Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Loi Borloo en matière de licenciement : sécuriser et promouvoir les droits et pouvoirs des employeurs

Le gouvernement vient de faire adopter au Sénat, dans la précipitation, son projet de réforme du droit des lic enciements économiqu es et celui dit de « création d’un droit au reclassement pour les salariés » en mettant devant le fait accompli toutes les organisations syndical es qui avaient exprimé leur désaccord sur ce projet. Il s'agit, en fait, de sécuriser et promouvoir les droits et pouvoirs des employeurs en matière de licenciement et de mettre en cause ceux des salariés et des comités d'entreprise tout en agitant quelques miettes sur la « sécurité ».

UNE SUCCESSION DE COUPS DE FORCE

Il s'agit du second cou p de force du gouvernement actue l sur ce sujet en deux ans après celui du gel imposé des cinq ar ticles inclus dans la loi de modern isation sociale (LMS) du 17 janvier 2002.

En fait, on ass iste à une série de remises en cause de la loi depuis l’adoption de celle-ci et la publication, dans la même période du décr et d'applicat ion de la Loi sur le contrô le des fonds publics attr ibués aux entr eprises. Ces mesur es avaient dû êtr e concé dées par le gouvernement Jos pin sous la press ion du mou vement social, notamment les manifestat ions de Calais et de Paris, suite au scanda le des « licenc iements bours iers » de Lu, Michelin ou Mark & Spencer.

C’est le Conse il const itutionne l qui engagea le premier ce mou vement régress if pour les salariés en décidant , au cours du printem ps 2002, de recaler un ar ticle impor tant de la LMS sur la définition du licenc iement économ ique voté par le Parlement .

Cette nou velle définition limitait la poss ibilité, pour un employeur, de recour ir au licenc iement économ ique à trois cas :

  • difficultés économ iques n'ayant pu êtr e surmontées par d'autr es moyens que le licenc iement économ ique,
  • mutat ions techno logiques mettant en cause la pérennité de l'entr eprise,
  • nécess ité de réorganisation de l'entr eprise indispensab le à la sauvegarde de l'act ivité de l'entr eprise. Ce qui excluait tout licenc iement just ifié par la recherche de la renta bilité que la jurisprudence avait intr oduite.

Le Conse il avait alors just ifié sa décision au nom de « la liber té d'entr eprise », une notion pour tant absente de la Const itution alors que la nouvelle définition du licenc iement économ ique, elle, s’app uyait sur des principes const itutionne ls tels que le droit à l'emploi ou de par ticipation des tra vailleurs à la gest ion des entr eprises.

Ce camou flet du Conse il const itut ionne l à la Nation, son gouvernement et son Parlement sur une quest ion auss i sens ible et identitaire pour la gauc he n'a été suivi d'aucune initiative du Premier ministr e, Lionel Jos pin, pour tenter de réintr oduire dans le Code du tra vail ces exigences sociales atten dues . Ce qui n'a pas été sans effet sur la défaite de la gauc he quelques mois plus tar d.

Ce fut ensu ite le Sénat avec la com plicité du gouvernement Raffarin qui pris le relais du Conse il const itut ionne l avec l’abrogation de la loi sur le contrô le des fonds publics attr ibués aux entr eprises dans une séance de nuit du Sénat la sema ine de Noël 2002.

Dans la même période la LMS fut l'objet d'une violente cam pagne du patr onat . Ainsi, le président de UIMM (1), Gaut hier-Sauvagnac s’éleva brutalement contr e cette loi qui, en raison du renforcement des pouvoirs de contr epropositions , entra înait, selon lui, « un changement de natur e des comités d'entr eprise ».

