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Compte pénibilité, la Love Song patronale

Face aux difficultés avancées par les employeurs, en particulier les PME, le gouvernement allège le dispositif du compte pénibilité…

Le dispositif pénibilité prévu par la loi du 20 janvier 2014 comportait une double difficulté réelle formulée par les employeurs et les salariés :

Il renvoyait à la négociation d’entreprise et à l’employeur, le pouvoir de définir et qualifier la pénibilité des postes de travail. Ce qui, dans les TPE et PME où les forces syndicales sont absentes, prenait le risque d’affaiblir la reconnaissance de la pénibilité au travail pour les salariés.

Il mettait en place un système de fiche pénibilité à remplir par l’employeur compliquée à assurer pour les TPE. D’autant que parallèlement, les services publics de la médecine du travail était remis en cause.

La série d’amendements du gouvernement déposée dans le cadre des discussions parlementaires sur la loi Dialogue social a en partie cherché à répondre à ces difficultés :

En transférant aux branches la charge de réaliser des référentiels professionnels d’exposition aux facteurs de pénibilité auxquels l’employeur pourra se référer pour évaluer l’exposition de ses salariés.

En supprimant la fiche individuelle de pénibilité à remplir pour l’employeur.

…Mais pour réduire in fine les coûts de gestion de l’emploi des entreprises, au détriment de la protection des salariés et en transférant les risques et la charge de gestion sur les caisses de sécurité sociale

En effet, les amendements gouvernementaux et adopté par le Parlement disposaient que :

Les employeurs, quelle que soit la taille de l’entreprise, n’auront ainsi plus l’obligation d’établir et de transmettre aux salariés de fiches individuelles. Ils se contenteront de déclarer sous forme dématérialisée en fin d’année à la caisse de retraite les salariés exposés, et la caisse de retraite se chargera d’informer les salariés de leur exposition et des points dont ils bénéficient. Lorsque l’on sait déjà les difficultés à la faire reconnaître des maladies professionnelles par l’employeur, il est fort probable qu’en donnant la maîtrise du processus à l’employeur et en supprimant le suivi individuel, la reconnaissance de la pénibilité et l’obtention des droits y référent restent théoriques. Et pas seulement dans les TPE.

Bien que transférant la charge de gestion des dossiers pénibilité aux caisses de retraite, le gouvernement n’est pas revenu sur l’échéancier de reconnaissance des facteurs de pénibilité. Le report de six mois de l’entrée en vigueur de six critères (manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux y compris poussières et fumées, températures extrêmes, bruit) a été entériné par ces amendements.

Pour déterminer si des salariés ont été exposés à la pénibilité, les entreprises seront autorisées à appliquer un « référentiel » défini par leur branche professionnelle, qui identifiera quels postes, quels métiers ou quelles situations de travail sont exposés aux facteurs de pénibilité. Un accord de branche pourra avoir été négocié avec les syndicats. Si la proposition est positive, l’amendement ajoute cependant que ces référentiels de branches seront homologués par l’État, et qu’en cas de contentieux, les employeurs qui les suivent ne seront pas pénalisés. En d’autres termes, l’application du référentiel par l’employeur l’exonérera de pénalités même s’il est considéré comme responsable en cas de contentieux. Les employeurs ne seront plus contraints d’améliorer les conditions de travail de leurs salariés !

Dans le même sens, l’employeur ne pourra être mis en cause pour non-respect de ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail du seul fait qu’il déclare l’exposition d’un travailleur au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Et comme si cela ne suffisait pas, il est aussi prévu d’abaisser le délai de prescription de l’action individuelle du salarié de trois à deux ans, au motif que les recours sont plus effectifs s’ils interviennent peu de temps après l’exposition contestée.

Pour réduire les coûts de la montée en charge du dispositif pour les entreprises (cotisations employeurs), la majorité a aussi donné son feu vert à une modulation des taux applicables aux deux cotisations servant à constituer les recettes du fond.

Emblématique de la dernière réforme des retraites, le dispositif devait permettre aux salariés du privé ayant exercé des métiers pénibles de se former, travailler à temps partiel ou partir plus tôt à la retraite en accumulant des points. Ce qui constituait déjà un recul quant à l’ambition d’imposer une évolution des conditions de travail dans l’entreprise pour supprimer la pénibilité. Il semble que la régression imposée par le gouvernement cherche à réduire encore plus la reconnaissance publique de cette pénibilité. Les travailleurs en feront les frais.

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