Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Europe : flexibiliser les travailleurs ou les sécuriser ?

Dans le débat politique actuel, la focalisation de l’attention sur les questions des dettes et des politiques budgétaires a fait passer au second plan l΄échec et le bilan délétère des stratégies européennes sur les questions de l’emploi. Plus que jamais la situation appelle à sécuriser l’emploi et la formation.

Confrontée au ralentissement de la démographie européenne et à la révolution informationnelle, une nouvelle stratégie de l’Union européenne sur les 10 ans intitulée « stratégie pour 2020 » avait fixé l’objectif d’atteindre un taux d’emploi en 2020 pour les personnes de 20 à 65 ans de 75 %, contre 69,2 % en 2010, diminuer le chômage structurel et promouvoir la qualité de l’emploi ; développer la main-d’œuvre ; promouvoir l’éducation et la formation tout au long de la vie ; améliorer la qualité du système d’éducation formation, promouvoir l’inclusion sociale.

Le choix européen de la flexicurité

La « stratégie pour 2020 » devait, dans le domaine de l’emploi, reposer sur un nouveau modèle, la « flexicurité » alliant selon leurs promoteurs, la flexibilité de l’emploi permettant l’adaptation aux nouvelles technologies et la sécurité des salariés qui devaient disposer des moyens d’accéder à un nouvel emploi notamment avec de la formation.

Ce modèle inspiré du modèle danois était présenté comme le nec plus ultra censé concilier les exigences économiques avec les droits sociaux. Une conciliation du capital et du travail dans laquelle le dialogue social devait mettre de l’huile dans les rouages pour résoudre les problèmes.

La flexicurité se présentait aussi comme une alternative aux nouvelles idées de « sécurité d’emploi ou de formation » qui, en France et en Europe, avaient commencé à faire monter les exigences de sécurité dans la mobilité.

Au cœur de ce nouveau système, la formation ainsi que de nouveaux droits des salariés dans la gestion des entreprises et dans de nouvelles institutions de financement joueraient un rôle central pour une nouvelle régulation de progrès social, au lieu de la régulation régressive actuelle par le chômage.

Cette démarche de sécurisation de l’emploi et de la formation avait d’ailleurs été reprise par les organisations syndicales, notamment avec la sécurité sociale professionnelle de la CGT.

Chômage : l’hirondelle ne fait pas le printemps

Où en est-on aujourd’hui de la mise en œuvre de la stratégie européenne 2020 dans le domaine de l’emploi appuyé sur la flexicurité ?

Si, aujourd’hui, une reprise de la croissance mondiale et la convergence de la baisse des taux d’intérêt, de la chute de l’euro par rapport aux autres monnaies et de l’émission massive d’euros par la BCE ont donné un coup de fouet à la croissance défaillante et permis un certain reflux du chômage massif, l’Europe est-elle sortie d’affaire ?

Certes, selon Eurostat, « Dans la zone euro (ZE19), le taux de chômage s’est établi à 11,2 % en janvier 2015, [11, 9 % en 2013 au plus profond de la crise de l’emploi]. Dans l’UE28, le taux de chômage s’est établi à 9,8 % [10,8 % en 2013]. […] 23,815 millions d’hommes et de femmes étaient au chômage dans l’UE28, dont 18,059 millions dans la zone euro. Comparé à janvier 2014, le chômage a baissé de 1,820 million de personnes dans l’UE28 et de 896 000 dans la zone euro. » (1)

Mais, cela est encore loin d’avoir résorbé les 9,360 millions de chômeurs supplémentaires que la crise de 2007-2008 avait entraînés, d’autant plus que cette reprise apparaît encore très fragile et incertaine.