En janvier 2003, c’est le gouvernement , lui même , qui décide de geler cinq ar ticles de la LMS – ceux proposés , pour l’essent iel, par les députés commun istes – ceux-ci renforça ient la res ponsa bilité sociale et terr itor iale des entr eprises, les pouvoirs de contr e-propositions des comités d'entr eprise et le droit d'informat ion des élus sur les terr itoires concernés par les licenc iements ,

Lors du débat au Sénat , fin octo bre 2004, Gérar d Larcher, ministre délégué à l’emploi, a tenté de just ifier cette décision en préten dant, sans vergogne, que pendant la période allant de l'adoption de la loi de modern isation sociale à celle du gel des amen dements le nom bre de licenc iements écono miques n'avait pas baissé.

Mais comment , moins d’un an après son adoption et alors que les décrets d'applicat ion n'étaient pas tous parus , pouvait-il en êtr e autr ement ? Comment dans un tel délai les salariés et les élus concernés aura ient-ils pu maîtriser cette nou velle législation et l'utiliser efficacement ?

D’ailleurs , c’est pour tenter de donner une cer taine légitimité à ce gel des amen dements que le gouvernement avait deman dé l'ouver tur e d'une négociation entr e le patr onat et les syndicats afin, disait-il, de pouvoir s'appuyer sur un accor d national pour légiférer.

Mais aucun accor d n'ayant pu êtr e arrac hé par le MEDEF, le gouvernement doit aujour d’hui imposer un nou veau dictat pour imposer de nou velles régress ions du droit du tra vail en intr oduisant , en urgence , huit amen dements (2) à la sauvette dans la loi Borloo dont la discuss ion est déjà engagée depuis plusieurs sema ines

Afin de tenter de masquer la tota le conn ivence du gouvernement avec le MEDEF ce dernier n’hésite pas à tra iter « d’imbéc illité économ ique » le texte du gouvernement . Il envoie 22 amen dements provocateurs rédigés avec une injonct ion faite aux sénateurs de droite de les souten ir. Para llèlement les syndicats sont invités à une union sacrée derr ière le gouvernement pour empêcher le mauvais cou p du MEDEF.

Pour just ifier son projet le gouvernement préten d s'app uyer sur les ense ignements tirés d es « accor ds d e méthode », c'est-à-dire des formu les de négociations par entr eprise dérogatoires du Code du tra vail. Il s'agit par ce biais de dessa isir les comités d'entr eprise de leurs prérogatives sur la discuss ion des licenc iements économ iques et de paralyser ainsi les pouvoirs dont ils disposent dans celle-ci. .

Mais, il leur fait dire tout le contra ire du constat fait par le rappor t officiel de la Dgeefp de septembr e 2004, et cela pour mieux remettr e en cause les droits des comités d'entreprise dans l'examen des motivations des licenc iements économ iques , l’élaborat ion et la discuss ion des autr es propositions et, en cas de maintien des licenc iements , du contenu du plan social.

Ainsi, préten d-il que « Plus de 180 accords de méthode ont été signés et mis en oeuvre, démontrant qu'il a été possible de parvenir à une gestion négociée, à froid, des restructurations auxquelles peuvent être conduites les entreprises en cas de difficultés économiques » (3).

« Mais ce rappor t relève que sur 161 accor ds :

  • « la plupart d'entre eux a été signée à chaud,

  • 94 n'ont pas laissé le temps à la recherche des solutions alternatives ni à la négociation de mesures d'aides au reclassement,

  • 116 n'ont pas séparé la discussion entre le livre III et le livre IV du Code du travail, c'est-à-dire que l'exa men des causes des difficultés et la discussion sur les solutions proposées par l’employeur ou alternatives relevant du livre IV n’a pas précédé l'engagement d'un plan social du livre III. Or cet ordre est impératif car c'est la discussion du livre IV qui permet de conclure ou non à la nécessité d'un déclenchement du plan social. Celui-ci permet ensuite l'ouverture d'une négociation sur les primes de départ ou les reclassements éventuels. La démarche retenue dans les accords empêche, de fait, toute discussion sereine sur la réalité des difficultés économiques et plus encore si celles-ci sont avérées, celle sur les alternatives aux licenciements. Cette situation est encore aggravée avec le chantage à la fermeture d'entreprise ou à la délocalisation » (4).

