Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sortir Facom des griffes de la finance

Le rachat, en 1999, de Facom, leader français de la fabrication d'outillage et de matériel pour les garages, par le groupe financier Fimalac, totalement contrôlé par le financier Marc Ladreit de Lacharrière, a été le point de départ d’une violente modification de la gestion de cette entreprise afin de la soumettre aux exigences financières et boursières imposées par son actionnaire. En effet, si Fimalac, n'a pas d'activité économique, « elle contrôle largement le capital de ses filiales et, à ce titre, intervient directement dans la définition de leurs grands axes stratégiques ». Cela a conduit au rapide déclin industriel de Facom compromettant son avenir.

En effet, l’endettement de Fimalac pour cette acquisition, qui a été de l'ordre de 600 millions d’euros (M€), a conduit les dirigeants de Fimalac à multiplier les décisions pour tenter d’accélérer le retour sur son investissement financier. Pour cela, ils ont :

  • Imposé l'augmentation des prix de vente des productions de la Facom au-delà de l'inflation alors que la mauvaise conjoncture industrielle en 2002 - 2003 aurait nécessité une réduction des marges pour garder les marchés de Facom. D'où la chute sensible de son chiffre d'affaire en 2002 (-4,3%,) et 2003 (-5%),et de celle de sa valeur ajoutée.
  • Cherché à réduire les dépenses salariales en mettant en place un plan de départs en retraite des salariés s’en approchant. Mais, sans organiser la transmission de leur savoir- faire.
  • Investi à perte de l’ordre de 40M€ pour un centre de logistique qui a été abandonné. Ce qui a aussi conduit à la perte de marchés suite à la désorganisation de la distribution des productions de Facom. Aujourd'hui, on doit rapatrier les services de distribution à Morangis (Essonne), alors que les locaux n'y sont plus aux normes. La direction prétend qu'elle ne trouve pas de locaux à louer pour réinstaller l'activité de Morangis. Mais en fait, ne cherche-t-elle pas à sous-traiter aussi cette activité 
  • Fait appel à la sous-traitance, notamment à Taïwan. Ce qui a augmenté les défauts de fabrication d'outils renvoyés en nombre à l'entreprise par ses clients, faisant encore perdre des marchés.
  • Réduit à néant les investissements dans certains centres de production comme celui de Villeneuve-le-Roi (Val-de- Marne).
  • Mis la main sur la confortable trésorerie (60 M€) de l'entreprise.

Cette situation calamiteuse a été aggravée par une conjoncture industrielle dégradée en France, où sont vendues 40% des produits Facom, et dans nombre de pays de la zone euro.

Ainsi, ce recul des ventes lié à la conjoncture et à la politique des prix, les pertes de marchés résultant de la réorganisation de l’activité et le recours croissant à la sous-traitance ont conduit à une réduction forte des plans de charges des centres de production, notamment celui de Villeneuve-le-Roi. Les capacités de production de cette usine y sont utilisées à moins de 50%, ce qui a entraîné une perte de l'ordre de 2 à 3 M€ par an pour cet établissement dans les dernières années.

Après avoir organisé sciemment cette baisse de charge de production et l’avoir amplifié par leurs incompétences industrielles, les dirigeants de Fimalac veulent utiliser les mauvais résultats dont ils sont responsables contre les salariés de Facom. Ils tentent de leur faire croire que ces difficultés seraient liées aux coûts salariaux et qu’il serait devenu fatal de délocaliser la production de Villeneuve-le- Roi à Taïwan et de fermer cette usine.

C'est ainsi que la direction a annoncé la suppression de 248 postes d'ici à 2005, dont 45 au siège de Morangis et le reste à l'usine de production de Villeneuve-le-Roi .

C'est le quart des emplois français du groupe Facom qui seraient touchés. Les salariés craignent que dans un second temps, après la production, la distribution et la logistique soient sous traitées avec une nouvelle saignée pour l’emploi.

Ces coupes claires dans l'emploi et ce démantèlement au pas de charge ne sont pas de nature à surmonter le déclin de Facom. En effet, les raisons fondamentales des difficultés de la marque d'outillage viennent en premier lieu des exigences de la finance (actionnaires et banques) sur tout le groupe Fimalac. Or ce groupe est aujourd'hui de moins en moins en capacité de répondre à leurs attentes en raison de la conjoncture économique et boursière qui s'est retournée ces dernières années.

Ce qui explique en partie la fuite en avant dans des solutions à court terme au détriment d’une politique industrielle cohérente.

De par ses choix, Le groupe Fimalac subit des prélèvements financiers massifs que ses dirigeants tentent en permanence de faire supporter à ses filiales.

