A la suite des campagnes menées par les syndicats et les communistes tout le monde a maintenant parfaitement compris la gravité du danger du «principe du pays d'origine» qui permet à une entreprise polonaise de venir travailler en France selon les lois sociales polonaises. Avec l'ampleur du chômage de masse en Europe et les écarts de salaires entre pays, la mise en concurrence des travailleurs conduit nécessairement à la baisse de tous les salaires et à l'augmentation du chômage. De plus, étendue aux services publics, cette concurrence conduit les entreprise publiques à la disparition. Les citoyens voient bien le lien étroit entre cette directive et la Constitution.
Le double langage des partisans du OUI
Alors c'est l'affolement général dans le camp du oui. Les pyromanes s'habillent en pompier. Ils exigent maintenant le remise à plat de la directive sur les services alors qu'ils l'ont soutenue depuis trois ans qu'elle est en préparation. Les preuves :
en décembre 2000, Fritz Bolkestein déclare que la Commission de Bruxelles définit avec son projet«une stratégie pour le marché intérieur» soutenue par tous les Etats et le Parlement européen.
en novembre 2002 les chefs d'Etats approuvent le rapport de la Commission, qui contient le principe du pays d'origine, et demandent l'accélération des travaux
les 12 et 13 février 2003 le Parlement européen donne un premier avis favorable, y compris au principe du pays d'origine. Les partis européens de droite et les partis socialistes européens applaudissent. Seuls les communistes ainsi que les verts nordiques s'opposent.
le 14 février 2004 tous les membres de la Commission européenne, et donc le représentant de la France, adoptent la version définitive.
Et aujourd'hui ils jouent les vierges effarouchées, ils font semblant de découvrir les risques de dumping social. Depuis un an des syndicats dénoncent ce funeste projet. Le 8 juin dernier, le journal l'Humanité en révèle le contenu mortel, pas un mot depuis dans les autres médias presque tous partisans du OUI. Depuis un an le Parti communiste mène campagne pour son retrait, pas un mot non plus dans la presse sur cette action d'opposition.
Ils ont peur mais le cap de la concurrence, de la précarité et de la baisse des salaires est maintenu
C'est uniquement la crainte du NON au référendum sur la Constitution qui fait réagir les «Ouistes». On ne peut bien sûr que se féliciter de ce recul qui est une belle victoire contre les libéraux et une nouvelle preuve que l'action et la mobilisation ça paye.
Mais cette victoire est très fragile. Si on regarde de près les déclarations des uns et des autres il n'est pas question du retrait de la directive mais de son aménagement. Peut-être accepteront-ils de sortir provisoirement certains services publics ? Barroso parle de revoir l'application de la règle du pays d'origine, pas de la supprimer. En même temps Barroso réa ff irmequ'il faut «éliminer les obstacles à la mobilité de la main d'œuvre» et qu' «il faut accroître la flexibilité de la main d'œuvre».
Le cap, au profit des capitalistes, est donc maintenu, la construction européenne à l'œuvre contre l'intérêt des peuples est confirmée. Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement avec ce projet de Constitution européenne dont le coeur est formé du principe réaffirmé des dizaines de fois de «la concurrence libre et non faussée» Ce principe s’accompagne du refus d’harmoniser par le haut les droits sociaux, pas même un smic européen, bien au contraire l’article III-209 s’en remet au «fonctionnement du marché» pour favoriser «l’harmonisation des systèmes sociaux».
La directive Bolkesteinpousse jusqu’au bout le texte et la logique de la Constitution, elle tranche crûment le débat sur le sens de la Constitution. Elle confirme que pour les libéraux, rédacteurs de la Constitution, ce sont les droits sociaux, les réglementations, les services et entreprises publics qui empêchent et faussent la concurrence érigée en dogme. La directive apporte la preuve irréfutable des intentions réelles des dirigeants libéraux de l’Europe, la preuve que les prétendues garanties offertes par la Charte des droits fondamentaux ne sont que du vent.
La directive Bolkestein sur les services a besoin de la Constitution pour être légale, en particulier en France, car elle n’est pas conforme à notre droit, elle est en particulier contraire au principe constitutionnel de la territorialité des lois. Elle pourrait cependant s'imposer demain puisque l’article 1-6 du projet de Constitution prévoit que : «La Constitution et le droit adopté par l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci priment le droit des Etats membres». Pierre Mazeaud, président du Conseil Constitutionnel, précise que «le droit communautaire prévaut, en cas de conflit, sur nos normes nationales y compris sur nos règles constitutionnelles». Si on ajoute que le droit européen sera adopté selon la règle de la majorité on voit que le veto français serait bien insuffisant.
Comment par ailleurs faire confiance à Chirac qui fait mine de découvrir les risques de dumping social comme il découvrait la fracture sociale : il aff i rmait le 14 juillet 2002 qu'il ne toucherait pas aux 35 heures. Voilà qu'avec deux lois successives il casse, non seulement les 35 heures, mais qu'il nous ramène à la situation d'avant 1936 en visant explicitement comme objectif la durée maximum de 48 heures prévue, là encore, par les directives européennes.
La directive Bolkestein comme les directives sur la durée du travail sont finalement les circulaires d'application de la Constitution. C’est le texte fondateur de la concurrence sauvage qu’il faut retirer. C’est le NON français à la Constitution qui serait un obstacle au développement du dumping social. Cet événement serait alors une base pour changer d’orientation, faire prévaloir la coopération sur la jungle de la concurrence, travailler à une charte européenne des droits sociaux alignée sur les meilleurs droits, promouvoir l’Euro pe sociale au lieu de l’Europe capitaliste. n