Les élections régionales ont eu lieu dans un contexte politique qui interroge à bien des égards. Resituons l’enjeu de cette consultation. Dernier temps fort électoral avant la présidentielle de 2017, elles prennent un sens particulier considéré par beaucoup comme une sorte de ballon d’essai pour les stratégies électorales futures. La course est d’ailleurs lancée. De la droite au PS en passant par Eelv jusqu’au Front de gauche.
Le problème est que toute cette agitation a tendance à reléguer au rang de subalterne la question pourtant centrale des contenus. Une exigence de contenus essentielle pour construire, dans le même mouvement, une alternative crédible et radicale aux politiques d’austérité et un rassemblement durable et lucide des citoyennes et des citoyens, jusqu’à devenir majoritaire. Dans cette construction, le PCF, par sa présence, sa démarche, son rôle avec ses propositions originales, sera une des clés pour hisser le débat sur des propositions à la hauteur des enjeux posés.
De ce point de vue, les élections régionales ont constitué un sérieux tour de chauffe qu’il s’agit de ne pas prendre à la légère et qui exige une campagne déterminée, visible car clairement identifiable autour de quelques axes donnant à voir une cohérence politique de la région à la nation, jusqu’à l’Europe.
Attention cependant au piège des discours sur le phénomène de lassitude qu’engendrerait la succession des élections. Ces propos nourrissent l’abstention et le vote Le Pen. Est-ce la répétition des élections qui lasse le peuple ou est-ce la répétition des promesses non tenues, des politiques de renoncement qui désabusent le peuple et le poussent à bouder les urnes ?
Promesses sans lendemain, alliances sans contenus et sans mobilisations maîtrisés par le peuple ne sont-elles pas le meilleur moyen de tuer à petit feu la démocratie et de vider les élections de leur sens politique réel ? Il est de notre responsabilité de communistes de faire que cela change, et de se saisir du temps électoral comme d̕un temps remarquable du débat sur les alternatives, comme un temps de batailles créatrices sur les contenus, un outil de la lutte politique au quotidien pour un changement profond des politiques territoriales, nationales et européennes.
D’une certaine manière le résultat de la consultation préélectorale des communistes en région Auvergne Rhône-Alpes qui a donné 91,68 % en faveur d’un PCF/Front de gauche largement ouvert aux citoyens et qui ne crédite une alliance avec le PS que de 6,05 % et une autre avec EELV et au cas d’espèce avec le PG, son allié de circonstance, que de 2,27 %, ne reflète-t-il pas une telle aspiration ? Ne sous-tend-il pas la nécessité de batailles politiques partant du vécu des populations, renvoyant à des questions de fond comme celles de l’emploi et des financements ? Ce qui souligne la nécessité d’un PCF combatif, fort de contenus crédibles et radicaux pour transformer la société. Un PCF dont il y aura de plus en plus besoin, avec ses propositions et l’activité de ses militants et de ses élus. Des élus communistes qui mettront les connaissances acquises dans l’exercice de leur mandat au service des luttes et de la mobilisation populaire.
C’est dans un contexte législatif bouleversé et une organisation territoriale profondément remodelée que les élections régionales des 6 et 13 décembre se sont tenues. C’est le résultat de l’entrée en vigueur, après deux ans de discussions et de tergiversations, de la loi Notre dont les principales orientations sont les suivantes.
Des régions élargies pour des missions rétrécies
Ce texte de loi confirme, en termes d’organisation administrative des territoires, la montée en puissance des régions et des intercommunalités. Néanmoins, les départements sont conservés mais pour combien de temps ? Concrètement l’articulation entre les niveaux d’organisation territoriale se présente ainsi :
– La clause de compétence générale, qui permet à une collectivité territoriale de se saisir de tout sujet ne relevant pas de l’État, est supprimée pour les départements et les régions. Elle avait déjà été abrogée pour ces collectivités sous le mandat de N. Sarkozy mais rétablie au début de celui de F. Hollande. Seul le bloc communal en sera désormais doté.
