Dans le prolongement du puissa nt mouvement de lutte des chercheurs l’an dernier, un vaste débat autour de l’avenir de la Recherche s’est organisé dans tout le pays, avec la création d’un Comité d’Initiative et de Proposition (CIP) devant déboucher sur la tenue d’Etats Généraux prochain ement. Au-delà de ces deux articles, nous reviendrons sur ce sujet dans nos prochains numéros.
Nous publions ci-dessous l’intervention prononcée par Michel Doneddu, secrétaire confédéral de la CGT dans le cadre des auditions organisées par le CIP (1)
“Permette z-moi de remer cier le comité d’avoir invité les Confédérat ions syndicales à s’exprimer sur les enjeux de la Recherche dans notr e pays.
La CGT ne peut que se féliciter d’êtr e auditionnée sur un sujet auss i brûlant dans l’actua lité et auss i impor tant pour la vie économ ique et cultur elle.
Je vous propose de vous pr ésenter les réflexions et propositions de la CGT selon les quatr e thèmes retenus par le CIP : Recherche et société, Organisation de la recherche, Évaluation de la recherche, Statuts des personne ls.
RECHERCHE ET SOCIETE
La première idée que je voudrais avancer est que celleci ne se rédu it pas à la seule deman de économ ique. C’est pour tant un raccour ci très fréquemment pratiqué.
La recherche est une activité humaine dont la dimens ion est avant tout cultur elle.
C’est la production des conna issances qui nous aide à mieux com pren dre le monde physique et l’Univers qui nous entour e, ainsi que les phénomènes sociétau x, l’histoire de l’human ité, les com por tements individuels.
A ce titre la recherche est une activité par essence non renta ble et non marchande. Cela just ifie qu’elle relève dans de larges domaines de la res ponsa bilité publique et soit gouvernée par des critèr es de ser vice public.
Cela va à l’encontr e du discours patr onal dominant qui confon d la deman de sociale avec celle de l’économ ie, exprimée par les chefs d’entr eprise.
Mais quan d l’opinion ou les citoyens expriment des attentes ou des craintes , ils le font vis à vis de tous les acteurs de la Science et de l’inno vation techno logique, qu’ils soient publics ou privés.
De ce point de vues, les productions scientifique et technologique forment un tout , ce qui souligne l’intérêt qu’on doit por ter à la qualité des rappor ts entr e les différents secteurs – publics et privés – et les différentes natur es –fondamenta les et appliquées – de la Recherche.
La recherche est auss i un lieu d’exper tise et la Société com pte sur une exper tise neutr e vis à vis des pouvoirs politiques et économ iques.
Cette exigence est devenue fon damenta le dans une société où les techno logies, l’informat ion, l’économ ie ont pris une place cons idéra ble, et à tra vers les quels se manifestent des intérêts divers .
Quan d des problèmes se posent (risques techno logiques , problèmes environnementau x, crises économ iques) , les citoyens revendiquent l’accès à des exper tises désintéressées .
C’est évidemment une dimens ion à cons idérer quan d on pense le présent et l’avenir de la recherche publique et les rappor ts entr e le marché et la production de conna issances et de techno logies.
Cela renvoie notamment à la quest ion de l’évaluation de la recherche comme de ses applications.
ORGANISATION DE LA RECHERCHE
Je vous propose d’examiner cette quest ion d’abord sous l’angle des rappor ts entr e la recherche publique et les entr eprises.
Encor e une fois, cela va à l’encontr e d’un discours patr onal largement relayé, selon lequel les organismes publics de recherche vivraient trop pour eux-mêmes sans se souc ier des besoins de l’économ ie. En réalité, les laborato ires sont contra ints pour la plupar t à obt enir des contrats pour obtenir les moyens de fonct ionner, et sont aujour d’hui largement tournés vers l’extér ieur.
En revanc he, l’une des caractér istiques de notr e pays est que les entr eprises sous est iment la production scientifique et sous valorisent l’act ivité de recherche. Il s’agit là d’un défaut à corr iger impérat ivement .