Le mal du chômage est profond

D’ailleurs le dernier rapport du comité de l’emploi du Conseil de l’Europe du 12 février 2015, lui-même, souligne la gravité de la situation : « Le taux de chômage reste à un niveau alarmant (par rapport à la moyenne de l’UE) dans sept États membres (Grèce, Espagne, Croatie, Chypre, Portugal, Slovaquie, Italie). [...] la situation en Italie est de plus en plus préoccupante, puisque le taux de chômage y a encore augmenté (hausse de 0,5 point sur une période d’un an). Outre les États du sud de l’Europe, un nouveau groupe d’États commence à être confronté à une hausse du chômage. Le Luxembourg, les Pays-Bas et la Finlande restent à des niveaux de chômage relativement faibles, mais le tableau de bord révèle certains développements problématiques du chômage dans les pays qui avaient jusqu’alors assez bien réussi à protéger leur main-d’œuvre tout au long de la crise. La comparaison avec la première édition du tableau de bord montre qu’il ne s’agit pas d’un phénomène tout à fait nouveau, ce qui donne à penser que ces évolutions pourraient se muer en tendances structurelles nécessitant une attention particulière. » (2)

Les taux de chômage dans l’Europe des 28

Pour les jeunes la situation reste dramatique : « En janvier 2015, le taux de chômage des jeunes s’est établi à 21,2 % dans l’UE28 et à 22,9 % dans la zone euro, contre respectivement 23,3 % et 24,3 % en janvier 2014. Les taux les plus bas en janvier 2015 ont été observés en Allemagne (7,1 %), en Autriche (8,2 %) ainsi qu’au Danemark (10,8 %), et les plus élevés en Espagne (50,9 %), en Grèce (50,6 % en novembre 2014), en Croatie (44,1 % au quatrième trimestre 2014) et en Italie (41,2 %). » (3)

Emploi : l’Europe en échec sur ses objectifs

Selon le rapport 2014 sur l’emploi et la situation sociale, fin 2013, l’UE des 28 n’avait pas encore retrouvé son niveau d’emploi de 2008, par contre le nombre d’emplois à temps plein avait diminué d’environ 8,1 millions et les emplois à temps partiel avait augmenté de 4 millions dans la même période (4).

Alors que l’Union européenne s’est fixé l’objectif d’atteindre en 2020 un taux d’emploi de 75 % pour les personnes entre 20 et 64 ans, ce taux est passé de 2010 à 2013 de 68,6 à 68, 5 % (5).

Cette stagnation s’explique par le fort recul du taux de jeunes et de celui des personnes de 20 à 54 ans à peine compensé par le progrès de celui des travailleurs plus âgés que les réformes sur les retraites ont contraints à rester dans l’emploi au détriment des autres catégories de travailleurs.

Quant à l’objectif d’une croissance « inclusive » promises aux catégories discriminées :

– Aux femmes, la promesse d’un taux d’emploi des femmes à 75 % en 2020, ne sera pas tenue. Celui-ci est passé en 3 ans de 62,1 % à 62, 7 % ; il faudrait 63 ans pour arriver, à ce rythme, à l’objectif.

– Aux jeunes, la chute du taux d’emploi chez les jeunes de 15 à 25 ans (passant de 37 % à 32, 5 % [6]) est si vertigineuse que l’Union a dû engager un nouveau programme pour tenter de dynamiser l’insertion des jeunes dans l’emploi.

– Aux ressortissants de pays tiers l’effondrement de leur taux d’emploi passant de 62, 4 % en 2008 à 55, 4 % en 2014 (7).

Les promesses sur le développement des ressources humaines fracassées sur les rochers de l’austérité

L’évaluation sur les compétences montre que « Le potentiel de croissance est menacé par les faiblesses structurelles dans la base de compétences de sa main-d’œuvre. [...] Les données relatives aux dépenses publiques confirment un risque croissant de retard d’investissement dans le capital humain. L’Europe n’investit pas efficacement dans l’éducation et les compétences, ce qui constitue une menace pour sa compétitivité à moyen terme et pour l’employabilité de sa main d’œuvre. En effet, 19 états membres ont réduit les dépenses d’éducation en termes réels et 14 états membres ont diminué la part relative du PIB consacrée à l’éducation. » (8)

