Le dernier PLFSS du quinquennat de F. Hollande ne brillera pas plus d’une couleur de gauche que les précédents. Voté en 1re lecture à l’Assemblée nationale le 5 octobre dernier, il suit son cheminement législatif et devrait être voté début décembre.
Dernière LFSS du quinquennat Hollande, certains voudraient voir dans ce texte la volonté de stabiliser les mesures des lois de financement précédentes étant entendu que les principales réformes auraient déjà eu lieu. En vérité, ce serait passer à côté de la logique d’ensemble de la politique menée par le gouvernement Hollande, mais aussi par ses prédécesseurs, qui trouve son aboutissement dans ce PLFSS 2017.
En effet, en annonçant publiquement fièrement avoir « fait le job », c’est-à-dire avoir ramené au quasi-équilibre les comptes des régimes de base et du régime général de la Sécurité sociale, la ministre, M. Touraine, a dévoilé le fond de la logique politique poursuivie. En effet, car ce job, cet équilibrage des comptes, aura été construit, y compris dans ce PLFSS 2017, par une baisse du niveau de la prise en charge socialisée et par une hausse de la contribution financière des ménages. Les profits quant à eux resteront bien protégés de tous nouveaux prélèvements, Pacte de responsabilité oblige !
En fait, cette victoire donne corps à l’objectif poursuivi : la dépense socialisée doit être au service de la hausse des profits des entreprises et non au service des populations, de leurs besoins. C’est un changement de paradigme pour la Sécurité sociale, dont l’opérateur est l’équilibre des comptes de l’institution.
Selon le gouvernement, avec 3 branches sur 4 à l’équilibre (retraite, famille, AT/MP), le régime général de la Sécurité sociale devrait présenter un solde négatif en 2017 de seulement 400 millions d’euros pour un budget de 500 milliards d’euros, soit 0,1 % des dépenses du régime général. Si elle devait être validée, une telle prouesse comptable ne se serait pas vue depuis 2002. Elle démontrerait preuve à l’appui que la recherche d’équilibre des comptes sociaux permettrait de dynamiser la croissance, parce qu’en ne « vivant pas au-dessus de nos moyens », nous serions en mesure de faire croître les ressources de la Sécurité sociale…
Espoir gouvernemental ? C’était sans compter le rappel au réel, à la fois, de la vie et du Haut Conseil des finances publiques. Dans son rapport du 24 septembre 2016 relatif aux projets de lois de finance de l’État et de financement de la sécurité sociale pour 2017, ce dernier était, avec toute la rondeur qui le caractérise, sans équivoque : « Pour l’année 2016, le Haut Conseil considère que la prévision de croissance du gouvernement de 1,5 % est un peu élevée au regard des informations connues à ce jour. Il note qu’elle est supérieure à la plupart des prévisions publiées récemment. Pour l’année 2017, le gouvernement a maintenu sa prévision d’avril du programme de stabilité (1,5 %) alors que la plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont depuis abaissé les leurs (en septembre : 1,2 % pour le « Consensus Forestcasts et 1,3 % pour l’OCDE. Le Haut Conseil estime que cette hypothèse de croissance pour 2017 est optimiste compte tenu des facteurs baissiers qui se sont amtérialisés ces derniers mois […], le scénario de croissance retenu par le gouvernement [….] tend à s’écarter du principe de prudence qui permet d’assurer au mieux le respect des objectifs et des engagements pris en matière de finances publique. » Sans commentaires.
Ainsi, non seulement la richesse produite par la Nation sera insuffisante en l’état à financer les besoins de recettes, mais l’ampleur des économies attendues pour 2017, plus importantes que les années précédentes, compte tenu de cette croissance faible, seront inatteignables.
En vérité, budget irréaliste ou insincère, c’est comme on voudra, il ne sera donc pas équilibré en 2017.
