Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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France-Allemagne: l'escroquerie de la "compétitivité"

le 12 avril 2011

France-Allemagne: l'escroquerie de la

La grande esbroufe d’Éric Besson

Sous prétexte d’un différentiel de compétitivité avec l’Allemagne, à partir d’une analyse très orientée, le gouvernement lance une offensive pour abaisser les cotisations sociales et les impôts des entreprises et flexibiliser davantage l’emploi.

Après la rigueur et le financement des retraites, c’est la compétitivité qui devient la question essentielle de la politique économique du gouvernement pour 2011. Un débat qui, pour la droite et le patronat, a l’avantage de mettre en avant leurs deux préoccupations du moment : geler, voire baisser, les salaires et alléger la fiscalité et les prélèvements sur les entreprises. Lors de ses vœux, Christine Lagarde l’a pointé du doigt : «La crise nous oblige à repenser notre système économique (…) Il faut emprunter à l’Allemagne partout où elle aura été efficace. Cela nous amènera à nous interroger non pas sur ce vieux débat mort et enterré des 35heures, mais sur le coût du travail qui tourne autour de 31 euros de l’heure contre 27,50 euros en Allemagne.» L’Assemblée nationale s’est également emparée de la question en créant une mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement social. Deux éléments «qui seront des bonnes bases de débat à l’approche des échéances essentielles de l’année 2012», avait précisé, Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale. Sans oublier le Medef, qui lors de sa conférence de rentrée, a répété sa rengaine. «Ne pas voir que la question de la durée du travail a eu un effet sur la compétitivité de notre pays et a toujours un effet sur la compétitivité de notre pays, c’est vraiment refuser de voir une réalité en face», a scandé aux journalistes Laurence Parisot, le doigt crispé sur des données d’Eurostat. Hier, Éric Besson, ministre de l’Industrie, a fait son entrée, en recevant un rapport très orienté, puisque réalisé par l’Institut Coe-Rexecode, réputé proche du patronat. «La France a perdu, au cours des années récentes, le seul avantage comparatif qui était le sien, celui des prix moins élevés. La compétitivité prix des produits allemands est même désormais souvent supérieure à celle des produits français.» Les responsables sont tout de suite désignés. Entre la politique de réduction du temps de travail en France et celle de compression salariale outre-Rhin, «le coût horaire du travail dans l’industrie manufacturière a progressé de 28% en France entre 2000 et fin 2007 contre seulement 16% en Allemagne», indique le rapport.

Une divergence qui s’expliquerait par la politique « de compétitivité forte», menée par l’Allemagne dès le début de l’année 2000, caractérisée par une maîtrise des déficits publics, un effort d’investissement en recherche et «des réformes profondes du marché du travail». Alors qu’«à peu près au même moment, nous avons engagé en France la forte réduction de la durée du travail», a expliqué le président de l’institut, Michel Didier. C’est d’abord oublier que l’Allemagne a plus durement souffert de la récession en 2009 avec la modération salariale anéantissant la consommation intérieure. C’est surtout, sur le fond, un coût du travail étudié sans prendre en compte la quantité de biens et de services, de marchandises que la force de travail permet de produire en un laps de temps donné, ce qu’on appelle la «productivité du travail». En 2009, le conseil des prélèvements obligatoires, une des antennes de la Cour des comptes, reprenait une étude du département du Travail américain démontrant que le coût horaire industriel moyen est moins élevé en France qu’en Allemagne, au Canada, au Royaume-Uni et en Italie. Ainsi, le coût du travail en France n’est pas le principal obstacle à la compétitivité française, puisque les coûts salariaux sont compensés par une productivité plus forte. D’autant que la recherche effrénée d’une compétitivité fondée sur les bas salaires est une illusion : sur ce terrain, effectivement, on ne concurrencera jamais les pays à bas salaires

 Augmenter la TVA et la CSG

Autre argument avancé : «Le poids de nos charges sociales ainsi que la taxation de l’industrie.» Selon Michel Didier, il faudrait diminuer celles-ci de 10à 15milliards d’euros, et compenser en augmentant la TVA et la CSG. Or, la France ne consacre pas moins de 22 milliards d’euros par an à la baisse du coût du travail entre 1et 1,6Smic et, pour le moment, l’efficacité en termes d’emploi ou de compétitivité n’est pas avérée, au contraire. Peu importe, la bataille est avant tout idéologique puisque l’objectif est de « baisser de 5 % à 10 % les coûts de production dans l’industrie», au travers un «pacte de compétitivité industrielle ». Les syndicats auront donc fort à faire, lors de la concertation au sein de la Conférence nationale de l’industrie (CNI) qui s’ouvrira début février.

Clotilde Mathieu