Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Télécom et communication : le droit à la communication et l’information pour tous

L’ordinateur, le mobile, pénètrent en force et sans complexe dans notre environnement professionnel et familial. Toutes les activités et toutes les professions sont impliquées : recherche, école, santé, culture, loisirs, presse, télévision, industrie, domotique, finance, banque, courrier, transport, administration, armée... Cette véritable révolution bouleverse la façon de produire et d’échanger et a un impact sur l’ensemble des rapports sociaux ; elle ouvre les frontières politiques et économiques.

L’accès à l’ensemble des usages et services dépend des réseaux

Pour véhiculer les flux d’informations, les réseaux jusqu’alors spécialisés dans la téléphonie, les données, la radio ou l’image tendent à l’interopérabilité. Le réseau des mobiles évolue de la téléphonie vers la transmission de données et d’images grâce à la technologie UMTS. Il inaugure des perspectives dans la visiophonie, l’ordinateur mobile, la domotique... Le réseau fixe tend vers les très hauts débits. Le fil cuivre, qui alimente actuellement chaque abonné, est dopé grâce aux technologies DSL. S’il satisfait ponctuellement les professionnels et les internautes exigeants, seule l’évolution du réseau fixe vers la fibre optique permettrait de garantir un réel accès pour tous à l’ensemble des services.

Enfin, la télévision numérique pointe son nez par câble, satellite ou fréquence hertzienne, offrant ainsi une gamme de services interactifs de qualité inégalée.

Un choix de société et de civilisation

Si la révolution numérique est en route et semble irréversible, de nombreux obstacles à l’accès de tous aux usages et services subsistent :

La fracture numérique est une réalité entre générations, entre les couches sociales, entre les territoires.

L’Afrique et le Moyen Orient comptent ensemble à peine 1% des usagers d’Internet, selon un rapport du Bureau International du Travail. 90% des usagers d’Internet se trouvent dans les pays industrialisés.

En France, le coût du terminal constitue l’obstacle principal pour l’accès à Internet. Selon les sources Médiamétrie, les taux d’accès à Internet varient de 1,1% en Champagne-Ardenne à 8,9% en Ile-de-France. 33,1% des internautes sont des cadres supérieurs, 23,3% des professions intermédiaires et techniciens, 11% des retraités, 10,4% des employés, 7% des ouvriers, 5,8% des professions libérales indépendantes, 2,8% des agriculteurs.

Les régions en relief et faiblement peuplées comme le Limousin et la Corse n’ont pas de couverture totale pour le mobile.

L’information et la communication échappent pour l’essentiel au champ du service public et sont devenues des marchandises convoitées par les grands groupes industriels et financiers devenus transnationaux.

Deux questions étroitement liées se posent :

quel va être le sens des évolutions : cette révolution technologique va-t-elle s’accompagner d’un progrès de civilisation, ou au contraire du creusement des dominations et des inégalités ?

qui va la piloter : Une petite minorité ou bien la grande masse des citoyens ?

Un secteur des Télécommunications soumis au libéralisme

1. L’évolution mercantile du secteur En une seule décennie, un marché mondial de la communication s’est développé, résultante de pressions des groupes américains via, entre autres, l’OMC. L’Europe et les Etats ont en dix ans multiplié rapports, directives, règlements, lois et décrets pour justifier et imposer la libéralisation du secteur.

Années 70 : Les Etats Unis et les Etats européens multiplient les initiatives pour imposer leurs normes, leurs protocoles, leurs réseaux.

Années 80 : Mise en concurrence des réseaux câblés en France. Financement de ces réseaux en grande partie par France Télécom et les Collectivités locales.

Années 90 : Lois Quilès-Rocard en France pour la séparation de la Poste et de France Télécom. Les directives européennes se succèdent et visent à accélérer la libéralisation du secteur. La communication devient une simple marchandise. D’un service public, nous passons à un service universel rabougri.

Le feu vert est ainsi donné pour enfoncer les barrières politico-juridiques des pays :

 

Les monopoles et services publics d’Etats des télécommunications sont privatisés et soumis à une concurrence forte sur leur territoire. Une série de regroupements s’opère entre équipementiers, opérateurs, producteurs et distributeurs de services. Les fusions – acquisitions – ventes de réseaux et services favorisent l’émergence d’oligopoles privés.

