Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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« Patrons, je vous aime »

C’est une nouvelle déclaration d’amour au patronat. Après la baisse du coût du travail, le gouvernement entérine une baisse du coût de la rupture du contrat de travail dans les cadres du projet de loi Macron et du projet de loi sur le dialogue social. Au motif que ce coût empêcherait les entreprises d’embaucher, il a décidé de reprendre les revendications du Medef et de la CGPME renforçant la sécurisation des licenciements pour l’employeur.

Le patronat a obtenu depuis 2012 une forte baisse du coût du travail (CICE, suppression des cotisations employeurs famille à l’horizon 2017, baisse de la fiscalité ciblée sur l’entreprise…). Il en demandait 100, il devrait obtenir à l’horizon 2017 une baisse cumulée de plus de 70 milliards.

Mais donnez-lui le doigt, il prendra le bras ! Poussant plus loin, il demande désormais d’inscrire dans la remise en chantier du droit du travail prônée par le gouvernement pour la relance de l’emploi dans les PME, les moyens d’une réduction du coût de la rupture du contrat de travail.

Après la baisse du coût du travail, la baisse du coût de la rupture du contrat de travail

Aussitôt demandé, aussitôt accepté. Avec son plan « Tout pour l’emploi dans les TPE et les PME  », le gouvernement a entériné le 9 juin dernier le principe de 18 mesures en faveur d’une réduction des coûts à l’embauche et au licenciement des entreprises.

Baisser le coût à l’embauche et réduire les coûts du licenciement

Reprenant l’antienne patronale d’une peur d’embaucher liée aux coûts de la rupture du contrat, le gouvernement annonce 7 mesures confortant la régression déjà engagée depuis 2012.

Ainsi, au nom de la création d’emploi dans les PME, celles-ci bénéficieront entre juin 2015 et juin 2016 d’une nouvelle aide de 4 000 euros pour le recrutement d’un salarié en CDI ou en CDD de plus de 12 mois si elles n’ont pas embauché depuis 12 mois. Cette nouvelle réduction du coût du travail de 333 euros par mois leur permettra de réduire à 0 le coût des cotisations sociales patronales pour des salariés rémunérés jusqu’à 1,2 SMIC.

Dans le même registre, les PME pourront bénéficier d’un remplacement de leurs salariés partant en formation par un chômeur de longue durée. Le salaire de ceux-ci sera intégralement assuré par Pôle emploi et un organisme paritaire collecteur pour le complément éventuel. Cette mesure qui prétend à la remise à l’étrier des chômeurs éloignés de l’emploi, instaure en réalité le travail « gratuit » au bénéfice des entreprises financé sur fonds publics et prépare habilement une réduction du nombre de chômeurs de catégorie A recensés par Pôle emploi. Alors même que nombre de ces chômeurs ne sont pas indemnisés par l’Unédic, ce financement public de l’emploi des PME prépare de nouveaux déséquilibres dans les comptes de l’organisme tout en confortant la culpabilisation des chômeurs.

Toujours pour réduire les coûts à l’embauche des entreprises, le gouvernement annonce une modification des seuils de déclenchement des obligations fiscales et sociales des PME et une harmonisation de leur méthode de calcul. Au cours des 3 prochaines années, le déclenchement des prélèvements fiscaux et sociaux sera annulé pour les entreprises jusque 50 salariés inclus, et de manière pérenne, tous les seuils de 9 et 10 salariés seront relevés à 11 salariés. Au-delà même de la logique de déresponsabilisation sociale des entreprises qu’elles contiennent, ces modifications du code du travail qui seront actées dans le PLFSS pour 2016 opèrent un nouvel allègement de charges sociales et fiscales pour les entreprises et un nouveau transfert de charges sur les comptes publics et sociaux avec un impact lourd sur le financement des services publics. à titre d’illustration, le relèvement des seuils de 9 à 11 salariés pour le déclenchement du versement transport des entreprises signifierait une perte de recettes publiques de 500 millions d’euros au niveau national, dont 235 millions pour l’Île-de-France ! Comme le rappelle la déclaration de l’ANECR, une telle décision conduira directement à diminuer l’offre de transports dans les territoires et augmenter la tarification pour les usagers.

