L'année 2017 va être marquée par deux élections majeures : la présidentielle suivie des législatives. Temps important de débat de politique générale dans tout le pays, ces scrutins vont être précédés de campagnes où les options de chaque candidat seront mises en avant. Même si les non-dits risquent à nouveau d’être plus importants que les intentions proclamées, même si nous n’échapperons pas à l’opération anesthésiante des promesses en des lendemains qui chantent, il y a néanmoins un certain nombre de propositions qui forment sens tant elles puisent leur racine au cœur même de logiques et d’orientations politiques idéologiquement identificatrices. Sur fond de crise majeure de système, la plupart des candidats ne cachent plus la nature profonde de leur programme. De façon décomplexée la droite et l’extrême droite les brandissent au contraire très haut nourrissant de dangereuses dérives populistes et le repli identitaire. Impossibles d’ignorer désormais que de nombreux contenus programmatiques incarnent une dimension structurelle essentielle de projets politiques touchant très directement à l’enjeu fondamental du coût du capital. La ligne de fracture passe entre la lutte ou l’encouragement à l’augmenter toujours plus, c’est-à-dire à réduire ou à accroître la part des prélèvements financiers sur la richesse créée contre la satisfaction des besoins humains et sociaux.
C’est dans cette épure qu’il faut situer le débat sur l’évolution de la dépense publique et donc le soutien ou la restriction de l’offre de services publics. Occupant depuis de nombreuses années le devant de la scène médiatico-politique cette question prend en France une nouvelle dimension en période de bataille électorale et en Europe au moment où la BCE a décrété de maintenir son soutien aux marchés financiers en rachetant directement auprès d’eux des titres de dette publique des États. Elle vient à nouveau de décider d’injecter 1 000 milliards d’euros à cette fin – ce qui, à terme, est porteur d’un grave risque de nouvelle crise financière, la bulle continuant à enfler alors qu’il n’y a aucun débouché réel pour cet argent vers des productions et des activités utiles à l’homme. Pourtant l’histoire récente devrait nous instruire et surtout instruire les « décideurs » des dangers que recèle une telle politique. Un rapide retour sur les conséquences des politiques d’austérité dictées notamment par les traités européens tant sur l’état des finances et des services publics que sur la vie des gens et des territoires, devrait nous donner matière à apprécier le sens des projets portés pour les prochaines échéances électorales.
C’est le 1er novembre 1993 que le traité de Maastricht entrait en vigueur. Il instituait comme règle fondamentale cinq « critères de convergence », condition indispensable à remplir afin que les pays de l’Union européenne puissent participer à l’Union économique et monétaire (UEM). Parmi ces critères, deux concernent le déficit et la dette cumulés de l’ensemble des administrations publiques (État, Sécurité sociale, collectivités territoriales) :
– d’une part, le déficit des administrations publiques ne doit pas dépasser 3 % du produit intérieur brut (PIB) ;
– d’autre part, la dette publique ne doit pas dépasser 60 % du PIB ou doit se rapprocher de ce seuil.
L’objectif du critère relatif à la dette publique était d’éviter que la dette d’un État de la zone euro ne devienne insoutenable. Au sens où l’entend l’Union, deux idées étaient impensables :
– un éventuel éclatement de l’Union ;
– le renflouement d’un pays membre endetté à plus forte raison si le renflouement de sa dette publique devait s’effectuer par émission monétaire dont l’effet inflationniste était parfaitement contraire aux choix monétaristes dominants.
Ainsi, le critère relatif au déficit public procède, dans une sorte de vison consolidée des budgets des États européens, d’une volonté de permettre l’encadrement des politiques budgétaires des États afin de ne pas faire supporter à tous le poids d’une relance budgétaire offensive d’un des partenaires. Il s’agit ouvertement de contenir l’évolution des dettes publiques. C’est ainsi que l’obligation d’un déficit public limité à 3 % a été décidée.
Très vite, les tensions budgétaires montant et les exigences des marchés se faisant plus pressantes, il s’est avéré que les critères de Maastricht devaient être précisés et complétés. C’est pourquoi le Pacte de stabilité et de croissance était adopté par le Conseil européen d’Amsterdam en juin 1997. À travers ce dernier, les États de la zone euro se sont engagés :
– à parvenir à une position budgétaire « proche de l’équilibre ou en excédent à moyen terme » ;
– à présenter chaque année au Conseil des ministres de l’économie et des finances (Conseil Ecofin) « un programme de stabilité » dans lequel ils communiquent régulièrement leurs prévisions de croissance et de politique budgétaire pour les trois années suivantes ;
– à harmoniser (sous l’égide d’Eurostat) leurs modes de calcul de la dette et du déficit publics.
