Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Projet de Constitution européenne : Force et originalité du non du PCF

EDITORIAL

La montée du mouvement unitaire sur des points clés salaires, réduction du temps de travail, emploi met en cause objectivement des verrous essentiels de la politique Raffarin, mais aussi du projet de Constitution européenne. D'où la force du rejet syndical à son égard. allant du non de la CGT aux prises de position très fermes de la FSU, des critiques des dirigeants de Force ouvrière, de la mise en garde de la CGC.
Pourtant, sur ces questions essentielles touchant l’existence des plus démunis aux plus qualifiés, la démagogie du gouvernement coule à flots et la volonté d'intégration de la droite au choix libéraux est sans b orne.

C'est vrai dans le domaine de l'emploi  : Le gouvernement prétend, par la chasse aux chômeurs et la précarisation généralisée, répondre au défi de faire reculer le chômage tout en satisfaisant aux besoins de souplesse et de réactivité des entreprises avec les nouvelles technologies. Il n'hésite pas à se revendiquer de la sécurité sociale professionnelle de la  CGT  en la dévoyant,  pour avancer  un projet    de «contrat intermédiaire» qui permettrait aux patrons de licencier en quelques jours. Avec le plan dit de cohésion sociale de J.-L. Borloo, il prétend canaliser les privés d'emploi et les jeunes vers les " métiers du plein emploi " c'est-à-dire des postes de travail dont personne ne veut plus aujourd'hui, du fait de conditions de travail d'un autre âge, de salaires très faibles et de perspectives de déroulement de carrière bouchées. C’est aussi ce qui illustre le formidable mouvement des  lycéens  pour une  lutte réellement e fficace contre l’échec scolaire.
Cette politique est conforme à la visée de «plein emploi» que revendique la droite et que porte le projet de traité constitutionnel, c'est-à-dire une société où le chômage ne serait pas éradiqué ce qui, avec les nouvelles technologies, entraînerait une très forte précarité.

C'est vrai dans le domaine du pouvoir d'achat et de la durée du travail.
Elle met en cause les 35 heures, au nom de l'idée qu'il faut pouvoir «travailler plus pour gagner plus», alors qu'il s'agit essentiellement de diminuer à nouveau les coûts salariaux, tout en permettant aux employeurs de disposer de plus de flexibilité de la journée de travail.
En réalité, la droite entend ainsi conformer la législation sur la semaine de travail en France au fait que l'Union européenne ne reconnaît que la notion de durée maximum du travail, aujourd'hui de 48 heures. Elle anticipe ainsi sur le nouveau cadre légal que constituerait le projet de traité constitutionnel s'il était adopté. Cela confirme que l’on ne peut être à la fois contre cette remise en cause des 35 heures et appeler à voter oui au référendum.

La colère contre la politique de J.-P. Raffarin et le besoin de réponses immédiates aux revendications constituent un terreau propice à une prise de conscience majoritaire que le type d'Europe que porte le projet de constitution doit être rejeté. Cela est conforté par la mise au jour des projets régressifs de la Commission européenne comme la directive Bolkestein qui imposerait, contre le droit du travail national, la possibilité à des entreprises étrangères de faire travailler des salariés en France «aux conditions du pays d'origine». Le refus de l'abroger pour s’en tenir à un seul report de son examen, annoncé par J.-M. Barroso, qui, en même temps, réaff i rme son accord avec ce texte, confirment la volonté de le mettre en oeuvre après le référendum.

Alors que l’Europe connaît une crise majeure avec l'échec des orientations du sommet de Lisbonne prétendant faire de l'Union «l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde» d'ici 2010, le rejet actuel du projet constitutionnel qui s'amplifie ne pourra vraiment devenir majoritaire que s'il porte l'exigence et l'espérance d'alternatives ambitieuses et crédibles à la politique de la droite et pour une autre construction européenne.

Face au chômage, à la précarité et à la surexploitation que l’adoption de la Constitution accélèrerait encore, le PCF vise une autre Europe avec une sécurité d'emploi ou de formation commune à tous les européens, construite à partir des luttes immédiates : celles des chômeurs, érémistes, pour une meilleure indemnisation et un retour à l'emploi choisi avec la  formation,
elle-même choisie ; celles des précaires pour l'accès à des emplois stables et correctement rémunérés ; celles des salariés confrontés aux licenciements, délocalisations, restructurations pour une sécurisation des parcours professionnels, grâce à des moratoires suspensifs et des droits de contre-propositions des Comités d'entreprise. Le tout appellerait, au lieu de «la concurrence libre et non faussée», de vastes coopérations nationales et européennes nouvelles visant ces  buts sociaux.

Il s'agit, partout, de permettre aux salariés, aux citoyens, aux élus d'établir des objectifs chiffrés annuels de créations d'emploi, de mises en formation et de disposer des moyens de les  réaliser.

Pour cela, face à l'Europe des marchés financiers, et d'une BCE «indépendante» à leur service, le PCF vise une réorientation profonde de la politique monétaire de cette institution : elle «financerait» les crédits des banques à un taux d'intérêt d'autant plus abaissé que ces crédits financeraient des investissements créateurs d'emplois et de formation. Ce taux serait relevé pour les opérations financières.

Tout en s’opposant contre les transferts de l’Etat sur les collectivité territoriales, nous appelons tout de suite à lutter pour la création de Fonds régionaux pour l'emploi et la formation alimentés par les budgets des conseils régionaux. Ils prendraient en charge toute ou partie des intérêts des crédits bancaires aux entreprises dans la mesure où ceux-ci programmeraient de l'emploi et de la formation. Cela permettrait, sous le contrôle des salariés et des élus, de commencer à changer les relations entre banques et entreprises, dès le terrain, et à répondre aux objectifs d’emplois dans les régions.

Le PCF appelle, contre le pacte de stabilité malthusien, bridant les dépenses sociales et publiques au lieu de réduire les gâchis des cadeaux aux grands groupes et aux plus riches, à l’expansion, en coopération, des dépenses  utiles  pour  le  développement  des  êtres  humains en vue de relancer la croissance et l’emploi. Contre les déréglementations des services publics et la tentative de leur substituer de soit disant «Services d’intérêt général» qui, en fait, réduiraient leurs missions à une peau de chagrin, il s’agit d’opposer des services publics modernisés, favorisant la concertation entre les salariés et les usagers, coopérant en France en Europe et pouvant s’appuyer sur de nouvelles entreprises publiques.

Face à l'Europe fédérale, inféodée à l'OTAN et aux États-Unis, il s’agit de viser un nouveau type de confédération forte d'une démocratie participative et d'intervention, du local au mondial, du national au niveau européen, construisant la sécurité de ses acteurs sur le développement de coopérations pacifiques, non alignées, visant la promotion et la sécurisation des moments de la vie de chacun et un co-développement de l'humanité, au lieu du surarmement.

Économie et Politique après cinquante années au service de la novation marxiste, contre tous les dogmatismes, au service des luttes contre tous les conformismes s'engage avec détermination dans la bataille pour un non majoritaire au projet de constitution et pour l'avancée de grands axes de transformation sociale susceptibles d'être pris en main par les salariés et les citoyens eux-mêmes.

Il s'agit bien, en effet, de ne jamais recommencer ce qui a échoué en cherchant à frayer la voie d'une alternative véritable aux politiques libérales. Il s'agit inséparablement de construire une perspective de dépassement graduel, mais effectif, du capitalisme. Pour Economie et Politique, il y a là autant de chantiers pratiques pour un nouveau rayonnement.

André Lajoinie
Directeur d’Economie et Politique