– Le bloc communal, seul niveau à conserver la compétence générale, aura en charge les services de proximité. Mais on remarquera qu’on parle de plus en plus de bloc communal au détriment des communes.
– Les treize grandes régions créées en métropoles par la loi votée en décembre 2014 auront compétence sur le développement économique, l’aménagement du territoire, la formation professionnelle, la gestion des lycées et les transports, y compris les transports scolaires. Elles pourront jouer un rôle de coordination en matière d’emploi, mais sans toucher cependant aux prérogatives du Pôle emploi. Elles seront un moteur en matière d’environnement.
– Les départements, dont le projet de loi initial prévoyait la suppression, sont maintenus et gardent la gestion des collèges, des routes et de l’action sociale.
– La culture, les sports, le tourisme, l’éducation populaire et les langues régionales relèveront à la fois des régions et des départements. Les ports pourront relever, selon les cas, d’un type ou d’un autre de collectivité territoriale.
– Les deux départements et la région de Corse fusionneront à compter du 1er janvier 2018 dans une collectivité unique.
En arrière-plan de ce redécoupage administratif sont des choix politiques majeurs. Leur finalité est la mise en coupe réglée de nos territoires par les multinationales et les marchés financiers. Cela a pour formes concrètes : privatisations, mise en concurrence, casse des outils démocratiques. Le but qu’ils poursuivent est de réduire les services publics en transférant leurs missions jugées juteuses au privé (santé, transports, formation professionnelle mais aussi restauration scolaire…). L’objectif poursuivi est de capter le maximum de valeur ajoutée, mais aussi, dès le niveau régional, d’utiliser les banques et le crédit pour soutenir leurs opérations spéculatives (gonflement des dividendes et soutien de leurs plans de restructuration).
Tout indique que les régions vont jouer un rôle de plus en plus important dans l’utilisation de l’argent, au plan national comme européen.
L’aggravation de la crise systémique du fait des réponses capitalistes au choc de 2007-2008 conduit à toujours plus de déstabilisation et de violence. Le monde est en ébullition avec la multiplication de conflits régionaux et le retour à des vagues de réfugiés dignes des grands conflits mondiaux sur fond de ralentissement économique, caractérisé notamment par le recul de la croissance dans les pays émergents, particulièrement en Chine. Mais l’économie américaine qu’on nous présentait comme repartie de plus belle envoie des signes de faiblesse. En Europe les prévisions de croissance viennent d’être revues à la baisse de 0,2 %, de même que celles de l’inflation ; ce qui fait courir un sérieux risque de déflation. Sujet préoccupant qui conduit M. Draghi à décider que la BCE poursuive ses achats d’actifs (60 Mds par mois, de mars 2015 à septembre 2016) et maintienne son taux directeur à son plus bas niveau (0,05 %).
Quant à la France, au-delà des effets de manche d’un F. Hollande qui joue petit bras en tout sauf en ce qui concerne les cadeaux au Medef et l’allégeance à Mme Merkel, elle est dans un état inquiétant. Le chômage ne recule pas, sur l’année il enregistrera même une progression importante avec une nouvelle saignée de l’emploi industriel. Concernant la croissance, le second trimestre se solde par un zéro pointé. Le résultat positif escompté en fin d’année ne sera du qu’à des éléments exogènes (coût des matières premières, baisse de l’euro, injections de la BCE).
Et comme une sorte de pied de nez, le gouvernement s’en prend à nouveau par l’intermédiaire de Macron au droit du travail et à la réglementation sociale. La baisse de la dépense publique est sacralisée : 1,5 Md supplémentaire d’économies est prévu ainsi qu’une baisse de 2 Mds du produit de l’impôt sur le revenu. Ce sont les « messieurs moins » en tout. Ce n’est pas moins d’impôts que les gens veulent mais plus de salaires, d’emplois, de services publics… Ce n’est pas moins de cohésion territoriale et de vivre ensemble mais plus de solidarité, plus d’investissements, plus de réponses de proximité auxquels nos concitoyens aspirent ; ce qui est juste le contraire de la déresponsabilisation sociale et territoriale des entreprises, de la casse des services publics et de la destruction de l’expression démocratique. C’est pourtant, avec la loi Notre, le nouveau cadre politique dans lequel le gouvernement a souhaité inscrire les prochaines élections régionales.