Des capitaux considérables sont mobilisés pour la nouvelle économie. Une bulle financière monte au zénith le secteur, pour très vite retomber faute de lisibilité.

Chaque Etat laisse venir ou cautionne les fusions-acquisitions, espérant en tirer profit. Internet et les mobiles n’entrant pas dans le champ du service universel, tous les coups sont permis : guerre des tarifs, coûts de publicité, multiplication des réseaux et des nouveaux services et usages, couverture partielle du territoire. De nouveaux acteurs pénètrent sur le territoire en toute impunité. Une folie boursière perturbe l’ensemble des marchés.

Les salariés, même actionnaires, n’ont rien à y gagner : les quelques dividendes récupérés se font toujours au détriment du salaire et d’un emploi stable, de conditions de travail dégradées. La libéralisation du secteur des télécoms a été présentée comme le moyen de développer de nouveaux services et le moyen de baisser les tarifs.

En fait, elle a permis aux grands groupes industriels et financiers de pénétrer en force dans ce secteur. La concentration des investissements sur les créneaux rentables sur lesquels se développe la concurrence a conduit à privilégier les baisses de tarifs sur les services aux grandes entreprises (notamment les communications internationales) au détriment des autres usagers (ménages et PME).

La situation actuelle et ses enjeux

Le service universel européen est réservé à la seule téléphonie fixe de base, à la publiphonie et à l’annuaire page blanche. Il limite donc considérablement les pressions auprès de opérateurs pour assumer de véritables missions de services public sur les mobiles, les hauts débits et internet.

Une multitude de réseaux alternatifs à celui de l’opérateur historique se construisent, se superposent sur les grands axes et les agglomérations. Les seules zones et clients rentables sont ciblés. Les collectivités locales sont sollicitées pour leurs financements. le développement du territoire. Pourtant, les infrastructures actuelles existent et ne demandent qu’à être améliorées. L’expérience des réseaux câblés n’a donc pas suffi. Un débat sur le fond et sur la forme s’avère indispensable pour redéfinir le rôle politique des collectivités locales et sur le financement des réseaux.

Quelle visée alternative?

Faire reconnaître et faire vivre le droit à la communication et à l’information

En particulier, le droit à la communication et à l’informa-tion doit être reconnu comme un droit fondamental de l’Homme. L’accès aux moyens modernes de communication et d’information ne saurait être réservé à une minorité d’individus. C’est la notion d’égalité d’accès qui doit au contraire prévaloir.

Cela implique d’y développer une logique de service public, non seulement en France, mais dans le monde entier :

en intégrant dans le champ des missions de service public les nouveaux services liés aux technologies d’aujourd’hui;

- en se plaçant dans une optique de co-développement des peuples et d’aménagement équilibré des territoires ;

en favorisant la coopération et le partage des ressources dans un but d’efficacité sociale entre les opérateurs et en faisant concomitamment reculer les logiques de domination.

Une maîtrise citoyenne sur le secteur des télécommunications

La meilleure garantie d’une réorientation durable des choix en fonction d’objectifs de service public, c’est d’aboutir à une réelle maîtrise par les citoyens des processus de structuration et des objectifs de développement.

Il s’agit de favoriser l’intervention des populations, de leurs représentants élus, de leurs associations de consommateurs, pour redéfinir en permanence les missions de service public (en fonction des progrès technologiques), contrôler leur mise en œuvre et évaluer les résultats.

Aujourd’hui, six nouvelles directives européennes visent à poursuivre l’affaiblissement des opérateurs historiques au profit d’opérateurs entrants.

Un débat public est d’autant plus nécessaire en amont que ces directives devront ensuite s’appliquer pour chaque Etat.

Sur les neuf schémas collectifs lancés en consultation par la DATAR, l’un concerne l’information et la communication. Des objectifs ambitieux y sont proposés tel le haut débit pour tous sur cinq ans et le très haut débit sur dix ans. Les usages et services nouveaux avec leur accessibilité pour tous s’assimilent à de véritables missions de service public.