Comment pourrait-il en être autrement ? Imaginer qu’avec une croissance si faible et aussi faiblement dotée en emplois stables, les recettes de la Sécurité sociale puissent abondées à proportion des besoins de la population est une affabulation. Quant aux dépenses, celles-ci croissent avec la hausse de la population, mais aussi avec un dynamisme des besoins sociaux eu égard au développement continu du chômage de masse et de la précarité autant qu’à celui du vieillissement. Enfin, s’illusionner à croire que les exonérations de cotisations patronales ou le pacte de responsabilité peuvent dynamiser les ressources de la Sécurité sociale relève de la méthode Coué. Si le montant globale des recettes croît du fait du rythme de croissance de la masse salariale (+1,2 %), le produit des cotisations sociales lui augmente 2 fois moins vite (+0,6 %) que la masse salariale elle-même. Or les ressources fiscales de compensation des exonérations étant largement moins dynamiques que les cotisations sociales c’est in fine le rythme de croissance des ressources qui s’affaiblit ! Combiné avec une hausse constante des besoins sociaux, c’est ni plus ni moins qu’un effet de ciseaux qui est généré ainsi, rendant de fait impossible un équilibre effectif des comptes. Sauf à réduire le niveau et le périmètre de la réponse socialisée aux besoins.
Et c’est exactement ce que le PLFSS pour 2017 propose. Comme d’ailleurs les PLFSS précédents du quinquennat, et ceux d’avant.
Certes, ce PLFSS n’en donne pas l’impression au premier abord. Avec par exemple une augmentation de l’ONDAM à 2,1 % au lieu de 1,75 % en 2016, le sentiment apparent est une hausse de la dépense. De même pour le médico-social, où l’annonce d’une hausse de 3,2 % de la dépense consacrée aux établissements et services accueillant des personnes en perte d’autonomie laisse croire à une hausse de la dépense.
Pourtant, en matière d’économies sur la dépense de santé, la pression sera encore plus forte en 2017 qu’en 2016. Le PLFSS prévoit en 2017 un coup de rabot de 4,1 milliards d’euros sur la branche maladie. En 2016, les économies sur cette branche n’étaient « que » de 3,4 milliards d’euros. Au total, 7,5 milliards d’euros d’économies en 2 ans auront pesé sur l’offre de soins et réduit les capacités de la branche à répondre aux besoins de santé.
Et une fois encore, les cibles seront l’hôpital et les remboursements des malades. Sur ces 4 milliards, 1,4 milliards de l’effort incombera à l’hôpital avec la fermeture de lits induite par la promotion du virage ambulatoire (600 millions) et des gains d’efficience (800 millions) supposés par la montée en charge des GHT et des mutualisations de moyens qu’ils impliquent. Quant aux malades, le PLFSS 2017 invoque des économies liées à la pertinence des soins (évaluation des prescriptions et de la prise en charge des malades…) à hauteur de 1,1 milliard d’euros et des économies sur les médicaments et dispositifs médicaux pour 1,4 milliard d’euros. Cette dernière mesure est avancée comme une mise à contribution des laboratoires par une baisse des prix de leurs molécules innovantes, pourtant chacun sait que ces mêmes laboratoires récupéreront le différentiel de prix initiaux dans les négociations de mise sur le marché ultérieures, puisqu’ils restent maîtres de l’évaluation de l’apport médical de leur médicament dans la constitution des dossiers étudiés par le CEPS, c’est sur leurs dossiers cliniques qu’il se prononce.
Le médico-social ne sera d’ailleurs pas épargné puisque 3,2 % de hausse de la dépense aux établissements accueillant des personnes en perte d’autonomie, qui représente 590 millions supplémentaires, s’accompagnera d’une réduction parallèle de 230 millions d’euros du budget de la CNSA. Et cerise sur le gâteau, les ESAT (établissements et services d’aides par le travail) essentiels aux personnes handicapées qui étaient financés par l’État seront à partir de 2017 pris en charge par la Sécurité sociale sans compensation d’État. De sorte que ce qui apparaissait comme une dépense supplémentaire pour le médico-social et donc pour les populations bénéficiaires ne sera que le résultat d’un tour de passe-passe sans amélioration de la prise en charge des personnes !
Et lorsque ce PLFSS prévoit une série de dépenses nouvelles pour un montant de 1,785 milliard d’euros, celles-ci répondent en réalité à la revalorisation des actes des médecins libéraux d’une part (700 millions en année pleine), consécutive à la bataille qu’ils ont mené et gagné contre la généralisation du tiers payant, et, d’autre part, à la revalorisation du point d’indice et des carrières des hospitaliers à l’amende depuis plus de 5 ans.