LES DEUX OBJECTIFS REGRESSIFS DE LA LOI BORLOO CONTRE LES SALARIES

Le projet Larcher intégré dans la loi Borloo est const itué de deux volets com plémenta ires :

  • la réforme sur les licenc iements économ iques pour empêcher les salariés de recour ir au droit existant et saisir le juge,

  • le projet de créat ion d'un soit disant « droit au reclasse ment pour tous les salariés » avec la créat ion d’une convention de reclass ement personn alis é (CRP) : réponse populiste aux consé quences sociales de l’insécurité générée par les gest ions patr onales.

La réforme du droit du lic enciement économiqu e

Le texte proposé vise à enfoncer tous les droits collect ifs existants gagnés dans les luttes afin de rédu ire, pour les salariés, les situat ions d'insécur ité créées par les licenc iements .

Ainsi, en abrogeant définitivement les cinq ar ticles de la loi de modern isat ion sociale, la droite veut pousser à l'aban don de cer taines des avancées des droits et des pouvoirs des comités d'entr eprise acquis et inscr its dans le droit frança is. Ceux-ci leur permetta ient de contester le monopo le de décision du patr onat sur les licenc iements et donna ient cer tains moyens juridiques de faire prendre en com pte les contr e-propositions des salariés.

Il s’agit, avec ce projet d'empêcher le recours à un médiateur ou à la just ice pour contester les décisions patr onales, mais auss i de priver les salariés touchés par les licenc iements du bénéfice des droits et des garant ies existant dans le « plan de sauvegarde de l'emploi » (PSE).

En vidant de tout contenu réel les com pétences des comités d'entr eprise et les garant ies du « plan de sauvegarde de l’emploi », le gouvernement et le patr onat cherchent à rédu ire progress ivement toute action collective dans l’entreprise comme à l'extér ieur, avec la population et les élus, ou en saisissant la just ice.

Ils tentent de troquer « une négociation trienna le d'entreprise ou de branc he sur la gest ion prévisionne lle de l’emploi et des com pétences » pour mieux faire acce pter « les accor ds de méthode », c’est-à-dire des accor ds dérogatoires du droit applicable en matière de licenc iement économ ique.

La CRP

Avec la CRP, on cherche à impliquer plus systémat iquement l'ANPE et l'UNEDIC et à ouvrir ce dispos itif à un plus grand nom bre de salariés que les con ventions existantes . Il s'agit, cer tes , de tenter de répondr e aux nouveaux défis de mob ilité liés à la révolution informat ionne lle, mais les réponses app or tées ne font pas le poids. Le reclasse ment est mis en avant mais dans des con ditions telles que les salariés ser ont encor e incités ou obligés d’accepter des emplois en dessous de leur qualificat ion ou avec un salaire inférieur.

Cela parce qu’avec la CRP, on va précipiter la ruptur e du contrat de travail auquel on subst ituera it un nouveau statut dit de « sta giaire de la format ion professionne lle ». Un statut très flou, d'une durée très insuffisante et sans garant ie claire ni sur son financement , ni sur le montant de l'allocation de format ion, ni sur un quelcon que débouc hé dans l'emploi.

Au tota l, ce projet s’app uie sur l'as piration à un droit personna lisé au reclassement pour mettr e en place des mesur es qui ne cherchent qu'à sécur iser le profit en ajustant en permanence les emplois et les dépenses salariales et sociales des entr eprises au mar ché en aggravant les insécur ités pesant sur les salariés.

