Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Safran : le show financier

Après le « show » de Mr Petitcolin, directeur général de SAFRAN, le 14 mars 2016 devant les investisseurs à Londres, retour sur cet événement qui consacre le changement dans la continuité.

Un changement de stratégie est engagé à Safran

près la création de Safran en 2005 issue de la fusion Sagem/Snecma, la direction a choisi, en 2008, de renforcer la branche sécurité en procédant à de nombreuses acquisitions d’entreprises. Près de 3milliards d’euros d’achat en particulier dans la sécurité. La CGT avait émis des réserves sur ces choix au moment où Snecma renonçait à un partenariat important avec General Electric sur le moteur GEnX, mettant ainsi un frein sur les embauches.

Actuellement, la direction Safran met en vente les activités de Morpho détection et s’apprêterait à céder l’ensemble des activités de cette société (cartes à puce, biométrie, documents officiels et identité faciale). 8 600 salariés dans le monde sont concernés ! Nos dirigeants estiment que ces activités sont de moins en moins liées à l’aéronautique.

Ce changement vise à se recentrer sur l’aéronautique et en particulier à renforcer CFM International, société commune Snecma/GE dont l’accord a été reconduit jusqu’en 2040. La transition entre le CFM et le LEAP est un enjeu majeur pour le groupe, préparant l’avenir avec un éventuel nouveau moteur à fort taux de dilution pour 2030 (démonstrateur en 2018).

Cette stratégie doit être renforcée, notamment la branche propulsion. Pour cela il est primordial de prendre en considération les 4 points suivants :

Maintenir le niveau de Recherche et Développement, y compris par le lancement de nouveaux programmes avions et moteurs.

Accroître les embauches pour assurer le renouvellement et renforcer les compétences en lien avec de nouveaux efforts sur la formation.

Agrandir les usines de production et garder des capacités importantes de fabrication, conditions d’une bonne maîtrise industrielle.

Relancer les études pour un turbopropulseur et être au rendez-vous des moteurs de l’avenir en lien avec le boom du numérique.

Tous ces points nécessitent de réduire les exigences financières exorbitantes de rentabilité.

Or le directeur général est plus préoccupé de rassurer les financiers sur la profitabilité du Groupe d’ici 2020 que de répondre favorablement aux attentes des salariés sur les salaires et l’emploi.

Pourtant, Safran doit faire face aux enjeux de croissance du marché aérien avec 2 000 LEAP à produire par an dès 2020 tout en poursuivant les efforts de recherche.

Lors du grand show qui a réuni les investisseurs du groupe à Londres en mars dernier, le directeur général a fait le point sur les autres activités du groupe Safran, activités défense, sécurité et équipements aéronautique, mais a «oublié» les turbines hélicoptères de Turbomeca !

Si le choix de vendre la branche sécurité se réalise, quel sera l’avenir de ces activités, des sites et des emplois ? Toutes décisions précipitées en la matière, sans visibilité sur les projets industriels, auraient inéluctablement des conséquences sur l’emploi, notamment sur l’emploi qualifié lié aux enjeux du numérique d’aujourd’hui et demain, où la France reste bien positionnée.

La rumeur revient en force de l’acquisition du groupe Zodiac par Safran qui avait échoué en 2010. Zodiac est un groupe important présent dans l’équipement des avions : sièges, éclairage, toilettes, chariots, pompes, masques… Mais acheter Zodiac pour faire quoi ? Quel intérêt pour les salariés des deux groupes ? À part des synergies sur l’électrique et le commercial, rien ne rapproche ces deux groupes sauf une opération capitalistique à la mode dans le monde du CAC 40. Et M.Petitcolin l’a précisé : «sans entamer la marge de 15% de profits visée par Safran en 2020» !

Au moment où une nouvelle crise financière menace l’économie et l’emploi dans le monde, l’année 2015 aura battu un record dans les fusions et acquisitions d’entreprises pour un montant de 4 600milliards de dollars dans un contexte où la «bulle obligataire» atteint 100 000milliards de dollars soit 7 fois le PIB mondial !

Le choix d’une forte rentabilité

Les propos du directeur général Safran sont clairs : augmenter la rentabilité de Safran à 15% pour 2020 avec un chiffre d’affaires de 21milliards d’euros (+20 %) et une croissance de versement de dividendes en hausse ! (+15 % en 2016)

Même Airbus et Thales n’arrivent pas à un taux de marge de profits à 10%. Les choix de Safran alimentent cette spirale financière dangereuse pour les salariés et toute l’économie !

Pour atteindre ces objectifs, la direction générale intensifie les externalisations vers les pays à bas coûts et zone $ comme le Mexique, la Pologne, le Maroc…

En France, les pressions s’accentuent sur les sous-traitants et fournisseurs, les salaires et les embauches sont bridés et les budgets de recherche et développement sont à la baisse.

Dans les sites du groupe nous condamnons la dégradation des conditions de travail, les délais trop courts, les pressions incessantes, ainsi que la remise en cause des conquêtes sociales.

Dans un contexte où les horaires de travail hebdomadaire dépassent les 40heures, M.Petitcolin signe la pétition du Medef en faveur de la loi «travail» El Khomri et réfléchit à son application au sein du groupe !

Depuis près d’un an, la nouvelle direction Safran imprime donc sa marque : réduire encore les coûts, faire jouer la concurrence et être toujours plus compétitif ! Ces choix ont conduit à ne plus financer le développement d’un turbopropulseur, ainsi que des centrales inertielles.

Car le directeur général le sait et le dit : «nous avons un modèle économique prévisible et solide». En effet, les succès d’aujourd’hui sont les résultats technologiques et industriels engagés depuis plusieurs années avec le CFM et Airbus, les hélicoptères, les roues et freins, l’électronique, l’optronique et l’avionique.

La vision stratégique de Safran ne serait-elle que la sécurisation du profit ? Donner une bonne visibilité aux actionnaires et investisseurs sur la pérennité des gros dividendes à percevoir ?

Nos industries aéronautiques méritent mieux que cette seule vision financière accompagnée de la suppression de toutes nos marques historiques ayant contribué à la renommée du groupe et qui sont mises à la poubelle aujourd’hui !

Elles ont besoin d’un plan stratégique de développement de toutes les sociétés du groupe ; que ce soit dans les recherches, études et développement, l’augmentation de nos capacités de production pour maintenir nos capacités de savoir-faire.

Ce plan stratégique de développement passe par des embauches, une politique de formation et d’intégration. Pour cela, la direction générale doit revoir son budget à la hausse pour les investissements et l’emploi, à la baisse pour les marges financières afin de favoriser notre industrie et nos emplois. zzz

 

 

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Par Janvier Alain , le 08 juillet 2016

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