Quant aux recettes, une fois encore les fumeurs et fabricants de tabac seront mis à contribution pour 250 millions d’euros, mais surtout, 700 millions d’euros de contribution exceptionnelle de CSG seront affectés à la branche sans que l’on sache vraiment pour quoi faire. La hausse de la masse salariale étant censée compléter les recettes non citées manquantes…
Pour résumer, la devise de la Ministre Touraine pourrait ressembler à cela : Tu as mal au doigt ? Coupe-toi la main et regarde ailleurs, tu n’auras plus mal au doigt ! Pour atteindre l’objectif d’un équilibre des comptes de la sécurité sociale, son quinquennat se sera contenté de réduire la prise en charge collective et d’augmenter les prélèvements sur les ménages.
En vérité une fois de plus ce gouvernement, comme ses prédécesseurs, s’est enfermé dans une logique comptable au point d’oublier l’essentiel de la raison d’être de la Sécurité sociale, et même plus généralement de la protection sociale. L’histoire de la création de la Sécurité sociale montre en effet que ses fondateurs n’ont pas cherché à la penser de manière statique mais bien en dynamique. Ils ont cherché à répondre dans le même temps aux besoins sociaux et à l’amélioration de l’efficacité productive pour relancer l’économie, ce qui assurait dans le même mouvement le financement de la nouvelle institution. C’est le cœur du débat. Alors que les libéraux, sociaux ou non, cherchent aujourd’hui à réduire les dépenses publiques et sociales en faveur des populations pour réduire les prélèvements sur les profits, ce qui selon eux aurait la vertu de dynamiser l’activité économique, les fondateurs de la Sécurité sociale et des services publics, communistes ou non, ont privilégié le chemin inverse en faisant des dépenses publiques et sociales des moyens d’améliorer tout autant la vie des gens et l’efficacité de la production. Et force est de constater que cette logique a fonctionné, comme force est de constater que celle qui consiste à privilégier les profits contre les capacités humaines échoue tous les jours sous nos yeux. Ce simple constat nous oblige à reprendre le chemin d’un débat sur le fond.
De PLFSS en PLFSS, les choix politiques opérés n’ont cherché qu’à réduire les dépenses de prestations sociales aux populations et les prélèvements de cotisations sociales sur les entreprises. Mais ni la réduction du périmètre de prise en charge socialisée des assurés sociaux, ni le transfert toujours plus important des entreprises vers les ménages des recettes de Sécurité sociale par leur fiscalisation, n’ont sérieusement permis de résorber les déséquilibres financiers de la sécurité sociale. Et pour cause, les déficits structurels de la Sécurité sociale sont la conséquence, non d’un excès de dépense, mais d’un manque à gagner considérable du côté des recettes imputable au ralentissement de la masse salariale, lui-même conséquence directe de la montée du chômage, de la précarisation de l’emploi, revendiqué au nom de la baisse du coût du travail et de la financiarisation des gestions d’entreprise.
Cette pression sur la masse salariale réduit le potentiel de ressources de la Sécurité sociale et répond aux objectifs de financiarisation des gestions d’entreprises. D’un côté, elle accentue la partage de la valeur ajoutée en faveur des profits contre les salaires (+7 points de valeur ajoutée pour les profits en 30 ans). De l’autre, elle pousse les logiques de financiarisation des entreprises qui se traduisent par le fait que leurs profits proviennent des profits financiers et non de leur activité elle-même. Soit, des profits financiers qui ne contribuent pas au financement de la protection sociale, pire, qui se développent contre la croissance réelle, contre l’emploi et les salaires, et donc contre le besoin de recettes nouvelles de la Sécurité sociale.
C’est cette logique-là qui est au cœur de la perte d’efficacité de notre système de protection sociale à répondre à la fois aux enjeux sociaux et aux enjeux de la production. C’est donc cette logique qu’il faut combattre en réformant l’ensemble du financement de la Sécurité sociale afin de lui donner pour finalité une nouvelle efficacité économique et sociale, qui réponde aux besoins sociaux actuels et à venir, tout en ouvrant la voie d’une sortie de la crise systémique que nous vivons. Et cela passe, d’une part, par la mise à contribution des revenus financiers des entreprises (le coût du capital) au même taux que les revenus du travail. Selon les comptes de la Nation 2015, il existe 313,7 milliards d’euros de revenus financiers des entreprises et des banques. Leur mise à contribution par cotisation sociale additionnelle pourrait dégager immédiatement 84 milliards d’euros de ressources nouvelles pour la sécurité sociale (41,0947 milliards pour la maladie (taux de 13,1 %) ; 26,0371 milliards pour la retraite (8,3 %) ; 16,9398 milliards pour la famille (5,4 %).