Évidemment , cela les appellent à adopter des points de vue de long terme , contra dictoires avec la flexibilité exigée par les marchés commer ciaux et financ iers . La contra diction est for te, mais elle ne doit pas con duire à renoncer à formu ler cette exigence de devoir de recherche auprès des entr eprises.
Le développ ement de la recherche industr ielle, c’est auss i l’inter face nécessa ire entr e la production de conna issances fondamenta les et l’inno vation techno logique néces saire à la production. Toutes les démar ches qui cherchent à s’en passer, soit en deman dant aux organismes publics de délaisser le fondamenta l pour se consacr er au seules applications, soit en les poussant à se trans former en agences de moyens sous-traitant l’act ivité de recherche proprement dite sont inefficaces , voire voués à l’échec.
Nos propositions :
D’autr e par t, il est illuso ire de penser que les entr eprises accr oîtront leur effor t de recherche par de simples politiques incitatives, basées par exemple sur le cré dit d’impôt recherche ou les exonérat ions de cotisations sociales. Nul par t la recherche ne naît du marché, qui n’en par tage ni le but, ni le temps .
Le développement de la recherche industr ielle, et plus généra lement des entr eprises est donc une quest ion politique à par t entière.
Ces grands programmes doivent revêtir plusieurs dimensions :
En revanc he deux axes d’améliorat ion pourra ient êtr e poursu ivis :
EVALUATION
L’évaluat ion de la recherche est une quest ion fon damenta le, qu’il s’agisse de celle des programmes , des laborato ires ou des acteurs individuels de la recherche.
Qui est légitime pour évaluer ? Quel système est-il le plus efficace ?
Les pressions sont cons idéra bles soit pour état iser l’évaluation, via la superpos ition de Comités ad hoc aux comités d’évaluation en place, soit pour l’inté grer dans le marché, via la contractua lisat ion des laborato ires.
Nos propositions
Cela peut paraître irréa liste ou uto pique, à une époque où le libéra lisme économ ique a le vent en poupe.
Il nous paraît pour tant nécessa ire et poss ible de doter notr e pays d’out ils d’évaluation de la recherche des entr eprises, qui assoc ieraient le regard des acteurs de l’entr eprise à ceux de la communauté scientifique et des représentants de la société.
Cela pourra it d’ailleurs se présenter aux entr eprises comme une contr epar tie au bénéfice du cré dit d’impôts recherche.
La première forme d’évaluation existe déjà et appartient à la communauté scientifique. La seconde doit impliquer auss i des représentants de la société et reste à inventer.
La CGT s’inscr it en faux contr e de telles dérives. Tout acte d’évaluation, ou de choix, est confronté à la poss ibilité d’err eur. Mais plus l’évaluat ion et le choix relèvent de processus démocrat iques et contra dictoires, plus le risque d’err eur est faible, et plus son acce ptabilité sociale est for te.
La démocrat ie a pris la dimens ion d’une exigence universelle, et pas seulement dans le domaine de la cité. Pour la CGT, l’un de grands enjeux du nou veau siècle est que la démocrat ie franch isse la por te des entr eprises. A for tiori, il nous apparaîtrait anac hronique qu ‘elle recule au niveau de l’évaluation de la recherche publique.
STATUTS DES PERSONNELS
Concernant le statut des personne ls de la Recherche, je fera i par t d’une remar que que nous cons idérons comme fondamenta le et de deux grandes revendications.
C’est pour tant un des fils con ducteurs des politiques publiques et des réformes en cours du CNRS et de l’INSERM. Pour que la rec herche irrigue l’économ ie, pour rendre les chercheurs mob iles, il faudrait les situer d’emblée en situat ion de précar ité.
De telles théor ies mana gériales sont humainement inacceptables autant qu’économ iquement inefficaces . La précarité, c’est la démot ivation et le gas pillage des savoirs produits.
1. Comité d’Initiative et de Proposition pour la recherche scientifique : HYPERLINK "http://cip-etats-generaux.apinc.org/"http://cip-etats-generaux.apinc.org