Parallèlement, toujours au nom de l’emploi, le gouvernement engage une série de mesures approfondissant les régressions de la loi dite de « sécurisation de l’emploi » de 2013, allant même jusqu’à revenir sur les seuls points positifs de l’ANI du 11 janvier 2013 sur laquelle elle repose.

Là où l’ANI avait introduit une hausse des coûts pour l’employeur pour l’utilisation des CDD afin de réduire la précarité de l’emploi, le gouvernement propose de les réduire. Ainsi, alors que la législation ne permet de renouveler l’usage d’un CDD qu’une seule fois, il propose de permettre ce renouvellement deux fois ! Tandis que la législation actuelle protège l’apprenti en limitant à 2 mois calendaires la période d’essai dans l’entreprise, le gouvernement propose de comptabiliser ces 60 jours à partir du temps de présence effective dans l’entreprise de l’apprenti. Ce qui allongera l’insécurité d’emploi des apprentis. Et dans le même temps, en cas de rupture du contrat d’apprentissage par l’employeur, il autorise le maintien du statut de stagiaire pour l’apprenti, avec rémunération pendant 3 mois ; de sorte que ces ruptures unilatérales de contrat par les employeurs ne se traduisent pas par une hausse des inscriptions à Pôle emploi !

Pire encore. La loi de sécurisation de l’emploi a introduit le principe d’accords de maintien dans l’emploi (AME). Ceux-ci autorisent l’employeur, sur une durée de 2 ans maximum et après accord de la majorité des salariés de l’entreprise, à aménager le temps de travail et les salaires en cas de difficultés conjoncturelles de l’entreprise, en contre-partie d’une interdiction de licencier sur la période. En réalité, cette mesure prétendument alternative aux licenciements permet aux employeurs à partir d’un accord d’entreprise d’adapter leur coût du travail aux aléas de la conjoncture afin de restaurer leur profitabilité, mais aussi de licencier au moindre coût puisque le refus de l’accord par un salarié entraîne la rupture de son contrat de travail. Mis en échec (9 accords seulement signés depuis 2014), le gouvernement propose de renforcer les conditions favorables à l’employeur de ces AME. Il propose d’allonger à 5 ans la durée maximale des accords et d’y inclure les conditions et les modalités de leur suspension et de leur révision. Par ailleurs, il propose de réduire l’indemnité de licenciement des salariés refusant l’accord au seul versement des indemnités légales et conventionnelles, le motif du licenciement étant constitué par le refus de l’accord par le salarié. Au total, en refusant l’expression du juge (TGI) sur la validité et le déroulement de l’accord en cas de contestation et en plafonnant le coût du licenciement pour refus d’accord, le gouvernement sécurise la recherche de profit des employeurs.

Enfin, dans le même esprit de sécurisation des employeurs par la réduction des coûts du licenciement, le gouvernement propose de plafonner les indemnités de licenciements sans cause réelle et sérieuse. Et pour renforcer la prévisibilité des décisions du juge prud’homal, il va même jusqu’à définir ce plafond en distinguant les entreprises de moins de 20 salariés et de plus de 20 salariés. Pour une entreprise de moins de 20 salariés, un salarié de moins de 2 ans d’ancienneté bénéficiera d’une indemnité légale maximum de 1/12 de mois par année d’ancienneté, pour un salarié jusqu’à 14 ans d’ancienneté, le plafond sera de 6 mois de salaire, au-delà, le plafond sera de 12 mois de salaire. Quant aux entreprises de plus de 20 salariés, l’indemnité maximale sera égale à 1/6 de mois de salaire, avec un plafond de 10 mois pour les salariés de 2 à 14 ans d’ancienneté, et de 20 mois pour ceux de 15 ans et plus d’ancienneté. Ainsi, non seulement avec ce barème le gouvernement encadre la décision du juge et donc réduit encore plus le droit à indemnisation des salariés face à des licenciements sans cause réelle et sérieuse, mais il permet aux employeurs, en particulier des entreprises de plus de 20 salariés, de provisionner le coût de ces licenciements et donc d’intégrer dans leur calcul de gestion la variable d’ajustement salariale sur une base financière. C’est, avec la rupture conventionnelle, un atout de plus offert aux employeurs pour flexibiliser la main d’œuvre. Et cela d’autant plus que les propositions du gouvernement suppriment le vice de forme comme motif d’annulation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le remplace par une indemnisation forfaitaire d’un mois de salaire.

