Explication de vote de Daniel Paul
au nom du groupe des députés communistes et républicains
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,
Dans la nuit du 25 au 26 juin 2004, votr e majorité a voté l’ouver tur e à 30% du capital d’EDF, trans formant l’opérateur public en société anon yme.
Vous avez ainsi pris, devant le pays et devant l’histoire, une responsa bilité lourde, celle de détru ire un out il national, pour le mettr e au ser vice des financ iers .
Pendant toute la discuss ion d e votr e pr ojet , l e g rou p e d es d é p utés commun istes et répub licains a expliqué les raisons pour quoi le statut d’EPIC, mis en place en 1946 par des hommes qui avaient à cœur l’avenir et les intérêts d u p ay s , d evait êtr e préser vé.
Nous avons rappe lé que les raisons mot ivant les res ponsa bles politiques de l’é p o q ue sont tou jours valides.
Marcel Paul le 27 mars 1946, à un député qui l’interr ogeait sur les principes qui guidaient la politique du gouvernement , répon dait : « Faire en sorte que les intérêts privés n’aient pas la
possibilité de s’opposer aux intérêts du pays ». Ce que Jose ph Laniel reprenait à son com pte en disant « L’orientation, l’exploitation, le contrôle de la gestion, la surveillance de l’administration des sociétés étant organisés de haut en bas, il n’existe pas la plus petite possibilité de voir une coalition quelconque d’intérêts privés s’opposer à l’intérêt général ».
Qui osera it dire aujour d’hui que cela ne reste pas d’actualité ? L’électr icité n’est pas un bien comme les autr es ; elle est indispensab le à la vie, à l’activité économ ique, à l’indépendance du pays. Elle doit donc êtr e soustra ite aux intérêts marchands, access ible à tous , dans le cadre d’une péré quation nationale.
Ce constat est renforcé avec ce que l’on sait aujour d’hui des relations entr e politique éner gétique, environnement , effet de serr e, modifications climat iques, mais auss i avec la raré fact ion connue des sour ces d’éner gies foss iles.
Nos prédécesseurs , il y a 60 ans, ne savaient pas tout cela mais pour tant , ils avaient vu juste en nationalisant EDF et GDF, en faisant des França is les véritab les propriétaires de ces entr eprises. De cela, vous n’avez que faire ; vous spo liez les França is. Oui, Monsieur le Ministre, c’est une spo liation et nous deman dons que le peuple soit consu lté par référendum.
Vous évoquez l’Europe et le tra ité de Barcelone : ce n’est pas d’aujour d’hui que date notr e con damnat ion du socle libéra l d’une construct ion eur opéenne qui met à mal les ser vices publics dans tous les pays. L’accor d de Barcelone n’a jamais eu notr e sout ien et nous deman dons la
renégociation de ces tra ités qui par ticipent d’une vision ultra libéra le et non de la recherche d’une construc tion eur opéenne por teuse d’avenir.
Rien ne vous o blige à ou v r i r le ca p ita l d e ces entr e pr ises s inon votr e vision dogmat ique ; nous vous avons d eman d é d e reprendre les négociations en pr enant a pp ui sur ce q u’a d éc laré et écr i t Monsieur Mont i, mais auss i sur le constat que chacun peut faire de la situat ion créée d ans les p ays q ui nous ont pr écé d és d ans cette voie.
Ce bilan est connu : de la Californ ie à l’Ita lie, de la Grande Breta gne à l’Espagne, les mêmes causes ont entra îné les mêmes effets : l’introduction d’intérêts privés dans la production d’électr icité nourr it les risques ; le privé a besoin de renta bilité à cour t terme alors que la production d’électr icité nécess ite des invest issements en moyens de production et de transpor t dont la renta bilité ne se mesur e qu’à moyen ou à long termes .
On sait que les pics de consommat ion nécess itent des moyens de production inter venant à la deman de, « à la pointe » pour reprendre l’express ion techn ique. Leur rentabilité n’est pas assurée , au sens financ ier du terme . Le risque est donc grand de conna ître des ruptur es, ou des recours à des moyens de production peu souc ieux de l’environnement .
Un autr e bilan est connu : EDF et GDF ont contr ibué de façon décisive à la reconstruct ion de notr e industr ie dans les années 40 et 50 et à son essor dans les années 60 ; vous mente z en disant que la concurr ence et l’ouverture du capital vont faire baisser les prix. Ce sont les responsa bles des plus grandes entr eprises de notr e pays, celles qui consomment le plus d’électr icité, qui le disent , au vu, tout simplement , de ce qui se passe dans les autr es pays. D’ores et déjà, en France , M. Gallois, président de la SNCF, M. Beffa, président de Saint-Gobain, M. Brun, président de l’Union frança ise de l’Electr icité, ainsi que M. Peyrelevade ont tiré la sonnette d’alarme en aler tant sur les consé quences des hausses de prix pour les entr eprises.
Vous pr éte xtez auss i qu’EDF aura it beso in de fon ds propres supp lémenta ires que seul les marchés financ iers pourra ient lui trouver. S’agit-il de permettr e à EDF d’aller se four voyer une nouvelle fois dans des aventur es extérieures ? Vous savez notr e opp osition à ce monopo ly qui n’est pas dans la vocat ion de l’entr eprise publique.