QUELLES MODIFICATIONS DE LA LOI APRES LE VOTE DU SENAT ?

l'abrogation de cinq articles de la LMS supprime des droits essentiels du comité d'entreprise sur les licenciements (article 37-I)

« Les dispositions du code du commerce et du Code du travail issues des articles 96, 97,98, 100 et 106 de la loi n° 2002

73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale et dont l'application a été suspendue par la loi 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation en matière de licenciement économique, modifiée par la loi n° 200 -627 du 30 juin 2004, sont abrogées (5) ».

Cela prolonge la loi Fillon du 3 janvier 2003 qui suspend les dispos itions du volet « licenc iements » de la loi de modern isation sociale. Celles-ci permetta ient aux salariés et comités d'entr eprise de mener une bata ille juridique et syndicale plus efficace contr e les plans des employeurs . Elles força ient celui-ci à justifier ses projets, à en étu dier l’impact social et terr itor ial, à examiner les contr e-propositions des salariés qui, de leur côté , disposa ient du recours à un médiateur pour arbitrer ce conflit. En cas de maintien de ce conflit, un recours au juge resta it poss ible. La loi Fillon leur a subst itué un droit d'opposition pour les syndicats « majoritaires », mais le cas Perrier vient de montr er les limites d’un tel droit dépour vu de la poss ibilité de faire prendre en com pte des propositions alternat ives.

« L'article 96, surnommé "amendement Michelin", obligeait l'entreprise qui voulait présenter un plan de sauvegarde de l'emploi à engager d'abord des négociations pour le passage aux 35 heures.

Les article s 97 et 98 obligeaient les organes de direction à commander une étude d'impact territorial en cas de cessation d'activité concernant au moins cent salariés ou de tout projet de développe ment stratégique ayant d'importantes conséquences sur les conditions d'emploi et de travail.

L'article 99 dissociait clairement les procédures relevant du livre IV et III du Code du travail : la consultation économique sur le plan de restructuration (livre IV), devait précéder le plan de sauvegarde de l'emploi (plan social), alors qu'à certaines conditions, la jurisprudence autorisait l'employeur à mener ces deux procédures en même temps. Le but de la LMS était ici de veiller à ce que le débat sur le motif économique des suppressions d’emploi ne soit pas bâclé au profit d'une seule discussion sur les licenciements.

Dans l'article 100, l'employeur devait informer le comité d'entreprise avant une annonce publique quand celle-ci était de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi. Si cette annonce ne portait que sur la stratégie économique, l'information du CE devait avoir lieu dans les quarante-huit heures suivantes.

Les article s 100 et 106 renforçaient considérablement les pouvoirs du CE, en particulier sur la formulation de propositions alternatives, le recours à un expert comptable payé par l'employeur dans le cadre de la procédure de consultation économique (livre IV), ils obligeaient notamment l'employeur à fournir des réponses motivées aux avis et aux propositions alternatives du CE, et fixaient les délais et le nombre de réunions obligatoires. Ils instauraient un droit d'oppo sition sous la forme de la saisine d'un médiateur, dont la mission suspendait le projet de restructuration.

L'article 116 définissait les pouvoirs de contrôle de l'administration sur le plan de restructuration, qu'elle peut proposer de compléter ou modifier. La loi Fillon prévoit que les règles antérieures s'appliquent durant cette suspension, mais aussi que des accords d'entreprise expérimentaux peuvent fixer les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise en cas de sauvegarde de l'emploi. Ce sont ces « accords de méthode », dérogatoires de la procédure légale, que le projet Larcher sur les restructurations entend consacrer (6) ».

la négociation triennale sur « la gestion de l'emploi et des compétences. Prévention des conséquences des mutations économiqu es » (article 37-2-I) :

« Dans les entreprises de plus de 300 salariés(…) l'employeur est tenu d'engager tous les trois ans une négociation portant sur :

  • les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise sur stratégie de l'entreprise et ses effets sur l'emploi,

  • la négociation porte également sur la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionne lle de l'e mploi et des compétences,

  • sur les mesures d'accompagnement … associées (7) » , (format ion, validation des acquis de l'expérience , bilan de com pétences , accom pagnement de la mob ilité géographique des salariés…)

Le Sénat a encor e accentué la réduct ion des droits du CE par rappor t au projet du gouvernement en faisant porter la négociation, non pas sur la straté gie de l’entr eprise, mais uniquement sur le mode d’informat ion et de consu ltat ion sur ce sujet et la mise en place d’un dispos itif de gest ion prévisionne lle et les mesur es d’accom pagnement .