Mettre les services publics en priorité au service des PME et réduire les sanctions sur les employeurs, le tout sans contreparties sur l’emploi

C’est ainsi qu’au motif de développer l’activité des PME, si le gouvernement souhaite renforcer la lutte contre les fraudes aux travailleurs détachés, notamment en responsabilisant le donneur d’ordres et les employeurs étrangers, il prend bien garde de ne pas trop sanctionner les entreprises financièrement.

Il annonce en effet une amende administrative de 2 000 euros maximum pour manquement au contrôle de la régularité du détachement (plafonnée à un coût global de 500 000 euros) payable par les entreprises étrangères (sic !), et l’obligation pour ces dernières de fournir les déclarations de détachement à l’inspection du travail. Et si l’entreprise étrangère ne se conforme pas à ces obligations, le donneur d’ordre opérationnel sera tenu au paiement des salaires minimum aux salariés. En d’autres termes, pour sanctionner les entreprises et donneurs d’ordres fraudeurs, le gouvernement envisage simplement un rappel à la loi ! à savoir leur faire respecter le cadre des conventions collectives nationales ! Et pour rendre plus efficace l’action gouvernementale, « un travail avec les grandes entreprises du BTP [sera engagé] afin de leur faire adopter une charte de bonnes conduites en matière de détachement » (sic !).

En revanche, les services de l’État seront largement mis à contribution. Au nom bien sûr de l’emploi…

Dans le cadre des marchés publics d’abord. Les PME n’auront plus besoin de fournir les pièces administratives permettant à l’administration de satisfaire aux exigences légales de ces marchés, une simple déclaration sur l’honneur suffira. Et de nouvelles conditions d’octroi des marchés publics les favoriseront partiellement (allotissement des marchés, relèvement des seuils de publicité, clauses d’intégration dans les PPP). Et cela sans aucune contrepartie ni sur l’emploi, ni sur les formations, ni sur les qualifications… Par ailleurs, le gouvernement mettra en place une offre de services répondant aux besoins propres des PME pour recruter, notamment en mobilisant les 4 000 conseillers entreprise de Pôle emploi et en favorisant le recours aux tiers employeurs, comme pour contribuer à la prise en charge, y compris financièrement, des problématiques RH des PME. Là encore sans aucune maîtrise sur le développement des PME.

Dans le cadre d’une contribution financière ensuite. Les délais de paiement de l’État et des collectivités locales, tout comme des entreprises publiques seront raccourcis pour réduire les frais de trésorerie des PME. Impliquant un transfert de charges sur le secteur public. Quant aux banques et grands donneurs d’ordres privés, ils ne seront pas sollicités. La BPI apportera son concours financier, non aux financements des investissements de développement des PME, mais aux sociétés d’affacturage œuvrant pour les PME. C’est-à-dire que le concours de la BPI ne réduira pas ces prélèvements du capital sur leur activité, elle les garantira. Dans le même temps, le régime fiscal des groupements d’employeurs sera adapté afin d’être attractif pour les PME ! Ils bénéficieront d’un régime fiscal de TVA adapté, d’une déduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires même s’ils ont moins de 20 salariés, une simple déclaration pour le choix de leur convention collective remplacera le système d’autorisation par l’inspection du travail… En bref, plutôt que de les inciter à créer des emplois stables, le choix de la flexibilité et de la baisse du coût du travail sera conforté.

Favoriser la création et la reprise de PME par les chômeurs… pour réduire le nombre d’inscrits à Pôle emploi

C’est le troisième grand axe du plan PME. à l’instar du mirage sarkoziste de développement de l’entrepreneuriat salarié (auto-entrepreneur), le gouvernement annonce une série de mesures visant à favoriser la création et la reprise d’entreprises, notamment par les chômeurs, avec le soutien du service public de l’emploi et dans le cadre d’un partenariat national global avec les régions. à cet égard, des mesures de simplification des démarches administratives de création et de reprise dépouillant les services fiscaux et administratifs de l’information économique, de réduction du niveau et des coûts des sanctions des employeurs mais aussi d’obligations d’information des salariés des entreprises cédées sont avancées.