S’il s’agit de faire face aux besoins de notr e pays et de nouer des coo pérat ions en Europe ou dans le reste du monde , EDF n’a sans doute pas les problèmes que vous vous plaisez à décrire, et ce malgré les ponctions financ ières auxquelles l’Etat procè de chaque année !!!
Vous voulez suppr imer le principe de spéc ialité et p ermettr e les a lliances d’EDF avec un gazier et de GDF avec un électr icien, p oussant a ins i à une concurr ence fratr icide et fronta le entr e nos d eu x entr eprises publiques . Nous avons , p our notr e p ar t , pr oposé la fus ion d’EDF et de GDF, ce q ui rè gle l e pr oblème de la spéc ialité en prenant appui sur les 64.000 agents du ser vice commun de distr ibution, et en redonnant ainsi toute leur cohérence à ces deux entr eprises.
Nous n’avons trouvé, dans votre projet, aucune raison de satisfaction, aucun point positif.
Et quan d nous avons souha ité amé liorer la sécur ité dans les centra les nucléaires où sévit, vous le savez, le recours à une sous-traitance por teuse de risques inadmissibles pour les personne ls et les rivera ins, vous avez repoussé notr e deman de ; vous avez ainsi acce pté de couvrir les accidents qui pourra ient sur venir dans ces centra les. Comptez sur nous pour que votr e att itude soit connue . Vous avez auss i refusé notr e amen dement visant à em pêc her les collect ivités locales qui, demain, seront actionna ires d’EDF et de GDF, de vendre au privé leurs act ions , comme ce fut le cas pour la Compagnie Nationale du Rhône.
Vous refuse z d’enten dre les salariés qui rejettent ce br adage d’une entr eprise nat ionale, vous refuse z d’entendr e la majorité des França is qui répr ouvent votre projet, vous refuse z d’écouter les inquiétu des des res ponsa bles économ iques souc ieux de la com pétitivité de nos entr eprises.
Vous avez annoncé qu’un groupe de tra vail vous remettra it un rappor t en septembr e sur les avanta ges et les incon vénients d’une fusion entr e EDF et GDF. Vous avez indiqué qu’un autr e groupe de travail vous rendrait com pte, dans un an, des besoins, avérés ou non, de fonds propres pour EDF. Ce sont là deux sujets dont la réponse mod ifierait la donne ! Cela ne vous empêche pas de poursu ivre votr e voie vers la privatisation. C’est ou de l’inco hérence , ou la confirmat ion de votr e volonté de tromper l’opinion. Vous aviez indiqué que l’Etat garderait 50% du capital de l’entreprise, puis vous aviez dit 70%, puis 100%...Dans la nuit de vendredi à samed i, c’est redevenu 70%... Dans quelques mois, le privé entr era donc dans le capital d’EDF-GDF.
En votant un tel texte, chers collègues de la majorité, vous acce ptez le risque de pénaliser nos entr eprises, puis nos conc itoyens par des hausses de prix de l’électr icité et du gaz ; vous acce ptez le risque de ruptur e dans la cont inuité des appr ovisionnements entra înant la paralysie du pays ; vous acce ptez le risque que pèse sur ces secteurs le poids des intérêts financ iers , car vous n’ignor ez pas que la rentabilité de ces invest issements privés sera prioritaire pour l’entr eprise avant qu’ils n’y deviennent rap idement majoritaires ; vous acce ptez le risque de la fin de la péré quation tar ifaire.
En votant un tel texte, vous acce pt ez le diktat des marchés financ iers , au plan national comme sur la construc t ion eur o p éenne , alors que les enjeux éner gétiques just ifient que l’on imagine une Europe de l’éner gie, fondée sur la coo p érat ion et non sur des concur rences qui ne visent pas la mise en place de politiques nouvelles, mais dont la seule raison d’êtr e est dans la prise de nou velles par ts de marché.
En votant un tel texte, vous tourne z le dos aux principes de ceux qui en 46 avaient vu juste , mais vous tourne z auss i le dos aux intérêts de notr e pays, ceux d’aujour d’hui et de demain, qui sont dans la préser vation de nos out ils éner gétiques.
Vous êtes un gouvernement en mission, soutenu par une majorité parlementa ire qui est restée silencieuse tout au long du débat.
Vous êtes minoritaire dans le pays, vous le savez, mais vous voulez, coûte que coûte , mettr e en œuvre les plus mau vais cou ps à l’égard des acquis sociétau x de notr e peuple et de notr e pays.
Quan d les consé quences de votr e loi pénaliseront nos entr eprises , la population et notr e pays, Mes dames et Mess ieurs , il faudra assumer vos res ponsa bilités .
La bata ille n’est pas finie ; et le vote de ce soir n’est pas la fin de l’histoire. Vous avez du donner des gages et faire des concess ions : com ptez sur nous pour en faire des points d’app ui.
Nous sommes avec les électr iciens et les gaziers , avec tous les citoyens qui ne se satisfont pas de la situat ion que vous allez créer. Nous sommes avec ceux qui sont porteurs d’une ambition digne du XXIème siècle, visant à ce que nos atouts nationau x puissent auss i devenir ceux d’une Europe donnant la priorité aux intérêts humains et non financ iers . ■