Cette proposition ne concerne que 1% des entr eprises et 12 % des salariés. Une telle informat ion annue lle existe déjà. Mais elle reste forme lle.

Le texte n'indique aucune obligation d'accor d.

Par ailleurs , l'ar ticle 37-6 donne la priorité de l'information sur les OPA et les OPE à l'actionna ire plutôt qu'aux salariés, alors que l'emploi est toujours affecté par de telles décisions. Cette priorité, sou ligne la CGT « relativise grandement les engagements proposés sur l'étude de la stratégie de l'entreprise et sur les possibilités d'anticipation » (8)

L'instauration des accords de méthod e (article 37-2-II) :

« Des accords d'entreprise ou de groupe peuvent fixer, par dérogation les dispositions du livre III et du livre IV du Code du travail, les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise lorsque l’employeur projette de prononcer un licenciement économique …

Ces accords fixent les conditions dans lesquelles le comité entreprise est réuni et informé de la situation économique et financière de l'entreprise, et peut formuler des propositions alternatives au projet économique à l'origine d'une restructuration ayant des incidences sur l'e mploi et obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions. Ils peuvent organiser la mise en oeuvre d'actions de mobilité professionne lle et géographique au sein de l'entreprise et du groupe. Ces accords peuvent aussi déterminer les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde l'emploi mentionné à l'article L. 31-4 fait l'objet d'un accord et anticiper le contenu de celui-ci.

(...) Toute action en nullité visant ces accords doit être formée (...) avant l'exp iration d'un délai de douze mois à compter de la date d'accomplissement de la formule prévue au Ier alinéa de l'article L.132 10 (9). »

La CGT souligne qu'avec ces accor ds, « les directions visent deux avantages fondamentaux :

  • le projet de suppression d'emploi de la direction est par principe accepté,

  • Le fait qu'il y ait accord interdit d'aller en justice pour contester ce qui est inclus dans cet accord.

Ainsi serait-il possible de déroger les garanties contenues dans les textes nationaux existants.

À partir du moment où dès le départ, le volume des suppressions d'emplois et la fin de la procédure sont fixés, la concertation sur le motif de la restructuration est inutile, toute recherche de solutions alternatives et donc d'un arrêt éventuel de la procédure, tout rapport d'expe rt, tout avis du comité d'entreprise est purement formel. (10). »

Cet ar ticle limite à douze mois l'act ion en nullité de ces accor ds qui por te également sur les con ditions d'accès et de maintien des salariés âgés de l'entr eprise de l'emploi et leur accès à la format ion profess ionne lle.

Par ailleurs , outr e ces accor ds de méthode , le texte intr oduit une nou velle clause dangereuse pour les salariés. Alors que jus qu'à présent l'ordre du jour du comité d'entreprise devait êtr e arrêté conjointement par l'employeur et le secréta ire salarié, le gouvernement et le Sénat remettent en cause ce principe. Il est indiqué que dans l'ordre du jour « y sont inscr ites de plein droit, par l'un ou par l'autr e, les consu ltat ions rendues obligato ires par une dispos ition législative, réglementa ire par un accor d collect if de tra vail... » Ce qui aura comme consé quence selon la CGT « l'abandon autorisé de la « consécutivité » obligatoire du livre IV et du livre III» (11). Ce qui est très grave.

