Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Venezuela : La victoire de Chavez dynamisera la résistance dans toute l'Amérique latine

Le président Chavez a gagné haut la main le référendum révocatoire du 15 Août, un mécanisme de démocratie participative qu'il avait lui-même fait inclure dans la nouvelle Constitution. Pour l'opposition vénézuélienne, ainsi que pour Washington et ses alli és, qui n'ont cessé de tenter de le déstabiliser, le résultat de ce scrutin est un coup de boom erang, un désaveu et une défaite sans précédent.

"Le Vene zuela a changé pour toujours » a déclaré le pr és ident Chavez dès la pr oclamat ion de sa victo ire par le Conse il National Electora l, le 16 Août à 3 heur es du matin. Et s'il est bien un acquis de ce gouvernement qui semb le irré vers ible, c’est la prise de consc ience qu'elle a auss i des droits, cette autr e Venezuela, autr efois tota lement exclue, celle des pauvres, des noirs, des métis, des indiens, des quar tiers populaires, des paysans sans terr e, dont l'opposition, concentrée dans les beaux quar tiers de Caracas , cont inue à nier tout droit à s'exprimer ou tout simplement à exister.
Dans tous les lieux de résistance au néo libéra lisme , cette victoire a été célébrée, engrangée, fêtée , comme une belle victoire histor ique, indélébile, comme un revers de ceux qui s'efforcent de nous endormir, de faire plier la résistance , de nous vendre ce monde -ci comme le seul modè le poss ible, unique, inélucta ble, irrés istible, à peine amen dable.
A commencer par toute cette Amérique latine en lutte : c'est ainsi qu'un peuple défend l'utilisat ion des richesses de son sous-sol pour son propre bien-êtr e, a-t-on dû célébrer sur l'Altiplano bolivien en effer vescence sociale ; voici l'app ui mérité d'un peuple à son gouvernement lors qu'il a la volonté politique d'entr eprendre une réforme agraire, ont dû penser les métis des cam pements des paysans sans-terr e du Brésil ; Quinze ans après le Caraca zo (1), le premier soulèvement d'un peuple contr e le FMI, voici un peuple qui poursu it cette lutte commune contr e les Inst itut ions financ ières, a-t-on dû penser à Buenos -Aires ; mer ci au peuple vénézuélien d'avoir rat ifié ce gouvernement qui a refusé le sur vol de son terr itoire par les avions qui nous bombardent ont peut-êtr e pensé les paysans et les indiens du Putuma yo (2) colombiens ; voici un scrut in clair pour renforcer notr e coo pérat ion réciproque, s'est-on dit à Cuba ; c'est l'app ui mérité d'un peuple à son gouvernement qui refuse un accor d de libre-échange avec les Etats -unis ont pensé les indiens mexicains.
La liste est longue...
Washington a mis le temps pour reconna ître cette victoire de Chavez, car le cou p est dur à assumer . Cer tes , on s'y atten dait depuis quelques sema ines , mais pas de cette ampleur : près de 20 points de différence avec l'opp osition qui disposa it pour tant de l'argent de l'agence NED (3) et de l'app ui de toutes les chaînes privées de télévision et de presque tous les journau x; le président a été soutenu par 2 millions d'électeurs en plus que lors de son élection, fin 1998 ; et puis sur tout il y a cette légitimation qui provient du caractèr e limpide des résu ltats , cette reconna issance unan ime des obser vateurs internat ionau x, même amér icains, (comme Jimmy Carter) ou très néo-libérau x, (comme Cesar Gaviria, secréta ire généra l sor tant de l'OEA (4).
Les politiques économ iques suivies par le Venezuela ne sont sans doute pas « socialistes », (et sûrement pas « castr ocommun iste » comme les définit l'opp osition). Mais elles sont cer tainement révolutionna ires car elles s'opp osent fronta lement à celles que les pays du Nord et les institutions financ ières internat ionales imposent aux pays du Sud, à savoir, le libéra lisme à tout crin, l'inter diction de réguler l'économ ie, le refus de toute limite aux droits des invest isseurs internat ionau x, la diminution, voire la suppr ess ion de toute forme de protect ion sociale ou de redistribution des richesses .