Échec des politiques de baisse des coûts salariaux

Même ce dogme est, dans une phrase typiquement technocratique, égratigné par le rapport : « La diminution des coûts salariaux unitaires nominaux dans un contexte de viscosité des prix a entraîné une baisse de la part des revenus du travail dans plusieurs États membres, notamment en Grèce, en Espagne, en Irlande et au Portugal. L’augmentation correspondante des marges bénéficiaires ne s’est pas (encore) pleinement accompagnée d’une progression des investissement. » (9) Ce choix de freinage salarial et social qui est au cœur de la politique dite de l’offre, si chère à F. Hollande et M. Valls, a joué en France comme en Europe contre la croissance.

Un écart salarial entre les hommes et les femmes évalué à 37 % dans l’Union européenne

Le bilan de l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne est sans appel : «Le taux d’emploi des femmes reste nettement inférieur à celui des hommes (62,8 % contre 74 % en 2014).

L’écart en ce qui concerne l’emploi en équivalents temps pleins est encore plus important (18, 3 points de pourcentage en 2013). Les femmes gagnent 16 % de moins par heure de travail. Les écarts entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’emploi, le nombre d’heures de travail et la rémunération s’additionnent et aboutissent à un écart salarial total important (37 % dans l’Union européenne).

Et l’écart en matière de pension s’élève à 39 % en moyenne. Tous les pays membres connaissent cette inégalité. » (10)

Une pauvreté de masse

« Entre 2008 et 2013 le nombre d’Européens exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale a connu une hausse inquiétante de 4, 79 millions (hors Croatie) pour atteindre 24, 5 % de la population de 28 états de l’Union.[…] L’évolution du niveau de pauvreté est lié à la hausse du nombre de ménages sans emploi ou à faible intensité de travail et de la pauvreté chez les travailleurs. En 2013, environ 51,8 millions de personnes en âge de travailler étaient exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale dans les 28 pays de l’Union européenne. Et 31, 5 millions (10 %) se trouvaient dans un dénuement matériel sévère. En 2013, 11,2 % de la population de 18 à 59 ans vivaient dans un ménage sans emploi [...] Le risque de pauvreté d’exclusion sociale en 2013 était beaucoup plus élevé (40, 6 %) pour les ressortissants de pays tiers (de 18 à 64 ans) que pour les ressortissants des états membres (24,2 %). Entre 2008 et 2012, les dépenses de protection sociale par habitant (en termes réels) ont augmenté de 8 % dans l’UE-27 […] Les domaines qui ont contribué le plus fortement à cette augmentation sont ceux des pensions (l’augmentation des prestations de vieillesse et de survivants a représenté environ 48 % de la hausse totale) et des prestations de maladie, de soins de santé et d’invalidité (32 %). À l’inverse, dans les domaines du chômage et de l’exclusion sociale, les augmentations des dépenses de Sécurité sociale par habitant ont été limitées malgré la forte hausse du chômage. » (11)

Là encore, comme pour l’éducation, le freinage des dépenses publiques et sociales est totalement contradictoire avec les objectifs visant à remettre sur le marché du travail les travailleurs qui en sont écartés en raison de leurs difficultés sociales. De même, il contribue à l’insuffisance de la demande globale.

Où en est la croissance « intelligente » ?

En matière de croissance « intelligente », l’objectif n° 1 de l’UE était de consacrer 3 % du PIB de l’UE à la recherche et au développement (investissements publics et privés) et renforcer les politiques favorisant l’innovation. Mais, sous la pression des politiques d’austérité, ces dépenses plafonnent en Europe à 0,8 %.

Cela accélère le départ de chercheurs en dehors des frontières de l’Europe, renforce la tendance des grands groupes à délocaliser leur recherche vers les États-Unis. Or une régression de la recherche-développement incite à rechercher la compétitivité par la baisse des coûts salariaux au lieu de développer des productions riches en innovation. À ce jeu-là, la France est et sera perdante, notamment face à l’Espagne et l’Italie où les salaires ont subi de fortes chutes avec les politiques d’austérité.

