Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Enjeux du processus de réformes territoriales

L’objet de ce papier n’a pas pour objectif d’aborder l’ensemble des détails du contenu des réformes en cours, territoriale et de l’État, mais de pointer quelques questions et enjeux qui engagent notre responsabilité à un moment où le pays est engagé dans une profonde modification de ses structures administratives et politiques depuis maintenant quelques années. Le rythme de ces transformations s’accélère aujourd’hui, avec le sentiment, justifié, d’une marche forcée pour avancer vers l’objectif assigné.

L’enjeu politique est à la fois simple et complexe. Il s’agit d’adapter les territoires et leurs structures politiques aux exigences de rentabilité du capital, notamment financier.

Nous devons donc en être convaincus, l’aménagement des territoires, le sort qui leur est réservé, est une question incontournable pour qui veut agir, modifier le cours des choses, transformer la société, répondre aux besoins sociaux des salariés, et faire progresser la démocratie.

Avec ces réformes territoriales et de l’État, nous sommes au cœur des contradictions de classe qui traversent notre société et ses rapports sociaux. Cela peut paraître évident pour nous, mais il n’y a aucune neutralité dans ce qui nous est proposé et mis en place. Face à un habillage idéologique sensé nous convaincre des bienfaits de cette orientation, notre responsabilité est d’en analyser les logiques et d’étudier la façon dont nous y faisons face, en nous donnant les moyens d’agir sur la réalité pour la transformer.

L’autre enjeu fondamental est celui de la démocratie sociale et politique.

L’objectif premier de ces « réformes » réactionnaires est de transformer les territoires pour répondre aux exigences de profit grandissant. Il s’agit de réduire la dépense publique, et donc les services publics nationaux comme locaux, et de chercher à privatiser ce qui peut l’être de ces services publics à partir de la construction d’un territoire offrant un périmètre d’intervention à profitabilité maximale (métropoles).

Le deuxième objectif, complémentaire du premier, est de faire reculer la démocratie dans toutes ses dimensions, afin de verrouiller toutes les possibilités, en tout cas le plus possible, de prises et d’actions pouvant contrarier, voire inverser les politiques mises en œuvre. Incapables de nous sortir de la crise, MEDEF et gouvernements successifs tentent de mettre en place une dérive autoritaire. On peut d’ailleurs voir une filiation entre réforme territoriale, réformes du code et loi sur le dialogue. Elles forment un tout cohérent du travail et loi sur le renseignement !

Tout est fait pour éloigner les centres de décisions des possibilités d’interventions des citoyens, et donc des salariés, du monde du travail, qui, nous en sommes tous d’accord, sont les producteurs de richesses. L’enjeu est donc clair : faire en sorte que ceux qui produisent les richesses, ne puissent pas en contrôler l’utilisation. Notre ambition d’une réelle démocratie sociale, n’en prend donc que toute sa validité !

Adapter les territoires à ses exigences économiques, faire reculer les droits sociaux et la démocratie sont donc des questions impératives et complémentaires pour le capital. C’est un des éléments d’appréciation aussi pour le PCF, de ce que coûte le capital à la société. En concentrant et stérilisant, par des gâchis immenses, les richesses produites par les salariés. En organisant l’état et les territoires pour répondre à cette exigence.

L’ensemble de ces raisons est suffisant pour que le PCF et ses partenaires du Front de Gauche se préoccupent de ces enjeux qui structurent nos vies au quotidien et ont une influence considérable sur le contenu et la place du travail dans la société !

Toutes nos instances politiques d’élaboration et de décisions politiques comme de luttes concrètes, du national au local, devraient intégrer dans leur réflexion et leur activité ces bouleversements considérables, qui nous font changer de nature de République et qui vont avoir des conséquences importantes sur la composition sociologique des territoires. Les institutions de la république ne seront pas identiques pour les citoyens selon leur lieu de vie ou de travail. Avec entre autre l’affaiblissement continu de notre industrie et le fait que des territoires entiers, comme, l’Île-de-France, risquent d’être tournés quasi exclusivement vers l’activité financière et le tourisme.

Il faut d’ailleurs relever ce qui peut paraître comme un non-sens, à savoir, tourner des territoires vers une quasi mono activité de la finance, au moment où c’est précisément cette même finance qui nous a conduit dans la situation économique et sociale dans laquelle nous sommes aujourd’hui ! Conjugué à une crise démocratique profonde dont l’aspect le plus visible est l’abstention grandissante lors des consultations électorales. Il est assez prévisible que ce qui nous est proposé risque de renforcer encore cette défiance vis-à-vis des institutions de la République, et alimenter la crise démocratique.

