Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Élections régionales 2015 : Emploi, PME, industrialisation du territoire sont des enjeux majeurs

Au cœur de l’action régionale, la bataille pour le développement de l’emploi et des PME constitue un pilier de la bataille des prochaines élections régionales. Compétence régionale majeure, la compétence économique est un point d’appui pour une nouvelle industrialisation des territoires. Ces questions doivent s’inscrire dans le cadre des propositions des candidats PCF et Front de gauche portées lors des prochaines élections régionales.

À l’instar de Métaltemple, de Tarket Bois, de Gascogne Wood…, l’industrie lot-et-garonnaise est aujourd’hui en difficulté et l’emploi paie le prix fort.

Le département a enregistré 661 défaillances d’entreprises entre avril 2013 et avril 2015. Les trésoreries comme les carnets de commandes continuent de se dégrader depuis la mi-2013. Quant à l’investissement, il chute de 9 % sur les 18 derniers mois.

Cette situation a des effets délétères sur l’emploi. Le nombre de chômeurs recensés par Pôle emploi a augmenté de 6,1 % en un an, et de 9,6 % si l’on ajoute les chômeurs exerçant une activité ou une formation à temps partiel. Le taux de chômage est désormais de 10,3 %.

Et rien n’indique aujourd’hui une inversion de tendance. Comme le souligne la dernière note de conjoncture de la CCI du Lot-et-Garonne, le second semestre 2014 a été marqué par « nouveau fléchissement de l’activité en Aquitaine », avec des « difficultés dans l’industrie, un net recul dans le BTP », et « une activité du commerce et des services [qui] se maintient [mais] à un niveau faible ». Et si les perspectives 2015 apparaissent moins défavorables aux employeurs, elles restent « dans le rouge: plus de dirigeants envisagent une baisse qu’une hausse de leur chiffre d’affaires pour les prochains mois ».

Pourtant, les entreprises bénéficient de subventions publiques et de programmes de soutien à leur développement

L’ensemble de la dépense publique annuelle en direction des entreprises d’Aquitaine pour favoriser le développement (aides et subventions) représente plus de 1 milliard d’euros (rapport CESER, avril 2015). Un montant qui ne tient pas compte de la dépense fiscale dont elles bénéficient par ailleurs (CICE, CIR, exonérations de cotisations patronales…).

Dans ce schéma, les entreprises du Lot-et-Garonne bénéficiaient ainsi en 2013 de 2,680 millions d’euros en provenance du département, dont 1,764 millions au titre du développement de l’entreprise et près de 234 000 euros au titre de la création d’emplois.

Cet accompagnement financier s’accompagne aussi de mesures d’appui au développement industriel et de soutien au développement des filières au plan départemental comme régional (bois, aéro, agro-alimentaire et agricole…) et à leur compétitivité. Mais dont les effets peinent à apparaître.

Pourtant, les industries et les services ont été déclarés cœur de cible de l’action gouvernementale.

Depuis 2012, un certain nombre de propositions législatives importantes ont été actées par le gouvernement en faveur d’une politique dite de l’offre répondant au souhaits du patronat.

La création de la BPI a introduit un outils de cofinancement des entreprises à fort potentiel compétitif en lien avec les territoires visant à se substituer partiellement au secteur bancaire. La loi Macron et le plan PME ont amplifié les dispositifs de financement des entreprises par les marchés.

D’autres dispositifs ont été mis en place pour restaurer les marges des entreprises et leur assurer un haut niveau de profitabilité en réduisant leurs « coûts sociaux et fiscaux » (Loi de sécurisation de l’emploi, Pacte de responsabilité, Lois Macron et Rebsamen) ou pour organiser l’offre publique et de services publics en fonction des besoins de développement des grands groupes sur un territoire (Réformes territoriales).

Pourquoi alors une telle inefficacité sur le terrain ?

Parce que la logique sous-jacente à ces politiques de l’offre, qui privilégient la compétition sur les territoires et la profitabilité des entreprises par la baisse du « coût du travail » et des dépenses publiques et sociales, ne répondent pas aux difficultés des entreprises et de leurs salariés, elle les alimente. Pire, elle facilite la vampirisation des politiques départementales par les grands groupes.

Plutôt que baisser leur « coût du travail », les entreprises, en particulier les PME, ont besoin de développer leurs carnets de commandes, c’est-à-dire d’assurer leurs débouchés par une demande consolidée. Or les politiques d’austérité salariale et sociale réduisent la demande intérieure. La réduction des dépenses publiques et sociales lamine les investissements de l’État et des collectivités territoriales, freinant massivement la demande publique. Quant à la fragilisation de l’emploi par sa précarisation et sa flexibilisation, elle entraîne une pression à la baisse sur les revenus des ménages, qui réduit leur demande de consommation et d’investissement.

D’autre part, les entreprises, notamment les PME, subissent des contraintes de financement auxquelles les aides publiques actuelles ne répondent pas. Plus encore, cette politique de l’offre renforce le pouvoir des donneurs d’ordres et des banques sur les PME, pourtant au cœur du tissu industriel. D’un côté, les PME subissent une stratégie bancaire de rationnement du crédit pilotée par une politique des taux d’intérêt élevée et de sélection par la rentabilité financière des prêts à l’investissement. De l’autre, le renforcement des chaînes de valeur siphonne leurs ressources au profit des grands groupes. De sorte que, les marges qu’elles génèrent comme les allègements fiscaux et sociaux dont elles peuvent bénéficier sont ponctionnés par leurs clients principaux ou donneurs d’ordres via le jeu des comptabilités consolidés, des prix internes, ou encore des prix des services facturés et du crédit inter-entreprises à court terme. Ces coûts du capital sont autant de ressources prélevées sur la richesse qu’elles produisent, qui vont nourrir les opérateurs financiers et les grands groupes plutôt que d’être injectées dans le développement de l’emploi et de leur activité.