C’est cette politique qui est d’une grande violence et qu’il faut radicalement transformer. Cela passe par la mobilisation de financements nouveaux pour une autre efficience de l’administration territoriale.
Une des questions centrales est l’autonomie financière des collectivités territoriales. Une autonomie financière dont l’article 72-2 de la Constitution de 1958 posait les principes stipulant que : « Les ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources, tout transfert de compétences doit s’accompagner du transfert des financements correspondants et, pour satisfaire au principe d’égalité, une péréquation intervient entre collectivités afin d’assurer une certaine autonomie financière aux collectivités les moins riches ». C’est cette autonomie financière qu’a totalement mis en cause la loi 2010 de décentralisation jusqu’à supprimer dans les faits cette capacité pour les régions. Depuis, et la loi Notre le confirme les régions n’ont plus la capacité de lever directement l’impôt. Ne disposant plus du levier des taux, cela revient à leur ôter toute autonomie budgétaire et financière réelle, toute possibilité de décision réelle. Elles ne votent leur budget qu’à partir d’une enveloppe contrainte faite de dotations d’État et de transferts de parts de fiscalité nationale.
Desserrer l’étau de l’austérité
Aujourd’hui, la fiscalité qui abonde le budget des régions est une fiscalité dont les taux et l’assiette ne relèvent plus d’une gestion et de décisions des élus régionaux. Les principales recettes fiscales des régions sont réduites à une simple allocation de recettes d’ordre national résultant de taxes comme les IFER (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau), la CCVA, cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée dégagée par les entreprises, dont le taux est déterminé par le Parlement la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), les cartes grises sur le taux desquelles les régions peuvent encore agir mais dont le produit ne représente que 8 % de leur budget, et d’autres taxes (taxe spéciale sur les conventions d’assurance, taxe sur les surfaces commerciales…). Bref une foultitude de petites taxes venues remplacer subrepticement la taxe professionnelle et ayant surtout pour fonction de transférer le financement régional des grandes entreprises vers les plus petites et les commerçants et artisans.
La loi NOTRe confirme et aggrave la loi 2010 portant réforme des collectivités territoriales, affectant particulièrement les finances des régions sur trois points : la clause de compétence générale, la fiscalité locale et les financements croisés (cofinancement d’un même projet par plusieurs collectivités).
Aujourd’hui le budget des régions représente 28 milliards d’euros (investissement et fonctionnement), une somme restée quasiment étale depuis 2008 alors que le transfert des compétences de l’État vers les régions s’élève pour l’année 2014 à plus de 15 milliards d’euros.
Difficile dans ces conditions pour les régions d’assumer comme l’ensemble des collectivités leur part de solidarité nationale au travers des services publics qu’elles proposent sur tout le territoire (transports collectifs, éducation, formation professionnelle, sport, culture, santé…). Les régions, chevilles ouvrières de ce dispositif solidaire, éprouvent de plus en plus de difficultés à jouer leur rôle de remparts contre la crise sociale et le recul de la démocratie qu’engendrent les politiques d’austérité et la résignation à la domination des marchés financiers. La stagnation de leur enveloppe budgétaire pousse à des choix drastiques en matière d’offre de formation professionnelle, de transport public, de culture et de santé, même si les Agences régionales de santé disposent d’un budget propre mais qui lui-même est en constante érosion.
La réduction massive des concours de l’État aux régions comme à l’ensemble des collectivités territoriales est la conséquence directe de l’obsession de Bruxelles au service des marchés financiers de baisser la dépense publique au prétexte de réduire dettes et déficits publics. Au total, au cours des années 2013 et 2014, cette réduction aura représenté 4,5 Mds € cumulés. S’y ajoutera une somme de 11 Mds entre 2015 et 2017, en cumul 17 Mds. Pour la seule année 2015, les régions auront dû se passer de 451 millions €.