Le projet de Loi sur la société de l’information vise à réviser le Code des PTT sur le secteur des télécommunications et approfondit la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (loi Voynet). C’est un « copier-coller » des six directives européennes. La libéralisation du secteur y est confirmée. Il n’y a plus besoin de constat de carence de l’opérateur historique. Ainsi, les collectivités locales peuvent créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications. C’est un réel danger car la loi affranchit les obligations de l’opé-rateur public pour l’aménagement et Un Premier terrain d’intervention, l’Europe

L’Europe constitue aujourd’hui le champ d’intervention politique incontournable. Chaque décision, directive ou règlement structure le secteur de l’information et de la communication pour chaque Etat.

  1. Il s’agit d’abord de mettre un coup d’arrêt au processus de libéralisation. Pour cela, il faut instaurer un moratoire sur les directives déjà votées ou en projet, faire un bilan des effets de la déréglementation, et, à la lumière de celui-ci, engager un vaste débat public d’alternative.

  2. Au-delà, il faudra d’autres textes pour organiser sur des bases de service public le secteur des télécoms. Sur la base des principes suivants :

la reconnaissance du droit à la communication et à l’information comme droit de l’Homme à inclure dans la Charte des Droits Fondamentaux (dans la perspective de rendre cette Charte contraignante);

l’extension du « service universel » à l’ensemble des nouveaux services liés aux nouvelles technologies (hauts débits, mobiles, Internet) ;

la définition d’obligation élevées de service public à l’ensemble des opérateurs (y compris en termes d’aménagement du territoire, de qualité de service, d’emploi, de statut des personnels);

la reconnaissance de l’intérêt d’un monopole public de gestion des infrastructures de réseaux (pour éviter les gâchis d’investissement par ailleurs destructeurs de paysages), et son extension future à l’Europe par la coopération des opérateurs concernés ;

le changement de rôle et la démocratisation des autorités de régulation qui doivent devenir des instruments de contrôle citoyen, avec la présence de représentants des usagers et des salariés ; ces institutions doivent en particulier intégrer dans leurs prérogatives l’encadrement de la politique tarifaire, condition d’une péréquation entre services et d’une réelle égalité d’accès.

Deuxième terrain d’intervention, la France

  1. Arrêter le mouvement de privatisations dans le secteur des télécoms. Tirer un diagnostic précis et objectif des conséquences de la libéralisation du secteur, comme base d’un débat national. Multiplier les initiatives visant à redynamiser les vertus d’un service public rénové. Lancer une reconquête du monopole public sur le réseau fixe et mobile. France Télécom doit en être l’acteur principal.

  2. Créer un pôle public de l’informa-tion et de la communication.

Si France Télécom reste un leader national, européen et mondial, la situation n’est plus comparable avec celle d’il y a cinq ans et on ne peut plus poser les problèmes dans les mêmes termes.

Le pôle public :

il réunirait France Télécom et des détenteurs publics de réseaux tels que EDF, SNCF, RATP,..., ainsi que les secteurs Poste, télévision, recherche et développement;

il aurait comme premier objectif de concrétiser le droit à la communication et à l’information, en France, mais aussi à l’étranger en partenariat avec des opérateurs de ces pays;

il permettrait de développer une politique volontariste d’aménage-ment cohérent du territoire sur le mobile, le haut débit et Internet ;

il coopérerait avec les autres opérateurs comme Bouygues et Vivendi, notamment dans la définition de nouveaux produits, avec les équipementiers et sous-traitants.

  1. Démocratiser l’ART à l’image de ce que nous proposons comme axe d’intervention à l’échelle européenne.

Troisième champ d’intervention, la région

La Région devient un lieu de décision important, tout comme les agglomérations, les Intercommunalités et les Pays.

Le schéma des services collectifs de l’information et de la communication édité par la DATAR en automne 2000 laisse entrevoir des idées de partage des connaissances et d’accès au savoir.

  1. Mais ce schéma s’inscrit « dans les modalités de la régulation qui sont fondées sur un cadre législatif et réglementaire, issu de la loi sur la réglementation de 1996 » et voudrait donc que chaque région se dote d’un réseau haut débit pour véhiculer les nouvelles techniques de l’information et de la communication (NTIC). De multiples technologies permettent la construction de réseaux parallèles concurrent de ceux de l’opérateur historique. Et les régions sont devenues des têtes de pont pour la mise en œuvre de cette conception porteuse de gâchis économiques et de destructions de l’environnement.