 

En France, une situation très préoccupante

Un chômage de masse

La France fait partie des rares pays où le chômage a continué à s’aggraver sans répit en passant de 2,7 à 3 millions entre 2013 et 2015 et le taux de chômage est passé de 9,3 % à 10,6 % en 2015 (1),

Le chômage des jeunes de moins de 25 ans, lui, s’est aggravé aussi passant de 23,6 à 25,2 %. Cela touche plus de 700 000 jeunes (2).

Emploi : une redistribution de la pénurie

Concernant l’emploi, les mouvements en cours sont préoccupants.

Si la priorité jeune est affirmée, en réalité le taux d’emploi des jeunes de 15 à 25 ans a reculé de 30 % à 28,6 % entre 2010 et 2013 (3).

L’autre priorité qui concerne les femmes, avec l’objectif d’élever le taux d’emploi à 75 % en 2020 a vu ce taux passer de 64, 8 % à 65, 5 % (4). En France comme en Europe l’objectif ne sera pas atteint pour les femmes.

La seule catégorie dont le taux s’élève est, celle des 55/64 ans (qui passe de 39,8 % à 45,6 % [5]), mais pour autant, sans réduire le nombre de chômeurs âgés dont le taux est passé de 6,5 % à 7,4 % en 3 ans.

En fait, d’une part, si les réformes relevant l’âge de la retraite ont accru le nombre de chômeurs âgés, elles ont aussi empêché les jeunes et les moins de 55 ans d’accéder à l’emploi.

Pour ces derniers, en effet, le taux d’emploi a reculé de 80,8 % à 80,7 % (6) et plus encore celui des hommes de cette catégorie (87,2 % de 85,2 % [7]).

En fait, dans la pénurie, il y a une redistribution d’emploi entre catégories.

(1) Eurostat, communiqué de presse, 36/2015, 2 mars 2015.

(2) Idem.

(3) Employment and Social Developments in Europe, 2014, p. 271.

(4) Idem, p. 271.

(5) Idem, p. 271.

(6) Idem, p. 271.

(7) Idem, p. 271.

 

Banques et entreprises déresponsabilisées

Si pour les travailleurs, les collectivités et les services publics les engagements, les devoirs et les résultats sont exigés, pour les entreprises comme pour les banques aucun engagement sur des objectifs et des résultats n’est demandé.

Pour les entreprises, la politique européenne ne vise qu’à « instaurer un environnement propice à la création d’emplois de qualité [qu’à] créer un environnement favorable permettant aux entreprises de proposer des contrats d’apprentissage »…(12)

Pour les banques, leur responsabilité est reconnue dans la crise : « la disponibilité de crédit dans le secteur non financier reste faible dans de nombreux états membres […] En outre les taux d’intérêt des prêts bancaires dans les états membres vulnérables restent élevés en dépit des mesures récentes de la BCE, ce qui nuit principalement aux PME. » (13)

Mais, aucune mesure n’est prise pour que les 1 400 milliards d’euros de crédits à bas taux accordés par la BCE aux banques soient dirigés vers le financement d’investissements créateurs d’emplois qualifiés.

Ni responsables, ni coupables

À entendre les dirigeants européens, les résultats calamiteux de leur politique n’auraient rien à voir avec leur politique, mais résulteraient de la crise dont nous serions sortis et les réformes engagées permettraient maintenant de voir le bout du tunnel.

Or, ce sont au contraire leurs décisions qui ont contribué à l’ampleur de la crise économique et financière de 2007-2008 (déréglementation des marchés financiers, irresponsabilité des banques et de la BCE sur l’emploi, politique d’austérité…).

