Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Chantage aux délocalisations : Marie-George Buffet s’est adressée à Jean-Pierre Raffarin

Monsieur le Premier Ministre

Paris, le 21 juillet 2004

La décision de la société Bosch-France, suivie par les entreprises Doux et Solectron, de placer les salariés devant l’alternative suivante : Accepter un allongement de la durée du travail sans contrepartie avec une diminution du salaire horaire réel ou subir les conséquences d’une éventuelle délocalisation provoque dans l’opinion une vive et légitime émotion, un choc. Elle s’inscrit dans la voie ouverte par de grands groupes en Allemagne.

Des deux côtés du Rhin, elle est reçue, à juste raison, comme un chantage.

En effet, l’acceptation de ce recul social par les salariés ne trompe personne. Elle s’apparente à une signature le pistolet sur la tempe.

La démarche de ce patronat rétrograde doit être dénoncée et mise en échec.

Le président de la République a évoqué à ce propos « une pente glissante », tout en renvoyant à la négociation. La Commission européenne elle-même n’ignore plus la gravité du problème. Il convient de passer de la protestation à des actes de transformation effective.

La responsabilité de votre gouvernement est engagée. Il faut empêcher l’introduction dans notre pays de pratiques de dumping social rejetées par nombre d’instances internationales, le Bureau international du travail particulièrement.

Il faut refuser le chantage des délocalisations. Les pouvoirs publics ont les moyens de le mettre en échec et de soutenir des constructions novatrices.

Dans cet esprit, je vous demande, Monsieur le Premier Ministre, d’exiger de la direction des entreprises concernées la suspension immédiate des mesures décidées afin d’examiner sérieusement et de manière contradictoire la réalité de la situation invoquée ainsi que les solutions alternatives envisageables avec toutes les parties concernées, particulièrement les comités d’entreprise.

Je vous informe que nous appelons les salariés, les élus, notamment locaux et régionaux, en concertation avec les organisations syndicales, à intervenir dans ce sens sans attendre pour enrayer cette spirale qui aggrave la fracture sociale.

S’agissant, par exemple, de la nécessité de baisser les coûts si souvent mise en avant, il serait possible de le faire autrement qu’en baissant le coût salarial des emplois, avec la baisse des charges financières.

A cet égard, nous proposons d’envisager la voie d’une baisse sélective du taux d’intérêt des crédits bancaires pour l’investissement des entreprises concernées. Plus ces entreprises s’engageraient à maintenir ou créer des emplois avec les formations afférentes nécessaires et plus le taux d’intérêt de ces crédits serait abaissé avec une bonification par des fonds publics régionaux et nationaux.

Cette prise en charge publique d’une partie des intérêts pourrait être systématiquement organisée, sans attendre, par la constitution d’un Fonds national décentralisé pour l’emploi et la formation et donc, déjà, par des Fonds régionaux.

Ce Fonds national pourrait être alimenté, notamment, par une ré affectation, à cet effet, des quelque 18 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales accordées prétendument au nom de l’emploi.

Ainsi on allègerait les charges financières pesant si lourdement sur les entreprises, particulièrement les PME, contre l’emploi, la qualification et la croissance réelle, au lieu de baisser les « charges sociales » patronales qui, elles, sont utiles au développement des salariés, de leurs familles, des entreprises et du pays.

Puisque des alternatives sont possibles, faute, de la part des directions concernées, d’accepter une négociation de ce type, il conviendrait que les pouvoirs publics exigent la restitution de tous les fonds publics locaux, départementaux, régionaux, nationaux et européens accordés à ces entreprises.

En effet, la vocation de ces fonds provenant des impôts payés par les citoyens est de favoriser le développement de l’emploi et des qualifications et non les opérations de dumping social.

Cela renvoie à l’exigence de nouvelles coopérations et efficacités des gestions des entreprises pour le développement industriel, des services, de la recherche-développement au plan national, régional et européen.

Cela renvoie encore à une toute autre action de la Banque centrale européenne (BCE) en vue du « refinancement » de ces crédits à taux abaissé pour l’investissement favorisant l’emploi, la formation et la coopération. Il ne suffit pas, en effet, de déplorer, à juste titre, comme l’a fait le Président de la République, l’absence de préoccupation de la croissance de la part de la BCE, sans proposer des mesures efficaces de réorientation fondamentale.

Je vous prie de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de mes salutations respectueuses.

Marie-George Buffet Secrétaire nationale du PCF

 

Par Buffet Marie George, le 31 juillet 2004

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