Difficile pour justifier une telle évolution d’incriminer un excès de dépenses des régions. Leur budget est en effet resté à l’identique depuis 2008. La réalité est toute autre. Les régions ont été mises à mal par la réforme de la taxe professionnelle qui les a privées de tout levier fiscal et les a mis sous tutelle financière de l’État, tant la part des dotations est forte (47 %) et l’autonomie fiscale faible. Privées de ressources dynamiques et confrontées à des dépenses contraintes inflationnistes (formation professionnelle, TER), les régions ont perdu, sur 2010-2012, 250 millions d’€ d’autofinancement par an en moyenne. En 2014, elles ont supporté une baisse de DGF de 184 m€ et un recul de CVAE de 100 M€. La baisse des dotations aux régions de 440 M€ par an en 2015, 2016 et 2017 revient à amputer leur capacité d’autofinancement de près de 1,3Md €, soit de 33 %.
Face à ces contraintes et pour respecter l’obligation d’équilibre de leur budget annuel, les régions sont confrontées à un dilemme : soit elles rentrent dans le moule des politiques d’austérité chère à la droite et aux sociaux-libéraux en privatisant ou en abandonnant des missions, soit, ne pouvant plus utiliser le levier fiscal, elles recourent à l’emprunt. C’est ce à quoi elles ont dû consentir, voyant ainsi le volume global de leurs emprunts passer de 157M€ en 2010 à 234 M€ en 2014. Si le recours à l’emprunt, c’est-à-dire au financement par les banques, est finalement quelque chose de logique et de normal, ce qui l’est moins ce sont les taux d’intérêts appliqués et la logique de rentabilité des institutions bancaires comme si rien n’avait vraiment évolué depuis l’épisode Dexia.
Face à cela, que faire ? Réduire les dépenses, encore et toujours plus, privatiser les services publics territoriaux sous prétexte de faire reculer le poids des dettes ? C’est ce qui s’est fait en Grèce pendant cinq ans. Résultat : cinq années de récession et une dette publique qui, rapportée aux richesses nationales produites, est passée de 128 % en 2008 à 176 % début 2015 !
Faut-il créer de nouveaux impôts spécifiques aux régions comme le prévoient, par exemple, les textes portant l’installation des nouvelles intercommunalités dites à fiscalité propre ? Des impôts dont l’assiette mettrait essentiellement à contribution les ménages alors que, déjà, le taux de prélèvement des administrations publiques locales a atteint 6,1 % du PIB en 2014, contre 4,5 % en 2010 ? Toute chose égale par ailleurs, cela contribuerait à rétrécir la demande intérieure déjà écrasée par la stagnation des salaires, le chômage et la pauvreté.
Faut-il, alors, se résoudre à faire passer les régions comme l’ensemble des collectivités territoriales sous les fourches caudines de marchés financiers de plus en plus avides ?
Rien de tout cela ! Il faut augmenter les ressources propres des régions comme de l’ensemble des collectivités territoriales sans accroître la pression fiscale sur les couches populaires et sans s’enfermer dans une spirale de la dette. Et c’est possible ! En cherchant, sans attendre, à mobiliser autrement le crédit des banques sur les territoires, en exigeant une réforme de la fiscalité locale et en revendiquant beaucoup plus de pouvoirs pour les citoyens et leurs élus sur l’utilisation des fonds publics, du crédit et des profits sur les territoires.
Face à la croissance des besoins populaires et à la nécessité d’apporter de nouvelles réponses pour combattre la crise et ses effets, les régions ont besoin de disposer de nouvelles ressources pour construire des politiques régionales de gauche en rupture avec les politiques d’austérité que la droite veut encore aggraver. Les régions seront ainsi autant de points de résistance aux choix antidémocratiques dictés par les marchés financiers et d’outils pour une alternative politique globale. Dégager de nouveaux financements pour les régions suppose d’agir en deux directions.