Ce sont:

Les charges financières, notamment en intérêts pour les banques car Fimalac s’est fortement endettée au moment du rachat de la Facom et d’autres sociétés et que la vente d’autres actifs n’a pas compensé.

les dépenses massives en « dotation pour écarts d’acquisition » pour amortir l’achat à prix d’or de la Facom au moment où les cours de la Bourse étaient au zénith, mais dont les valeurs se sont écroulées depuis.

les dividendes à verser aux actionnaires actuels.

  1. Les charges financières

Le montant des charges financières entre 2001 et 2003 a représenté 13% de la valeur ajoutée et 38% du résultat d’exploitation de Fimalac.

Bien que restant considérables par rapport à ses fonds propres, ces charges se sont fortement réduites pour Fimalac – société mère, mais elles se sont dangereusement alourdies pour Facom (voir encadré sur les charges financières).

  1. malgré les difficultés de l'entreprise Fimalac a versé d’importants dividendes à ses actionnaires : 121 Men 3 ans, soit 6 % de la VA, Des dividendes ont ainsi été versés alors que le résultat net était déficitaire en 2002 (-28 M€) et très déficitaire (326 M€) en 2003 (voir encadré sur les dividendes).
  2. les dépenses liées à l'OPA de Fimalac qui ont enrichi les anciens actionnaires de la Facom sont à la source d’importants «écarts d’acquisition ». En effet, le retournement de la Bourse comme de la conjoncture ont totalement dévalorisé ces actifs. Ce qui nécessite d’inscrire des provisions pour maintenir la valeur des actifs financiers de l’entreprise. Le coût de ces dépenses s'est élevé à 333 M€ et à 16% de la VA.

Au total, comme le montre le tableau 1 (voir page suivante), ces prélèvements uniquement financiers ont représenté, sur 3 ans, 719 M€ (34 % de la valeur ajoutée), soit 130 M€ de plus que les résultats d'exploitation du groupe avant même d'avoir financé le moindre investissement matériel. A ces dépenses il faudrait ajouter le coût du capital matériel, soit sur 3 ans 266 M€ supplémentaires.

On le voit, ce n'est pas le coût du travail qui tue les entreprises et l'emploi, mais ce sont les coûts de la finance et du capital. Comment dans ces conditions oser culpabiliser les salariés en prétendant que les coûts salariaux de l'entreprise seraient à l'origine des difficultés de l'entreprise et qu'il faudrait se résoudre à délocaliser des productions dans des pays à bas coûts salariaux?

Face à cette situation, Fimalac et Facom sont confrontés au besoin de réduire les immenses prélèvements financiers sur l’entreprise et le groupe, Pour accroître sa valeur ajoutée, Facom doit retrouver ses parts de marché et gagner de nouveaux débouchés en s’appuyant sur la recherche développement tout en améliorant l’efficacité de la production afin d’économiser également les dépenses de capital matériel.

C’est pour améliorer cette efficacité des moyens de production que les salariés, notamment les cadres de l’entreprise de Villeneuve le Roi ont élaboré un plan de reconquête pour relancer l’activité. Celui-ci vise tout à la fois à améliorer le plan de charge de l’entreprise, développer des productions sans gâcher les investissements matériels nécessaires.

Ce plan permettrait, selon ses promoteurs de réaliser une économie de l’ordre de 150 M€ par an et de préserver l’emploi existant. La direction refuse d’en discuter.

Pour obliger la direction à prendre en compte ce plan, faire toute la clarté sur la gestion et sur les décisions stratégiques de Fimalac, avec leur impact sur Facom, un moratoire sur le projet de fermeture de Villeneuve-le-Roi, sur les licenciements dans le groupe Facom et une table ronde avec tous les partenaires doivent être décidés.

Tout de suite la transparence doit être faite sur les flux financiers entre Facom, Fimalac et le Groupe Ladreit de Lacharrière afin de faire toute la transparence.

De plus, au lieu de délocaliser des productions de Villeneuve le Roi vers Taïwan contre l’emploi en France, les salariés proposent également de favoriser des coopérations entre Facom et l’entreprise taïwanaise pour répondre aux immenses besoins de développement dans le sud-est asiatique. Favorisant des transferts de technologie et de savoir faire, ainsi que des partages de coûts entre ces entreprises, celles-ci seraient bénéfiques aussi pour l’emploi en France.

De même, des solutions doivent être recherchées rapidement avec les salariés pour traiter les problèmes de distribution et de logistique.

Tout cela appelle des investissements nouveaux, l’amélioration de leur efficacité avec de la recherche développement et de la formation pour les salariés.