Réduction du champ d'applica tion du plan de sauv egarde de l'emploi et recherche d'une extinction progressive de cette institution

L'exclusion du plan de sauvegarde de l'emploi des salariés qui « se sont vu proposer une modification de leur contrat de travail qu'ils ont accepté » (12) vise à rédu ire le champ d'action de ce plan social, avec une double consé quence :

  • pour les salariés exclus, ils ne disposera ient plus des même droits à l'ass istance dans la transpar ence que les salariés qui éta ient aupara vant reclassés dans l'entr eprise dans le cadre collectif du plan social. Le reclasse ment de ces salariés sera it exclu d’une procé dure collective. C'est sous le chanta ge aux licenc iements que chaque salarié, individuellement , va négocier un nouveau contrat de tra vail sans transpar ence et sans ass istance , donc avec les risques de régress ion.

  • pour les autr es salariés, ceux qui refusent la modification de leur contrat de tra vail, le risque est que sous la pression on rédu ise le nom bre de salariés com ptabilisables dans le PSE en multipliant les accor ds individuels jusqu’à rédu ire ce nom bre en dessous du seuil minimum de déclenc hement du PSE.

En plus, alors que le texte restr eint le nom bre de salariés com ptabilisable, le projet du gouvernement intr oduit un nou veau seuil minimum de 10 salariés alors que jus qu'à présent il l’éta it dès que, dans une entr eprise de plus de cinquante salariés et disposant d’un comité d'entr eprise, le refus de mod ificat ion du contrat de tra vail concerna it

« plusieurs salariés ».

Une telle mesur e peut con duire à une quasi-dispar ition des PSE, et donc des mesur es sociales négociées dans ce cadre.

Comme le souligne la CGT : « On peut très bien arriver avec ses procédés et la lumière des pressions individuelles qui sévissent aujourd'hui dans de nombreuses entreprises à une disparition des PSE et donc de celles des mesures négociées pour tous (13) ». Cela alors que déjà 80 % des licenc iements économ iques sont réalisés sans PSE.

La convention de reclass ement personnalis é (CRP)

L'ar ticle 37-4 éta blit pour les entr eprises de moins de 1000 salariés un dispos itif de reclassement dénommé « convention de reclassement personnalisé » dont le bénéfice, exigeant la ruptur e du contrat de tra vail, « ouvrirait à des actions d’orientation, d’évaluations des compétences, de formation pour le reclassement (14)».

Ce dispos itif sera it géré par les organismes du ser vice public de l'emploi ou les maisons de l'emploi.

Les salar iés con vent ionnés aura ient un statut d e « stagiaire de la formation permanente » percevant une « allocation versée par les organismes du régime de l'assurance chômage ». (15)

En cas de mob ilisation des droits individualisés requis au titre du droit individuel à la format ion, ils seront doublés. Mais, et c'est la grande faiblesse du dispos itif, l'application de ce droit est suspendue à une négociation patr onatsyndicats sur le contenu des actions, sur le montant de l'allocat ion ser vie aux stagiaires et sur le financement .

Si le projet de loi pr évoit que « l'e mployeur contribue au financement de l'allocation (du salarié bénéficiant de la CRP) par un versement...équivalent au minimum à deux mois de salaire de l'intéressé » (16), c'est l'accor d qui définira « les conditions dans lesquelles... Les employeurs participent au financement des actions prévues... » (17). C’'est donc à minima que la loi fera contr ibuer les entr eprises .

Par contr e les salariés seront sollicités en utilisant « le reliquat des droits qu’il a acquis au titre du droit individuel à la formation… » (18). Mais même si « La durée des droits correspondant à ce reliquat est doublé »,cela n’ira pas loin.

L'Etat quant à lui « peut » contr ibuer au financement , mais ce n'est pas une obligation.

Dans ces con ditions , et alors que le texte primitif prévoyait une durée de la con vention fixée à 8 mois, le Sénat en abaissant à 4 mois le minimum de la durée de celleci permettra , com pte tenu du déficit actue l de 10 milliards d'eur os de l'assurance chômage, de régler les difficultés financ ières probables sur le dos des intér essés .

