Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Une lutte riche d’enseignements

VERRERIE DE GIVORS :

 

Après deux ans de bataill e pour l’emploi et l’activité, il s’agit de tirer de premiers enseignements afin d’aider aux progrès de l’intervention des salariés, des élus et des forces politiques sur la gestion des entreprises.

 

Fermeture et licenciements boursiers.

Après deux années de lutte unitaire (1) (CGT-CFDT) la verr erie de Givors, dans le Rhône, appar tenant au groupe DANONE, et créée en 1750 a été fermée . Elle est en cours de destruct ion. Cédée aux fonds de pensions anglo-saxons CVC Ca pita l Par tners , avec l’ensemb le du grou pe BSN Glass pack, sa renta bilité de 10 % s’avérait insuffisante aux yeux des nouveau x act ionna ires qui en réclamaient 15 %, puis 20 %. Ce sont 350 emplois qui ont été sacr ifiés sur le site, auxquels il faut a jouter p lus ieurs centa ines dans les entr eprises sous-traitantes et les ser vices à l’entr eprise.

Un résultat cependant appréciable pour les salariés et la population.

Un tiers des salariés, c’est-à-dire tous ceu x qui l’ont souha ité, ont été reclassés dans les autr es unités du groupe ; un tiers a été reclassé à l’extér ieur ; le dernier tiers a bénéficié de « mesur es d’âge com prenant , pour les tra vailleurs de 55 à 57 ans , des reclassements tempora ires dans les autr es unités du groupe, en atten dant leur 57e année . Une convention de réindustr ialisat ion du site a été signée entr e le Préfet et le groupe BSN avec un engagement de créat ion minimale de 200 emplois sur le site, conformément aux accor ds obtenus dans la négociation du « plan de sauvegarde de l’emploi ». Nous sommes dans un cas de figure peu semb lable à ce qui s’obtient ailleurs , y com pris à l’issue d’une liquidation opérée par le grou pe DANONE. Ceci mérite d’êtr e signalé. Mais ce résu ltat appr éciable reste malgré tout précaire.

La précarité d’un résultat appréciable.

Cer tains reclassements réalisés à la verr erie de Rive de Gier dans la Loire sont déjà remis en cause par la décision du groupe verrier italien BORMIOLI de fermer cette unité de production. D’autr es salariés ayant choisi la solution de l’intér im ou de la précar ité pour éviter le déména gement qu’imposa it l’acce ptation de poste dans une autr e unité du groupe ne par viennent pas à retr ouver la stab ilité de l’emploi. Certaines solutions individuelles sont auss i remises en cause après les récentes réformes d e l a l égislat ion soc iale. Enfin les engagements pris dans la pers pective d e reconst ituer l’emploi sur le site ne sont pas encor e réa lisés , même si les pr ojets d e cess ion des terra ins in d ustr i e l s p uis d’aména gement ont été b ouc lés d ans d es d é l a i s très rap ides. La période d e marasme q ue tra verse l’économ ie ne favorisera pas ce développement . Il est sans doute du plus grand intérêt pour les salariés et la population que les élus, syndicats et assoc iations, restent vigilants et poussent à la roue.

Ce résultat appréciable ne constitue cependant pas une victoire.

Des propositions alternat ives minutieusement élaborées par les salariés, en vue de la modern isation et le développement de la verr erie permetta ient de sauvegarder l’emploi sur le bass in, la pr oduct ion industr ielle tout en amé liorant la renta bilité d’une entr eprise moderne dont le four principal venait d’être entièrement refait. Ce projet avait été présenté à la population du bass in qui en un week-end l’avait appr ouvé à 15.566 voix. La victoire en laquelle espéraient les salariés c’éta it justement cette modern isation qui aura it coûté moitié moins cher, que le plan de casse qui a prévalu.

« La gauche au pouvoir les avait un peu abandonnés… »

En novembre dernier, lors d’une réun ion à Givors, M.-G. Buffet a pu déclarer : « Nous avons été un peu faiblards quan d les em ployés de la verr erie avaient l’impr ess ion qu’ils se batta ient un peu seuls et que la gauc he au pouvoir les avait abandonnés ». En effet, le vécu des verr iers de Givors c’est un com bat unitaire cer tes solide et opiniâtr e, largement app uyé par la population et les élus locau x solidaires, mais solitaire face à la toute puissance du capital et ses straté gies comman dées par la recherche de renta bilité maximale. Le com bat syndical a ses limites .

Le gouvernement de la gauche plurielle fuit ses responsabilités.