Nous proposons au contraire de contraindre l’opérateur public à moderniser son réseau.

La modernisation d’un réseau unique national en fibre optique est estimée à 70 milliards de francs. En comparaison ne peut-on pas évaluer le coût et les conséquences d’une multiplication de réseaux alternatifs ?

Le constat est identique pour le nouveau réseau mobile haut débit aux normes UMTS qui reste à construire. Celui ci est évalué de 30 à 40 milliards de Francs chacun (4 opérateurs prévus), hors coût des licences. Ce secteur n’étant pas couvert par le service universel, on imagine aisément le peu d’empressement à couvrir l’ensemble du territoire. Les zones très urbanisées seront priorisées.

Plutôt que d’encourager les régions à financer les infrastructures pour la couverture de l’ensemble du territoire, il faut revoir le coût des licences, mutualiser les réseaux et infrastructures. France Télécom en qualité d’opérateur public doit en avoir la gestion. Les opérateurs souhaitant offrir des services devront s’acquitter du coût réel du réseau et des infrastructures.

Quatrième champ d’intervention, le contenu des services:

assurer la gratuité et l’universalité de la connaissance, de l’information et de la culture. Pour cela, la formation initiale et continue des citoyens aux réseaux et outils informatiques est un droit. Une responsabilité publique qui peut seule assurer une culture informatique de base, une alphabétisation numérique indépendante des choix technologiques des firmes privées;

internet doit être un média de masse et un espace de socialisation partagé de l’information. Dans l’immé-diat l’octroi d’une adresse e-mail à tous et l’installation de bornes Internet en libre accès par la coopération entre France Télécom et les autres entreprises publiques (en premier lieu la Poste), puis très vite la délivrance gratuite d’un terminal multimédia (à l’image du minitel d’hier) sont des mesures qui permettraient cette démocratisation.

 

 

La situation de France Télécom

  1. Un nouveau cadre réglementaire :

Il ne s’agit plus aujourd'hui pour l’opérateur d’assumer des missions de service public, mais simplement d’assurer un service universel réduit à la téléphonie fixe de base, la publiphonie, les pages blanches de l’annuaire. L’ensemble des autres services est soumis à la concurrence. (mobiles, hauts débits, Internet).

France Télécom reste cependant incontournable grâce à son réseau interconnecté et sa boucle locale. Les concurrents, opérateurs entrants, multiplient les pressions pour une utilisation du réseau au moindre coût (dégroupage, tarifs d’interconnexion, répartition et coût des fréquences, ...).

  1. Une nouvelle stratégie :

Soumis aux pressions boursières, l’opérateur multiplie les restructurations sur l’ensemble des ses services en les segmentant par branches (Maison Mère, Mobiles, Wanadoo, Global One) et par types de clientèles (résidentiels, entreprises,...).

France Télécom n’a plus pour priorité le territoire national et cherche à devenir un opérateur européen et mondial. Le Groupe est présent dans 28 pays sur le fixe, 32 pays sur le mobile et dans plus de 100 pays avec Global One et sur l’ensemble des aéroports de la planète avec Equant. Cette stratégie a un coût : 400 milliards de francs de dettes en 2000. (61 milliards d’euros). Les besoins en liquidités font que France Télécom oriente ses investissements sur ce qui lui apparaît le plus porteur à court et moyen terme, Internet et le mobile haut débit.

  1. Un nouveau mode de gestion :

18610 emplois ont été supprimés dans la maison mère depuis 1997, 40 000 sont appelés à disparaître d’ici 2004. Le statut du fonctionnaire est malmené. Le gouvernement, et les dirigeants de l’entreprise, conscients du rapport de force syndical dans l’entreprise, tablent sur le dégonflement des effectifs de la maison mère – 85% de fonctionnaires – par les départs naturels nombreux et la mobilité du personnel vers les nouveaux segments d’activités, tous filialisés et sous statut privé. La précarité s’instaure par la sous-traitance, l’externalisation et la création de plates-formes d’appels.

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.