Ce dispositif devait être complété par la mise en place de deux types de procédures :
– Une procédure d’examen et de surveillance mutuelle des politiques économiques et de l’évolution des finances publiques des États membres caractérisée par l’adoption chaque année par le Conseil de l’Union des « grandes orientations des politiques économiques » (GOPE).
‒ Une procédure de sanction en cas de dépassement de la limite des 3 % du PIB. Le Conseil, sur recommandation de la Commission, peut proposer de mettre en œuvre dans les 10 mois un certain nombre de dispositions au risque de sanctions financières. La réforme du Pacte de stabilité et de croissance en 2005 a conduit à assouplir les contraintes envisagées notamment du fait des dépenses auxquelles l’Allemagne a du faire face avec la réunification. Ainsi le critère des 3 % du PIB bien que maintenu, peut désormais être dépassé mais dans des circonstances exceptionnelles.
Puis en 2012 vingt-cinq pays de l’Union européenne (27 moins le Royaume-Uni et la République tchèque), signaient un Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) qui instaure davantage de discipline budgétaire dans la zone euro. Appelé aussi Pacte budgétaire européen, ce traité instaure la « règle d’or » budgétaire ainsi que la correction automatique du non-respect des déficits autorisés. Des sanctions sont prévues par la Cour de Justice de l’Union européenne s’agissant de la mise en place des règles d’or au plan national (amende pouvant aller jusqu’à 0,1 % du PIB du pays fautif) et des pénalités quasi automatiques pour les déficits excessifs pourront être votées par une « majorité inversée ». En outre, la règle d’or contraint les États à avoir un déficit structurel limité à 1 % du PIB que douze États ont décidé de passer à 0,5 % en 2013 consacrant ainsi la fin du vote à l’unanimité des États membres pour ratifier un traité. Cependant seuls les pays signataires se verront appliquer cette règle mais eux seuls aussi bénéficieront du mécanisme européen de stabilité (MES).
L’évolution régressive de la législation européenne en matière de politique budgétaire et l’application zélée de celle-ci par les gouvernements nationaux par ailleurs en même temps décideurs au sein des instances européennes, ont une traduction simple : l’austérité.
Ainsi toutes les politiques publiques conduites depuis plus de 30 ans avec une réelle accélération depuis le milieu des années 1990 n’ont eu de cesse de réduire la dépense publique et sociale. Et au lieu d’endiguer le déficit public et de faire baisser la dette, ces choix ont conduit à une croissance exponentielle de cette dernière avec notamment l’épisode de crise systémique majeure de l’automne 2008. Car au lieu de couvrir les besoins sociaux et de répondre aux exigences de développement des potentiels humains, les politiques de réduction de la dépense publique n’ont fait qu’alimenter la dérive financière de l’économie, causant à la fois chômage et précarité et rendant la croissance atone. Ce qui a eu pour conséquence de réduire l’assiette des prélèvements sociaux et publics, donc les budgets des services publics et des administrations, avec pour traduction de nouveaux reculs de l’intervention publique globale.
Ce cercle vicieux est un cercle mortifère pour les services publics au sens large de leur conception française (entreprises publiques, services publics, administrations d’État, territoriale et hospitalière) et pour les populations notamment les plus déshéritées qui faute de moyens d’accès et financiers doivent se résoudre à se passer d’un certain nombre de prestations, allant des soins à l’éducation en passant par la culture et les loisirs, etc.
Depuis 1989 une restructuration de l’action publique est engagée. Son objectif : réduire la dépense publique et adapter les services et missions publics aux besoins d’un capitalisme de plus en plus financiarisé et en manque de rentabilité. Externalisation de missions, privatisation des activités les plus rentables, création d’agences de service public, réorganisation à répétition dont l’objectif sur fond d’informatisation massive des services est une forte réduction de l’emploi public ‒ seule variable d’ajustement aux effets rapides sur le montant de la dépense ‒ ; telles ont été les principales caractéristiques des politiques suivies depuis trois décennies.
