Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Budget 2016, on prend les mêmes et… on accélère

Les lettres de cadrage parvenues dans chaque ministère annoncent la couleur. Il va falloir consentir de nouvelles économies, ce qui signifie dans le texte, un nouveau pallier franchi dans les politiques d’austérités initiées au plan national et européen. Conformes à l’effort supplémentaire prévu dans le programme de stabilité budgétaire présenté mi-avril, pour selon les propos officiels, poursuivre le redressement des comptes publics et tenir compte de la moindre inflation, le cap est mis sur une économie supplémentaire de 1,6 milliard d’euros en 2016, en plus du 1,2 milliard devant être réalisé avant la fin de cette année.

 

En cause la faible inflation ce qui n’empêche cependant pas les locataires de l’Élysée et de Matignon de continuer à défendre mordicus la politique de l’Euro fort choix par excellence de la banque centrale européenne et de Mme Merkel représentante zélée des milieux d’affaires. Il ne peut donc être plus clair que ces nouvelles économies sont une contribution supplémentaire au capital et à son taux de rentabilité. Mais naturellement ces mesures sont présentées comme le simple prix à payer d’une remise en ordre de la dépense publique. Une remise en ordre qui assez bizarrement passe toujours par le même objectif : réduire et toujours réduire la dépense et en l’occurrence, à hauteur de 50 Md€ sur la période 2015/2017. Cet objectif consiste dans les faits à satisfaire les engagements pris auprès de l’Union Européenne dont la seule orientation, et l’exemple grec ne permet maintenant de ne plus avoir aucun doute, est de se mettre au service des marchés financiers. Au fait, qu’a finalement demandé l’Eurogroupe à la Grèce courant juin sinon de réduire toujours et encore sa dépense publique et de privatiser ? Et en France, on privatise aussi. La vente en cours des aéroports de Toulouse et de Lyon en sont le dernier exemple en date… À méditer quant au sort qui risque d’être réservé à notre pays dans un proche avenir !

Sont ainsi fixés les principes généraux de la construction du budget 2016. Cette fois-ci c’est affiché et dit nettement, les dépenses de fonctionnement et les subventions aux opérateurs de l’État devront baisser. Les dépenses des ministères non prioritaires (hors Éducation, Intérieur, Justice, Culture et Communication) devront également diminuer. Tout un programme !

Les dépenses de l’État et de ses agences martyrisées

En effet, pour atteindre les objectifs de réduction de la dépense publique, il a été demandé aux ministères de réduire de 1 % leur masse salariale (hors pensions) et de 3 % leurs autres dépenses, à l’exception des ministères prioritaires. Les efforts sur la dépense seront quant à eux limités à 1 % pour les missions concernant les affaires sociales et l’emploi.

En fait pour le budget 2016 comme pour les précédents, ce gouvernement comme ses prédécesseurs, fait ce qu’il sait le mieux faire : mettre un coup de rabot supplémentaire sur les dépenses que ce soit sur celles des administrations centrales ou sur celles des opérateurs de l’État, sachant que certains commencent à tirer sérieusement la langue après cinq années de tours de vis budgétaires successifs. Et sachant que ces coupes réalisées à l’aveugle mettent maintenant directement en péril l’existence même de missions régaliennes avec tous les risques que cela comporte pour la cohésion nationale. Les principales administrations ne sont plus en mesure d’assurer l’agilité de traitement des citoyens, ne pouvant plus répondre à un certain nombre de demandes sociales, voire n’étant plus en capacité de fournir aux citoyens usagers le minimum d’informations élémentaires. Aux finances par exemple, avec 2 548 nouvelles suppressions d’emplois prévues, soit, au total, plus de 30 000 disparitions de fonctionnaires sur 170 000, la situation va devenir extrêmement tendue conduisant d’une part les administrations de ce ministère à être privées des outils essentiels de connaissance du tissu fiscal, et de l’autre à mettre en œuvre des procédés de plus en plus répressifs, notamment vis-à-vis des contribuables les plus modestes pour tout ce qui concerne le recouvrement de créances, y compris lorsque celles-ci font l’objet de procédures contentieuses.

