Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Changer l’Europe pour sauver la Grèce et les autres peuples européens

La dignité du peuple grec face au chantage et à l’injustice est un message d’espoir et de fierté pour tous les peuples d’Europe. Les donneurs de leçons feraient bien de se souvenir que la Grèce est le berceau de la démocratie moderne. Alexis Tsipras et Syriza redonnent sens au pouvoir du peuple.

Un véritable accord entre l’Union européenne et la Grèce impliquerait de respecter enfin le peuple grec qui a démocratiquement exprimé sa volonté de rester dans la zone euro et d’en finir avec l’austérité. Il faut convertir la dette existante et allonger son échéance pour libérer l’économie grecque du poids des intérêts et des remboursements qui bloquent aujourd’hui son redressement. Il faut mettre à la disposition des entreprises et des collectivités publiques grecques l’argent nécessaire pour une relance durable à partir d’investissements efficaces et d’une expansion des services publics. Il faut en finir avec ce scandale de 25 % de chômeurs et permettre à tous et notamment aux jeunes d’exercer des emplois qualifiés. Il faut construire un système fiscal moderne, juste et efficace, remettre le système de santé en état de marche, relancer l’éducation et la recherche, rénover les services publics. La BCE en a les moyens, elle crée chaque mois 60 milliards d’euros par son nouveau programme de quantitative easing avec l’objectif d’aller jusqu’à 1 140 milliards. Au lieu de les injecter sur les marchés financiers, elle devrait mobiliser son formidable pouvoir de création monétaire à travers un Fonds de développement économique, social et écologique européen, démocratiquement géré pour financer des investissements ciblés sur la sécurisation de l’emploi et sur le développement des services publics. Face à la prochaine crise financière qui se prépare, la politique monétaire de la BCE devrait décourager le gonflement des opérations financières et inciter au contraire les banques à financer les projets répondant à des critères précis pour la relance économique, la création et la sécurisation des emplois et de la formation, l’écologie. La Grèce, l’économie de la zone euro et tous les Européens qui souffrent de l’austérité, en bénéficieraient.

Mais la BCE, le FMI et les chefs de gouvernements européens s’y refusent. Ils ont peur que Syriza démontre qu’une autre politique est possible dans l’Union européenne. Ils semblent même prêts pour l’en empêcher à pousser la Grèce hors de l’euro. Cela serait lourd de dangers pour la Grèce, pour chaque pays de l’UE, mais aussi pour la construction européenne elle-même, comme pour l’économie mondiale. François Hollande devrait mettre le poids de la France au service d’une vraie solidarité entre l’ensemble des pays de la zone euro. Saluons le formidable exemple démocratique qu’Alexis Tsipras a donné en consultant le peuple grec sur l’état des discussions au sein de l’Eurogroupe. Il est nécessaire de porter la mobilisation pour la Grèce à un niveau qui la rende irrésistible face à la pression des marchés financiers et à l’irresponsabilité dangereuse des dirigeants européens.

Ce qui se passe en Grèce porte l’urgence de changer la construction européenne pour appuyer réellement le développement des peuples. C’est toute l’Europe qui est malade de l’austérité et de la finance. Face à la guerre économique dans laquelle on veut entraîner les peuples, imposons un message de solidarité et de coopération. Reprendre le pouvoir sur l’argent et son utilisation, c’est ouvrir la perspective qu’un autre monde est possible !

En France aussi c’est la spirale infernale de l’austérité, avec la réactivation du dogme selon lequel il n’y aurait qu’une seule politique économique possible. à l’écoute du Medef, E. Macron ministre libéral de l’économie de M. Valls, et F. Rebsamen ministre du Travail, s’acharnent à détruire le droit et le Code du travail et entendent en finir avec le modèle social français construit à la Libération. Ils parlent de «simplifier » le Code du travail, en réalité ils le décapitent. Le droit du travail est alors présenté comme archaïque et complexe. Il serait la cause de tous les maux et en particulier du chômage. Or aucun lien n’a jamais été démontré entre protection des travailleurs et taux de chômage. Mais ce dogme est à l’œuvre. Il a déjà servi à d’importantes régressions au nom de la flexibilité. Avec une difficulté accrue pour les travailleurs de s’y opposer suite aux régressions législatives imposées depuis 2013.

Certains osent prétendre à la fin du travail subordonné, ils invoquent l’évolution des organisations productives et des tâches qui tendrait à rendre les travailleurs moins dépendants. Les vieilles protections seraient ainsi devenues inutiles. Cette remise à jour de la pensée libérale du contrat de travail entre égaux est une contre-vérité. La subordination n’est pas en voie de résorption, la part de l’emploi non salarié est stable à un niveau très bas : autour de 3 % de l’emploi total depuis 2000 (2,8 % en 2014). Cette part était encore de plus de 5 % en 1990 et de 7,9 % en 1984.

Le chômage de masse et le rapport de force patrons/salariés ont plutôt placé les travailleurs dans une situation de faiblesse accrue. Depuis la fin des années 1980, la gestion, l’évaluation et le contrôle des personnes se sont fortement individualisés. La subordination est en réalité plus invasive. On devrait au contraire imposer la recherche de protections nouvelles. Le droit du travail est certes devenu complexe avec une inflation législative. Mais pas plus que tous les autres domaines du droit.

Au fond, derrière ce leitmotiv de la simplification, se cache la destruction du droit du travail. Il est donc regrettable que deux éminents juristes, R. Badinter et A. Lyon-Caen, dans un petit opuscule [Le travail et la loi, Fayard 2015] qui revendique la « liberté d’initiative de l’entrepreneur », son « pouvoir de soumettre les salariés » et l’« efficacité » de l’« organisation productive » et où il n’est plus question de démocratie sociale et de protection des travailleurs, s’associent à cette volonté de destruction. Moins surprenant en revanche que les auteurs aient bénéficié de l’appui marqué du président du Medef. Le gouvernement ayant pour sa part renvoyé les futures réformes aux conclusions de la commission Combrexelle, qui doivent être rendues en septembre 2015. L’inquiétude est cependant de mise, d’autant que l’un des auteurs, M. Antoine Lyon-Caen, est membre de cette commission.

Alors que la crise et les politiques d’austérité aggravent les inégalités, on ferait bien de mesurer ce qu’une destruction du droit du travail pourrait produire en France. Une simplification et une pédagogie d’accès au Code du travail pourraient être utiles même si cela ne peut en soi résoudre la dramatique question du chômage. Mais il s’agirait surtout de préserver voire de renforcer les protections essentielles des travailleurs, en rupture avec la destruction engagée par le pouvoir actuel des protections du droit du travail.  n

 

 

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