La flexisécurité s’est avérée être un amplificateur de la crise. Ainsi, au Danemark entre 2008 et 2013, dans le pays en pointe dans la flexibilité à outrance subie par les salariés, le pays a perdu 6 % de ses emplois (-2,8 % dans UE28), 2,6 points de taux d’activité (80,7 %/78,1 %) et 4,1 points de taux d’emploi (79,9 %/75,6 %). De tels écroulements ne sont sans doute pas étrangers au succès électoral de l’extrême droite et son entrée dans le gouvernement.

Poursuivre sans s’attaquer à cette logique aggrave les risques en Europe comme pour toute la planète.

Toujours plus de politique ultralibérale

La politique de l’emploi de la Commission européenne qui est présentée comme nouvelle prétend viser à équilibrer l’économique et le social, à favoriser la politique de la demande avec le plan d‘investissement de 305 milliard d’euros plutôt que la politique de l’offre et à développer le « capital humain ».

Selon Marianne Thyssen, commissaire européenne : « La Commission Juncker est déterminée à fusionner l’aspect social à l’aspect économique de notre économie sociale de marché, afin d’équilibrer les libertés et les droits sociaux […], une approche équilibrée fondée sur compétitivité et équité. » (14) C’est-à-dire favoriser la liberté d’entreprise et mener une politique sociale et de l’emploi visant en premier lieu à mettre à la disposition du patronat une main-d’œuvre qualifiée, abondante et bon marché.

Pour cela, il s’agit simultanément de :

– mettre en place dans les États et les régions les « réformes » qui font régresser le droit social en facilitant les licenciements, le travail intérimaire ou partiel, les CDD contre les CDI ; …

– développer une pression maximale, voire une répression, dans la tradition du workfare, pour contraindre les salariés à accepter les emplois disponibles en jouant sur les prestations sociales et l’assurance-chômage ;

– réformer les services publics nationaux de l’emploi pour mettre en œuvre cette politique. Elle vient d’être relayée dans cette démarche en France par la Cour des comptes qui a fait un rapport au vitriol contre Pôle emploi ;

– cantonner le dialogue social et le rôle des syndicats sur les questions « des compétences [… pour] faciliter les transitions entre le système éducatif et le marché du travail, mais aussi entre différents emplois. […] dans l’essor de l’apprentissage en milieu professionnel, ainsi que dans la formulation des politiques de développement des compétences sectorielles et nationales » (15). Mais sans leur accorder de nouveaux pouvoirs ni sur la création d’emplois et les plans de formations ni sur l’utilisation de l’argent de l’entreprise, des banques ;

– de faire prendre en charge la réparation des immenses dégâts sociaux du chômage ainsi que la formation et le développement des compétences par les collectivités territoriales. La Commission admet « que les investissements sociaux (c’est-à-dire les investissements dans le capital humain) sont indispensables pour garantir la compétitivité [ …, et que] dans la pratique, cela se traduit par une aide aux personnes pour qu’elles acquièrent des compétences grâce à l’éducation et à la formation, par l’utilisation de ces compétences dans le cadre d’emplois de qualité et par le perfectionnement et l’adaptation de ces compétences­ au moyen de l’apprentissage tout au long de la vie ». Alors que leurs dotations d’État sont amputées, les Régions, seront mobilisées pour financer ces « investissements sociaux ». En effet, la contribution de l’Europe à ce plan de 315 milliards d’euros (16) ne s’élève qu’à 5 %.

Une sécurité d’emploi et de formation en France et en Europe

à ces solutions s’inspirant du modèle de flexicurité qui seront au cœur de l’élection régionale, il est nécessaire d’opposer des propositions alternatives radicales et cohérentes visant une véritable sécurisation de l’emploi et de la formation.

Pleinement réalisé, un système de Sécurité de l’emploi ou de formation vise à assurer à chacune et à chacun :

– un emploi et une formation rémunérée, pour revenir ensuite à un meilleur emploi avec une continuité de bons revenus et droits ;

–  avec des passages de l’une à l’autre activité, ou encore d’un emploi à un autre, maîtrisés par les salariés.