Premières à être entrées dans la tourmente, la Fonction publique d’État et la protection sociale ‒ les régimes de retraite ‒ ont subit de plein fouet les conséquences de ces orientations. Baisse des recrutements, fusions de services, abandons de missions, recul de l’âge de départ à la retraite, tels en sont les traits les plus marquants, symbolisant l’enfoncement dans le processus d’une révolution conservatrice qui n’en finit pas de briser les solidarités. C’est sur cette lancée que se sont empilées diverses réformes. De la LOLF à la RGPP puis à la MAP, le but était de réduire les dépenses de fonctionnement de l’État, c’est-à-dire essentiellement les dépenses de personnels allant jusqu’au non remplacement d’un départ à la retraite d’un fonctionnaire sur deux.
Cette même logique a frappé l’ensemble des entreprises publiques, EDF qu’il faut recapitaliser aujourd’hui, GDF et France Télécom qui ont disparu de la sphère publique, la SNCF qui croule sous le poids d’une dette surréaliste. Mais là ne se limitent pas les atteintes aux missions publiques. Les politiques de santé publique et notamment l’hôpital sont dans des situations très graves laissant entrevoir, si rien n’est fait rapidement, un risque réel de recul de l’espérance de vie.
Ainsi La loi HPST, (Hôpital, Patients, Santé et Territoires) en créant les Agences Régionales de Santé (ARS) a entériné la disparition des DRASS et des DDASS. Sur fond d’étatisation de la santé, les ARS constituent avec les GHT (groupements hospitaliers de territoire) le moyen de réaliser d’importantes économies sur les dépenses de santé ainsi que le dispose chaque année le PLFSS.
Il en va de même des collectivités territoriales qui sont aujourd’hui dans l’œil du cyclone entraînant avec elles une dégradation de la Fonction publique territoriale elle-même.
Dénommée Réate la réforme de l’administration territoriale de l’État a été la plus importante de ces trente dernières années. Entraînant resserrement, fusion-absorption et disparition de certains services et missions, elle constitue l’outil d’adaptation structurelle aux coupes budgétaires décidées par l’État notamment par la réduction de ses concours à hauteur de 12,5 milliards d’euros entre 2014 et 2017 ce qui constitue en montant cumulé une baisse de 28 milliards. Cette coupe massive est intervenue au terme d’un processus qui avait commencé en 2008 par limiter la progression de l’enveloppe normée à la hausse des prix puis à partir de 2012 à geler cette enveloppe en valeur. Les conséquences de ces choix commencent à se faire durement sentir dans certaines collectivités, notamment les départements dont l’existence ne tient plus qu’à un fil et maintenant les communes dont il est prévu de ramener le nombre de 36 000 à 7 000.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, le programme de plusieurs candidats à la présidentielle prévoit de poursuivre cette œuvre de destruction massive. Cela souligne combien il est urgent de proposer une alternative fondée sur une nouvelle cohérence de la dépense publique et du financement de l’action publique dont les services publics sont la plus claire traduction.
C’est ainsi par exemple que F. Fillon dans son programme propose la suppression de 500 000 fonctionnaires, l’augmentation de leur durée de temps de travail à 37 heures, le passage de l’âge de départ à la retraite à 63 ans puis à 64 ans. Il veut aussi réduire de 100 milliards d’euros la dépense publique. Rien n’est dit sur le sort d’EDF, de la SNCF et d’autres entreprises publiques mais le pire est à craindre, notamment pour la SNCF avec l’entrée en vigueur du quatrième paquet ferroviaire !
Quant à Marine Le Pen son programme ne sera publié qu’en février 2017. Mais ce qui ressort déjà pour l’essentiel est une véritable duplicité de propos. Face au programme hyper droitier et destructeur de F. Fillion, elle veut apparaître comme celle qui sera le garant du social et le protecteur des plus défavorisés et d’une certaine manière comme le dernier rempart face à la casse des services publics. Sauf que cela se heurte concrètement à la position et à la politique des élus FN qui, dans chaque municipalité où autres institutions où ils siègent, ne manquent pas d’en appeler à la rigueur budgétaire, au recentrage des missions et à la baisse des effectifs de fonctionnaires. Voilà qui nous fixe un peu sur le sens réel des objectifs politiques de ce parti.