La maîtrise des revenus pétroliers

Le Venezuela est le cinquième expor tateur du monde , et le troisième fourn isseur des Etats-unis. Et pour tant la majorité du pays vit dans la misère, car l'opposition actue lle, qui a administré le pays durant 40 ans a détourné mass ivement vers le secteur privé les revenus pétr oliers qui aura ient dû revenir à l'Etat. Alors que de nom breuses entr eprises nationales avaient été privatisées par le gouvernement qui l'a précé dé, notamment par le ministre et ancien guérillero Teo doro Petkoff (5), le président Chavez est par venu à stopper in extremis la privatisation de l'entr eprise pétrolière nationale, PDVSA, et à faire inscr ire dans la nouvelle Const itut ion que les ressour ces pétr olières app ar tiennent à la nation. Ayant hérité d'un pays économ iquement exsangue, avec le prix du br ut à 7 dollars le baril, il a mené une intense activité diplomat ique pour garant ir de meilleurs revenus pétr oliers à son pays, notamment en remettant l'OPEP, ce qui a permis d'améliorer sens iblement la rente pétr olière, avant que les prix ne s'enflamment suite à la guerr e en Irak. Lors que l'opposition a tenté de renverser le gouvernement en paralysant la chaîne de production pétrolière, celui-ci a pris le contrô le de PDVSA, ce qui lui a permis de mettr e fin au détournement de cette rente et de l'orienter vers les programmes sociaux, les tra vaux d'infrastructur e, et la divers ificat ion de la production écono mique du pays.
En outr e le Venezuela a passé un accor d de coo pération énergétique avec les pays d'Amérique centra le. Depuis plusieurs années , il livre à tous ces pays, – sans exclure Cuba, bien enten du –, des dérivés pétr oliers et notamment de l'essence raffinée (aut refois livrée par les Etats-Unis) avec d'amples facilités de paiement et parfois des accor ds de paiement en ser vices. Il n'a cessé de prendre des initiatives de coo pérat ion énergétique avec les divers pays d'Amérique latine.
Ce pays a pris l'initiative de créer Petr oamér ica, une assoc iation entr e le Brésil, l'Argentine, le Venezeula et la Bolivie, visant à s'émanc iper des multinationales du pétrole et à utiliser les excédents pour le développ ement de la région. Un projet anti-hégémon ique révolutionna ire dans le conte xte actue l, auquel sont auss i invités à s'assoc ier le Mexique, la Colombie, le Chili et le Pérou.
Début 2003, des accor ds de coo pérat ion très impor tants ont été signés avec l'Argentine. Le Vene zuela lui achète des produits industr iels, notamment des pétr oliers , et lui fourn it en contr epartie les produits énergétiques qui lui font défaut depuis que ce pays a privatisé et vendu son industrie pétr olière. Déjà membr e de la Communauté andine des nat ions , le Vene zuela est auss i devenu membr e du Mercosur.

Coopération et complémentarité économique sud sud.