C’est en avançant vers lui en partant des différentes situations concrètes existantes d’insécurité et de privation d’emploi dans le cadre d’un processus de sécurisation reposant sur 4 principes qu’on se donnera les moyens de l’atteindre.

Quatre nouveaux principes renforçant le droit du travail :

1. Une sécurisation qui vise :

– à remplacer de plus en plus le passage par la case chômage par des mesures contre la précarisation et les licenciements ;

– un essor de la formation longue et bien rémunérée avec des débouchés emploi ;

– des créations nouvelles massives d’emplois.

2. Des droits de sécurité attachés à la personne pour :

– un accroissement graduel de la formation continue rémunérée ;

– des droits grandissants dans les contrats permettant aux salariés leur maintien dans l’entreprise ou le passage d’une entreprise à une autre.

Attachés à chaque personne et non aux contrats de travail, ces droits s’obtiendraient par l’affiliation personnelle de chaque résident, à partir de la fin de l’obligation scolaire, à un Service public et social de sécurisation de l’emploi et de la formation, ainsi que des pouvoirs nouveaux des travailleurs dans les entreprises et des conférences régionales et nationales annuelles avec la conquête d’un nouveau statut des travailleurs.

3. La non régression dans les négociations d’entreprise pour que celles-ci ne puissent apporter que des améliorations pour les travailleurs par rapport aux conventions de branche et aux lois.

4. Des mesures radicales contre les discriminations pour l’emploi des jeunes, les fins de carrière ainsi que des mesures spéciales pour les autres discriminations.

Sécurisation des contrats de travail et statut des travailleurs

La promotion d’un statut explicite de sécurisation et de promotion des travailleurs :

– le CDI comme norme obligatoire des contrats, son renforcement et sa sécurisation ;

– la conversion des emplois précaires, en CDI sécurisés à temps plein ifs) ;

– l’égalité pour les travailleurs de la sous-traitance, par rapport aux donneurs d’ordre.

De nouveaux pouvoirs depuis le plan local au niveau des entreprises

Il s’agit de pouvoirs décisifs décisionnels et pas seulement consultatifs, cela concerne les investissements, les embauches, la formation, le financement, les objectifs stratégiques. ■

 

(1) Eurostat, communiqué de presse, 36/2015. 2 mars 2015.

(2) Projet de rapport conjoint sur l’emploi, 2015, p. 58.

<http://register.consilium.europa.eu/doc/srv?l=FR&f=ST % 206142 % 202015 %20INIT>.

(3) Idem, p. 58.

(4) Projet de rapport conjoint sur l’emploi, 2015, p. 12.

(5) Employment and Social Developments in Europe, 2014, p. 259.

(6) Idem, p. 259.

(7) Rapport conjoint sur l’emploi, 2015 p. 12. <http://register.consilium.europa.eu/doc/srv?l=FR&f=ST % 206142 % 202015 %20INIT#page=1&zoom=auto,-82,848>.

(8) Rapport conjoint sur l’emploi, 2015, p. 18.

(9) Rapport conjoint sur l’emploi, 2015, p. 18.

(10) Rapport conjoint sur l’emploi, 2015, p. 30.

(11) Idem, p. 23.

(12) Rapport conjoint sur l’emploi, 2015, p. 3.

(13) Rapport conjoint sur l’emploi, 2015, p. 14.

(14) Agenda social, n° 40.

(15) Agenda social, n° 40.

(16) « Il faudra consentir des efforts collectifs et coordonnés aux niveaux local, national et européen pour inverser la tendance baissière des investissements à laquelle assiste l’UE depuis le début de la crise économique et financière mondiale. Des investissements sont nécessaires pour moderniser les systèmes de sécurité sociale et financer l’éducation, la recherche et l’innovation ; pour rendre l’énergie plus verte et plus efficace ; pour moderniser les infrastructures de transport et déployer des connexions haut débit plus rapides et de grande envergure, productivité de la main-d’œuvre de l’UE à long terme. Dans la pratique, cela se traduit par une aide aux personnes pour qu’elles acquièrent des compétences grâce à l’éducation et à la formation, par l’utilisation de ces compétences dans le cadre d’emplois de qualité et par le perfectionnement et l’adaptation de ces compétences au moyen de l’apprentissage tout au long de la vie. », Agenda social, n°40.