Pour l’heure, en l’état de la connaissance que nous pouvons avoir des programmes des autres candidats-es, y compris des candidats-es à la primaire socialiste, il est remarquable que l’enjeu touchant au devenir des services publics ne semble pas retenir particulièrement leur attention. Ainsi, au-delà des discours, est à nouveau ignorée une dimension essentielle de politiques devant soi-disant conduire à se soustraire aux dogmes de la finance. Impossible en effet de prétendre répondre aux aspirations sociales du peuple et d’engager une véritable sortie des politiques d’austérité sans soutenir le développement des services publics. Ce qui implique naturellement d’opter pour une relance de la dépense publique au lieu de la réduire toujours plus et donc de combattre a contrario les marchés financiers et la logique de rentabilité qui les habite.
Enfin si le programme « l’Avenir en Commun », de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, incite au renfort de la présence et de l’action publics en plusieurs domaines (autoroutes, aéroports, énergie, transport, secteur bancaire), un certain nombre de précisions serait bienvenu quant à leur organisation et à leur rôle effectif et il reste surtout à préciser les modalités de leur financement.
La dépense publique : du gaspillage d’argent !
Selon les thuriféraires de la finance et tous les laudateurs de la rentabilité, la dépense publique serait l’ennemi de la croissance, le parasite de la société, la bête noire de l’évolution moderne. Or que représente la dépense publique, à quoi sert-elle, peut-on s’en passer ?
De façon abruptement résumée on pourrait dire que la dépense publique c’est finalement 330 milliards d’euros soustraits à la logique du profit capitaliste. Mais c’est aussi comment permettre à une société de garder une certaine cohésion et d’éviter de sombrer dans le chaos. C’est à un tel point vrai que le budget 2017, certes année électorale oblige, aura décidé de colmater certaines brèches sociales directement créées par les politiques d’austérité suivies ces dernières années. Ce sont 4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires consenties notamment pour un plan formation-emploi, la rémunération des fonctionnaires, la jeunesse. Naturellement, les vieux démons de l’équilibre budgétaire demeurant, il s’est agi aussitôt de compenser cette dépense par de nouvelles restrictions dont 3 milliards seront prélevés sur 2016 et 2 milliards d’euros en 2017. La réalisation de 50 milliards d’économie sur la période 2014 à 2017 reste en effet l’objectif absolu pour rentrer dans les clous des 3 % puis passer en dessous. Et on sait qu’après 2017 des perspectives encore plus sombres sont annoncées. Tous ces objectifs puisent leur substrat idéologique dans le rabâchage sur l’illégitimité de la dépense publique.
Face à un tel discours il est urgent de réintroduire un peu de raison et d’objectivité dans le débat. La dépense publique ça sert à quoi ? Tout d’abord le travail, les actions réalisées par des millions de fonctionnaires et d’agents publics, personnels de la SNCF, d’EDF, enseignants dans les écoles, personnels soignants dans les hôpitaux, bibliothécaires, éducateurs sportifs, animateurs sociaux dans les communes et les quartiers, représentent une véritable action productive de services utiles aux populations mais aussi de vraie valeur économique représentant plus de 300 milliards d’euros de PIB. Naturellement, l’ennuyeux pour les marchés et le cauchemar des capitalistes c’est que ces activités ne s’inscrivent pas dans la logique du profit immédiat et ne participent pas à améliorer la rente du capital. Les salaires des fonctionnaires, non prélevés directement sur la sphère marchande, sont payés par les budgets publics alimentés par des impôts et des cotisations calculés sur un produit total ‒ valeur ajoutée créée ‒ déjà augmenté du produit non marchand. Au fond c’est ce qui navre profondément les capitalistes qui voudraient disposer de cette masse d’argent pour financer leurs opérations spéculatives. C’est pourquoi les dépenses de fonctionnement, essentiellement constituées des dépenses de personnels, sont autant fustigées. Mais pourrait-on faire de la recherche sans chercheurs, de l’éducation sans enseignants ? Enfin, qui retire un bénéfice certain de la dépense publique sinon le secteur marchand ? D’une part, par les travaux et les infrastructures que la dépense publique sert à financer et la mise à disposition qu’elle permet de moyens et de services gratuits sinon à très bas coût (réseau routier, ferré, fluvial, aménagement et viabilisation de zones d’activités, énergie, eau, réseaux d’information, etc). D’autre part parce qu’une portion majeure de la rémunération des fonctionnaires et agents publics retourne au secteur marchand sous forme de consommations diverses.