Cette contribution nouvelle, qui dépasse largement les besoins de financements actuels des organismes sociaux, permettrait alors de mener une politique sociale active répondant véritablement aux besoins actuels de la population mais aussi à venir (sanitaire, vieillissement, dépendance, petite enfance…). Sa nature permettrait même d’engager un processus de suppression progressive de la CSG prélevée essentiellement sur les ménages, ce qui rééquilibrerait les sources de contribution fiscale au financement de la Sécurité sociale (revenus d’activité des ménages/revenus financiers des entreprises).
Mais plus encore, en rendant moins incitatifs les revenus financiers des entreprises, cette cotisation sociale additionnelle permettrait d’engager le combat contre la spéculation en poussant la réorientation de l’activité économique et les gestions d’entreprise vers la production de richesse réelle. Ainsi, loin d’en faire une source de financement pérenne, ce prélèvement fiscal aurait vocation à s’éteindre dans la durée faute de base fiscale de prélèvement.
C’est pourquoi encore, combiné à cette cotisation additionnelle au dispositif, nous proposons l’institution d’un dispositif de modulation des cotisations sociales employeurs en fonction de leurs politiques salariales et d’emplois. L’idée est simple et efficace. Dans un mouvement général de hausse progressive des cotisations sociales patronales, il s’agit de moduler les taux de cotisation sociale patronale de chaque entreprise en fonction de sa politique salariale et d’emploi par rapport aux pratiques de sa branche d’activité. Plus l’entreprise préfère accroître sa valeur ajoutée en faisant des économies sur l’emploi et les salaires et en développant ses revenus financiers, et plus elle serait soumise à des taux de cotisations patronales élevés. À l’inverse, plus l’entreprise adopte une stratégie de gestion vertueuse à l’égard de l’emploi et des salaires par rapport aux pratiques de sa branche, et en proportion moins ses taux de cotisations sociales seraient élevés.
La logique de ce nouveau dispositif est fondamentale. En dissuadant ainsi la course à la croissance financière, aux économies massives sur l’emploi et les salaires, il s’agit de responsabiliser socialement et solidairement les entreprises face au développement de l’emploi, des qualifications et des salaires. Il s’agit d’engager le combat contre les critères de gestion des entreprises tournés essentiellement vers la rentabilité financière immédiate et d’opposer des critères de gestion assis sur le développement des capacités humaines. L’enjeu est donc d’enclencher un nouveau type de croissance économique et sociale centrée sur le développement de la ressource humaine.
Inciter à la croissance réelle à partir du développement de l’emploi, des salaires, de la formation, en bref de l’accroissement du rapport masse salariale/valeur ajoutée, c’est la condition d’un réel « gagnant-gagnant » pour la Sécurité sociale, les assurés sociaux, les entreprises et au final le pays. La Sécurité sociale pourrait renouer avec la croissance régulière et importante de ses ressources de cotisations sociales patronales qui n’ont cessé de se réduire depuis le début des années 1990. Et donc de résorber ses déficits. Pour les assurés sociaux, l’arrivée de nouvelles cotisations patronales permettrait de réduire relativement leur contribution par rapport à celle des employeurs et de mettre fin à la baisse des prises en charge socialisée et d’ouvrir au contraire à de nouveaux besoins sociaux. Quant aux entreprises, le développement de l’emploi, des salaires et des qualifications pour accroître les ressources de cotisation sociale de la Sécurité sociale répondrait à deux de leurs difficultés actuelles : les débouchés et la productivité du travail. Cela permettrait d’augmenter le revenu disponible des ménages, et donc de relancer la demande intérieure et le potentiel de débouchés des entreprises, qui aujourd’hui fait défaut pour cause d’austérité sociale et salariale. Et d’autre part, cette dépense sociale accrue et dynamisée des entreprises constituerait globalement un moteur d’accroissement de la productivité du travail et donc un facteur de nouvelle croissance.
Cette démarche d’ensemble pourrait alors donner corps à ce slogan : 100 % Sécu, que les communistes ont à cœur de défendre !
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