Les régions sont le niveau de collectivité avec la plus faible autonomie fiscale. Elles doivent donc retrouver un niveau d’autonomie qui pourrait être fixé au taux moyen d’autonomie des collectivités ce qui participerait à réduire la part des dotations de l’État dans leur financement. Il est temps de sortir d’une logique de sous-traitance financière des régions par rapport à l’État, qui a largement atteint ses limites. Ce changement suppose d’une part une réforme d’ensemble de la fiscalité locale, elle-même partie prenante d’une profonde refonte des prélèvements fiscaux. Quatre principes doivent présider une réforme de la fiscalité locale. Il s’agit :
1. Du maintien du caractère indiciaire de la fiscalité locale.
2. Du respect de l’autonomie des collectivités territoriales.
3. Du refus de la spécialisation de l’impôt.
4. De la mise en cause du principe des « taux liés ».
Sur ces bases, se construirait la réforme des prélèvements fiscaux locaux avec en son centre la création d’un nouvel impôt local sur le capital des entreprises et une refonte de la fiscalité locale des personnes.
Un nouvel impôt territorial des entreprises
En prenant appui sur les besoins de services publics locaux, de logements sociaux, de dépenses d’accompagnement, il serait décisif de doter la France d’un nouvel impôt territorial assis sur le capital matériel des entreprises (bâtiments, terrains et équipements) et d’une contribution additionnelle nationale calculée à un taux modulable1 entre 0,3 % et 0,5 % sur leurs actifs financiers. Cette contribution perçue par les communes rapporterait immédiatement plus de 20 Mds €, s’agissant de la taxation des seules entreprises non financières.
Une nouvelle fiscalité des personnes
Celle-ci exige une révision foncière digne de ce nom (révision des bases d’imposition des immeubles bâtis et non bâtis) jamais pratiquée depuis 1970. Conduisant à une augmentation importante de la valeur locative de ces immeubles, il incomberait aux collectivités territoriales de travailler à une adaptation de leurs taux d’impôts fonciers dans le cadre de budgets participatifs. La taxe d’habitation, calculée sur la même base, serait modulée en fonction de la situation économique des foyers concernés et plafonnée.
La redéfinition d’une part fiscale régionale
Eu égard aux compétences développées par les régions dont beaucoup ont trait au développement économique et à l’emploi, il conviendrait d’asseoir leurs ressources fiscales propres sur la création d’une part régionale. Celle-ci aurait une assiette diversifiée reposant d’une part sur le foncier non bâti et de l’autre sur le foncier bâti des entreprises ainsi que sur la base matérielle du nouvel impôt territorial des entreprises. Dans une étape intermédiaire, on pourrait retenir la base prise en compte pour le calcul de la CFE.
Les régions, renouant avec le vote de taux d’imposition, retrouveraient une authentique capacité de décision budgétaire. Pour ne pas alourdir la charge fiscale locale des ménages qui verraient apparaître une ligne supplémentaire sur leur avis d’imposition (en foncier non bâti), il conviendrait de basculer une partie du montant des dotations de l’État jusque-là affectées aux régions et devenues couvertes par le produit de cette nouvelle fiscalité régionale, sur les dotations affectées aux autres collectivités. Ces dernières pourraient ainsi faire face à leurs dépenses nouvelles sans augmenter leur impôt local, donc sans contrainte nouvelle sur les ménages.
Mobiliser immédiatement les banques sur les territoires pour une autre politique du crédit
Si une réforme de la fiscalité locale est nécessaire, s’il est juste que les régions retrouvent une autonomie budgétaire, on mesure les limites d’une telle réforme notamment au regard des besoins réels de financements régionaux pour redynamiser l’économie, développer la formation professionnelle, rénover les lycées, moderniser et adapter le rail aux besoins actuels de déplacement (cadencement, rénovation du parc, etc.), soutenir les politiques culturelles. Cela se chiffre en dizaines, voire en centaines de milliards d’euros pour l’ensemble des régions. Vouloir le financer par la fiscalité ou des dotations d’État serait soit mettre à genoux les contribuables, soit capter une part du budget national qui ferait largement défaut ensuite au fonctionnement des institutions nationales.