D’où l’exigence de nouveaux financements permettant de réduire la pression des banques et des actionnaires et réduisant les charges financières. Ces financements seraient conditionnés à la sauvegarde de l’emploi et à son développement : C’est pour répondre à de telles exigences qu’il faut d’urgence, comme l’ont demandées les Unions régionales CGT, FO, CFE CGC, UNBSA, FSU d’Ile de France (2), mettre en place un Fonds régional pour sécuriser l’emploi et la formation afin d’inciter les entreprises à créer des emplois ou sauvegarder les emplois viables menacés.

  1. Document référence 2003: page 13. site Fimalac.
  2. Voir Economie et Politique n° 590-593, septembre-décembre 2003 . p. 53..

 

 

Tableau 1. Prélèvements financiers sur la Valeur ajoutée du groupe Fimalac (Holding + filiales)

(en millions d’euros)

2001

2002

2003

Cumul 2001 -02-03

  1. Chiffre d’affaires

1 434

1 303

1 260

3997

  1. Valeur Ajoutée (VA)

  736

  680

  678

2094

  1. Masse salariale

  468

  460

  467

1395

Masse salariale/VA en %

64 %

68%

69%

66 %

  1. Excédent brut d’exploitation (EBE)

  268

  220

211

699

  1. Dotations aux amortissements et provisions

  96

  84

  88

266

Dotations amortissements et provisions/ VA en %

13 %

12 %

13 %

13%

  1. Charges financières

121

  77

  67

265

Charges financières/VA en %

16 %

11 %

10 %

13 %

  1. Dotations amortissement et provisions sur écarts d'acquis

9

57

267

333

Dotations aux amortissements et provisions pour écarts d'acquis/ VAen %.

1 %

8 %

39%

16 %

  1. Dividendes

51

35

35

121

Dividendes/VA en %

7 %

5 %

5 %

6%

  1. Prélèvements Financiers totaux = 6+7+8

181

169

369

719

Prélèvements Financiers / VA en %

 

 

 

 

= 6+7+8 /2

24%

24%

54%

34%

  1. Coûts matériels et financiers = 5+6+7+8

277

253

457

987

Coûts matériels et financiers/ VA en %

31 %

37 %

67 %

47 %

Coûts matériels et financiers /EBE en %

103 %

115 %

216 %

141 %

Quand Fimalac reporte ses charges financières

sur ses filiales: l'exemple de Facom

Les charges financières du groupe Fimalac sont de 67 M€ en 2003 (77 M€ en 2002 et 121 M€ en 2000) Elles représentent 32 % des profits bruts (35 % en 2002 et 45 % en 2001).

Mais, à l'intérieur du groupe, la répartition des charges financières s'est fortement modifiée : celles de Fimalac - société mère reculent et celles de Facom explosent.

Pour Fimalac- société mère, les charges financières sont passées de 54M€ en 2001 à 29M€ en 2003. Par contre celles de Facom sont passées de 1,8 M€ en 2001 à 5,6 M€ en 2002 et 4,8 M€ en 2003 avec un endettement financier de ce dernier multiplié par six :23 M€ en 2000, 145 M€ en 2003.

Comment cela s'est-il réalisé?

Cet endettement massif de Facom s'est, en premier lieu, réalisé auprès de Fimalac qui, joue un rôle de banque auprès de ses filiales en se chargeant selon le document de référence de 2003 « de gérer les opérations de trésorerie d'une grande partie des sociétés du groupe ».Ainsi, alors qu'en 2000, Facom comptabilisait 14 M€ de dettes et 52 M€ créances vis-à-vis du groupe et de ses associés, avec des produits financiers largement supérieurs aux charges financières (y compris celles dues aux banques), cette situation s'est inversée : en 2003, les dettes de Facom vis-à-vis du groupe et des associés s'élèvent à 78 M€ tandis que ses créances ont fondu à 17 M€.

Résultat : le ratio endettement net sur fonds propres est passé de 7,6 % en 2000 à 128 % en 2003 tandis que le ratio frais financiers sur résultat d'exploitation passe de -1,3 % à 26 %.

Pierre Blayau, délégué permanent de FIMALAC Participations,
a été mis en examen dans le cadre de ses activités d’ex-PDG

de Moulinex liquidé depuis. Les salariés peuvent-ils laisser
leur avenir entre les mains de tels décideurs?

Des précautions s’imposent

Pierre Blayau, représentant permanent de Fimalac participa­tions disposant de 271 045 actions de ce groupe et membre de son conseil d’administration est l’un des principaux décideurs de la stratégie du groupe financier propriétaire de la Facom . En place comme administrateur depuis 1996, il a été partie prenante de toutes les opérations financières de l’entreprise, notamment l’opé­ration d’achat de la Facom en 1999.