La baisse des coûts de gestion de l’emploi pour l’employeur renforce sa flexibilité et la précarisation des travailleurs, sans créer d’emplois ?

Mises en œuvre pour l’essentiel dans le cadre des projets de lois Macron et Rebsamen, ces mesures confortent sur le fond les ambitions patronales de flexibilisation de l’emploi et de précarisation du marché du travail. Car en l’état, si elles pourront peut-être contribuer à un ralentissement de la croissance du nombre de chômeurs de catégorie A par un glissement vers les catégories B et C de Pôle emploi, aucune ne répond aux défis de la création d’emplois et du développement des PME.

Or c’est bien là tout l’enjeu. Le développement des PME constitue effectivement un enjeu essentiel pour une sortie de crise et une baisse réelle du chômage. Mais il ne passe pas par la fragilisation des salariés qui y travaillent, ni par une nouvelle baisse du coût du travail. Au contraire, les PME ont aujourd’hui besoin de développer leurs carnets de commandes, c’est-à-dire d’assurer leurs débouchés par une demande consolidée, et de réduire les prélèvements financiers qui siphonnent leurs ressources. C’est la conjonction de ces deux impératifs qui pourra les sortir de l’ornière. Ce que ne fait pas ce plan gouvernemental.

Quel impact pour l’emploi du plan PME du gouvernement ?

Ces mesures, qui pour l’essentiel restent des mesures de réduction des coûts des PME viennent s’ajouter à celles déjà prises depuis 2012, n’ont eu aucun effet positif sur l’emploi. Pire, loin d’avoir réduit le niveau du chômage ou consolidé l’emploi stable, ces deux indicateurs n’ont cessé d’augmenter.

Fin mai 2012, en France métropolitaine, 4 347 100 personnes inscrites à Pôle emploi étaient tenues de faire des actes positifs de recherche d’emploi (4 621 000 en France y compris Dom), dont 2 922 100 étaient sans emploi (catégorie A) et 1 425 000 exerçaient une activité réduite, courte ou longue (catégories B, C). Fin avril 2015, 4 985 900 personnes inscrites à Pôle emploi étaient tenues de faire des actes positifs de recherche d’emploi (5 285 600 en France y compris Dom), dont 3 364 100 étaient sans emploi (catégorie A) et 1 621 800 exerçaient une activité réduite. Au total, en seulement 2 ans et demi, le nombre de chômeurs inscrits en catégorie A à Pôle emploi tenus de faire des actes positifs d’emploi a augmenté de 638 800 personnes (+1 000 000 si l’on compte les catégories A+B+C).

Les 12 derniers mois, pendant lesquels les entreprises ont pu bénéficier du CICE, établissent même des records de hausse. Entre avril 2014 et avril 2015, la hausse du nombre d’inscrits en catégorie A est de +5,1 %, et celle des catégories A, B, C de +7,1 %. Toutes les catégories de demandeurs d’emploi sont touchées. En un an, le nombre d’inscrits à Pôle emploi de moins de 25 ans en catégorie A augmente de 2,2 % (546 600 inscrits), celui des plus de 50 ans croît de 8,7 % (840 100 inscrits), et de 4,7 % pour les inscrits entre 25 et 49 ans (2 149 300 inscrits). Quant à l’ancienneté dans le chômage, elle augmente aussi. En un an, le nombre de chômeurs de moins de un an augmente de 4,9 % et celui de plus d’un an de 10,2 %. Avec une poussée importante des demandeurs d’emploi de 3 ans et plus : +18,5 % !

Mais si le chômage ne cesse de croître, l’emploi lui-même est touché.