Créer des Fonds régionaux pour l’emploi et la formation (FREF)
Il est donc nécessaire d’envisager sérieusement d’autres voies de financement. Parmi elles, il en est une particulièrement efficace et tout à fait mobilisable. Il s’agit des banques et plus particulièrement du crédit bancaire. À ce titre, il est possible tout de suite, par la création de Fonds publics régionaux, de mobiliser le crédit et les banques sur des actions de développement des ressources propres des régions, afin qu’elles puissent soutenir un essor de leurs services publics et de leur intervention.
Les banques ont le pouvoir, par le crédit, de créer de la monnaie pour financer des investissements créateurs d’emplois durables accompagnés de formations. Elles l’ont utilisé jusqu’ici, surtout, pour des opérations plus ou moins spéculatives, tout en cherchant à faire des profits faciles sur les PME et les collectivités locales. Cela a conduit à l’explosion de la crise financière et à la paupérisation de nombreux territoires.
Or, le système bancaire dispose, en France, d’une ressource considérable quasi gratuite : le virement, chaque mois, des salaires, pensions, retraites et allocations sur les comptes courants dans chaque agence (200 milliards de dépôts dans les banques de Rhône-Alpes Auvergne, 500 milliards dans les banques de l’île-de-France). Cet argent n’est pas celui des banquiers, mais de la société. Il doit servir à sécuriser, non pas les financements spéculatifs mais le crédit pour un essor de l’emploi, de la formation avec les capacités productives et de services nécessaires sur tous les territoires.
Plus le crédit servira in fine à financer des créations d’emplois et l’essor des qualifications dans chaque région et plus leur base fiscale croîtra. Leurs ressources propres s’élevant, elles pourront d’autant mieux développer leurs services publics. Simultanément les dépôts des salariés, en augmentation dans les banques et le système financier, viendront accroître sa sécurité.
Rôle et missions des FREF
Dans chaque région serait créé, à l’initiative du Conseil régional et par redéploiement des aides aux entreprises, un Fonds public pour l’emploi et la formation (FREF). Il prendrait en charge tout ou partie des intérêts payés aux banques par les entreprises sur les crédits finançant leurs investissements matériel et de recherche (bonification) selon la règle suivante. Plus les entreprises par leurs investissements programmeraient d’emplois et de formations correctement rémunérés et contrôlés et plus les intérêts à payer aux banques sur ces crédits seraient abaissés.
Le FREF serait géré par un conseil d’administration placé sous l’autorité du président de la région et composé d’élus régionaux et locaux, de représentants des organisations syndicales de salariés et des associations de chômeurs, de représentants du système éducatif et de formation, des employeurs et institutions financières, de l’État. Ce conseil, après débats et consultations des institutions représentatives du personnel des entreprises, déterminerait les critères et le montant des attributions ainsi que les modalités d’évaluation et de contrôle. Dans ce cadre, les FREF permettraient de faire face aux urgences et de préparer l’avenir.
D’une part, le Conseil régional interviendrait pour que, dans chaque département, le préfet décide d’un moratoire sur les suppressions d’emploi et réunisse des tables rondes pour discuter des propositions alternatives des syndicats, des comités d’entreprises, des délégués du personnel et des élus. En mobilisant un nouveau crédit bancaire et des capacités d’expertise pluralistes, le FREF serait le partenaire financier de ces actions aidant à ce que les propositions retenues soient celles qui choisissent la réduction des coûts du capital (intérêts, dividendes) et non celui du travail.
Il faciliterait l’accès à la formation qualifiante des salariés vulnérables, en liaison étroite avec les missions locales pour l’emploi, l’AFPA et le service public de la formation continue, et il encouragerait leur maintien en formation jusqu’au retour à un emploi décent.