Or la conjonction de ces deux difficultés construit un cercle vicieux récessif qui nourrit le sous-investissement, la baisse des qualifications et la perte d’efficacité de l’appareil productif français. Ce qui participe in fine de la désindustrialisation du territoire. C’est exactement ce que vivent les salariés et les entreprises du département et de la région.

Pour autant, une fois mise au jour la logique du cercle vicieux et les inconséquences des choix du gouvernement, doit-on s’opposer sans distinction au discours qui revendique une baisse des coûts des entreprises ?

Doit-on s’opposer à la recherche d’efficacité de la production dans les entreprises ou les services publics, et considérer que les enjeux de gestion des entreprises relèvent de l’employeur et qu’il nous revient de nous y opposer seulement à partir du moment où ils sont contradictoires avec nos intérêts de salariés ?

La réponse à cette question est essentielle. Elle relève d’une bataille idéologique qui détermine la nature, la forme et le fond de la bataille politique et de l’intervention publique. En effet, nous ne croyons pas qu’il faille nier la réalité d’une recherche de la baisse des coûts des entreprises, ni qu’il faille nier la recherche de gains de productivité dans les entreprises. Au contraire, en tant que communistes, nous visons aussi l’efficacité. Mais pas une efficacité pour les profits, nous visons une efficacité sociale et environnementale. Et cette efficacité sociale et environnementale suppose 3 types d’actions :

1. S’attaquer, non au « coût du travail », mais au coût du capital ;

2. Dépenser plus et mieux pour développer toutes les capacités humaines ;

3. Disposer de nouveaux financements et conquérir de nouveaux pouvoirs pour les salariés et les citoyens.

Pour s’engager concrètement dans cette voie, les points d’appuis institutionnels et politiques existent.

Par exemple, les collectivités locales, des communes à la région, financent massivement les entreprises. Une réorientation des fonds publics aux entreprises pour faire baisser les charges financières du crédit qui les étouffe pourrait constituer un point de départ. Couplés avec d’autres financements d’État aujourd’hui sans efficacité avérée, ils pourraient servir à baisser les coûts du crédit pour les investissements matériels et de recherche des entreprises. Le taux d’intérêt payé aux banques sur ces crédits serait d’autant plus abaissé jusqu’à devenir nul voire négatif (non remboursement d’une partie du crédit) que les investissements ainsi financés programmeraient plus d’emplois et de formations correctement rémunérés ainsi que des progrès environnementaux.

Ancrés dans le territoire, l’utilisation de ces fonds publics serait suivie et contrôlée par une commission de contrôle associant organisations syndicales, organisations employeurs, institutions économiques publiques, banque de France et élus locaux, avec pour objectif de mettre en adéquation les besoins de financement des entreprises sur le territoire et les besoins d’emplois du territoire définis préalablement par des objectifs chiffrés au sein de cette commission des fonds publics. Ces Fonds amorceraient ainsi la pompe d’un nouveau crédit bancaire aux entreprises qui, à la fois, ferait reculer le coût du capital pour elles, par la baisse des intérêts payés, et les inciterait à produire plus et mieux sur le territoire, ce qui, en retour, accroîtrait la base de prélèvement des rentrées d’impôts et de cotisations sociales utiles à la relance de la dépense publique et sociale.

De même, la Banque Publique d’Investissement, plutôt que financer les entreprises à fort potentiel concurrentiel, pourrait s’inscrire dans ce dispositif et servir de garante à la mobilisation financière des banques locales (et notamment des banques publiques et mutualistes) sur des projets d’investissements territoriaux articulés au développement des filières propres au territoire (filière bois, filière aéronautique, filières agro-industrielles… pour l’Aquitaine et le Lot-et-Garonne), mais avec la contrepartie d’un développement de l’emploi et des salaires et non de la rentabilité financière.

Dans ces deux exemples, l’appui financier aux PME du territoire permettrait alors de renforcer leur situation financière, et donc leur indépendance, tout en assurant leur développement par le développement de l’emploi.

Cette orientation nouvelle est clairement un changement de logique, à la fois institutionnel, économique et sociale.

Si l’on veut renforcer le tissu industriel et l’emploi lot-et-garonnais, comme aquitain, il est donc nécessaire de sortir des logiques austéritaires et de contrer les logiques financières du capital, mortifère pour nos territoires, nos emplois et nos entreprises.

Les prochaines élections régionales doivent être un moyen de porter ces propositions alternatives. Les Régions sont dotées en première compétence de la compétence économique. Les fonds publics qu’elle y consacre sont colossaux bien qu’insuffisants au regard des enjeux de développement économique et social des territoires. Nous devons donc prendre nos responsabilités et profiter de ces élections pour pousser le débat public sur la construction collective de cette alternative avec les citoyens, avec les organisations syndicales, mais aussi avec les acteurs économiques institutionnels et politiques du territoire. Il s’agit d’amorcer par l’action conjointe, un changement de logique qui conjugue industrie, emploi avec nouveau développement humain durable. Et bien sûr d’en faire une action politique durable.

Michel Ceruti,

Secrétaire départemental du PCF de Lot-et-Garonne

 

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