Ce dispos itif est donc très loin de pouvoir préten dre assur er un droit au reclassement . Il est en recul par rappor t au « pré-PARE » puisqu'il interr ompt imméd iatement , contra irement à ce dernier, le contrat de tra vail et peut rédu ire à 4 mois la période de cou ver tur e du nou veau statut .

Il est auss i en retra it sur les autr es types de con vention de con vers ion (ce llules de reclassement) ou con gé de con vers ion FNE dont l'avenir pourra it êtr e menacé par ce nou veau dispos itif.

les autres mesures :

Elles concernent :

  • la réduct ion de la période de contestat ion possible devant la just ice de la régularité de la procé dure de licenc iement ainsi que sur la régularisation de la procé dure de licenc iement (rédu ite de 4 à 1 an),

  • l’impact des licenc iements sur les terr itoires, l'ar ticle 37-6 se subst itue à l’ar ticle 118 de la loi de modern isation sociale qui est abrogé. L'implication des entr eprises de plus de 1000 salariés pour prendre des mesur es com pensato ires est obligatoire et poss ible pour les autr es si le préfet le décide, dès lors que l'équilibre du bass in d'emploi est cons idéré comme affecté . Mais c'est l'État qui décide, « en liaison avec les élus locaux et les partenaires sociaux... Ainsi que la DATAR » (19). Les critèr es retenus pour cons idérer qu'un bass in est touché par les licenciements ne sont pas précisés.

  • La responsa bilité des donneurs d’ordre vis-à-vis des soustra itants est ignorée .

A cet examen du texte, il sera it nécessa ire de com pléter par les insuffisances qu'il com por te :

  • rien sur le sor t des salariés des petites entr eprises, ni pour améliorer la « visibilité de ces dernières »,

  • aucune gest ion prévisionne lle n'est envisagée dans les entr eprises de moins de 300 salariés,

  • aucun out il n’est mis à la dispos ition des salariés des entr eprises sous-traitantes ,

  • aucune procé dure nou velle n'est prévue pour les entr eprises touchées par les restructurat ions et dépour vues de représentants du personne l,

  • aucune mesur e d'accom pagnement n'est inscr ite pour le licenc iement des salariés des entr eprises de moins de 50 salariés.

  1. Union des industries mécaniques et métallurgiques
  2. L'introduction des articles a été réalisée par le recours à une « lettre rectificative » à la loi Borloo qui n’a d’ailleurs pas pu être examinée, dans le respect des règles, par les commissions du Sénat. Cela n'est sans rappeler les conditions dans lesquelles fut abrogée la loi sur le contrôle des fonds publics aux entreprises par cette même assemblée.
  3. Lettre rectificative au projet de programmation pour la cohésion sociale. Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre au Sénat. Page 2.
  4. Analyse de la Cgt du projet de loi sur « les licenciements économiques » et dit de « création d’un droit au reclassement pour tous les salariés » (version du 18 octobre 2004)
  5. Lettre rectificative au projet de programmation pour la cohésion sociale. Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre au Sénat. Page 4.
  6. Lucie Bateman dans l’Humanité du 21 octobre 2004.
  7. Lettre rectificative au projet de programmation pour la cohésion sociale. Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre au Sénat. Page 5.
  8. CGT document cité
  9. Lettre rectificative au projet de programmation pour la cohésion sociale. Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre au sénat. Page 5.
  10. CGT ibid
  11. CGT ibid
  12. Lettre rectificative au projet de programmation pour la cohésion sociale. Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre au Sénat. Page 6.
  13. CGT ibid
  14. Lettre rectificative au projet de programmation pour la cohésion sociale. Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre au sénat. Page 6.
  15. idem
  16. idem
  17. idem
  18. idem
  19. idem

 

 

Par Morin Alain, le 30 septembre 2004

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