De l’autre, le Conseil régional ferait procéder, en concertation avec les autres collectivités, à un inventaire détaillé des besoins d’emploi, de formation et d’accompagnement. Il prendrait l’initiative d’organiser une Conférence régionale annuelle pour que les salariés, les citoyens, avec les syndicats, les associations, les élus, les représentants des entreprises, des institutions financières et des services publics puissent intervenir sur les choix. à partir du recensement des besoins, cette conférence définirait des objectifs sociaux chiffrés de recul effectif du chômage, de créations d’emplois ou de transformations d’emplois précaires en emplois stables et correctement rémunérés, de mises en formations, depuis les bassins d’emploi et jusqu’au niveau régional. Le FREF serait largement sollicité, avec d’autres institutions, pour contribuer à la réalisation des décisions.
La région, en concertation avec d’autres, interpellerait le Parlement et le gouvernement pour que soit réunie une conférence nationale annuelle visant, dans le même esprit, à sécuriser l’emploi et la formation à partir d’objectifs chiffrés annuels (SEF). Elle demandera, pour cela, la création d’un Fonds national pour l’emploi et la formation (FNEF) abondé par l’argent stérilisé aujourd’hui par les exonérations de cotisations sociales (30 Mds€).
Chaque avancée en ce sens permettra de commencer à desserrer structurellement l’étau financier sur les régions et les autres collectivités territoriales. Il permettra, en même temps, de rassembler pour un changement de cap politique à gauche.
Chaque FREF créé sera une base pour l’édification ultérieure, au plan national, d’un pôle financier public à partir de la caisse des dépôts, de la BPI et de la Banque Postale…
FREF, FNEF et pôle public financier seraient autant de leviers constitutifs d’un rapport de force pour une réorientation du crédit et du rôle de la BCE afin qu’elle finance, comme l’y autorise le traité de Lisbonne (Art. 123.2), un fonds européen de développement social et écologique soutenant les créations d’emplois et l’extension des services publics. Ce serait un moyen considérable pour arracher la création monétaire à la domination des marchés financiers, faire reculer le poids des dettes publiques et soutenir une croissance riche en emplois, en formation, en augmentation des salaires, des retraites, des prestations et allocations sociales.
Mobilisation de l’argent, relance sociale par le développement de l’emploi et des services publics, sous contrôle des citoyens et des salariés, sont les points d’ancrage d’une politique de transformation sociale, d’une politique de gauche contre les visées des ultras et des socio-libéraux qui ne génèrent qu’austérité et désespérance. Se fixer pour objectif « l’humain d’abord », c’est avancer dès le niveau régional des propositions en ce sens.
La poussée fédéraliste en Europe conduit à la construction de grandes régions soumises aux choix de quelques oligarques au service des multinationales et des marchés financiers.
Il s’agit de répondre à cette régression par la construction d’une alternative démocratique qui parte des aspirations des populations. Dégager des voies de financements nouveaux par une réforme de la fiscalité locale et l’installation de fonds publics régionaux constitue des points d’appui décisifs d’un dispositif de reconquête d’une véritable souveraineté populaire dans les territoires. Mais il s’agit aussi de traiter cette question sous un angle institutionnel avec, au cœur, l’enjeu de l’exercice des pouvoirs par les citoyens eux-mêmes.
Depuis de nombreuses années un processus de recul de la démocratie de proximité est engagé. Au prétexte de nouer des coopérations et de nouvelles solidarités au niveau des territoires qui sur le fond sont nécessaires, ont été institués des niveaux d’organisation : communauté de communes, puis d’agglomération, puis maintenant grande agglomération, métropoles et nouvelle région, dont l’objectif principal est d’adapter les territoires et les citoyens aux exigences « maastrichtiennes » et « lisbonniennes » de réduction de la dépense publique. Un tel choix qui implique contraintes et récession peut de moins en moins s’accommoder de l’exercice d’une démocratie populaire de proximité. D’où une loi Notre qui parle de bloc communal et qui institutionnalise de nouvelles régions atteintes de gigantisme.