Pour conclure ce chapitre il faut insister sur la dimension fondamentale de la dépense publique et le pourquoi des attaques incessantes qu’elle subit. C’est le considérable moyen de lutte qu’elle représente contre le libéralisme économique et la crise financière qui est en cause. En utilisant pour des activités nécessaires au développement des potentiels humains la masse énorme d’argent en circulation découlant notamment des économies de moyens que permet la révolution informationnelle et des capacités de la création monétaire, la dépense publique est un moyen de lutte contre la suraccumulation des capitaux. Et par conséquent elle est un outil de résistance contre la financiarisation de l’économie et de l’ensemble de la société, qui en ce début 2017, fait courir un risque immense de nouveau krach aux dimensions bien plus considérables que lors de l’épisode précédent au cours duquel les services publics français avait été salués par tout le monde pour leur rôle de régulateur social.
La (vraie/fausse) hantise de la dette
S’il n’est pas possible d’ignorer la situation d’endettement d’un pays et de ne pas se soucier du rapport entre le montant de sa dette publique et de son produit intérieur brut, la dette publique n’est pas non plus l’horreur absolue. Elle ne peut pas être la cible de tous les discours et l’objet de toutes les dénonciations. La question c’est : à quoi sert-elle ? La dette publique c’est le crédit des États et les États ont besoin d’argent pour assurer leur fonctionnement ne serait-ce que parce qu’il existe un décalage entre leurs rentrées budgétaires et leurs dépenses quotidiennes. Mais aussi parce que les États ont des investissements à réaliser qui demandent beaucoup d’argent, en tout cas beaucoup plus que le simple rapport de leurs prélèvements fiscaux ou d’autres recettes publiques du même type.
Et dans ce cas, c’est-à-dire à partir du moment où l’endettement réalisé correspond à des investissements qui engendreront un accroissement la richesse, soit par le développement de services publics permettant la réponse à des besoins sociaux nouveaux, eux-mêmes générateurs de nouvelles capacités d’intervention des populations, soit par le soutien à de nouvelles productions industrielles, c’est-à-dire au global d’actions créatrices de croissance nouvelle, l’endettement consenti sera gommé et la richesse créée pourrait même permettre de désendetter.
Par contre si l’endettement d’un État lui sert à rembourser les dettes contractées auprès des marchés financiers car la banque centrale en l’occurrence la BCE, ne prête plus directement aux États, ou alors à offrir des cadeaux fiscaux et sociaux aux entreprises et aux banques qui n’auront de cesse d’utiliser cet argent pour des opérations financières, alors l’endettement s’apparente à une sorte de tonneau des danaïdes qui au final ne fera qu’accroître le ralentissement de la croissance réelle, creuser le déficit public et finalement augmenter la dette.
Avec la réduction de la dépense publique c’est tout le dispositif construit depuis le Front populaire et renforcé par le programme du Conseil National de la Résistance qui est brocardé. La cible c’est à la fois la réponse aux exigences de développement humain, les droits démocratiques et les pouvoirs d’intervention des personnels dont demeurent encore porteurs malgré les attaques subies, le statut de la Fonction publique et les statuts des entreprises publiques. Contrairement aux discours enjôleurs c’est un retour à une nouvelle forme de techno-étatisation qui est recherchée s’opposant ainsi à la conception de l’intervention citoyenne du fonctionnaire et des populations qu’appellent le statut de la Fonction publique et ceux des entreprises publiques.
Pourtant face aux dégâts de la crise et aux enjeux de nouvelle maîtrise sociale et publique qu’elle fait monter, l’urgence est de prendre en compte les évolutions sociales et sociétales pour sortir du cercle infernal de la récession et du délitement de la société. Cela pousse à une expansion comme jamais des services publics et donc pour cela à une progression de la dépense publique. Enjeux sociaux et environnementaux doivent aujourd’hui pouvoir reposer sur des outils d’impulsion, de régulation et d’évaluation qui soient soustraits aux logiques de la rentabilité et qui contribuent, avec un renouveau industriel, à la relance d’une nouvelle croissance à base humaine et écologique vers une élévation de toute la civilisation.
Ainsi, il s’agit dans la situation d’aujourd’hui de tracer les lignes fondatrices d’un renouveau des services publics et de leur développement. Au centre de cette réponse est l’enjeu fondamental des financements.
L’exigence de nouveaux moyens de financements
En premier lieu, il s’agit de proposer à l’opposé des logiques régressives développées par les traités européens successifs une autre utilisation de l’argent et, tout d’abord, d’exiger un nouveau rôle de la politique monétaire de la BCE puisque c’est à cet échelon que les politiques de financement sont initiées.