Jos pin, Fabius, Guigou, Pierret inter pellés à l’époque par les parlementa ires et les élus locau x, voire directement par les tra vailleurs ont tout renvoyé à la négociation du plan social. Il n’était pas quest ion d’inter venir dans les choix straté giques du capital ! Même face aux abus de biens sociaux caractér isés et aux mod ificat ions unilatérales par DANONE des con ditions de cess ion du groupe BSN, en vidant in extremis les caisses des entr eprises concernées , peu de personne ont réa git. Trente deux banques, dont la Banque de France , sont lésées mais aucune n’est inter venue , l’app areil d’Etat n’a pas semb concerné ! La COB, le gendarme de l a Bourse , est restée silencieuse ; la direction du Trésor n’a rien vu ; le Ministèr e des Finances aler par les salariés, n’a rien enten du ; le ministre, lui-même inter pellé p ar le d é p uté commu niste A. Gerin à l’Assem b lée, n’a p as d aig r egar d é d u côté le parlementa ire lui montra i t d es « p atr ons voyous » Nous sommes resté dans la logique initiée en début de la législatur e précé dente caractér isée par l’att itude de L. Jos pin vis à vis de Vilvorde, confirmée à de multiples reprises...

Ce n’est pas pour autant le « laisser faire », contrairement à ce qu’on pense parfois…

Cependant l’inter vention des parlementa ires n’a pas été inut ile, puisque la direction du tra vail a jugé irrecevable le premier plan social de la direct ion BSN et a imposé sa renégociation. Mais lors des procès intentés et gagnés par les syndicats , y com pris en app el, les man œuvres dans les quels se sont impliqués Préfet, direction du tra vail et rense ignements générau x n’ont pas const itués une manifestat ion de la neutra lité qu’ils revendiquent à l’égard de la gest ion des groupes. Même de gauc he, le pouvoir avait choisi son cam p. En outr e, la chambre sociale de la Cour de cassat ion est venue voler au secours du groupe BSN et du patronat en cassant le jugement de la Cour d’appel afin qu’il ne const itue pas un cas de jurisprudence . De la diligence auss i de la par t du Ministèr e du Travail qui, avant même la promulgation de la loi de modern isation sociale, diffusa it déjà une circulaire précisant les ar ticles dont ne bénéficiera ient pas les entr eprises en lutte , dont les verr iers Quan d on sait qu’il avait fallu un an après la publicat ion de la Loi Hue, sur le contrô le des fonds publics, pour que les décrets d’applicat ion soient promu lguées (qui n’ont jamais été mis en œuvre dans cer taines régions !) on mesur e la com plicité de l’app areil d’Etat avec le capital, y com pris sous direction socialiste.

Ne pas refaire ce qui a échoué.

Le 21 avril a sanct ionné cette duplicité. Les salariés qui vivent ces expériences ne sont pas dupes. Des quest ions nous sont posées , à toute la gauc he bien sûr en cas d’alliance au pouvoir, mais aux commun istes par ticulièrement pour élaborer dès aujour d’hui des propositions nou velles (voir les propositions pour stopper et prévenir les délocalisations dans ce numér o) pour non seulement rétab lir les mesur es ant i-licenc iements de la loi de modern isat ion sociale suspendue par Raffarin mais pour aller au delà de leurs contenus :

1 Les choix de gest ion gouvernementau x lors que la gauc he est au pouvoir, son att itude face aux choix du capital, aux intérêts des salariés et de la population ; la gauc he d oit se placer réso lument au x côtés des intérêts des salariés et de la Nation.

2 Les pouvoirs réels d es sa lar iés d ans les entr eprises, des élus et des populations dans les b ass ins d’emp lois doivent êtr e nota blement renfor cés . Il n’est pas admissible que sur les straté gies d es entr eprises les représentants d es sa lar iés so ient simplement consu ltés , q uan d il s l e sont . Il s d oivent êtr e d otés d e pouvoirs rée ls d’inter vention, car l’entr eprise ne se résume pas aux actionna ires. Pour cela il nous faut retra vailler des propositions pour des pouvoirs nou veaux aux comités d’entr eprise et délégués du personne l, en rappor t avec l’expérience des blocages rencontrés dans les négociations sur les plans sociaux. Par ticulièr ement les con ditions de prise en com pt e des propositions alternat ives. Ce sont des moyens pour la mise en œuvre de la sécur ité d’em ploi format ion.

3 Le suivi des engagements apr ès la fermetur e des entr eprises que l’on ne peut éviter. Y com pris pour faire payer les prédateurs et bénéficiaires finaux. Car enfin des moyens doivent êtr e mis en œuvre afin d’obtenir une obligation de résu ltats , pas seulement de moyens. C’est le cas du contrô le de l’utilisat ion des fonds publics. A ce propos, même avant la mise en place de comm issions d’enquêtes , nous devons nous emparer de toutes les conna issances accumu lées à ce sujet dans les assem blées , mais auss i dans les entr eprises avec les pouvoirs des CE, pour mettr e sur la place publique l’utilisat ion réelle de ces fonds et faire juge la population.

 

1. Le lecteur pourra se reporter aux différents articles parus dans Economie et Politique (septembre-octobre 2001) relatant cette lutte, les initiatives des salariés et des élus locaux ainsi que les propositions alternatives à la fermeture qu’ils ont tenté de faire progresser.