Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le sulfureux Crédit Impôt Recherche (CIR)

Le crédit impôt recherche sent-il autant le souffre qu’il faille mettre sous le boisseau un rapport d’enquête parlementaire diligenté à son sujet et dont la rapporteure était MmeBrigitte Gauthier-Maurin, sénatrice communiste. Il est vraiment possible de se le demander au vu du sort réservé à ce rapport qui, suite à un vote veto du Sénat, ne verra pas le jour.

Six mois de travail et un recueil très important d’informations du fait des larges pouvoirs d’investigations dont la commission de travail disposait, sont ainsi jetés aux oubliettes. Un questionnaire détaillé avait été envoyé aux entreprises du CAC 40 auquel elles ne pouvaient légalement se soustraire, portant sur les conditions dans lesquelles elles avaient bénéficié de ce crédit d’impôt. Le résultat était un rapport de 264 pages dont personne ne saura jamais rien. C’est beau la démocratie!

Car les citoyens ne sont-ils pas en droit de savoir par exemple quelles sont les entreprises qui grâce au CIR échappent à l’impôt sur les sociétés? Où comment est-il possible que la Société Générale ou Carrefour aient pu bénéficier de cette manne? Ou encore comment une filiale de Renault sans effectif a pu être retenu dans ce dispositif? Autant de questions qui resteront sans réponses, relevant du mystère des couloirs de Bercy.

Un fait d’autant plus ennuyeux qu’au final ça commence à faire une somme rondelette. On approche en effet les 6milliards d’euros (5,8 milliards). Si on restait sur cette lancée, les 9milliards pourraient même être rapidement atteints. Des chiffres qui confirment le sens des mesures prises par N. Sarkozy en 2008 puis confirmée en 2012 qui, voulant faire des dépenses de Recherche et Développement (R & D) un atout majeur ont changé la base de calcul de ce crédit d’impôt, passant du montant de l’accroissement des dépenses de R&D au volume global de ces dépenses et en ont déplafonné le calcul 1.

Le CIR nouveau serait-il devenu un moyen de fraude?

Il y a de quoi en effet s’interroger. Comment expliquer que les entreprises, essentiellement les grands groupes qui captent l’essentiel du CIR (63% de son montant sont perçus par des entreprises de plus de 500 salariés) annoncent avoir triplé leur nombre de cadres pour la recherche et le développement alors que leur activité en ce domaine n’a que très peu évolué? La dépense nationale en R & D reste avec 2,07 % du PIB loin des 3 % annoncés et la France, malgré le CIR, n’investit pas autant dans la recherche que le Japon (3,47 % du PIB) ou l’Allemagne (2,85 % du PIB).

Ainsi il n’est possible d’établir aucune corrélation entre les créations d’emplois en R&D et les CIR attribués dans ces grandes entreprises qui n’ont en fait créé que 18 % des emplois nouveaux en R&D dans le pays. Mais il y a pire. Trois branches d’industrie ont perdu des emplois de R & D dont celui de la pharmacie qui a reçu un montant global de CIR de 2 milliards d’euros de 2008 à 2012 et dont un groupe, SANOFI, a liquidé 2 400 emplois. Dans les faits 80 % des emplois de R & D ont été créés dans les PME.

Au-delà n’est-il pas également possible de se demander par quelle voie les cabinets de conseil qui ne sont qu’une aide à la rédaction des demandes de CIR auraient pu bénéficier de 500 millions sur les 6 milliards distribués au titre de ce crédit ?

Première niche fiscale des entreprises, le CIR vient aujourd’hui se combiner avec le CICE pour constituer un montant de manne publique déversée sur les entreprises jamais atteint et cela pour des effets négatifs sur l’emploi, les salaires et les conditions de travail.

Le CIR, son coût.  C’est le mécanisme de soutien fiscal à la R & D des entreprises le plus onéreux de l’OCDE : si l’on rapporte son montant au PIB (0,26 %), son affectation et son rôle posent d’énormes questions. Ce qui interroge par-dessus tout c’est son inefficacité à déboucher sur de l’innovation réelle et c’est son lien totalement ténu entre son attribution et l’intérêt social et économique réel de l’activité de recherche et de développement.

Pourtant ce sont 6 milliards d’argent public, donc d’argent prélevé sur la masse des contribuables, dont il s’agit. Ce sont 6 milliards qui manquent cruellement à l’économie nationale et à la relance d’une activité industrielle. L’efficacité de ce type de crédit d’impôt est plus que jamais en question. Plutôt que de déverser de l’argent public à la pelle, ne serait-il pas plus judicieux d’instaurer un mécanisme d’incitation fiscale reposant sur une modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction des dépenses de R & D créatrices d’emplois et engageant à une élévation des niveaux de formation et des qualifications.

Dans l’immédiat, il faut engager de véritables procédures de contrôle fiscal des entreprises qui bénéficient du CIR. Mais l’efficacité de ces contrôles repose sur la nécessaire mise en œuvre d’un travail commun entre les services de vérifications de la direction générale des finances publiques et ceux du ministère de la Recherche. Cela suppose évidemment des moyens humains supplémentaires dans ces deux ministères avec des personnels et des experts publics formés pour diligenter de telles opérations.

 

1. Le détail de la réforme du calcul du CIR. Avant : le CIR était 10% des dépenses de Recherche + 40% de l’accroissement annuel des dépenses de recherche, avec un plafond de 16 millions d’euros de dépenses. Il récompensait surtout les sociétés accroissant leurs dépenses et encourageait les PME.

Après : le CIR est devenu 30% des dépenses (sans nécessité d’accroissement annuel) jusqu’à une somme très importante de 100 millions d’euros de dépenses par entreprise et de 5% au-delà de 100 millions d’euros, sans plafond. S’ajoute la possibilité laissée aux groupes de calculer le CIR par  filiale, ce qui revient à contourner le plafonnement lui-même.

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