Le budget de l’État s’apprête à subir un nouveau tour de vis. La préparation du projet de la loi de finances pour 2017 se réalise sur fond d’un nouvel effort demandé à une série de ministères. Car pour tenir le cap de la réduction du déficit à 2,7 % fin 2017 et des 50 milliards d’économies prévues pour 2015-2017, 1,9 milliard d’euros d’économies, appelées du doux nom de mesures complémentaires, devront ainsi être réalisées l’année prochaine par l’État et ses opérateurs. Il s’agit en fait de financer le plan emploi, d’amortir le contrecoup du faible taux d’inflation et d’assurer la poursuite du Cice et du Pacte de responsabilité.
Et cela va être chaud comme on dit communément maintenant. Car il va d’abord falloir avaler le coût des dépenses nouvelles qui avoisine les 4 milliards d’euros : le plan emploi : 1,6 milliard, le plan de soutien aux agriculteurs 900 millions, la hausse en deux temps du point d’indice de 1,2 % des fonctionnaires avec effet en juillet : 600 millions d’euros en 2016, mais 2,4 milliards en année pleine. Certes la baisse relative de la charge de la dette du fait de taux d’emprunt très bas permettra d’amortir le choc mais 2 milliards d’économies devront quand même être réalisés.
C’est ainsi que les effectifs de la Fonction publique vont une nouvelle fois passer à la trappe avec une réduction de 2 % de leur nombre hors les ministères prioritaires, éducation nationale et Intérieur. Dans le même temps une stabilisation de la masse salariale est prévue dans la Fonction publique y compris en intégrant la hausse du point d’indice et l’accord dit « Parcours professionnel ». Aucune augmentation des dépenses dites de « guichet », prestations sociales, n’est prévue. Par contre une baisse de 5 % des dépenses de fonctionnement et des subventions est programmée. Cette même recette sera appliquée aux opérateurs et aux agences publiques dont les recettes fiscales diminueront de 5 %.
S’agissant des concours aux collectivités locales, ceux-ci vont à nouveau baisser de 2,8 milliards d’euros. Cependant cela représente 1,2 milliard de moins que prévu initialement.
Au total la dépense de l’État augmentera de 3,3 milliards d’euros hors charges de la dette et des pensions mais y compris les concours aux collectivités locales. Les dépenses de l’État devraient passer de 295,2 milliards d’euros (LFI 2 016) à 298,5 milliards d’euros (PLF 2017), hors charges de la dette et des pensions. Pour autant sur la période 2013-2017 les dépenses de l’État hors charges de la dette et des pensions auront diminué de 4,6 milliards.
Enfin la hausse des dépenses d’assurance maladie est limitée à 1,75 % alors que les hôpitaux vont devoir intégrer dans leur budget l’augmentation du point d’indice (1,8 milliard d’euros pour les Fonctions publiques hospitalière et territoriale), alors qu’est en cours un accord avec les médecins libéraux pour revaloriser le coût de la consultation alors qu’arrivent sur le marché de nouveaux médicaments très prometteurs pour traiter le cancer mais aussi très onéreux.
Et comment passer sous silence la promesse de F. Hollande de baisser à nouveau l’impôt des ménages et les importants besoins de financements pour recapitaliser AREVA et EDF qui se profilent courant 2017.
C’est une feuille de route placée sous la domination des critères financiers c’est-à-dire sous la coupe de l’austérité que présente le gouvernement. Il n’y a rien de très étonnant à cela puisque la préparation du budget 2017 participe d’une politique budgétaire dont les grands principes ont été réglés par le plan de programmation pluriannuel.
Ce qui caractérise ce projet de budget est la poursuite de la restriction de la dépense publique alors qu’elle devrait être utilisée comme un levier de relance de l’ensemble de la politique économique et sociale de notre pays. Mais le choix de l’exécutif national est de continuer à mettre à la disposition des marchés financiers et du Medef des milliards d’euros d’argent public (Cice, Cir, Pacte de responsabilité…) plutôt que d’engager des dépenses publiques permettant de répondre aux besoins sociaux et de préparer l’avenir. C’est-à-dire de consentir un effort conséquent pour des dépenses utiles au développement de tous les potentiels humains (formation, éducation, santé, transports, énergie, eau, culture, etc..) afin de soutenir une relance du développement de notre pays à partir d’objectifs plaçant au cœur de la reconquête d’une croissance réelle une nouvelle expansion des services publics et la réactivation d’une activité industrielle moderne fondées sur de nouveaux critères sociaux et environnementaux.