 

Les salons à la mode trouvent le Code du travail « obèse »

Ça y est, après le politicien Bayrou qui sort le Code du travail a la télévision comme un crachat, après les UMPIR qui le maudissent tous les jours, après Jean-Marie Le Guen qui assure que le code du travail est « répulsif pour l’emploi », voilà les salons parisiens qui s’y mettent.

Ils ne l’ont jamais lu, ils n’en ont jamais eu besoin pour se protéger de la souffrance au travail mais, comme Le Monde le note en « une » ça devient pour eux un « war game », « la nouvelle bataille du Code du travail » et il s’agit de le trouver « obèse ».

Ils ne parlent pas du fond mais de la forme. Par exemple, Le Monde parle de ré écrire le code en ignorant qu’il l’a été de fond en comble entre décembre 2004 et le 1er mai 2008. Même Bayrou ne doit pas se souvenir que le nouveau code 994 pages format A4 a été promulgué par Chirac en mars 2007 en pleine campagne présidentielle, sans qu’un seul candidat en dise un seul mot… ; qu’il a été voté au Sénat en 20’ en septembre 2007 et à l’Assemblée nationale en 8 h le 4 décembre 2007 que le Conseil constitutionnel l’a approuvé en janvier 2008, et qu’il est entré en vigueur le 1er mai 2008.

Il a alors été allégé de 10 %, il fait 675 pages de lois et non pas 3 990 pages car il y a 3 300 pages de commentaires ; il n’est pas « obèse », c’est l’édition Dalloz (Sagan amendée par Proust). La droite l’a déjà passé à l’acide, pendant dix ans,  supprimant 500 lois tout en divisant les 1 150 lois en 3 850 sous-lois… supprimant un livre sur neuf, enlevant 1, 5 million de signes ! C’est le plus petit des codes et seulement 10 lois servent aux prud’hommes !

Mais ces gens, politiciens riches et salonnards, s’en moquent qu’il ait fallu un siècle pour écrire le Code du travail, de 1910 à 2015, et que ce texte dans sa richesse, son ampleur, témoigne de l’évolution des rapports de force sociaux de décennie en décennie. Ils s’en moquent qu’on soit passé de 3 millions de salariés à 18 millions de salariés, que 93 % des actifs soient salariés et dépendent du Code : ils sont en croisade pour le ré écrire encore une fois, le passer à l’acide des rapports de force actuels. Il s’agit en baissant encore et encore les droits du travail de baisser le coût du travail et d’augmenter la rentabilité du capital.

Le Code du travail, Parisot, Gattaz, Macron, Le Guen, Fillon, Larcher, Bertrand, Le Maire, combattent pour le supprimer littéralement depuis une décennie. Ils avancent inexorablement derrière n’importe quel argument, et le dernier et le plus stupide d’entre eux, « l’obésité », fait leur affaire.

La loi Macron (article 83) vient de nicher par 49 3 une bombe thermonucléaire contre le principe même de l’existence d’un Code du travail en modifiant l’article 2064 et la loi du 8 février 1995 du Code civil. Il s’agit de permettre qu’une relation de travail ne relève plus des lois et accords collectifs, mais d‘un accord de gré à gré. Il s’agit, comme le colloque du Medef de mars 2011, de remplacer la « subordination » avec contrepartie, par une « soumission librement consentie » (« compliance without pressure ») sans contrepartie. Il s’agit de faire de chaque salarié l’égal individuel… de son patron pour mieux lui enlever ses droits et protections collectives, légales ou conventionnelles. Exit totalement le Code : ça vaut de le qualifier d’obèse.

Gérard Filoche

 

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