A la mise en concurr ence entr e pays du Sud entr e eux face aux exigences des pays du Nord, et leurs entr eprises multinationales, le Vene zuela opp ose des propositions concrètes d' alliances des pays du Sud, de coo pérat ion, de recherche des com plémentar ités économ iques. Sur le plan régional, l'ALBA (Alternat iva Bolivarienne des Amériques) que Chavez aime dans ses discours opp oser à la proposition amér icaine d'ALCA (ZLEA Zone de Libre Echange des Amériques) , a cessé de n'êtr e qu'un simple slogan politique, et acquiert un contenu réel. Une intégration différente, basée sur la solidarité, se tisse peu à peu entr e les gouvernements et entr e les peu ples latino-amér icains. Apr ès Pétr oamér ica, d'autr es projets sont en chantier, et notam ment le lancement d'une télévision régionale, et la créat ion d'un fonds human itaire régional a été créé.
Dans les diverses ence intes internat ionales, la diplomatie vénézuélienne commence à agir de façon plus cohérente par rappor t aux postu lats affichés par son gouvernement . Cela s'est vu notamment à Cancun , lors que ce pays a été un des moteurs de la format ion du groupe des pays du Sud G-20. Bien que tra versé par de nom breuses contra dictions , avec le groupe G-906, a déployé un effor t impor tant de rés istance des pays du Sud à l'hégémon ie des Etats -Unis et de l'Union eur opéenne au sein de l'OMC. Malgré la résistance de l'administrat ion, qui ser t encor e l'anc ien régime, les politiques économ iques sont peu à peu mises en cohérence avec le discours du gouvernement. Parfois de justesse , du reste , comme par exemple lorsqu'il a fallu bloquer in extremis un initiative législative, provenant du bloc parlementa ire majoritaire, visant à régionaliser des ressour ces aquifères, ce qui aura it mené à leur rap ide privatisation ; ou lors que, aler té par l'organisation « Via Campesina », le président Chavez a fait annu ler un contrat déjà signé par le Ministèr e de l’agricultur e avec la multinationale « Monsanto », qui prévoyait le développement de cultur es trans géniques sur plusieurs centa ines de milliers d’hectar es ; il a annoncé à cette occas ion la créat ion prochaine d'une banque de semences au ser vice des agriculteurs du monde entier.
Ecar tées initialement comme irréa listes , imposs ibles, uto piques, les initiatives et ces propositions de coo pérat ion Sud Sud du gouvernement Chavez ont commencé à êtr e cons idérées avec intérêt par ses collègues, et le seront encor e davanta ge demain, ouvrant une voie viable pour contr ecarr er le projet hégémon ique nord-amér icain, auquel s'assoc ie l'Union eur opéenne . Cela d’autant plus que les pays du Nord n'offrent plus aucune alternat ive aux gouvernements du Sud, face à la révolte croissante des populations, les obligeant à suppr imer les quelques miettes d'Etat providence qu'ils utilisaient pour calmer leur peuple.
Mais la cré dibilité des propositions avancées par le gouvernement vénézuélien s'en encor e accru au vu de l'efficacité dont il a fait preuve sur le terra in économ ique, pour contr ecarr er les atta ques répétées dont il a fait l'objet. Ces résu ltats économ iques ne sont pas dû seulement à la hausse des prix du pétr ole. Selon un l'économ iste brésilien Luciano Wexell (7), dès le début du gouvernement du président Chavez (2000-2001 ), le PIB a augmenté chaque trimestr e, avec une croissance moyenne de 3%. Cette croissance aura it été bien supér ieur e si l'opp osition n'avait pas procé dé à une fuite des ca pitau x sans pr écé dent (30 milliards de dollars en 3 ans) que le gouvernement a stoppé en instaurant un contrô le des changes, au grand dam des économ istes or thodo xes du néo-libéralisme. Ensuite cet essor aura it pu reprendre si cette même opposition n'avait pas procé dé à une désta bilisat ion politique, un cou p d'état , et un sabota ge (8) pétrolier du pays. qui a coûté entr e 20 et 30 milliards de dollars au pays.
Pour l'année 2004, la CEPAL (9) prévoit que le Venezuela affichera une croissance de 10,3%, un résu ltat qui tirera la moyenne de tous les pays latino-amér icains vers le haut.
Mais c'est sur tout à long terme que se feront sent ir les résu ltats des politiques économ iques et soc iales que devraient donner les invest issements des revenus du pétr ole dans l'économ ie, la réforme agraire, et sur tout , les programmes mass ifs d'éducat ion et de santé dest inés aux plus pauvres. Ils seront autant d'exemples « subvers ifs » p our d es p ays voisins q ui suivent les direct ives d e Was hington, à commencer par la Colombie présidée par M. Alvaro Uribe, néolibéral d'extrême droite.
Et les récentes déclarat ions du président Chavez annon çant une accé lérat ion de la réforme agraire et la trans formation des bata illons de cam pagne en bata illons sociaux, com binées avec la créat ivité et le grand dynamisme dont le peuple vénézuélien a fait preuve, – notamment lors de la mise en éc hec du cou p d'état éph émèr e d'avril 2002 –, permettent d'es pérer qu'après avoir réuss i sa démocrat isation, par la mise en oeuvre de sa nouvelle Const itut ion et l'inté gration à la vie politique de millions de citoyens autr efois marginalisés, ce pays pourra it const ituer bientôt un modè le économ ique qui va encoura ger l'émanc ipation et le développement de toute la région. ■
 

  1. Le 28 février 1989 le président social-démocrate Carlos Andrés Perez fit appliquer à la lettre les recommandations du FMI, provoquant le premier soulèvement d'un peuple contre les institutions internationales, le « Caracazo », qui fut réprimé dans le sang (entre 3.000 et 5.000 morts). Hugo Chavez a le mérite d'avoir compris l'importance de cette révolte et en a canalisé l'énergie en le dotant d'un projet politique.
  2. Le Putumayo, département de Colombie, est la principale zone d'application du Plan Colombia que bombardent les avions américains basés dans la base militaire américaine de Aruba, une île située au Nord du Venezuela, qui est une colonie hollandaise.
  3. National Endowment fod Democracy, institution privée qui reçoit son budget du Congrès américain, qui a financé l'élaboration du programme de l'opposition (Consenso Pais) et divers groupes de l'opposition, dont le syndicat CTV et l'ONG électorale d'opposition Sumate, auteur de diverses tentatives de fraudes.
  4. Organisation des Etats d'Amérique dont font partie tous les pays du continent américain, sauf Cuba qui en est exclu.
  5. Ancien guérillero, directeur de la revue Tal Cual, il est fréquemment cité par le journal Le Monde
  6. Regroupement de pays du sud, essentiellement les membres des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique)
  7. Luciano Wexell Severo, économiste formé à l'Université pontificale de Sao Paolo
  8. Les pertes dues au seul sabotage pétrolier sont évaluées à près de 20 milliards de dollars, soit un montant équivalent à plus du 2/3 du montant de la dette extérieure du pays.
  9. CEPAL, Commission économique pour l'Amérique latine