Dans l’immédiat, la présentation du projet de loi de finances 2017 recèle pour le moins une vison à courte vue mais, qui plus est, elle comporte un certain nombre de contradictions qui pourraient devenir de véritables bombes à retardement. On assiste dans les faits à une sorte de jonglage avec les milliards dont il est parfois bien difficile de retrouver la cohérence. Le pouvoir est en effet confronté à une sorte de quadrature du cercle qui le pousse à une forme de cavalerie. D’une part il est soumis aux injonctions restrictives de Bruxelles qu’il fait siennes sans rechigner, se faisant même un point d’honneur de passer sous la barre des 3 % de déficit. De l’autre il est placé face à la réalité de la vie et aux besoins des populations. Ainsi il doit apporter des réponses face aux actions terroristes et cela a un coût notamment en matière d’effectifs et d’équipements. De même il doit bien tenir compte de la situation budgétairement désastreuse d’un certain nombre de collectivités locales donc il lâche un peu de lest. Ou encore il ne peut laisser l’éducation nationale partir totalement à vau-l’eau et il se doit de redorer son blason auprès des fonctionnaires, public dont il sait qu’il aura besoin lors des prochaines échéances électorales.
Pour ce faire, il anticipe sur un semblant de reprise de croissance dont les résultats du second trimestre 2016 montrent l’extrême fragilité, sachant que ce ne sont pas les mesures annoncées pour 2017 qui viendront la doper. Alors il compte sur des phénomènes exogènes comme le maintien des bas taux de crédit sur le marché, comme la faiblesse du cours du pétrole ou la nécessité pour les ménages comme pour certaines entreprises de renouveler des équipements devenus vraiment trop vétustes ou d’entretenir des biens vraiment trop dégradés.
Ou encore il diffère l’entrée en application de certaines mesures comme l’augmentation du point d’indice Fonction publique ou il transforme la dernière tranche du Pacte de responsabilité en une hausse du Cice. L’effet est de décaler l’impact budgétaire de 4,2 milliards d’aides aux entreprises de 2017 à 2018, le Cice n’étant comptabilisé qu’au moment où la dépense est effectivement décaissée. Enfin il compte récupérer une somme à la hausse soit 1,4 milliard d’euros, au titre de la lutte contre la fraude fiscale. On peut dire que de ce point de vue la transmission par l’Allemagne d’une liste de 42 500 contribuables français évadés au Luxembourg tombe à pic !
Dans les faits, les choix gouvernementaux relèvent plus d’une politique de bouche-trous, une sorte de sapeur Camembert moderne, que d’une démarche cohérente dotée d’une véritable ambition politique sur le long terme. Le moindre petit grain de sable viendrait rapidement bloquer la machine et mettre l’exécution du budget de l’État en grand péril tant sa construction frôle l’insincérité.
Cette situation pose comme jamais la nécessité d’opposer une alternative de progrès à une telle politique. Il est temps de souligner et de démontrer la cohérence des propositions que porte le Pcf en la matière, propositions qui reposent sur trois fondements principaux : des objectifs sociaux, des moyens financiers et des pouvoirs d’intervention et de décision pour les salariés et les citoyens.
Au titre des moyens financiers, il est nécessaire d’agir de façon coordonnée en deux directions. Changer la politique du crédit et le rôle des banques, en premier de la BCE avec la création d’un fonds européen pour le financement des services publics. Mais aussi au plan national créer un pôle public bancaire et financier auquel serait adossé un fonds national pour l’emploi et la formation décentralisé dans chaque région en fonds régionaux pour l’emploi et la formation. Ces fonds permettraient de mobiliser le crédit, de le sélectionner et de le bonifier en fonction de la nature des investissements et de leur traduction en termes de création d’emplois et d’élévation des niveaux de qualifications des salariés.
Cette nouvelle politique bancaire aurait un pendant concret sur le plan fiscal avec une réforme de la fiscalité qui mettrait l’accent sur une réforme de la fiscalité des entreprises pour en augmenter le rendement et orienter par des mesures incitatives une utilisation des bénéfices des entreprises en faveur d’investissements favorables à la création d’emplois, au développement d’actions de formation professionnelle et respectueux de l’environnement.
L’actuelle crise de la dette publique a des origines multiples. D’une part l’obligation pour l’État de se financer depuis 1973 sur le marché et non plus auprès de la banque centrale donc de s’endetter. De l’autre une suraccumulation financière résultant des économies réalisées grâce à l’introduction massive des nouvelles technologies et d’une prolifération d’un Dollar roi. Tout cet argent cherche à se valoriser alors que se réduisent les débouchés du fait de la baisse des revenus, et du chômage, générés par ces évolutions. Pour régénérer leurs profits, les capitalistes bénéficient d’allègements fiscaux et sociaux multiples tant sur le résultat de leurs entreprises que sur leurs propres revenus. Cette évolution contribue à tarir profondément les recettes publiques, creuse le déficit et accroît la dette. Cette voie mortifère pousse à toujours plus de casse sociale et de déstructuration de la démocratie. Il est temps d’œuvrer pour une autre perspective.
