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La négociation collective, le travail et l’emploi

Analyse synthétique du rapport de Jean-Denis Combrexelle

Le rapport Combrexelle prône une refonte des modalités de la négociation collective, qui s’inscrit dans une redéfinition des normes du droit du travail. Commandé par le gouvernement, il constitue le socle des propositions de réformes du Code du travail annoncé par le Premier ministre pour adapter la relation de travail aux besoins des entreprises dans un contexte de concurrence internationale exacerbée.

Étape supplémentaire de la réforme structurelle du coût du travail, après les lois de sécurisation de l’emploi et lois Macron, ce rapport formule habilement une nouvelle approche de la négociation collective et une inversion de la hiérarchie des normes, en prétendant partir aussi de certaines aspirations des salariés, même s’il les détourne.

La lettre de mission du 1er avril 2015 du Premier ministre a chargé Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale au Conseil d’État et ancien Directeur général du travail, d’une mission sur « l’élargissement de la place de l’accord collectif dans notre droit du travail et la construction de normes sociales. Il s’agira en particulier […] de faire une plus grande place à la négociation collective et en particulier à la négociation d’entreprise, pour une meilleure adaptabilité des normes aux besoins des entreprises ainsi qu’aux aspirations des salariés. »

Il est affirmé que tous les acteurs, responsables et commentateurs, seraient d’accord pour développer le dialogue social et plus particulièrement, l’accord collectif signé entre des partenaires sociaux représentatifs. Le dialogue social est présenté comme le point de convergence qui permettrait d’assurer l’efficience économique et le progrès social. Cependant ce consensus reposerait en fait, selon le rapport, sur des malentendus et resterait superficiel, en raison, déclare-t-on, de la complexité des règles qui s’appliquent. La négociation sociale serait mal comprise, et apparaîtrait à beaucoup comme dépassée dans un contexte de crise et d’ubérisation de notre économie. L’objet du rapport ne se bornerait pas à une réflexion sur le droit de la négociation collective et l’éventuelle modification de tel ou tel article du Code du travail, mais devrait montrer comment faire évoluer la négociation collective pour en faire un outil de régulation économique et sociale. Il s’agirait de sortir d’une logique déclarée purement juridique, formelle, institutionnelle, considérée comme trop fréquente en France, pour donner concrètement aux acteurs le goût, la volonté et la capacité, non seulement de négocier, mais de faire de la négociation un véritable levier de transformation au service de l’emploi et de la compétitivité des entreprises. Le bilan quantitatif de la négociation est jugé positif, avec un nombre élevé d’accords signés, mais le bilan qualitatif est discuté et le rapport regrette que les partenaires sociaux ne se soient pas plus saisis des possibilités qui leur ont été données par ces réformes successives. Dans les faits, les freins seraient nombreux : le renvoi à la négociation ferait, regrette le rapport, souvent l’objet d’un procès en légitimité, notamment de l’ensemble des acteurs qui élaborent, commentent et contrôlent la norme législative. Alors que selon le rapport, l’État ne souhaiterait pas à tout prix imposer des normes à la société civile et faire « grossir » encore le Code du travail. Mais tous les acteurs souhaiteraient, à chaque étape de l’élaboration de la norme, la sécuriser un peu plus en la détaillant. Pour les employeurs, la négociation est davantage perçue comme une contrainte et un coût que comme un levier de performance ; pour les acteurs syndicaux, la négociation collective est difficile à mener dans un contexte de crise et d’absence de « grain à moudre ». La question serait alors celle des acteurs et des moyens de la négociation avant celle de l’architecture juridique des accords. Ni «réforme pointilliste», ni «tentation du grand soir», il faudrait d’abord enclencher une dynamique. Il s’agirait de donner plus de place à la négociation, d’entreprise ou de branche. Ce serait d’abord un enjeu de dynamisation des comportements avant d’être celui d’une articulation de différentes sources de normes.

Propositions principales du rapport

Élaborer une pédagogie de la négociation collective démontrant le caractère rationnel et nécessaire de celle-ci dans un contexte concurrentiel et de crise économique et établir une confiance réciproque.

Agir sur les représentations, notamment à travers des actions de sensibilisation, formation, organisation des DRH, pour valoriser le dialogue social.

Faire évoluer les conditions de la négociation et ses « règles du jeu » : les accords de méthode doivent être un préalable à la négociation.

Importance du «facteur temps» : agir sur le tempo de la négociation, limiter la durée des accords de branche et d’entreprise, revoir les règles de révision et d’évolution dans le temps des accords, encadrer dans le temps les conditions de recours judiciaire contre les accords collectifs.

Améliorer l’intelligibilité des accords, faciliter leur compréhension et interprétation, définir les conditions de l’information directe des salariés sur le contenu des accords, partager la connaissance sur la négociation collective.