C’est bien la démonstration que l’objectif n’est pas de satisfaire les besoins sociaux des gens et des salariés, mais de répondre, à une logique complètement inverse qui valorise le capital plutôt que le travail.

Toutes ces décisions contiennent en germe, le déclenchement d’une nouvelle crise beaucoup plus brutale et destructrice que celle de 2008. Nous devons l’anticiper. Et les élections régionales nous donnent l’occasion.

Ces évolutions se font dans le cadre de la recherche d’une construction européenne des régions, d’une Europe fédérale. Nous devrions passer d’un territoire national avec 22 ses régions à seulement 13 régions. Et dans certains cas, la disparition des départements. En tout cas, des conseils départementaux prévus en 2020. Sauf modification des rapports de force politique et sociaux !

Tout ceci devrait suffire à achever de nous convaincre de l’importance d’appropriation de ce que recèlent et révèlent ces réformes territoriales et de l’État. Et du caractère incontournable pour nous, d’agir collectivement sur ces questions. Une des conséquences immédiate est, par exemple, le refus par les salariés de Radio France, d’adapter les éditions régionales aux futures régions, et de garder une information de proximité et de qualité arrimé au service public. Cela devrait constituer un des axes de réflexion et d’action du PCF et du Front de Gauche, c’est un enjeu d’efficacité de notre action politique.

Tout laisse penser que le pouvoir ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin. Et que l’objectif final serait d’aller vers une configuration politique autour de 7 à 8 régions. Dans certains cas, le MEDEF est déjà en train de s’organiser pour s’adapter à cette perspective.

Certes, nous n’en sommes pas là, le gouvernement à du tenir compte des rapports de forces politiques et sociaux. Mais l’objectif reste celui d’un nombre de régions encore plus réduits que ce qui est envisagé aujourd’hui. Telle qu’envisagée, la vie va s’organiser autour de 3 territoires dominants : Les intercommunalités, avec en filigrane des fédérations d’intercommunalités, les métropoles et les régions.

Les deux dernières dominant le paysage, avec, pour les métropoles, une captation des richesses produites ayant pour effet la production d’inégalités territoriales grandissantes. On pourrait même parler dans certains cas de territoires de relégation. Envisager ces évolutions n’est pas faire de la politique fiction, mais saisir dans quel sens, nous emmènent les logiques à l’œuvre.

Nous assistons à une accélération du processus de territorialisation, de métropolisation, de régionalisation, de concentration des moyens sous la dictée de l’union européenne. Allant même, jusqu’à donner un pouvoir réglementaire aux régions. Les lois, notamment sociales, ne seraient donc plus les mêmes, en fonction de la région dans laquelle nous habiterions ou travaillerions, généreront de nouvelles inégalités. C’est l’explosion de l’unicité de la nation française. Ce serait un bouleversement considérable de nos institutions, mais aussi de notre culture politique séculaire qui grandi autour de l’idée de nation garantissant l’idée d’égalité de droits et de traitement. Il y a un moment que cette logique a été amorcée, mais, nous assisterions là à son point final, avec une accélération évidente.

Il est nécessaire que tous les échelons politiques de nos organisations s’approprient l’ensemble de ces questions. En saisissant la logique et les enjeux que cela implique. Pour notre activité militante, mais également pour réfléchir à notre organisation. Il s’agit moins de s’adapter aux réalités nouvelles, que de renforcer l’efficacité de notre intervention politique, de nos luttes, au regard des modifications en cours. De les prendre en compte pour une plus grande efficacité dans notre action. Cela interroge plus que jamais, le rôle et la place que le PCF doit accorder aux territoires et singulièrement aux régions.

À cet égard encore, les prochaines élections régionales doivent nous permettre de poser les termes de ce changement de braquet. Mais dès avant, un programme de formations propre au PCF devrait pouvoir être organisé afin de mobiliser les forces militantes sur ces questions et les mettre en lien avec nos batailles actuelles (Europe, emploi…). L’enjeu étant de consolider l’efficacité concrète de notre action politique à partir des territoires, quand nous en avons encore trop souvent une approche institutionnelle. Il ne s’agit évidemment pas de nier ici le rôle et l’apport de l’institutionnel, mais bien de le mettre au service de nos luttes.

L’espace régional devient un espace essentiel de l’activité politique et militante du PCF. Ma conviction est que nous ne pourrons pas échapper à cette question si nous voulons être au cœur des enjeux politiques et être en phase avec le mouvement social et les luttes.

 

Pascal Joly

Membre du Conseil national du PCF

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