Plutôt que d’injecter des milliards d’euros, (chaque mois 80 milliards) certes « critèrisés » mais finalement à l’aveugle car sans contrôle réel, la BCE ne ferait-elle pas mieux avec cet argent, d’alimenter un fonds européen de développement social, solidaire et écologique pour soutenir la création, l’adaptation et l’extension des services et de l’emploi publics ? Et pour cela il n’y a même pas besoin de nouveau traité, les actuels suffisent puis que l’article 123.2 du traité de Lisbonne permet la mise en place de ce type d’institution intermédiaire entre la BCE et les États de la zone euro.
À l’évidence ce choix irait contre la logique profonde de la construction européenne actuelle mais il permettrait d’endiguer la dérive financière folle de la politique monétaire et économique et participerait à réorienter les masses énormes d’argent en circulation vers des activités socialement utiles plutôt que de les jeter en pâture aux milieux spéculatifs.
Dans un processus de construction dialectique cette institution pourrait à la fois être moteur et résultat de choix nationaux consistant à créer un pôle public bancaire et à y adosser un fonds national et des fonds régionaux pour l’emploi et la formation. Ces institutions serviraient à mobiliser le crédit des banques en bonifiant leurs taux d’intérêts en faveur d’investissements porteur d’emplois et de formation et de réponses aux besoins sociaux des populations.
Cette réforme de l’utilisation de l’argent, de la politique monétaire et du crédit de la BCE et des banques s’effectuerait en même temps qu’une transformation de la fiscalité, notamment par une modulation incitative de la fiscalité des entreprises et de la fortune (IS, ISF et impôt local sur le capital des entreprises). Une réforme fiscale nationale qui s’accompagnerait de mesures précises de mise en convergence au plan européen et mondial pour une lutte efficace contre la fraude et l’évasion fiscales.
Si une relance de la dépense publique représente aujourd’hui un des principaux enjeux d’un nouveau développement de toute la société, il s’agit de s’assurer de son efficacité et de son efficience. L’objectif doit être une réponse publique d’intérêt général aux besoins sociaux en assurant l’égalité et la solidarité des individus et des territoires.
Sur fond de redéfinition du champ d’intervention des missions publiques il convient de réaffirmer dans les conditions d’aujourd’hui les principes fondateurs des services publics que sont l’intérêt général, l’indépendance et la responsabilité avec la distinction fondamentale qui fait du fonctionnaire une personne au service de la collectivité publique à la différence du salarié du privé lié par contrat à un employeur. C’est pourquoi il est nécessaire de promouvoir une nouvelle sécurisation de l’emploi public par la formation et la reconnaissance des qualifications, de nouvelles garanties de carrière et d’indépendance du fonctionnaire et des agents de tout le secteur public.
De même, il s’agit d’entrer dans un nouvel âge de la maîtrise publique par une élévation des pratiques démocratiques et de nouvelles institutions pour en assurer la gestion. L’État n’étant pas en soi le garant du service public, il convient de mettre en œuvre des moyens de contrôle citoyen des politiques publiques du local au national adaptables aux besoins, à chaque niveau.
L’aspiration citoyenne à une maîtrise collective des enjeux du développement humain appelle l’installation de nouveaux critères de gestion dans les services publics comme dans l’ensemble des trois Fonctions publiques. Leurs agents doivent être mis en capacité d’exercer dans des institutions rénovées de réels pouvoirs de décision et d’appréciation des orientations mises en œuvre. Et ils doivent pouvoir le faire en lien avec le citoyen-usager. Pour cela de nouvelles institutions sont nécessaires où s’exercerait de façon convergente le contrôle de l’efficacité des politiques publiques. S’y définiraient également les choix de gestion future en fonction de l’évolution des besoins des populations du local au national. Cela toucherait aux règles d’élaboration et d’exécution budgétaire – de l’État comme des collectivités territoriales- contribuant ainsi à élaborer les nouveaux principes d’une autre LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances).
Ainsi serait assuré un contrôle effectif de la dépense publique. Serait également affirmé contre toutes les logiques individualistes, régressives et de repli identitaire qu’un service public au diapason des aspirations populaires et des besoins sociaux constitue un moyen incontournable de dépassement des logiques d’exploitation et de domination dans lesquelles le capitalisme dans sa phase ultra libérale enferme l’ensemble de la société.
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