Confirmer le rôle de garant de l’État (comme accompagnant la négociation et garant de la légalité des accords) : maintien de la procédure d’extension des accords de branche, possibilité de contrôle de la légalité des accords d’entreprise mais limitation des sujets soumis à la « négociation administrée ».

Mettre en valeur les pratiques de dialogue social informel.

Ouvrir de nouveaux champs à la négociation. La question ne serait pas de fixer une taille idéale du Code du travail mais de réfléchir à une nouvelle architecture assurant la complémentarité et les équilibres entre les différents modes de régulation. Le principe général est de donner davantage d’espace à la négociation collective. Cela ne passerait pas, prétend-on, systématiquement par une extension explicite d’un domaine à la négociation collective au détriment de la loi. Le Code du travail, dans sa rédaction actuelle, se caractériserait, martèle le rapport, par une grande complexité de la loi où il serait bien difficile de déterminer, sur un sujet donné, la marge de manœuvre qui est laissée aux négociateurs d’un accord de branche ou d’entreprise. La clarification et la rationalisation des textes passerait par une séparation entre ce qui relève de l’ordre public, du renvoi à la négociation et du supplétif afin de donner une « respiration » au dialogue social et à la négociation. Il y a là une rupture par rapport au mode d’élaboration du Code du travail qui a caractérisé ces dernières décennies. Tout ne pourrait être fait d’un seul coup, il faudrait prioriser.

Réguler la production de normes législatives impliquerait de fixer un agenda social annuel et de supprimer une disposition devenue « obsolète » pour toute nouvelle disposition adoptée (modèle du droit anglais : one in, one out)

À court terme (2016) :

Après concertation avec les partenaires sociaux, clarifier et élargir le champ de la négociation sociale dans les domaines des conditions de travail, du temps de travail, de l’emploi et des salaires (ACTES) en donnant la priorité à l’accord d’entreprise. Par exemple : pour les conditions de travail, élargir le champ de la négociation sur les modes d’organisation du travail et de management ; pour le temps de travail, envisager, dans un cadre défini par la loi, d’ouvrir la négociation sur le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et sécuriser les forfaits/jours ; pour l’emploi, permettre la négociation sur les conditions d’embauche et les dispositifs de transitions professionnelles ; pour les salaires, clarifier les possibilités de négociation sur le partage de la valeur ajoutée.

Sous la réserve de la définition des ordres publics législatifs et conventionnels de branche, dans ces quatre domaines, l’accord d’entreprise s’applique en priorité ; à défaut s’appliquent les stipulations supplétives de l’accord de branche ; à défaut d’accord collectif d’entreprise ou de branche s’appliquent les dispositions supplétives, qualifiées explicitement comme telles, du Code du travail. Bilan de la mesure dans quatre ans. C’est carrément une inversion de la hiérarchie des normes.

Ouvrir à la négociation de nouveaux champs des relations sociales : responsabilité sociale des entreprises (RSE) et, avec un mandat de la loi, économie digitale.

Définir les missions des branches : préciser ce qui relève de l’ordre public conventionnel, définir des stipulations supplétives s’appliquant en l’absence d’accord d’entreprise, proposer des prestations de services notamment vis-à-vis des TPE (accords-type), accompagner la négociation des PME, organiser la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau de la branche.

Prévoir un mécanisme de fusion des branches qui représentent moins de 5000 salariés avec une convention collective d’accueil, dans un délai de trois ans.

Faire prévaloir, dans l’intérêt général et l’intérêt collectif des salariés, les accords collectifs préservant l’emploi sur les contrats de travail.

Généraliser le principe de l’accord majoritaire d’entreprise à compter de 2017.

Maintenir le principe de la concertation préalable prévu par l’article L.1 du Code du travail avec faculté de choix pour les partenaires sociaux entre recours à un accord national interprofessionnel ou «position commune».

Assimiler les accords de groupe aux accords d’entreprise et prévoir que les accords de groupe organisent l’articulation accords de groupe/entreprises/établissements.

Donner la faculté, par accord majoritaire, de regrouper en deux catégories de thèmes la négociation des accords d’entreprise (avec périodicité quadriennale).

Accorder une reconnaissance législative aux «dispositifs territoriaux négociés» et expérimenter les accords de filières. Mettre en valeur les bonnes pratiques des accords transnationaux.

À long terme (quatre ans) :

Nouvelle architecture du Code du travail, pour distinguer sur l’ensemble des dispositions ce qui relève de l’ordre public, du renvoi encadré à la négociation collective et ce qui relève du supplétif en l’absence de négociation.

Réforme constitutionnelle : inscrire dans le préambule de la Constitution les grands principes de la négociation col

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