Si le gouvernement s’est réjoui d’une remontée des créations d’emplois en 2014, il n’a en revanche guère commenté les chiffres concernant les destructions d’emplois. L’INSEE a effectivement mis au jour que depuis l’arrivée de F. Hollande au pouvoir, pas moins de 228 000 emplois ont été supprimés, soit autant que lors du quinquennat de Sarkozy.

 

 

2012

2013

2014

Créations d’emplois

65 251

53 614

71 878

Destructions d’emplois

108 000

66 000

74 000

Une évolution des destructions d’emplois qui n’est pas sans lien avec la montée en charge des ruptures conventionnelles comme dispositif de rupture de contrat de travail. Entre 20 000 et 32 000 ruptures conventionnelles sont signées chaque mois. En 2014, le total a atteint 334 603 (20 000 de plus qu’en 2013 et 14 000 de plus qu’en 2012), dont 333 596 ont été homologuées. Un nouveau record enregistré malgré un durcissement des règles au milieu de 2014, dont les dégâts sont plus visibles dans les TPE (21,4 % pour les entreprises de moins de 10 salariés ; 13,3 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés) que dans les autres entreprises (8,2 % dans les entreprises de 50 à 249 salariés ; 3,8 % chez les plus de 250). Et qui touche en particulier les salariés seniors. Les ruptures conventionnelles représentent 12,7 % des entrées en indemnisation chômage chez les 25-49 ans, mais elles sont à l’origine de 25 % des fins de CDI pour les 58-60 ans. Les entreprises se servant de ce dispositif pour une mise en retraite anticipée au moindre coût de leurs salariés les plus âgés.

Pas étonnant donc que l’on retrouve les stigmates d’une destruction d’emplois particulièrement marquée dans l’industrie et la construction. L’industrie a ainsi perdu 37 700 postes en 2014 et la construction 49 500, l’emploi tertiaire marchand (+13 100 postes) étant incapable de compenser ces pertes.

Mais là encore, même lorsque les emplois sont créés, leur nature de plus en plus précaire handicape le développement de l’emploi. En effet, le marché de l’emploi en France ne cesse de se précariser et le nombre de CDD n’a jamais été aussi élevé dans notre pays.

Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (1) qui recense les déclarations d’embauche des employeurs, au 1er trimestre 2015, 87,1 % des déclarations d’embauche sont des CDD. Un chiffre à mettre en perspective avec celui du dernier trimestre 2013 où les déclarations d’embauche en CDD représentaient 86,5 % des déclarations d’embauche (hors intérim). Parmi ces déclarations en CDD, 70 % sont des CDD de moins de 1 mois et 17,1 % des CDD de plus de 1 mois. Sur ce premier trimestre 2015, les déclarations d’embauche en CDI n’ont représenté que 12,9 %. En un an (T1 2014-T1 2015), les déclarations d’embauche en CDD de moins d’un mois croissent de 3,6 %, celles en CDD de plus d’un mois stagnent (-0,2 %), alors que les déclarations d’embauche en CDI reculent de 1,6 %. Une évolution qui accompagne les mises en œuvre des réductions du coût du travail.

Au total, avec ce plan PME qui prétend de nouveau renforcer la baisse des coûts de la main d’œuvre, le gouvernement prend le chemin d’un approfondissement de la dégradation de l’emploi.

Quel impact pour les PME du plan gouvernemental ?

Si la stratégie gouvernementale n’est pas bonne pour l’emploi, elle n’est pas pour autant meilleure pour les PME. Non seulement les choix opérés de baisse du coût du travail, de flexibilisation de l’emploi ou de soutien public ciblé aux financements n’ont pas ralenti les défaillances de PME, le nombre de défaillances d’entreprises reste au-dessus de la barre des 60 000 par an. Mais ces choix n’ont pas non plus répondu à leurs besoins de financements et de débouchés.

Et c’est bien là la contradiction. Car plus qu’une énième baisse du coût du travail, les PME ont en particulier besoin de remplir leur carnet de commandes et donc d’une demande intérieure forte. Or en développant des politiques d’austérité qui laminent les capacités d’investissement et de fonctionnement des collectivités territoriales et de l’État et donc dépriment la demande publique, ou en favorisant une flexibilisation et une précarisation de l’emploi qui alimente le chômage de masse et les bas salaires, et donc affaiblit la demande des ménages, le gouvernement contribue à accentuer les difficultés des PME en réduisant la demande intérieure.

