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Les empires ne sont pas éternels

La chronique économique de Pierre Ivorra. "Le capitalisme Français, qui a pourtant une longue tradition de domination, est lui-même sous tutelle".
 

L’attitude des dirigeants allemands vis-à-vis du nouveau gouvernement d’Athènes ne concerne pas que les Grecs et les Allemands, c’est un problème européen qui pose la question du sens même de la construction commune élaborée depuis le début des années 1960. Une construction zonale, institutionnelle, économique, sociale, financière et monétaire est-elle viable et durable si l’un de ses membres la domine et la vampirise ?

La tutelle exercée par les groupes capitalistes de l’Allemagne sur ses partenaires apparaît clairement au travers des relations commerciales entre pays de l’Union. L’Allemagne est au centre de leurs réseaux d’échange. Elle est le premier fournisseur de biens de quinze des vingt-huit membres et le deuxième pour huit autres. Elle est la première destination des exportations de seize de ses partenaires et la deuxième pour trois autres. Comparativement, la France n’est au mieux que le premier exportateur de biens vers trois pays : l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie ; la première destination des exportations allemandes et espagnoles.

À la limite, la Grèce est moins liée à l’Allemagne dans ses échanges. La Turquie est la première destination de ses exportations, l’Italie vient en deuxième position et l’Allemagne seulement en troisième ; celle-ci n’est que son deuxième fournisseur, derrière la Russie et devant l’Irak.

Le capitalisme français, qui a pourtant une longue tradition de domination, est lui-même sous tutelle. C’est ainsi que le commerce extérieur français est sous pression allemande. 30 % des importations françaises de biens depuis les pays de l’Union viennent d’outre-Rhin et 27,5 % de nos exportations vers ces mêmes pays sont à destination de notre voisin. Le déficit de notre balance commerciale des biens avec l’Allemagne tourne depuis quelques années autour de 14 milliards d’euros.

Avec l’appui des dirigeants politiques de l’Hexagone, les groupes français s’efforcent depuis plusieurs années de tirer leur épingle du jeu, notamment en prenant le large, en s’expatriant aux États-Unis, en Chine, au Brésil, en Afrique… Ils ont ainsi créé un autre type de dépendance : vis-à-vis des géants américains des nouvelles technologies, les Apple, Microsoft, Google ; à l’égard de pays émergents, notamment de la Chine, dans des secteurs industriels à plus faible valeur ajoutée comme le textile-habillement.

Pour toutes ces raisons, l’une des manières d’être solidaire du peuple grec consiste aussi à rééquilibrer les relations entre l’Allemagne et ses partenaires. Cela suppose que la BCE mette sa capacité à accorder des crédits au service de cet objectif.

 

Mercredi, 1 Avril, 2015 publié dans L'Humanité

 

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