des travailleurs qualifiés. Au total, même si des emplois ont été créés, « les allègements représentent un coût très élevé », « leur efficacité reste incertaine ». Des recommandations qui n'ont pourtant pas dissuader de Villepin à poursuivre allègrement sa politique de baisse des charges patronales.