On notera non sans une certaine ironie que nous sommes bien loin aujourd’hui des propos tenus début 2014 par Bernard Cazeneuve, alors ministre du Budget qui promettait «un plan de réformes pour faire les économies, et non des économies qui font la réforme».

Les collectivités territoriales sur le gril

Pour atteindre son objectif de réduction de la dépense publique, le gouvernement prévoit d’imposer aux collectivités territoriales en 2016 des coupes supplémentaires de «1,2milliard d’euros», ciblées sur leurs dépenses de fonctionnement. Christian Eckert l’a répété : «Nous entraînons l’ensemble du pays vers la baisse des dépenses, il est légitime que les collectivités participent». Comment atteindre un tel objectif, nul ne le sait vraiment mais il y a fort à parier que les effectifs des collectivités territoriales vont fondre comme neige au soleil en passant en priorité par les effectifs de non titulaires. Il convient en effet d’observer que cette baisse de 1,2 milliards viendrait s’ajouter à la baisse programmée des dotations de l’État, soit 3,7 milliards d’euros chaque année jusqu’en 2017, soit 11,1 milliards au total et 17 milliards en montants cumulés. Une baisse qui déjà, place plusieurs départements au bord de la cessation de paiement et met les communes et les autres collectivités en situation de ne plus pouvoir assurer les investissements nécessaires à leur développement et de devoir couper dans les subventions aux associations ou tout simplement de fermer certains services à la population.

La poursuite du démembrement de la protection sociale

Après une première baisse sur les bas salaires en 2015, le pacte de responsabilité dont François Hollande ne veut pas déroger, il en a assuré M. Gattaz, intègre pour 2016 une nouvelle diminution des cotisations sociales familiales payées par les entreprises pour des niveaux de salaires compris cette fois entre 1,6 et 3,5 Smic.

Le coût de cette dernière mesure est estimé à 4,5 milliards d’euros. Avec elle s’effrite petit à petit l’ensemble de l’édifice de la protection sociale, le second étage de la fusée étant l’introduction d’une CSG progressive prélevée à la source dans un nouveau barème fusionné de l’impôt sur le revenu et permettant à terme rapproché de substituer ce prélèvement aux cotisations patronales à la branche santé.

Au final, il y vraiment de quoi être inquiet. Dans la préparation du budget 2016 il est question de faible inflation, de respect de l’engagement de réduction de la dépense publique. Mais il y a un silence assourdissant quant à l’état de la dette publique (tableau joint). Une dette qui au cours du premier trimestre de l’année 2015 a connu une croissance de 50 milliards d’euros et frise maintenant au total les 98 % du PIB. Transcrite cette situation signifie que le déficit augmente et que selon toute vraisemblance le remboursement de la dette continuera à représenter le principal poste budgétaire de 2016. Une situation qui va devenir de plus en plus intenable. En effet, alors que la croissance stagne, que le chômage poursuit sa progression et que les emplois stables et correctement rémunérés deviennent une exception, alors que les services publics sont laminés, comment peut-on penser sérieusement sortir la France de l’état de dégradation dans le quel elle se trouve aujourd’hui ? Faire croire que c’est la seule voie possible et le soutenir à longueur d’antennes, c’est soit choisir le mensonge comme ligne politique, soit faire preuve d’une inconscience totale.

Il est en effet temps avant qu’il ne soit trop tard de se ressaisir, d’initier des politiques de ressaisissement économique, social et environnemental au niveau national et européen. Il est urgent d’abandonner cette logique mortifère qu’incarne le cercle vicieux de la réduction des dépenses publiques et sociales afin de nourrir des marchés financiers de plus en plus avides pour s’engager dans le cercle vertueux de la réponse aux besoins humains et environnementaux. Nous reviendrons dans le détail sur la préparation de la loi de Finances 2016 dans le prochain numéro d’Économie et Politique avec le souci d’avancer quelques axes précis pour construire avec toutes celles et ceux qui le désirent et qui y aspirent, une vraie alternative de gauche.

 

 

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