Rompre avec la chute des recettes budgétaires implique notamment une profonde réforme de la fiscalité redonnant sens aux principes de justice sociale et d’efficacité économique car se fixant l’objectif prioritaire de la satisfaction des besoins humains qu’incarne pour une part déterminante le développement des services publics.
Il faut pour cela inverser tout de suite la tendance qui en 25 ans a fait passer la part des recettes fiscales de l’État dans le PIB de 22,5 % à 15,9 %. Ainsi en 2015 avec l’activation de dispositifs comme le Cir et le Cice, l’impôt sur les sociétés payé par les entreprises ne représentera pas plus de 20 milliards d’euros, soit à peine 4 jours de PIB. Concrètement en 2017, si toutes les mesures d’allégement dont bénéficient les entreprises arrivent à terme, elles verront le taux global de leurs prélèvements obligatoires revenir à son niveau de l’année 2000. Elles bénéficieront ainsi en cumul de quelque 250 milliards d’allègements et d’aides.
Il s’agit dès lors par une réforme radicale de la politique fiscale de combattre les inégalités et de pénaliser la croissance financière des capitaux et les délocalisations en encourageant a contrario les comportements favorables à la croissance des richesses réelles et de l’emploi.
Pour atteindre cet objectif l’effort doit porter prioritairement sur la fiscalité des entreprises. À cette fin seraient proposées :
– Une refonte de l’impôt sur les Sociétés. L’impôt sur le bénéfice des entreprises serait à la fois relevé, rendu progressif et incitatif par une modulation. Relevé parce que les taux iraient de 30 % à 50 %. Progressif car au sein de la fourchette de 30 % à 50 %, les taux seraient appliqués en fonction du chiffre d’affaires et du résultat des entreprises afin de tenir compte de leur différence de situation liée à leur taille et à leur activité. Modulé car l’impôt dû serait augmenté en fonction de l’utilisation des bénéfices pour des investissements favorables ou non au développement de l’emploi, de la formation et respectueux de l’environnement.
– L’instauration d’un impôt territorial des entreprises. Sorte de nouvelle taxe professionnelle, véritable impôt sur le capital, il serait calculé sur les biens d’équipement (mobiliers et immobiliers). Une cotisation additionnelle au taux de 0,5 % serait appliquée sur les actifs financiers des sociétés et des banques (5 000 Mds pour les sociétés non financières, 11 000 milliards pour l’ensemble des entreprises y compris financières).
– Une amélioration de l’Impôt sur les grandes fortunes en augmentant son rendement par un barème relevé et une assiette élargie aux biens professionnels en les modulant selon que les entreprises augmentent ou non l’emploi et la masse salariale.
Une réforme de la fiscalité directe et indirecte supportée par les ménages compléterait ce dispositif :
– Par une redynamisation de l’impôt sur le revenu afin qu’il devienne universel, c’est-à-dire imposant de façon identique les revenus du travail et ceux du capital avec, entre autres, la suppression du crédit d’impôt attaché au versement de revenus de capitaux mobiliers et de certaines niches comme les investissements dans les DOM-TOM. Il s’agit également de rebâtir une vraie progressivité. Pour cela une douzaine de tranches seraient établies, le seuil d’imposition minimal serait le SMIC et le taux sommital serait de 65 %. La progressivité serait accélérée au-delà de 40 000 euros par an.
– Par une réduction de la part des prélèvements indirects, notamment de la TVA qui avec la TICPE représente 60 % des recettes fiscales de l’État. Il s’agirait dans un premier temps d’instaurer un taux 0 de TVA pour les biens de première nécessité (pain, lait et autres aliments de base) et un taux réduit pour les biens de consommation courante. Il s’agit de baisser la part des prélèvements proportionnels tel que la TVA et la TICPE dans les prélèvements mis à la charge des ménages au profit d’une progression de l’impôt progressif qu’est l’impôt sur le revenu beaucoup plus juste dans son application car tenant compte de la capacité contributive réelle des citoyens.
– Par une réforme de la fiscalité locale des personnes à partir d’une révision réelle des bases d’imposition jamais mise en œuvre depuis 1970 malgré diverses tentatives et finalement quelques ersatz mis en œuvre, et un plafonnement de la taxe d’habitation en fonction des revenus des ménages.
À l’évidence pour changer les choses dans notre pays une réforme fiscale en profondeur est indispensable, mais attention à ne pas jouer les « monsieur plus » de la fiscalité. Cela pourrait servir à masquer la nécessité d’intervenir sur d’autres leviers économiques fondamentaux comme la politique bancaire et le contrôle démocratique des salariés et des citoyens de la gestion de leur entreprise et de leur cité.
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