Il vient d’être mis en examen pour « abus de biens sociaux, banqueroute, présentations de faux bilans, complicité et recel », dans des opérations qui ont concerné Moulinex. Cela doit redoubler les exigences de transparence dans celles qui concernent Fimalac tant l’opacité y domine dans sa gestion ainsi qu’une certaine analogie dans la façon de faire, notamment vis-à-vis des salariés.

Comme pour la Facom, la concurrence des produits bon marché en provenance des pays d’Asie du sud-est avait déjà été invoquée pour restructurer l’entreprise Moulinex, conduisant à la suppression de 2 400 postes dès l’arrivée de Pierre Blayau en juin 1996.

De même, un des motifs d’inculpation de Pierre Blayau est la remontée de trésorerie suspecte lors de la fusion de Moulinex avec Brandt, un autre groupe d’électroménager. Opacité que l’on retrouve avec la main mise de Fimalac sur l’importante trésorerie de Facom au moment de la fusion.

De même les policiers s’interrogent à leur tour sur les conventions de trésorerie qui ont permis un prélèvement irrégulier de près de 122 millions d’euros des caisses de Brandt. Or, depuis le 1er octobre 1999, Fimalac gère la trésorerie d’une grande partie des sociétés du groupe:

– en octroyant des avances aux filiales et en recevant des avances de celles-ci ;

   – en négociant les concours bancaire;

   – en effectuant tout placement.

Enfin pour Pierre Blayau, la présence des banques dans les montages financiers serait une caution de ses actes. Mais, comme aujourd’hui pour Facom, les multiples réorganisations internes inco­hérentes engagées dans trois dernières années, l’absorption du trésor de guerre de la Facom comme, les lourdes perturbations géné­rées par la gestion actuelle, notamment le projet de plate-forme logis­tique coûteuse et finalement abandonnée, n’ont guère ému les banques qui ont cautionné.

En toute connaissance des charges qui risquaient d’être retenues contre lui, quelques jours avant sa mise en examen, P. Blayau a été reconduit, début juin, dans ses responsabilités dans le conseil d’ad­ministration de Fimalac comme délégué de Fimalac participations

Dans ces conditions, une mesure de précaution semble s’im­poser:

– une expertise sur les mouvements de fonds entre Facom, FIMALAC et le groupe Marc Ladreit de Lacharrière depuis la fusion des entreprises.

 

La Clé FACOM, c’est une clé pour l’emploi

Rémi SEMON

Délégué syndical central CGT

La Direction de FACOM, n°1 de l’outillage de garage en France, a annoncé le 14 mai 2004, la suppression de 248 salariés dans l’entreprise sur 903, la fermeture du site de Villeneuve-le-Roi (203 salariés) et l’abandon du projet d’ouverture du Centre de Distribution de Lieusaint en Seine et Marne.

Depuis les salariés de FACOM multiplient les luttent et montrent leur détermination à travers différents mouvements (préfecture du Val de Marne, rencontre avec les clients (Air France Industrie, Renault, etc., barbecue revendicatif avec Marie George BUFFET, où encore avec les salariés CGT/CFDT/CFE CGC du Val de Marne et de l’Essonne, assemblée des actionnaires FIMALAC à Paris, Conseil général du Va lde marne, Conseil Régional d’Ile de France, MEDEF, rencontre organisée par le Parti Communiste entre les salariés des entreprises menacés de délocalisation etc...).

Les salariés de FACOM avec les organisations syndicales ont travaillé à un vrai projet alternatif ayant pour but d’éviter la fermeture de l’usine de Villeneuve-le-Roi et l’abandon du site de Lieusaint (ce projet permet de développer, d’industrialiser, de pérenniser le site de V.L.R. et l’avenir des salariés du Centre de Distribution de Morangis).

Nous attendons de ces mouvements qu’une table ronde s’organise dans les plus brefs délais avec les salariés, les syndicats, la Direction FACOM, les pouvoirs publics, les élus locaux etc. afin de pouvoir développer notre projet et obtenir l’abandon du plan de restructuration de la direction FACOM.

Les échanges passés avec les entreprises concernées le 22 juin dernier à Villeneuve Saint Georges vont dans le sens d’aider les salariés à obtenir des tables rondes, des aides (exemple : pour FACOM la Région Île-de-France débloque 45000 euros pour lancer une expertise sur le projet des salariés et sur les comptes de la société) afin que les salariés qui ont des vrais projets alternatifs aux fermetures de sites soient écoutés et que des études soient lancées.

Pour ce qui est des salariés de FACOM, nous sommes déterminés car nous ne pouvons accepter la fatalité lorsque des solutions existent pour éviter les fermetures de sites, les licenciements, la casse de l’emploi et des vies de familles qui en découlent.

C’est pourquoi, nous ne lâcherons pas l’affaire et continuerons à mener notre lutte pour faire de FACOM un exemple contre les délocalisations.