Plus encore, ces choix participent au renforcement du pouvoir des donneurs d’ordres et des banques sur ces PME. Celles-ci sont déjà soumises à la prédation des grands groupes, qu’elles soient ou non en bonne santé. Lorsqu’elles ont un potentiel à forte croissance, les grands groupes les chaperonnent jusqu’à les absorber si les perspectives de rentabilité financière le justifient, appuyés en cela par les dispositifs publics de soutien au capital-risque et d’investissement… Dans tous les cas, par l’effet des délais de paiements à l’origine d’un crédit inter-entreprises à court terme, les grands groupes et les acteurs financiers s’assurent un prélèvement sur la richesse produite par les PME. Le montant de ces crédits inter-entreprises atteint 635 milliards d’euros en France en avril 2015. C’est 5 fois le montant des crédits bancaires à court terme octroyé par les banques aux entreprises et l’équivalent du 1/3 du PIB. Or, si l’on ne tient compte que des 120 plus gros donneurs d’ordres en France, leurs retards de paiement clients représentaient près de 3,97 milliards d’euros fin avril. On mesure donc l’enjeu : il manquerait de 10 à 13 milliards d’euros chaque année dans la trésorerie des PME à cause de ces retards de paiement. Ces retards de paiements obligent les PME à s’assurer face aux risques qu’ils représentent par des mécanismes d’affacturage et à renforcer leur trésorerie, dans les deux cas en prélevant sur leur richesse produite pour cela. Ce qui réduit d’autant leurs possibilités d’investissement productif, mais accroît la main mise des opérateurs financiers (banques, sociétés d’assurances) et des grands groupes.

Or, en confortant le crédit inter-entreprises par une garantie publique, le plan PME du gouvernement favorise le mouvement de désintermédiation bancaire du financement des entreprises dans la droite ligne des évolutions récentes et des objectifs de la loi Macron. Depuis quelque temps en effet, les verrous réglementaires qui existaient en France en terme d’octroi du crédit par des seuls établissements bancaires sautent les uns après les autres. à l’initiative, la plupart du temps, du gouvernement, ou avec son aval. En moins de deux années plusieurs réformes ont été engagées dans ce sens. Tout d’abord, la réforme en 2013 puis en 2014 du Code des assurances et autres codes de la mutualité ou de la Sécurité sociale, autorisant les établissements assujettis à ces codes à prêter directement aux entreprises, sous certaines conditions, ou d’investir dans des fonds de prêts à l’économie. Ensuite l’ordonnance de 2014 sur le crowdfunding a ouvert la voie à un financement direct par les marchés. Enfin, le projet de loi Macron avec la possibilité pour les entreprises de recourir au crédit inter-entreprises et aux plates-formes de financement participatif d’utiliser la technique du bon de caisse. Une évolution avec un handicap majeur, le crédit octroyé est réalisé sans création de masse monétaire, par utilisation de la trésorerie ou de l’épargne disponible. C’est-à-dire au niveau national, sans moyens de financements nouveaux, juste par ré-allocation des ressources. Ce plan PME va donc renforcer le pouvoir sur les PME de leurs grandes entreprises clientes bénéficiant de conditions de financements très favorables. Et d’une certaine manière contribuer à créer un shadow banking non bancaire, laissant le secteur bancaire libre de ne pas financer l’activité des PME jugée moins rentable que les investissements spéculatifs.

Une fois de plus, avec ce plan, le gouvernement ne change pas les conditions de financement des PME ni le rôle des banques à leur égard. Alors que le problème des PME françaises réside dans le rationnement du crédit bancaire, qui engendre faute d’investissements un vieillissement relatif de leurs capacités productives (hommes et machines) et une perte d’efficacité du capital, aucune mesure n’est envisagée pour mobiliser le système bancaire en faveur des PME, dont le taux d’endettement bancaire est l’un des plus faibles d’Europe. ■

 

 

 

(1) ACOSS, note Acosstat n° 210-avril 2015.

 

 

 

 

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