Des propositions pour une alternative crédible
Les régions doivent être remises sur les rails d’une décentralisation démocratique que la disparition de leur capacité à lever l’impôt, donc à disposer d’une autonomie budgétaire réelle, a transformées en déconcentration. Contrairement aux idées répandues sur l’extension des pouvoirs d’intervention des régions, il n’en est rien. La tendance actuelle pousse les régions à n’être que des échelons déconcentrés exerçant des pouvoirs et des missions, détenus et décidés, en d’autres lieux, pour l’essentiel au niveau européen avec des états-relais eux-mêmes soumis au diktat de la troïka. Les régions sont devenues les instruments d’une utilisation de l’argent au profit des marchés financiers.
Répondre à cette évolution par un retour à des régions plus proches des autres niveaux d’organisation territoriale et des citoyens est nécessaire mais pas suffisant. Dépasser la loi Notre suppose de définir de nouveaux espaces d’intervention, d’initiative et de décisions des citoyens comme des salariés.
Trois pistes pour des régions démocratiques
Les fonds publics régionaux pour l’emploi et la formation avec l’exigence de pouvoirs nouveaux d’intervention des élus, des syndicats et des salariés pour le mobiliser et s’assurer ensuite de l’efficacité sociale (emploi et formation) des investissements réalisés par les entreprises ayant bénéficié de prêts bonifiés, sont un espace à investir.
Les commissions de contrôle de l’attribution des aides publiques directes en constituent un second.
La création de conférences régionales annuelles pour l’emploi, ayant pour objet d’instaurer une véritable gestion prévisionnelle des emplois et faisant intervenir à cette fin les entreprises, les élus, les salariés avec leurs syndicats et leurs associations représentatives (par exemple associations de chômeurs) et le service public de l’emploi, est un troisième espace de démocratisation de la gestion régionale.
Le nouveau financement que procurerait la contribution sur les actifs financiers des entreprises permettrait de confirmer la commune comme lieu par excellence d’exercice de la proximité politique et de la démocratie locale. Une réforme complète de la fiscalité locale, induisant une redéfinition générale des valeurs locatives ouvrirait le chemin à la construction de budgets locaux réellement participatifs. À cette fin, les commissions des impôts directs locaux (composées d’élus, de citoyens et de fonctionnaires des finances) pourraient être réorientées en deux directions :
- Élaboration des budgets par la récolte et le traitement d’informations et des souhaits de la population ;
- Contrôle de l’exercice budgétaire : efficacité économique et efficience sociale des dépenses.
Les intercommunalités, par leur importance géographique, économique et institutionnelle, rivalisent souvent avec le département. Sans enfourcher la thèse libérale du millefeuille, cette situation pose question. Par exemple en Drôme, l’agglomération Valence Romans Sud Rhône-Alpes c’est 110 délégués communautaires, 60 % de l’activité économique du département et presque 40 % de la population dont une grande part de population active. Le département c’est 38 conseillers départementaux et la conduite de l’action sociale pour tout le département. Cette organisation revient à couper le financement de l’action sociale de l’action économique. Ce n’est pas une mince question.
En termes géographiques, un toilettage des frontières départementales est sans doute à examiner. Au plan politique et administratif, une harmonisation entre les départements et les intercommunalités dont la dimension mise en commun, certes biaisée aujourd’hui, répond à un réel besoin, doit être examinée avec sérieux. Elle pourrait se matérialiser par la création d’une administration départementale exercée par un conseil constitué de conseillers départementaux élus directement et de délégués communaux issus des conseils municipaux. Des commissions permanentes auraient en charge l’animation, la coordination et l’impulsion de missions et de compétences par zones pour tout le département. Cela permettrait d’assurer un développement harmonieux, diversifié et équitablement réparti sur l’ensemble des zones urbaines comme rurales.
Nul doute que cette réflexion doit être poursuivie et approfondie. Plusieurs rapports parlementaires ont déjà traité de cette question. Nous ne pouvons donc différer plus longtemps la mise en chantier d’une alternative de notre temps aux enjeux posés pas la déstructuration capitaliste de nos modes de vie et d’organisation administrative ainsi que par les aspirations nouvelles des populations à plus de démocratie et donc à de nouveaux pouvoirs d’intervention et de décision. zzz
1. Une modulation serait établie à partir du rapport entre actifs. financiers et investissements productifs.
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